L’orgue de la famille Alain



A partir de 1910, Albert Alain (1880-1971), ancien élève au Conservatoire de Paris de Guilmant, Vierne, Caussade et Lenepveu, compositeur, maître de chapelle et organiste de l’église de Maisons-Laffitte (Yvelines) de 1900 à 19245, organiste de la chapelle des Franciscaines de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), de 1903 à 1971, et de l’église paroissiale de cette ville (1924 à 1971), construisit un orgue de 40 jeux, dans sa maison de la rue de Pologne à Saint-Germain-en-Laye, qu’il ne cessa d’améliorer au fil des années. Après son décès arrivé en 1971 et une période d’incertitude, l’instrument fut donné en 1985 à Guy Bovet, fondateur en 1987 de l’Association Jehan Alain. Depuis, l’orgue de la famille Alain est installé dans les combles de la “Grange de la Dîme”, à côté de l’abbatiale romaine de Romainmôtier, au pied du Jura suisse, à une trentaine de kilomètres de Lausanne. Restauré par la Manufacture d’Orgues de Saint-Martin (Suisse), il comporte actuellement 43 jeux sur 4 claviers et pédalier, et 2395 tuyaux (voir composition sur le site de l’Association Jehan Alain : www.jehanalain.ch). C’est sur cet orgue que Jehan Alain, fils d’Albert Alain, composa toutes ses pièces d’orgue, et son frère Olivier et sa soeur Marie-Claire Alain firent leurs premières armes...


Albert Alain et son orgue, Saint-Germain-en-Laye, 1966 (photo Guy Miaille, coll. DHM) DR
On remarque à gauche de la console un portrait de Bach, et à droite une peinture de Jehan Alain.








A propos de quelques œuvres d'Albert Alain

 

« Nous avons pris grand intérêt et vif plaisir au concert donné, salle Erard, par la toujours vaillante Société chorale d'amateurs Guillot de Sainbris. […] la première audition d'une noble musique écrite par M. Albert Alain sur la célèbre poésie de V. Hugo : Oceano nox. »

(Le Ménestrel, 6 mars 1909, p. 79-80)

 

« Les chorales liturgiques :

En ce qui concerne le répertoire que M. l'abbé Clément Besse fait chanter en dehors des chants liturgiques, à ses jeunes orphelines, comme celles-ci sont très exercées, ce répertoire est d'exécution assez difficile. Mais il nous fait savoir qu'il a publié tout exprès au bureau d'édition de la Schola Cantorum, 269 rue Saint-Jacques, deux recueils pour voix égales qui sont relativement faciles d'exécution.

Le titre de ces recueils est Chants religieux, paroles de M. l'abbé Clément Besse, musique de M. Albert Alain. Comme on le voit, c'est M. Alain qui a composé pour l'usage des orphelins de M. Besse ces deux recueils, l'un et l'autre très distingués.

D'autre part, et dans le, même ordre d'idées, M. Albert Alain vient de publier Six cantiques, très faciles, chez Sénart, 20, rue du Dragon. »

(L'Univers, 22 juillet 1912, p. 3)

 

« Cantate Domino à 4 voix mixtes et orgue, par Albert Alain :

Ce motet conviendra pour une fin de salut solennel il est bien écrit et d'une belle ordonnance décorative, les interludes qui séparent les versets du psaume peuvent être exécutés par le grand orgue. Peut-être l'auteur eût-il dû écrire un prélude plus long, avant l'entrée du thème confié aux basses, pour justifier l'intervention du grand orgue dans le courant du morceau. Le texte liturgique est heureusement illustré : Cantate Domino omnis terra et benedicite nomini ejus. Afferte Domino patriae gentium honorem. Commoveatur a facie ejus universa terra. Dicite in gentibus quia regnavit etc. »

(La Tribune de Saint-Gervais, mars 1913, p. 83)

 

« Parmi les nouvelles publications de la Schola Cantorum, il faut signaler :

Un Cantate Domino à 4 voix mixtes d’Albert Alain.

Ce motet de facture élégante trouverait sa place naturelle dans un salut d’actions de grâces comme on va en célébrer pour les fêtes constantiniennes. »

(La Musique sacrée, avril 1913, p. 16)

 

« Pour le salut, après le Benedictus, chœur « a capella » de Mouton, organiste de Louis Xll et de François Ier, M. Alain nous offrit la primeur d’un Beatam composé pour la circonstance. Le jeune musicien a su, en une polyphonie colorée, faire briller les ressources de sa science unie à la plus riche inspiration, et après un motif fugué des plus intéressant clore par une triomphante péroraison. D’ailleurs, le Tu es Petrus d’Albert Alain, le Tantum ergo de M. Planchet qui y faisait suite, nous ont prouvé, une fois de plus, que le sentiment religieux profond est un agent indispensable à la composition de la musique d’église, et magnifie le génie de l’auteur. »

(Bulletin paroissial de Saint-Germain-en-Laye, 1er juillet 1914, p. 105)

 

« SOCIÉTÉ NATIONALE DES BEAUX-ARTS :

La Chorale des Franciscains de Saint-Germain-en-Laye, dont M. le chanoine Clément Besse est le savant directeur, a donné le mardi de la Pentecôte, une fort intéressante audition. […] Nous eûmes aussi le vif plaisir d'entendre deux compositions empreintes d'un grand charme et dus à M. Albert Alain, organiste de la chorale : Mystères joyeux et le Festin nouveau. Mme André Soudin y fit justement goûter une voix au timbre délicat et pur, tout à fait en harmonie avec ces morceaux aux lignes souplement infléchies. »

(Le Ménestrel, 4 juin 1920, p. 234)

 

« AMIENS. 1er mai 1927. — Récital d’orgue à Saint-Martin :

[…] :

On attendait beaucoup d’un organiste de grand talent, comme M. Albert Alain, et de la Schola Sainte-Jeanne-d'Arc, si justement réputée en notre ville. Nous pouvons affirmer sans crainte que les espérances furent plutôt dépassées. […]

Les Mystères glorieux de M. Alain furent un vrai charme. Soliste et choristes rivalisèrent dans l’expression délicatement nuancée de ces belles strophes du regretté chanoine Besse. L’Alleluia les concluait avec une retenue qui sied dans le lieu saint, tandis que le bercement des cloches, à l’orgue, ajoutait une note de pittoresque bien appropriée ; et, ce qui ne gâte rien : tonalité grégorienne.

Le Lys, de M. Alain. Pour décrire cette merveille, il faudrait une plume autrement habile que celle qui écrit ces lignes. Texte ! musique ! Quelle délicieuse poésie ! Et comme la soliste et le chœur en étaient profondément pénétrés ! Car l’exécution en fut splendidement réussie. Teintes, nuances, rendues avec un fini, une délicatesse qui firent de l’ensemble quelque chose d’angélique. Cette œuvre, particulièrement remarquable et remarquée, fait le plus grand honneur au compositeur et aux exécutants.

Le Regina cœli du même auteur est conçu dans un style clair, très expressif des divers sentiments qu’il renferme. Il ne le cède en rien aux autres œuvres. […]

Enfin le Tantum ergo de M. Alain : l’une des pièces le plus puissamment et pieusement conçues par le fécond artiste. Elle est un magnifique exemple de la traduction sonore des sentiments contenus dans le texte liturgique. L’auteur y a mis toute son âme d’artiste et de chrétien et la Schola y fit passer, elle aussi, avec sa voix souple et émue, toute sa foi et toute sa vénération pour le Christ.

M. Albert Alain est né à St-Germain-en-Laye, le 1er mars 1880. Destiné par ses parents à embrasser une tout autre carrière que celle de la musique, il dut combattre des années avant d’entrer au Conservatoire national de musique de Paris.

Après avoir obtenu un premier prix d’harmonie en 1904, il étudia le contrepoint, la fugue et la composition avec Caussade et Lenepveu, l’orgue avec Louis Vierne et Alexandre Guilmant, en compagnie de Joseph Bonnet et Marcel Dupré.

Virtuose de talent et compositeur d’un goût exquis, Albert Alain est un modeste : il travaille dans l’ombre. Mais nombreux sont ceux qui ont fait le voyage de St-Germain-en-Laye pour l’entendre sur le beau Cavaillé-Coll (de 47 jeux) de l’église paroissiale ; ou à l’orgue des Franciscaines, alternant avec la célèbre Chorale fondée par le regretté chanoine Clément Besse ; ou encore sur l'étonnant instrument qu’il s’est construit lui-même dans son salon. Ce n’est pas, en effet, sans étonnement mêlé d’admiration, que j’ai considéré ce surprenant instrument et entendu M. Alain improviser pour me montrer toute cette variété de timbres et de sonorités commandés par 25 jeux distribués sur 3 claviers manuels et un de pédales. Toutes les parties de cet instrument sont sorties des mains de M. Alain sans l’aide d’aucun ouvrier spécialiste. Commencé il y a 16 ans, cet orgue compte actuellement 1.200 tuyaux et le nombre en sera encore augmenté. Il n’est pas jusqu’au buffet, vraiment artistique, qu’un maître ébéniste ne pourrait mieux traiter.

Les succès de compositeur de M. Albert Alain se sont multipliés ces dernières années ; sa musique chorale religieuse tient maintenant le premier rang. Tobie, son récent oratorio, à peine paru, eut à la cathédrale de Versailles, l’an dernier, deux exécutions à gros succès. Cette année, il sera donné plusieurs fois encore, notamment à la salle Gaveau, le 28 mai, et, en décembre prochain, à l’église de la Madeleine, à Paris, cette dernière audition étant donnée au profit de l’église Sainte-Jeanne-d’Arc d’Amiens.

P. Poulain »

(La Musique d'Eglise, août 1927, p. 29-30)

 

« La fête de Sainte-Cécile à la cathédrale :

Albert Alain, au seul nom évocateur de pages musicales exquises, le maître A. Alain avait bien voulu donner à notre Schola une marque nouvelle de sa sympathie, en apportant à cette fête d'art sacré, la collaboration de son prestigieux talent d'organiste. […]

Si la sûreté de son mécanisme, l'impeccabilité de sa technique mettent M. A. Alain au rang des plus meilleurs virtuoses actuels de l'orgue, si, mieux encore, la pureté de son style et son exquise sensibilité font de lui un interprète sincère et éclairé, ses œuvres personnelles achèvent de révéler son âme d'artiste chrétien essentiellement délicate et profonde, qui sait chanter sa foi en des trouvailles de génie, puisées, semblerait-il, presque dans l'extase.

C'est dire avec quel intérêt nous avons écouté son Scherzo modal, dont certains rythmes et coloris rappellent parfois Ravel. Et ce Cantemus Domino, joyeux et brillant, où l'auteur a tiré un parti remarquable de la devise grégorienne de notre Schola !

C'est dire aussi combien celle-ci est heureuse et fière de s'être vu dédier l'adorable Tota pulchra es, merveille de poésie mystique qui restera, ainsi que le suave et tout intérieur Tantum ergo, parmi les œuvres les plus aimées de son répertoire ; lequel, du reste, nous le constatons avec joie, s'augmente de nouveaux chefs-d‘œuvres à chaque nouveau concert. »

(La Croix de Tarn-et-Garonne, 3 décembre 1933, p. 2)

 

Collecte : Olivier Geoffroy

(octobre 2024)

 

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