Jules Bernard
( 1928 - 2008 )



 

 

Glonville autrefois (Meurthe-et-Moselle), carte postale ancienne (DR.)

Jules Bernard est né à Glonville (Meurthe-et-Moselle) le 24 février 1928. Ses parents, Joseph Bernard et Léonie (née Georgel) étaient agriculteurs dans cette petite commune de Lorraine et six enfants naquirent de leur union (Thérèse, Jules, Maurice, François, Armelle et Lucien). Joseph Bernard assurait aussi une fonction de chantre à l'église Saint-Maurice de Glonville tandis que sa femme y était organiste. L'église avait été agrandie en 1845 et un orgue trônait en tribune depuis 1893. C'est auprès de sa mère que Jules fit ses premiers pas dans la musique, grâce à un harmonium installé dans la ferme et qui servait à l'entraînement de Léonie.

 

A Baccarat, ville située à quelques kilomètres de Glonville résidait Louis Vessière. Celui-ci était le fils de Justin Vessière, fondateur de la célèbre cristallerie. Durant l'Occupation, désireux de s'approvisionner en denrées alimentaires devenues rares en cette période de pénurie, Louis Vessière vint tenter sa chance dans la ferme Bernard et tout en faisant part de son souhait d'acheter quelques œufs, il entendit Jules répéter sur l'harmonium familial. S'apercevant des dons précoces de l'enfant, comme il était lui-même musicien amateur, il proposa de lui donner des leçons gratuites plus poussées. Jules se rendait à bicyclette chez son professeur. Après trois ans de cours, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, M. Vessière, graveur sur verre et directeur de la cristallerie, conseilla aux parents de Jules de l'envoyer au conservatoire de Nancy. Ceux-ci ne disposaient pas des moyens nécessaires et M. Vessière, apparenté aux gérants de l'établissement Martin-Musique de Nancy, trouva une place pour Jules, âgé à l'époque de 17 ou 18 ans.

 

Jules Bernard commença donc une carrière en tant qu'apprenti mécanicien et accordeur de pianos, rue des Carmes à Nancy, dans ce magasin spécialisé dans la vente de partitions, d'instruments et de disques et lieu de Résistance durant la Seconde Guerre mondiale dans la mesure où s'y fabriquaient de faux papiers d'identité (cf. L.Y., Désobéir : des policiers et des gendarmes sous l'Occupation, Nouveau Monde Editions, 2018). Son maître fut l'accordeur Jean Huguin (1911-2001), organiste de l'église Saint-Mansuy de Nancy. C'est chez Martin-Musique que Jules rencontra son épouse, Elisabeth Hugi, vendeuse de son état. Le mariage eut lieu en 1955 et l'année suivante naquit une fille, Monique, suivie par un fils, Luc en 1958. Le couple s'installa dans une maison située à proximité de l'église Sainte-Thérèse de Villers-les-Nancy.

 

Tout en exerçant son métier chez Martin-Musique, Jules poursuivait ses études au conservatoire de Nancy, dans la classe d'orgue de Louis Thirion (1879-1966) et dans la classe d'harmonie du directeur, Marcel Dautremer (1906-1978), nouvellement nommé (son prédécesseur, Alfred Bachelet était mort en 1944). Ses compagnons d'études étaient alors Pierre Cortellezzi (1926-2015), Madeleine Herveux, Maurice Vichard (1921-2000). Après un premier essai infructueux en 1947 (avec le Prélude et fugue en si mineur de Bach), Jules obtint un premier prix d'orgue en 1948.

 

Diplômes d'orgue du Conservatoire National de Musique et de Déclamation de Nancy, succursale de Paris, délivrés à Jules Bernard : 2ème accessit 1946, 2ème prix 1947, 1er prix 1948
(coll. Luc Bernard) DR.

Après la naissance de ses enfants, Jules se mit en recherche d'une situation plus rémunératrice et passa le concours d'infirmier au Centre Psychothérapique de Maréville à Laxou, dans la banlieue de Nancy, asile fondé au début du XIXème siècle (1813), mais dont les origines remontent au début du XVIIème siècle et doté d’une magnifique chapelle avec un choeur en rotonde construite dans les années 1720 en remplacement d’une ancienne chapelle dont l’édification remontait à 1602. Dans cet établissement, il fit le reste de sa carrière, jusqu’à sa retraite en 1983.

 

Jules Bernard fut nommé organiste de choeur de la cathédrale de Nancy en 1950 (orgue de Kühn, 1912, 17 jeux, 2 claviers, traction pneumatique tubulaire), mais il resta moins d’un an à ce poste. Avant cela, à partir de 1945, à la mort de Constant Pernin, titulaire du Cavaillé-Coll de cette même cathédrale, il avait assuré un intérim au grand orgue, en collaboration avec d’autres organistes nancéiens.

 

Il exerça également des fonctions d’organiste liturgique à l’église Sainte-Thérèse-de-L’Enfant-Jésus de Villers-les-Nancy (construite entre 1930 et 1934 et jamais véritablement achevée) entre 1974 et 2008.

 

Succédant à un petit orgue Roethinger puis à un « unit-major » Jacquot-Lavergne, cet instrument de trois claviers, 59 jeux à traction électro-pneumatique dont le premier titulaire fut Jean Schwartz a été construit par la manufacture Jacquot-Lavergne de Rambervillers entre 1947 et 1951, mais ne fut jamais achevé (premières octaves de la montre 16’ du grand-orgue, de la flûte 16’ et de la bombarde 32’ du pédalier non posées). En raison de travaux dans l’édifice, il fut démonté en 1966 et ne fut remonté qu’en 1974.

Jules Bernard à l'orgue de la chapelle Saint-Roch
du Centre psychothérapique de Maréville à Laxou
(coll. famille Bernard ) DR.
Vue générale du Centre psychothérapique de Maréville à Laxou (Meurthe-et-Moselle) sur laquelle on aperçoit le clocher de la chapelle
(carte postale ancienne) DR.
Buffet de l'orgue de la chapelle de Maréville
(coll. famille Bernard ) DR.
Article de presse annonçant le récital d'orgue de Jules Bernard à l'église Saint-Jacques de Lunéville
(L'Est Républicain, 22 octobre 1969/coll. famille Bernard ) DR.

 

Enfin, à partir de 1971, lorsque la partie instrumentale de l’orgue de la chapelle du Centre Psychothérapique de Maréville (Laxou) a été reconstruite par Haerpfer (2 claviers, 19 jeux, traction mécanique, quelques jeux anciens conservés), il y joua très fréquemment. Cet instrument dont le buffet remonterait à la seconde moitié du XVIIIème siècle avait connu plusieurs transformations (par Joseph Cuvillier, puis par Jean-Nicolas Jeanpierre en 1866 et par Charles Didier, facteur vosgien associé à Jacquot (Maison Jacquot-Jeanpierre et Cie), qui, en 1881 avait relevé une composition de 16 jeux sur deux claviers et pédalier auxquels il proposait d’ajouter un troisième clavier de récit expressif romantique. L’orgue avait par la suite été doté d’un ventilateur électrique (en 1927, par Jacquot de Rambervillers) et le facteur Louis Georgel l’avait démonté dans les années 1950. Il avait donc fallu attendre 1971 pour que cet instrument soit à nouveau jouable.

 

Pour son entraînement quotidien, Jules Bernard avait adapté un second clavier et un pédalier à un harmonium d’un jeu qu’il avait muni d’une soufflerie électrique bricolée à partir d’un aspirateur ménager. Parmi ses compositeurs favoris figuraient Jean-Sébastien Bach, Buxtehude, César Franck, Jean Langlais, Frescobaldi, Vierne et Dupré ainsi que quelques musiciens baroques français (Couperin, Grigny…).

 

Jules Bernard s’est produit à plusieurs reprises lors de récitals sur différents instruments (cathédrale de Nancy, église Saint-Pierre de Nancy, église Saint-Jacques de Lunéville, chapelle de Maréville…). Il donnait le plus souvent un à deux concerts par an, essentiellement afin de contribuer financièrement au remontage de l’orgue de Sainte-Thérèse, dont les éléments étaient conservés dans des dépendances de l’église. C’est d’ailleurs en vue d’y être nommé organiste qu’il avait recommencé à jouer le répertoire pour orgue, dans les années 1960.

 

Ainsi, l’Est Républicain s’est-il fait l’écho de nombreux concerts donnés par Jules Bernard, comme celui du 29 octobre 1969 à Saint-Jacques de Lunéville (œuvres de Bach exclusivement : concerto, sonate en trio, six chorals et Prélude et fugue en la mineur). Un autre concert à Saint-Jacques dans les années 1960 fut l’occasion pour J. Bernard d’être accompagné à la tribune par les organistes Albert Colotte, Jean Sénécal et Louis Vessière venus le soutenir de leur amitié (œuvres de Bach, Choral de la Deuxième Symphonie de Louis Vierne, Suite française de Jean Langlais).

 

A l’issue des travaux de remontage de l’orgue de Sainte-Thérèse, le concert d’inauguration fut donné le 14 juin 1974 par Jules Bernard et Pierre Cortellezzi qui, pour l’occasion se sont partagés les claviers dans le programme suivant :

Première partie :

Grand Dialogue de L. Marchand

Basse de trompette de F. Couperin

Duo sur les tierces de F Couperin

Deux chorals : « Pare toi chère âme » et « En toi est la joie » de J.-S. Bach

Prélude et fugue en ré majeur de J.-S. Bach

 

Deuxième partie :

Pastorale de C. Franck

Nazard (Suite française) de J. Langlais

Française (Suite française) de J. Langlais

Litanies de J. Alain

Naïades de L. Vierne

Carillon de Westminster de L. Vierne

Le jeudi de l’Ascension, 28 mai 1992, c’est à la cathédrale de Nancy que J. Bernard s’est produit (Bach, Boyvin, Litaize…).

 

Grâce à ses études d’harmonie, Jules Bernard accompagnait et improvisait avec autorité et savoir-faire mais n’a jamais souhaité laisser une trace dans l’histoire de la musique en composant des œuvres vocales ou instrumentales. Son goût ne le portait pas vers l’enseignement et il n’a donc jamais eu d’élèves.

 

Jules Bernard est mort le 8 août 2008, entouré de l’affection de ses proches.

 

Olivier Geoffroy

(mars 2020)

Informations recueillies auprès de la famille de Jules Bernard à qui nous adressons nos remerciements


 

à l'orgue de l'église Saint-Maurice à Glonville
(coll. famille Bernard) DR.
à l'orgue de la chapelle Saint-Roch du Centre psychothérapique de Maréville à Laxou
(coll. famille Bernard) DR.

*

 

Compositions des orgues joués par Jules Bernard

 

Orgue de l'église Saint-Maurice de Glonville (Jacquot-Jeanpierre, 1893) :

 

- Grand-orgue (56 notes) : Bourdon 16', montre 8', bourdon 8', salicional 8', prestant 4', trompette 8', clairon 4'.

- Récit expressif (44 notes) : Flûte harmonique 8', gambe 8', voix céleste 8', flûte octaviante 4', basson-hautbois 8'.

- Pédale (27 notes) : Soubasse 16', flûte 8', violoncelle 8'.

- Acc. II/I, tir. I, appel anches.

 

Orgue de la chapelle Saint-Roch du Centre Psychothérapique de Maréville (Laxou) :

 

Composition Haerpfer (1971) :

- Grand-orgue (56 notes) : Montre 8', bourdon 8', prestant 4', doublette 2', cornet V rgs, fourniture IV rgs, cromorne 8'.

- Récit expressif (56 notes) : Petit Principal 8', bourdon 8', voix céleste 8', flûte à cheminée 4', nazard 2 2/3', quarte 2', tierce 1 3/5', trompette 8', clairon 4'.

- Pédale (30 notes) : Soubasse 16, bourdon 8', flûte 4'.

- Acc. II/I, tir. I et II.

 

Ancienne composition (Jacquot-Jeanpierre et Cie, 1881) :

- Grand-orgue : Bourdon 16', montre 8', flûte harmonique 8', prestant 4', flûte 4', salicional 4', doublette 2', fourniture, trompette 8', clairon-bombarde 4-16'.

- Positif : Bourdon 8', flûte 8', violoncelle 8', montre 4', basson-hautbois 8', clarinette 8'.

- Récit expressif (37 notes) : Bourdon 8', gambe 8', voix céleste 8', flûte octaviante 4', hautbois 8' (emprunt positif).

(Source : Christian Lutz, Inventaire des orgues de Lorraine, Meurthe-et-Moselle), Metz, ASSECARM, 1990, p. 177-179).

 

Orgue de choeur de la cathédrale de Nancy :

 

- Grand-orgue (56 notes) : Bourdon 16', montre 8', bourdon 8', flûte harmonique 8', salicional 8', prestant 4'.

- Récit expressif (56 notes) : Cor de nuit 8', flûte traversière 8', gambe 8', voix céleste 8', flûte octaviante 4', trompette 8', basson-hautbois 8'.

- Pédale (32 notes) : Soubasse 16', flûte 8', bourdon 8', violoncelle 8'.

- Tir. I et II, acc. II/I en 16, 8, 4, II en 4, crescendo, appel anches II, tacet général, piano pédale automatique, 1 combinaison libre, 4 combinaisons fixes, trémolo II.

 

Orgue de l'église Sainte-Thérèse-de-L'Enfant-Jésus de Villers-les-Nancy :

 

- Grand-orgue (61 notes) : Montre 16', bourdon 16', montre 8', bourdon 8', flûte harmonique 8', salicional 8', prestant 4', flûte traversière 4', quinte 2 2/3', doublette 2', cornet V rgs, plein-jeu IV rgs, bombarde 16', trompette 8', clairon 4'.

- Positif expressif (61 notes) : Dulciane 16', principal 8', bourdon à cheminée 8', quintaton 8', flûte creuse 8', salicional 8', unda-maris 8', flûte douce 4', dulciane 4', quinte conique 2 2/3', flageolet 2', tierce 1 3/5', larigot 1 1/3', carillon III rgs, trompette harmonique 8', clarinette 8', cromorne 8', voix humaine 8'.

- Récit expressif (61 notes) : Quintaton 16', diapason 8', cor de nuit 8', flûte traversière 8', viole de gambe 8', voix céleste 8', flûte octaviante 4', nazard 2 2/3', octavin 2', tierce 1 3/5', plein-jeu V rgs, basson 16', trompette 8', basson-hautbois 8', clairon 4'.

- Pédale (32 notes) : Soubasse 32', grosse flûte 16', soubasse 16', flûte 8', bourdon 8', violoncelle 8', flûte 4', bombarde 32', bombarde 16', trompette 8', clairon 4'. 

- Tous accouplements en 16, 8, 4, tirasses en 8 et 4, trémolo III, divers appels, crescendo.


 L'harmonium de travail de Jules Bernard. De marque Richard, il a été ingénieusement bricolé par son propriétaire : ajout d'un second clavier, ajout d'un pédalier en tirasse sur le clavier supérieur avec une mécanique conçue avec du fil chirurgical, installation derrière l'instrument d'une soufflerie électrique provenant d'un aspirateur ménager.
(coll. famille Bernard) DR.


 Le piano de travail Schimmel de Jules Bernard.
(coll. famille Bernard) DR.
 

Relancer la page d'accueil du site MUSICA ET MEMORIA

Droits de reproduction et de diffusion réservés
© MUSICA ET MEMORIA

Web Analytics