Adrienne Clostre


 

Adrienne Clostre vers 1990
(photo M. Mounier) DR.

 

Née à Thomery, près de Fontainebleau en 1921[1], Adrienne est, très jeune, touchée par la voix de son père qui chantait le soir, (il était chimiste) chez lui des airs du répertoire. Mais les impressions les plus marquantes viennent de l’opéra. La révélation décisive c’est Boris. « Celui qui m’a donné cette passion pour le théâtre en musique c’est Moussorgsky ».

 

Quand s’affirment ses dons musicaux et qu’elle entre au Conservatoire, déjà titulaire d’un baccalauréat philo, c’est dans l’espoir d’interpréter les héroïnes wagnériennes. Trop peu de voix mais elle est admise dans la classe d’Yves Nat chez qui elle obtient un second prix de piano en 1947. Elle travaille aussi l’harmonie chez Jean Gallon – enseignement rigide s’il en est –, le contrepoint et la fugue chez Noël Gallon (2ème médaille de contrepoint), puis la composition dans la classe de Henri Büsser (et ses successeurs en 1948 Darius Milhaud et Jean Rivier), et celle de Messiaen (étude analytique de l’écriture), qu’elle vénère. Sérieuse dans ses études, elle se dit portée vers une écriture très lyrique : « J’écrivais facilement mais à la Gounod », orientation dont elle s’évadera bientôt, suivant le conseil de Jean Gallon dont elle cite souvent la remarque imagée : « Trop passéiste…Donnez un coup de barre à gauche ». Il l’énerve et elle dit alors avoir ajouté des fausses notes et des quintes augmentées !!!

 

Adrienne Clostre en 1949
(photo J. Simide, Paris) DR.

Elle obtient le Prix de Rome en 1949[2] et Jean Gallon vient la féliciter, chapeau melon et canne à la main, il lui dit : « Vous aimiez Berlioz, vous aviez raison et vous avez donné le bon coup de barre à gauche » ![3]

 

Robert Biset[4] l’obtient la même année en architecture. Ils se marient en 1951[5] et auront deux filles (Sophie et Sabine).

 

Darius Milhaud avait dit à Adrienne : « Vous devez écrire pour le théâtre ». Ce conseil répond à son plus profond désir. Il avait remarqué sa prolixité imaginative que prouve la palette protéiforme des héros qu’elle installe sur la scène. Ce sont des philosophes (Nietzsche, Kierkegaard), poètes (Baudelaire), peintres (David), révolutionnaire (Lénine), ou alpinistes…révélés dans leur grandeur et aussi leur faiblesse.

 

Elle gère tout l’ensemble de ce qu’elle confie à la scène : « Dès l’élaboration du livret et jusqu’à la barre de musique finale de la partition je vois le spectacle se dérouler. »[6]

 

« Spectacle » oui…elle cherche elle-même à les qualifier : « Impossible de dire « opéra », c’est trop XIXème, « théâtre musical », trop daté mais elle veut en affirmer la cohérence. Elle explique ce besoin de « gérer » l’ensemble : surtout l’élaboration totale du texte et de la musique et le choix des interprètes. Semblable exigence régit la recherche minutieuse de toute la documentation sur chaque sujet : correspondance, journaux, textes littéraires, critiques… Pour Nietzsche : « J’ai commencé par lire toute l’œuvre de Nietzsche. Ensuite j’ai extrait d’ouvrages importants un certain nombre de citations que j’ai assemblées selon mes intentions dramatiques. Elles appartiennent à la correspondance, aux poèmes, aux écrits : au Crépuscule des Idoles, à Ecce Homo, au Gai Savoir, à Au-delà du Bien et du Mal et à Ainsi parlait Zarathoustra.

 

Principaux ouvrages destinés à la scène[7] :

Le Chant du cygne, opéra de chambre (2 voix et ensemble instrumental), livret tiré de la nouvelle de Tchekov, 1961 (Billaudot), créé en juillet 1964 au Grand auditorium de la R.T.F. sous la direction de Pierre-Michel Le Conte, avec Marcel Vigneron (Vassili) et Joseph Peyron (Nikita)[8]

Julien l’Apostat, drame lyrique 1971 (Billaudot) d’après Ibsen (Empereur et Galiléen)[9]

Nietzsche, action lyrique 1975 en un prologue et 12 séquences (Choudens)

Cinq scènes de la vie italienne 1980 (id.)

Le Secret, spectacle musical 1982 ou lecture musicale du journal de Kierkegaard (id.)

Dans la nuit, le poète, cantate scénique 1985 (à propos d’Hölderlin) (id)

L’Albatros, action dramatique 1987 (à propos de Baudelaire) inédit

Annapurna action musicale, d’après Annapurna premier 8000 de Maurice Herzog, commande d’état reçue en 1988 (id.), créée au Théâtre de Tours en présence d’Herzog (mains gantées par pudeur).

Camille Claudel, sculpteur, mélodrame 1997 (id.)

 

Son catalogue[10] comprend aussi des œuvres instrumentales, parmi lesquelles :

Concerto pour hautbois, 1970 (Editions Musicales Transatlantiques)

Concert pour le souper d’Elrond, pour octuor harpe celtique, violon, alto, quintette de cuivres (1975)

Feu d’artifice pour le 111éme anniversaire de Bilbo pour piano, 1976 (Choudens)

Variations italiennes pour piano 1980 qui traduisent son amour pour ce pays

La Reine de Saba, fresque musicale pour orgue et trois percussions 1990 (Choudens)

Wawes pour piano 1990 (inédit)

Garbo, la solitaire pour violoncelle et voix amplifiée, 1992 (Choudens)

 

Dans les mondes fictifs forgés par Adrienne pour la scène s’entremêlent l’inconscient des héros, révélé par des doubles (par ex. le Dandy dans l’Albatros) et le « ressenti autour » d’eux par des commentateurs, souvent distanciés par l’ironie (la Femme aux proverbes dans la même œuvre).

 

Ils prennent vie grâce à une prodigieuse osmose du vocal, du parler, du penser dans un paysage sonore qui illustre, impose sa lumière, projette des émois. La compositrice apporte un méticuleux soin à adapter l’ensemble (mots, musique, gestique, couleurs…) à la psychologie des personnages et aux situations, usant soit du chant, soit du recitativo secco, soit du « parlé/modulé rythmique ».

 

Au fil des réalisations théâtrales elle poursuit son ambition de construire une grande vision de l’humanité en marche, humanité qui doit emplir l’espace entre le « ne plus » et le « pas encore ».

 

Cette œuvre, puissante et haletante n’est pas vraiment à l’image de sa personnalité. Même si la première approche de cette femme déterminée et énergique ainsi que son large graphisme assuré le laissent entendre, la personnalité d’Adrienne apparaît plus complexe. Là réside sa richesse : la femme souriante, gaie, avenante à la voix douce, fraîche, n’est pas celle que projettent ses partitions. Son amabilité, son élégance sobre se reflète peu dans les linéarités ou les agrégations compliquées de son style. Son attitude réservée masque son ambition artistique de réaliser une Tétralogie !

 

Le couple possédait en Ardèche, à Serrières, une maison calme et verdoyante où ils aimaient, l’un et l’autre, passer les « vacances ». C’est là qu’Adrienne est décédée le 5 août 2006. Robert est mort à Paris quelques semaines plus tard.

 

Adrienne Clostre a obtenu le Grand Prix musical de la Ville de Paris (1954), le Prix Florence Gould (1976), le Grand Prix de la SACEM (1982) et le Prix de la SACD en 1987.

 

Pour clore ce bref survol biographique, ajoutons que passionnée d’archéologie elle possédait une importante collection de vases antiques.

Pierrette Germain-David

Denis Havard de la Montagne

(janvier 2024)



[1] Précisément le 9 octobre, fille de Claudius-Eugène Clostre (1890-1974), ingénieur chimiste, et de Marcelle Reynaud (1897-1978). [Note de la rédaction de Musimem, ainsi que toutes les suivantes]

[2] Avec la cantate La Résurrection de Lazare pour orchestre et 3 solistes, texte d’Alphonse Bourgoin. Georges Delerue remporte le 1er second grand prix et Pierre Villette le 2ème second grand prix.

[3] Cette même année, le 21 octobre, elle est admise à la SACEM sous les auspices d’Henri Büsser et Jean Rivier. A cette époque, elle est déjà l’auteur de plusieurs œuvres : Symphonie pour orchestre à cordes (3 mouvements), Rapsodie pour piano, Polyxena (scène lyrique pour chant et piano), 4 mélodies : Que dites-vous ? Que faites-vous ? (P. de Ronsard) chant, piano, violon, Ballade du poète pauvre (Loys Labèque) chant, piano, violon, Tout doux, tout doux (Loys Labèque) chant, piano, Bourrée (Adrienne Clostre) chant, piano ; et 3 motets sur des textes liturgiques : O vos omnes (6 voix et piano), Florete flores (7 voix de femmes et 2 pianos), Exurge, quare obdormis, Domine ? (6 voix et piano).

[4] Né le 18 janvier 1924 à Paris, décédé le 22 août 2006 à Serrières (Ardèche), ancien élève de Georges Gromort et Louis Arretche à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Il obtient en 1949 le grand prix de Rome d’architecture avec pour sujet « Le Collège de France » et effectue le traditionnel séjour à la Villa Médicis en même temps qu’Adrienne Clostre (janvier 1950 à avril 1953). Architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux, architecte-urbaniste des villes d’Hyères, Saint-Tropez et Draguignan, professeur à l’Ecole spéciale d’architecture, on lui doit, entre autres importantes réalisations, celle de la ville nouvelle de Médéa (Algérie) en collaboration avec Lucien David.

[5] Mariage célébré le 27 août au Consulat de France à Rome.

[6] « Trouvant l’essentiel de ses impulsions créatrices dans des impressions extra-musicales, visuelles, ou, plus fréquemment, littéraires, elle fait tout naturellement du théâtre lyrique son domaine d’élection. Avec ses œuvres lyriques, elle recherche de nouvelles formes pour le spectacle musical et renouvelle celui-ci dans ses apparences, comme dans son contenu. Adapté souplement à des lieux scéniques plus diversifiés, il dépasse surtout la narration pour être un « théâtre de l’âme », transcendant l’action dramatique afin d’offrir une transfiguration musicale de la quête intérieure, métaphysique, des héros choisis par le compositeur… » Alain Melchior, d’après les précisions communiquées par la compositrice, in Les compositeurs et leurs œuvres aux XIX et XXe siècles., 2002.

Signature autographe, 1952 (DR.)

[7] Notons aussi Raïssa ou la sorcière d’après Tchékhov, drame lyrique pour soli et orchestre, écrit en 1952 lors de son séjour à Rome, joué à la radio et admis à l’Opéra-Comique, qui lui valut le Grand Prix musical de la Ville de Paris (Billaudot) ; et les Fioretti di San Francisco d’Assisi, cantate de chambre (6 voix et ensemble instrumental), composée également à Rome en 1953, 1ère audition en 1955 (inédit).

[8] « Ce qu’un tel sujet peut laisser à la musique, on le devine. Mais il fallait pour en user à plein effet un musicien authentique : ce qu’est bien Adrienne Clostre. Elle a la sensibilité et la puissance, elle a l’originalité du meilleur aloi qui s’affirme dans la jeunesse de la ligne mélodique et la qualité d’une orchestration dans laquelle la batterie joue un rôle essentiel, sans que soient négligées cependant, ici et là, de discrètes effusions traduites par les cordes ou es bois… » in Le Monde, 5 juillet 1964.

[9] « Si elle ne s’était pas levée pour accueillir l’ovation du public, jamais on n’aurait pu croire que l’auteur de cet opéra barbare était cette jeune femme blonde, menue, souriante et timide. […] chœurs ou solistes, ils chantent la même musique, qui n’est pas à proprement parler mélodisée, mais à mi-chemin du melos et de la parole. Outre le parlando véritable, Adrienne Clostre fait surtout usage du sprechgesang, récitatif qui est entre le chant et le discours articulé… » Bernard Gavoty (Clarendon) in Le Figaro, 6 mars 1972.

[10] Au sein de son catalogue, on trouve également une œuvre de liturgie latine : Messe du Christ-Roi, pour choeur de femmes, 5 cuivres et orgue, 1985 (Choudens).



Adrienne Clostre ou la force d’un destin musical

 

Conférence donnée par Pierrette Germain-David dans le cadre de la Journée consacrée à la reconnaissance du talent féminin, le 8 mars 2007, en hommage à Adrienne Clostre décédée le 5 août 2006.

 

 

Adrienne Clostre vers 1980
(coll. P. Germain-David) DR.

Nous sommes plusieurs ici à avoir connu Adrienne Clostre en tant qu’amie et en tant que musicienne. Sa disparition nous a bouleversés et le vide affectif devient de plus en plus sensible… Le monde artistique devrait, quant à lui, ressentir de plus en plus le vide créatif qu’elle laisse, si étonnante paraît l’originalité de sa personnalité.

 

Les qualités humaines de la femme se retrouvent d’ailleurs chez la compositrice. D’abord, peut-être, celle que les siens et ses amis ont appréciée tant de fois : la générosité de l’accueil, de l’écoute – à Paris ou dans l’Ardèche, les portes vite ouvertes ; les réponses aussi, attentives (même téléphoniques), les longs échanges…Générosité, oui, et appétit/gourmandise de l’autre. La prolixité des propos, l’abondance des commentaires, les questionnements sur les goûts, les désirs…L’amitié joue un rôle essentiel dans sa vie. « Je me réveille en pensant à mes amis » me confia-t-elle un jour où je l’interrogeais sur les préoccupations d’une femme, mère et compositrice…ne pas y voir un refoulement des siens, au contraire…On sait que, lorsque ses filles étaient enfants, elle se levait à l’aube pour écrire, afin de leur être disponible au moment du réveil et on sait quel attachement profond elle portait à toute sa tendre maisonnée…Non, ses amis sont la source de réflexions qui nourrissent son monde intérieur. Ils appartiennent à des milieux multiples mais celui des arts, bien sûr, y est surtout représenté et ce depuis le temps de la Villa Médicis où elle rencontra l’architecte Robert Biset devenu son époux.

 

Elle aime satisfaire cette soif curieuse des gens : elle s’étonne ou s’émerveille de les voir vivre. A Serrières- sa propriété ardéchoise-, elle aime le marché et porte un respect attentionné à ceux qu’elle approche.

 

Dans un de ses carnets de notes, journaliers, voici une observation : un jour, elle rencontre un bûcheron avec qui elle converse…Il est amputé d’une jambe, et note avec émotion sa réflexion : « Vous voyez, le travail, c’est pas toujours la santé ! »

 

Ailleurs la trace de l’enthousiasme qui l’anime : « Entendu Marilyn Horne, fantastique, un être de feu qui semble exalter, éclater de joie, je suis éblouie, subjuguée !!! ». Juge-t-elle les artistes qu’elle connaît ? Ouvertement avec une grande modération et beaucoup de respect (les notes révèlent toutefois quelques secrètes mais véhémentes réactions !). Ses interventions lors de colloques, notamment sur les tensions esthétiques du milieu du siècle trahissent un souci de compréhension autant que de mesure et d’apaisement. Aux interprètes élus par elle, elle dédie des pages spécifiques, soucieuse de mettre leur talent en valeur. Sa musique de chambre reflète ainsi autant son intérêt pour les êtres qui la révèleront que pour l’instrument qu’ils servent…On pourrait ajouter et pour l’histoire qui est évoquée.

 

Car toute l’œuvre d’Adrienne Clostre - purement instrumentale ou destinée au théâtre - est fruit de sa passion pour les récits légendaires, historiques, bibliques ou mythiques.

 

Oeuvre profuse, riche - comme elle-même - de son approche humaniste du monde… Palette protéiforme de héros, héros qu’elle regarde dans ses lectures avec la même avidité gourmande  qu’elle met à observer les gens : ce sont des philosophes (Nietzsche, Kierkegaard), poètes (Baudelaire), peintres (David), ou révolutionnaires (Lénine), ou alpinistes…révélés dans leur grandeur et aussi leur faiblesse au travers de sa production abondante offerte à la scène surtout, mais d’autres (Garbo ou Galmich !) le sont au concert et d’autres aussi à l’église.

 

Darius Milhaud, alors son professeur, avait dit à Adrienne : « Vous devez écrire pour le théâtre ». Savait-il que, tout enfant, elle improvisait des aventures au piano et demandait à son professeur de noter ses illustrations de galop de chevaux ? Quand elle a su écrire son large graphisme a témoigné de l’ampleur de ses visions, et de l’assurance de son projet. 

Milhaud avait surtout remarqué sa prolixité imaginative, vertu cardinale du créateur. Dans les mondes fictifs forgés par Adrienne pour la scène s’entremêlent les vécus humains de personnages réels appréhendés aux travers de leurs journaux ou d’après leur correspondance, leur inconscient est révélé par des doubles et le « ressenti autour » d’eux par des commentateurs…

 

Ils prennent vie grâce à une prodigieuse osmose du vocal, du parler, du penser dans un paysage sonore qui illustre, interprète, impose sa lumière, projette des émois. Adrienne sculpte, concevant parfois tout simultanément, l’ensemble de ses spectacles d’une étonnante originalité. « Spectacle » oui…elle cherche elle même à les qualifier : « Impossible de dire « opéra », c’est trop XIXème, « théâtre musical », trop daté mais elle veut en affirmer la cohérence. « Dès l’élaboration du livret et jusqu’à la barre de musique finale de la partition je vois le spectacle se dérouler devant mes yeux. Il impose sa nécessité. »

 

Prenons l’exemple de L’Albatros (1987). C’est une « Action dramatique en musique sur un montage de textes (extraits de l’œuvre et de la correspondance de Baudelaire) pour laquelle elle souligne : « Les acteurs parlent, les chanteurs chantent mais la musique est le ciment qui joint ses éléments disparates ». « Suite de flashes » dit-elle aussi sur la vie de Baudelaire. En 9 séquences, approches incisives d’une personnalité complexe, transpositions originales, ironiques ou magiques pour l’enchaînement desquelles elle prévoit un ingénieux « dispositif scénique ». De ces transpositions une illustration poignante est donnée par la scène du « Cirque » où apparaissent « Les Albatros » fouettés par un M. Loyal qui fait sortir d’une cage Pouchkine, Baudelaire, Manet, Wagner…

 

Pluralité des séquences, des espaces scéniques et concomitance des genres : le drame, la parodie, la poésie…Quand les mots deviennent insuffisants (Scène d’amour avec Jeanne) « tout est dit par la musique » Très caractéristique du travail d’approfondissement des personnages, le traitement de doubles par lequel se sépare l’apparence de la conscience, l’avoué du caché, l’extérieur de l’intérieur. Ainsi se présentent Baudelaire et le Dandy observés par « La Femme aux proverbes » voix de la « sagesse » populaire.

 

Nietzsche (1975) est une « action musicale » en un prologue et 12 séquences. Adrienne la considérait comme très représentative de son travail. Elle est élaborée comme une passion mais « passion de l’antéchrist », dit-elle. Le ténor - double de Nietzsche- représente l’évangéliste mais aussi Zarathoustra, Socrate (avec un masque), le Fou, Paul Rée, Wagner…d’autres personnages, les enfants, la Femme sont aussi d’autres facettes de Nietzsche en quête de vérité. Phrase décisive : « Je ne veux croire qu’à un Dieu qui saurait danser » … « il faut tuer l’esprit de pesanteur » La multiplicité des figures environnantes, comme celles des instantanés qui fixent l’action concourent au « transfert du côté polémique de la vie intérieure » « La variété de ses états psychologiques constitue une veine inépuisable ».

 

Une telle opulence imaginative a exigé d’Adrienne une grande rigueur mentale et elle s’est toujours montrée d’une grande exigence envers elle-même et donc envers son œuvre. Envers elle, ce fut d’abord la volonté de ses parents. Ils l’ont aidée dans ce sens par une formation stricte, morale et religieuse. Son éducation générale s’est enrichie de la vie poétique révélée par sa mère et de la passion pour l’Histoire qu’entretenait son père. De lui est certainement née son admiration pour les grands esprits et les grandes actions qu’ils impulsent. Il profitait de toutes les situations pour l’initier aux évènements marquants. Ainsi se souvient-elle que pour apprendre à écrire elle a copié l’arrivée des Aryens dans le Penjab en 1600 avant J.C. Il choisit avec soin des lectures qui la marquent, Crime et Châtiments ou Empereur et Galiléen d’Ibsen qui la laisse dans un tel sentiment d’exaltation qu’elle entreprendra son premier « drame lyrique » Julien l’Apostat d’après cet ouvrage sur un livret commencé par son père et achevé  par elle-même.  C’est à propos de cet ouvrage qu’elle m’a cité pour la première fois la phrase d’Heidegger qui l’interpelle durant toute sa vie : « C’EST LE TEMPS DE LA DETRESSE CAR IL SOUFFRE D’UN DOUBLE MANQUE…NE PLUS … ET PAS ENCORE ».

 

C’est son père aussi qui lui inspira Le Secret, « Lecture musicale » du journal du philosophe danois, en prononçant au moment de mourir le nom de Kierkegaard.

 

Sa culture s’enrichit du bonheur de fréquenter aussi le théâtre : Elle découvre Molière à cinq ans par une représentation de L’Avare. En me le racontant avec enthousiasme elle revoyait l’incarnat du velours et le frou/frou des manchettes des costumes. Elle évoquait aussi alors ses propres scénarios : la joie de se déguiser et le diable qui la poursuivait : « Non, fuis, va-t-en… » lançait-elle, toutes fenêtres ouvertes !

 

Mais les impressions les plus marquantes viennent de l’opéra. La révélation décisive c’est Boris. « Celui qui m’a donné cette passion pour le théâtre en musique c’est Moussorgsky et j’en subis encore l’influence (nous étions en 2005) ne serait-ce que dans Lénine ou la Récréation qui est mon Boris à moi ! »

 

C’est par la voix que commence son éducation musicale…son père chantait, le soir, (il était chimiste) des airs du répertoire et elle-même entre au Conservatoire dans l’espoir d’interpréter les héroïnes wagnériennes. Trop peu de voix mais elle est admise chez Yves Nat. Elle obtiendra un Prix de piano.  Elle travaille aussi l’Harmonie chez Jean Gallon – enseignement rigide s’il en est- puis la Composition avec Milhaud/Rivier (architecture d’ensemble) et Messiaen (étude analytique de l’écriture), qu’elle vénérait. Sérieuse dans ses études, elle se dit portée vers une écriture très lyrique : « J’écrivais facilement mais à la Gounod », orientation dont elle s’évadera bientôt, suivant le conseil de Jean Gallon dont elle cite souvent la remarque imagée : « Trop passéïte… Donnez un coup de barre à gauche ». Il l’avait énervée, « lui qui ne vivait que pour le classique et voyait en Berlioz que j’adorais, un mauvais exemple ! ». Elle rentre chez elle décidée à ajouter des fausses notes et des quintes augmentées !!! Pourtant quand elle obtint le Prix de Rome en 1949 (comme Robert en architecture), J. Gallon vint la féliciter, chapeau melon et canne à la main, et lui dit : « Vous aimiez Berlioz, vous aviez raison et vous avez donné le bon coup de barre à gauche » !

 

Pour obéissante qu’elle paraisse, Adrienne suivait une direction très personnelle mais avait acquis une maîtrise parfaite des codes de l’écriture. Dans la pluralité des courants/milieu de siècle, elle opta pour la voie dictée par une nécessité intérieure. Pourtant, signe de sa nature scrupuleuse, elle garda toute sa vie le souci de connaître et d’apprécier les autres créateurs, tant dans le domaine musical que pictural. Goût pour l’évolution de son temps mais surtout exigence d’une conscience scrupuleuse. Celle que nous connaissions quand, après une longue conversation chaleureuse autour d’une de ses œuvres, elle nous rappelait, le lendemain, manifestant des remords d’avoir trop parlé d’elle !

 

Bien sûr ses exigences de la conscience se décèlent dans toute son œuvre : elles expliquent d’abord ce besoin de « gérer » l’ensemble ; surtout l’élaboration totale du texte et de la musique et le choix des interprètes. Elle fait aussi des propositions pressantes de dispositif scénique…voire des suggestions de costumes. Une semblable exigence régit la recherche minutieuse de toute la documentation sur chaque sujet : correspondance, journaux, textes littéraires, critiques… Pour Nietzsche : « J’ai commencé par lire tout l’œuvre de N. Ensuite j’ai extrait d’ouvrages importants un certain nombre de citations que j’ai assemblées selon mes intentions dramatiques. Elles appartiennent à la correspondance, aux poèmes, au Crépuscule des Idoles, à Ecce Homo, au Gai Savoir, à Au de là du Bien et du Mal et à Ainsi parlait Zarathoustra. Méticuleux soin apporté à adapter l’ensemble (mots, musique, gestique, couleurs…) à la psychologie des personnages et aux situations. Tous les détails y concourent : le positionnement des interprètes …ou timbre de voix : « J’ai écrit le rôle de la mort pour une haute-contre… » et elle spécifie pour qui. L’ambiance sonore apporte un concours précieux : une petite trompette /image de la montagne dans Annapurna et celle pour l’âme d’Herzog dont les motifs ont une plastique mélodique, les « pseudo leit-motiv » de Terray plutôt de l’ordre des clusters.

 

Bien sûr, elle porte une attention extrême à l’écriture musicale toujours merveilleusement inventive. En témoigne un court exemple du Cortège de la Reine dans la Reine de Saba (pour orgue et percussion) dont l’analyse est frappante : sous une sorte de canon qui se déroule aux voix supérieures, la progression de la Reine est simulée par l’ajout d’un son à une cellule jouée au pédalier. La cellule se répète, chaque fois augmentée d’un nouveau son et s’agrandit ainsi jusqu’au total chromatique puis, quand la Reine se retire, le processus est inversé et la phrase se réduit peu à peu.

 

« Total chromatique » soulève une question de langage. Il a évolué effectivement depuis le « coup de barre à gauche » et selon ses propres dires « a rapidement subi l’empreinte du sérialisme et s’est transformé en sérialisme… hérétique ». Utilisation gourmande de tous les sons ! Elle aime toujours l’écriture linéaire, mélodique, compose des lieder –dans les ouvrages lyriques ils ont leur place mais aussi dans des suites tel l’ensemble sur 9 poèmes de Jorge Luis Borgès : « El Tigre de Oro y Sombra ». Les solos instrumentaux sont nombreux aussi et la pensée est surtout d’ordre contrapuntique mais le jaillissement se fait aussi en éclatements d’agrégats, de touffes sonores qui parfois même s’organisent en « chorals » de type harmonique.

 

Le goût de l’écriture canonique se ressent aussi dans le rythme. Fréquents sont les canons rythmiques et toute la vitalité rythmique a été initiée par les options ouvertes par Messiaen. Toute la pâte musicale se colore d’une instrumentation rutilante : cuivres et percussion y dominent, instruments « illustratifs » par excellence. En effet, le sens est déterminant, suscitant même dans les pièces pures toutes les intentions : « Quand j’ai écrit Permutations, quatuor pour hautbois, trompette, alto et trombone, j’ai imaginé une histoire où le hautbois était un jeune homme, l’alto une jeune fille, trompette et trombone les parents !! »

 

Les idées musicales naissent aussi beaucoup d’impressions visuelles. L’Italie –notamment- est source de ces impressions ! Rome, la Villa Médicis où elle rencontra R. Biset, fut le premier contact et laissa des souvenirs merveilleux. Italie ! on entend le Berlioz des Troyens et on entend les Lettres d’Italie lues en musique par Adrienne. Tre fioretti di San Francesco d’Assisi, Cinq scènes de la vie italienne et les Variations italiennes y ont aussi leur origine. Séjour initiatique qui marque la mémoire et nourrit la vie : voyages, contacts artistiques (Les Villes invisibles d’Italo Calvino !) et références constantes pour l’un et l’autre : les options de valeur furent souvent celles initiées par l’Italie : celle de la luminosité, des contrastes, du mouvement.

 

Son caractère la prédisposait à être en harmonie avec la fébrilité de ce pays. Adrienne possède une nature vibrante (sa musique l’est aussi). Elle évolue avec rapidité, réagit vite, aime la fantaisie, joue la comédie avec ses petits enfants (prenant souvent un plaisir plus intense qu’eux à se déguiser de multiples façons). Sur la dernière photo prise durant ce dernier été avec sa famille, elle est costumée ! Elle aime bouger, se promener à pied… (J’ai lu dans ses notes personnelles son regret nerveux de ballades pédestres annulées…)

 

Ces notes sur des dizaines de petits carnets ! Quel éclairage vivant elles donnent de cette personnalité bouillonnante ! impressions discontinues, souhaits, colères (Ah ! la post-modernité !), impulsions, projets… dans un foisonnement d’images, des images elles-mêmes animées et bruissantes : « Il faudra un tourbillon de citations, de cris, de visages » écrit-elle à propos d’une scène de l’Albatros en gestation et ailleurs « Certains vers des Fleurs du Mal viennent l’obséder comme des papillons volant autour d’une lampe allumée ». Comme l’écrit celle qui en a lu beaucoup : « Le journal intime est fait des bribes, exclamations, réflexion ! »

 

D’ailleurs au cours de rencontres fortuites que nous pouvions avoir avec Adrienne, un même patchwork verbal, fusait alternant un mot d’enfant, une citation biblique, une recette de cuisine et l’aperçu de la séquence du « procès de Baudelaire ». Ainsi les états d’âme pouvaient-ils passer d’exubérant enthousiasme à la déception voire la tristesse.

 

L’œuvre, apparaît pareillement frémissante. Très sensible à la « mobilité incessante qui anime et la nature et la vie intérieure » dans l’univers de Waves de V. Woolf, elle relève que le verbe « palpiter » y revient « comme un leit-motiv » et cet ouvrage (parallèle entre les âges de la vie et le mouvement du soleil) la touche beaucoup. Elle en déduit deux œuvres : Waves (piano) et Sun (quatuor à cordes).

 

Charles Brück qui dirigea la création de Nietzsche disait : « Tout y est en perpétuel mouvement… » Tous ses héros sont mus par des élans, des hésitations. Dans ce « théâtre de l’âme » ce sont des êtres tourmentés, déchirés, portés aux extrêmes et le relief des juxtapositions qui les présentent en accuse l’effervescence, soulignant les contradictions : Chœurs des moines tibétains et discussions des alpinistes (Annapurna), et, autre exemple émouvant : sur son pupitre, dernière page relue peut-être, L’internationale associée à un Eleïson.  La compositrice les présente dans des actions successives qui peuvent évoquer les réalisations cinématographiques. Elle parle de « montage » à propos de ses constructions, jeu de cubes installés dans la mobilité (Cf L’Albatros) et plus souvent encore de flashes. Ainsi pour Waves : « cycle de courtes séquence enchaînées, une suite de flashes qui illuminent fragmentairement chacun des héros » et pour Garbo la solitaire (pour violoncelle) : « Quelques flashes dans la nuit de son souvenir, une sorte de danse devant le miroir »

 

La danse intervient très souvent, la gestique trahit une constante fébrilité, inscrivant évolutions, déplacements réels (ou fictifs et transformations multiples des acteurs (cf le Ténor protéiforme de Nietzsche : Zarathoustra, Socrate, le Fou, l’Evangéliste, Wagner). L’investissement de tous les interprètes doit être intense et la compositrice qui les choisit les y incite ardemment. L’exemple de L’Hommage de la Reine (La Reine de Saba) est typique : l’organiste doit vivre le texte inscrit au dessus des portées qu’il lit mentalement pour « théâtraliser » le récit déclamatoire et qu’il joue simultanément respectant les accents, respirations, intentions.

 

Paroles pensées ici mais énoncées selon toutes les inflexions possibles dans le théâtre : parlées, chantées, en sprechgesang, en recitativo secco, criée et même en « parlé/modulé rythmique » pour Lénine. Les mots, le plus souvent sont affirmés dans une articulation forte qui – même fausse, volontairement fausse) frappe par son efficacité par ce qu’elle amplifie l’expression et le dramatisme (Annapurna : « Des gorges effroyables…Un immense glacier »

 

Elans et retenues, résolutions et refus transparaissent dans le jeu des doubles, facettes qui virevoltent, comme les réactions ironiques, l’humour, les collages en superposition (Marseillaise, Carmen, Wagner, Offenbach, sonnerie militaire…). L’importance de l’image du ring traduit les combats intérieurs : Nietzsche lutte ainsi contre Socrate, Baudelaire avec la mort. Elle raconte d’ailleurs : « A la fin de la guerre nous étions, mon père et moi, passionnés de matches de boxe. » Elle avait dans sa « loge », pour Rome, une photo de Cerdan et une de Wagner (– autre idole !).  « J’aimais bien la bagarre à cette époque mais mon père était l’homme le plus doux et le plus pacifique que l’on puisse rencontrer. Pourtant nous suivions passionnément à la radio…les exploits de Michel Cerdan ou des frères Famechon. Ainsi en un éclair j’ai vu Nietzsche et Socrate comme deux boxeurs combattant sur un ring ! » Il y a d’ailleurs une mise en scène ludique de semblable nature avec la partie d’échecs (entre les blancs et les rouges) dans Lénine. Cette image de combat, Adrienne la reprend à son compte : « Une véritable bagarre, une sorte de corps à corps s’établit entre le matériau musical et moi même jusqu’à ce que j’arrive à faire correspondre exactement ce que j’ai dans la tête et ce qui est sur le papier ».

 

Lutte, hésitation, tiraillement, elle écrit aussi : « Les hommes dont la vie n’est que déchirement entre Dionysos et Apollon me plaisent beaucoup et c’est une nécessité de dire mon enthousiasme en musique » et, ailleurs : « David incarne le conflit entre règle et fièvre ». Elle dit aussi partager avec Nietzsche cet écartèlement entre « l’esprit de pesanteur et l’esprit de légèreté » et remarque que son œuvre est œuvre de contradiction, il veut servir Dieu dans son adolescence et il annonce la mort de Dieu.

 

La question religieuse est certainement essentielle pour Adrienne, résolue par l’adoption d’un catholicisme qu’elle adapte à ses convictions personnelles et dont elle choisit les valeurs majeures et sa profonde spiritualité révélée par nombre d’œuvres : messes, pages d’orgue, motets (ceux-ci aussi en tant que « genre » musical dans le théâtre, ainsi que des « chorals » et des « psalmodies ».  Des doutes l’ont-ils interpellée ?  Elle se montre parfois inquiète, en quête, interrogative dans ses options : Julien l’Apostat, Le Reniement de Saint Pierre, voire Ad te Clamavi qui est un cri, appel au secours. Un mot d’une lettre à son ami Bruno Ducol (Président de l’Asso A.C) [décédé en janvier 2024], peut éclairer cette œuvre, elle y explique sa volonté d’une primauté des aigus, évoquant une petite vieille dont parle l’évangile qui pour obtenir l’attention d’un juge indifférent « criait chaque jour sous ses fenêtres de toutes ses forces de la même façon obsédante et suraiguë…Je fais pareil en m’adressant à Dieu ». Cher Adrienne, au regard limpide, qui disait aussi : « lorsque je prie ou pense à Dieu, je pense à l’oiseau, toujours inatteignable…on croit l’attraper, il s’échappe ! »

 

Dans un commentaire d’une phrase ironique (toujours dans Nietzsche) elle précise : « Pas moquerie du sacré mais expression de douleur et angoisse de perte de Foi ». Et le spectacle commence et s’achève sur le mot : « Pourquoi ?» Elle achève une conférence sur un questionnement : « J’aime bien laisser en suspens… »

 

Son œuvre aussi est restée en suspens…cette œuvre qui respire comme la vie, qui étonne, impressionne, émerveille, harcèle.

 

Alors cette œuvre, puissante et haletante est-elle vraiment construite à l’image de sa personnalité ? Une première approche le laisse entendre et pourtant Adrienne se percevait aussi différente. Là réside la richesse d’un être : la femme souriante, gaie, avenante à la voix douce, fraîche, n’est pas exactement celle que projettent ses partitions. Son élégance sobre se reflète peu dans les linéarités complexes de son style. Son attitude réservée masque son ambition artistique de réaliser une Tétralogie !!!

 

 

La tendre acceptation d’une docile soumission familiale n’inspire pas les combats de ses héroïnes féminines : Garbo, Virginia Woolf et Camille Claudel –  qu’elle voit d’ailleurs comme des « divinités » plus que des féministes. Pourtant à propos de son Camille Claudel, Scupteur, elle précise : « les deux premières séquences, L’Horloge et Labyrinthe évoquent l’angoisse d’une femme hors du commun accablée par les contraintes et l’incompréhension que fait porter sur elle une société rigide et fermée » (La troisième sur des vers de Claudel : « O Larmes ! ô cœur trop faible… »)

 

On pourrait remarquer aussi que la discrétion de son comportement « social » ne correspond pas à la reconnaissante artistique dont elle a été l’objet : nombreuses commandes officielles, émissions et retransmission (radio et télévision – Nietzsche sur TF 1 à 20h30), Prix divers : SACEM, Ville de Paris, critiques élogieuses (Clarendon, Jean Roy…).

 

Dans toutes ces contradictions réside le statut du créateur : ni tout à fait dans son œuvre, ni tout à fait en dehors.

 

Quelle image transmet l’œuvre d’Adrienne Clostre ? Dans une certaine perspective celle de la femme que nous avons approchée : généreuse, scrupuleuse et vibrante. Mais un être caché, le double, apparaît dans une autre perspective : une femme qui assume l’intransigeance des déterminations, la brutalité des tourmentes, l’affirmation d’une autorité conquérante. Enfin, la force de gérer un destin qui s’impose à elle comme une nécessité.

 

L’œuvre - qui lui survit - porte toutes ces empreintes. Chacun reste libre de les reconnaître, de les apprécier et …de les questionner.

 

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Concert-hommage 24 novembre 2019


 

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