Années 1830 : l’orgue simplifié de la maison Daublaine


Dans les années 1830, une innovation voit le jour au sein de la manufacture Daublaine : « l’orgue simplifié ». Aujourd’hui, de même que pour les orgues à cylindres, il n’en reste plus guère d’exemplaires authentiques, la plupart d’entre eux ont disparu au fil du temps, ont été transformés ou bien leur tuyauterie a été intégrée à des instruments plus importants. Voyons comment, au travers de la presse de l’époque, la « réclame » - on ne parlait guère de « publicité » - en était faite.

Ces orgues de quelques jeux et dotés de cylindres qui permettaient de faire entendre des airs religieux ou profanes et de donner davantage de solennité à la liturgie, ont connu un certain succès dans les petites églises françaises et dans les colonies, succès qui ne sera toutefois pas équivalent à celui que rencontreront à la fin du XIXe siècle et au cours du XXe siècle les polyphones Debierre, également peu encombrants, robustes et au coût accessible aux paroisses désargentées.

Dans le Bulletin colonial, supplément à La Revue du XIXe siècle, on en trouve plusieurs mentions. Ainsi, dans le numéro du 28 juin 1836, page 3 :

« Nous croyons être agréables à nos lecteurs des colonies en leur faisant connaître l’orgue simplifié de MM. Daublaine et compagnie. Cet ingénieux instrument, qui avait été remarqué à l’exposition de 1834, à cause de la simplicité de son procédé, se présente aujourd’hui avec des améliorations considérables, qui ajoutent infiniment à ses avantages. La personne la plus étrangère à la science musicale peut le toucher aussi bien que l’organiste le plus instruit. […] Le prix de ces orgues varie suivant le nombre de jeux dont elles se composent. Tous les jeux sont en étain et les meubles en chêne. Les proportions du meuble sont dépendantes de la quantité et de la taille des jeux.

Déjà un grand nombre d’églises de France possèdent l’orgue simplifié, qui serait parfaitement convenable pour les églises des colonies. Il en a même été expédié plusieurs sur commande pour New-York et pour le Canada. »

Le modèle de base comportait les jeux de bourdon 8’ et de prestant 4’ auxquels on pouvait ajouter notamment une doublette 2’ et un clairon 4’ selon le prix que l’on était prêt à mettre.

Le Bulletin colonial du 26 juillet 1836 indiquait tous les bienfaits que comportait cet orgue simplifié (p. 3) :

« Nous donnons aujourd’hui l’annonce de l’orgue simplifié, dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs. Contribuer à la majesté des cérémonies religieuses et satisfaire à la nécessité reconnue par tous les esprits conservateurs de donner à la religion une influence convenable, tels sont les résultats qui recommandent cet ingénieux instrument. »

Le même numéro donnait en page 4 davantage de précisions sur la facture de l’instrument :

« MM. Daublaine et compagnie, possesseurs de l’ancien mécanisme d’orgue inventé par l’abbé Cabias, viennent d’obtenir un nouveau brevet d’invention pour les perfectionnements qu’ils ont apportés à cet ingénieux mécanisme. […] Aujourd’hui, les dix-huit touches ont été portées à quarante-six. Chacune d’elles exprimant un accord majeur ou mineur, tous les morceaux d’église peuvent être joués, n’importe dans quel ton ils se trouvent écrits ; et cependant la manière d’exécuter n’en est pas changée, puisque l’organiste instruit et la personne la plus étrangère à la science musicale, peuvent également toucher ces orgues nouvelles. […]

Plusieurs personnes qui n’ont pas entendu les orgues simplifiées les confondent par erreur avec celles dites à cylindre. Les orgues simplifiées, sous le rapport de leur confection, sont en tout point pareilles aux orgues ordinaires d’église. Seulement elles en diffèrent en ce qu’elles ont un double clavier, l’un pour l’organiste et les musiciens, et l’autre pour ceux à qui la musique est tout à fait étrangère, et qui connaissent seulement les chiffres. »

Quel était ce système de l’abbé Cabias ? Hamel en a fait une critique savoureuse et sans concessions dans son ouvrage Nouveau Manuel complet du facteur d’orgue (Paris, Roret, 1849), p. LXVII-LXVIII :

« On ne conçoit pas que l’on vienne proposer un système comme celui que l’abbé Cabias imagina, je crois, vers 1825, et comment il se trouve des personnes assez courageuses ou assez ignorantes pour se faire les apologistes d’une telle invention, digne en tout point des siècles de barbarie. Comme les aberrations de l’esprit doivent aussi trouver place dans l’histoire de l’art auquel elles ont trait, nous sommes obligés de parler du système Cabias […] Boîte contenant le mécanisme : rangée de vingt-trois touches rouges pour les accords mineurs ; rangée de vingt-trois touches noires pour les accords majeurs. Par une combinaison du mécanisme, une seule de ces touches, en appuyant sur le bras de l’un des rouleaux posés horizontalement dans la boîte fait baisser, suivant l’exigence de l’accord, quatre ou cinq pilotes du mécanisme qui viennent peser perpendiculairement sur autant de touches du clavier, les font parler et remplacent les doigts de l’organiste. […] Les chiffres qui sont placés sur le tableau [fixé sur des cylindres roulants] remplacent les notes du plain-chant. […] Pour plus de facilité et ne point mettre d’interruption entre chaque note, on doit jouer alternativement avec l’index de la main droite et celui de la main gauche, en les croisant ; et pour éviter les faux accords, il faut avoir soin d’appuyer sur la touche rouge ou noire, suivant la couleur du chiffre qui est en face d’elle. »

Le périodique L’Ami de la religion présentait aussi les avantages de l’orgue simplifié Daublaine (numéro de juillet-août 1837, p. 336) :

« Les orgues de la société Daublaine et Cie sont d’une utilité reconnue et d’une supériorité marquée sur celles du même genre tentées précédemment. […] Au moyen de ce mécanisme, la personne la plus étrangère à la musique peut toucher avec une harmonie riche et pleine tout le plain-chant en usage dans les églises. »

La vogue des orgues à cylindres puis à rouleaux (mécaniques ou pneumatiques tubulaires) s’est étendue jusque dans les deux premières décennies du XXe siècle (quelques exemplaires dans le catalogue du facteur Henri Didier, d’Epinal, par exemple).

Olivier Geoffroy
(février 2017)

 

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