Trois extraits de périodiques relatifs à Antoine Geoffroy-Dechaume
« Antoine Geoffroy-Dechaume, jeune musicologue français, eût le mérite de comprendre l'importance de ces conventions jusqu'alors ignorées de la plupart des musiciens et négligées des autres. Il eut tout enfant l'occasion de connaître le grand Dolmetsch (pionnier de la recherche de l'interprétation ancienne), ami de ses parents. Les fréquentes visites du Maître, l'atmosphère de découvertes et d'enthousiasme communicatifs qui l'entourait et, plus tard, ses conseils et son exemple furent pour le jeune musicien la meilleure des initiations. Par ailleurs les claviers du clavecin lui furent familiers autant que le piano dès ses premières études musicales ; peu après on lui enseigna l'orgue et, très jeune, il fut nommé organiste à N. D. de Pontoise. Ses études terminées, sous la direction de Marie-Rose Hublé, G. Tailleferre, S. Plé, J. Gallon et G. Caussade, Geoffroy-Dechaume se plongea dans la recherche musicologique ; il fut attaché notamment au groupe « Ars Musica » comme claveciniste et organiste et participa pendant des années à tous les concerts de cette société faisant là son apprentissage d'accompagnateur, au sens ancien du mot, c'est-à-dire réalisateur à vue des basses chiffrées. C'est alors qu'il étudia les ouvrages des auteurs anciens qui ont traité de l'interprétation de la musique de leur temps, notamment J.J. Quantz et K.P.E. Bach. Il y trouva des règles précises, notamment en ce qui concerne le rythme, et c'est justement vers une bonne interprétation rythmique de la musique des 17e et 18e siècles qu'actuellement Geoffroy-Dechaume dirige surtout ses efforts. […]
La Radiodiffusion française, la B.B.C. et de nombreux festivals ont utilisé les travaux musicologiques de Geoffroy-Dechaume et surtout il existe de nombreux enregistrements d'œuvres « réalisées » par ses soins : Messe de Minuit de Charpentier (direction A. Jouve), Te Deum de Lully (direction Capdevielle), Motet de Ste Suzanne de Couperin (direction E. Bour), etc... en attendant la publication de l'enregistrement réalisé à l'occasion du concert au Théâtre de la Reine.
Il va de soi que dans ces traductions de la notation ancienne, le travail du musicologue a été essentiellement de restituer la lettre de l'exécution du temps, telle que la lisaient les anciens. Mais que le musicien moderne ne fasse pas l'effort d'adaptation nécessaire, qu'il n'en comprenne pas l'esprit, et le remède peut être pis que le mal. L'interprétation de la musique ancienne demande autant d'amour que de connaissances : il faut être d'abord cet « amateur » inspiré, sachant s'identifier au créateur qu'il est en puissance. »
(La Cité, revue universitaire de Paris, n° 8, Paris, septembre 1957, p. 97)
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« L’Anthologie : Un siècle de musique de Versailles que dirige André Jouve à la tête de l’orchestre des Concerts Français et de l’ensemble vocal Jean-Paul Kreder ne va pas manquer de soulever force polémiques. Non pas du fait même des interprètes que de celui du réalisateur des partitions : M. Antoine Geoffroy-Dechaume. Il s’agissait, dit celui-ci, de restituer certaines pages les rythmes conventionnels non écrits convenant au style de chacune. Une telle traduction ne pouvant être qu’approximation, il a fallu en outre que chacun des musiciens s’astreigne à un effort considérable pour saisir certaines finesses de rythme qui sont maintenant lettre morte, ou certaines délicatesses dans les ornements dont on n’a plus d’exemple et que nulle écriture ne saurait traduire.
Il s’agit, on le voit, ni plus ni moins que de renouveler totalement un mode d’expression. Ont été soumis à ce traitement : Suite de danses de Médée de Marc-Antoine Charpentier, Symphonies pour les soupers du Roy de Delalande, des extraits d’Isis, d’Armide et d’Amadis de Lully, le Xème Concert dans les goûts réunis de François Couperin le Grand et des extraits des Indes Galantes et d’Hyppolyte et Aricie de Rameau.
Dirai-je que je ne suis pas du tout convaincu par les résultats des conjectures de M. Antoine Geoffroy-Dechaume ? Il se peut qu’il ait musicologiquement raison. Mais devant la déception éprouvée par exemple devant les Symphonies de Delalande, qui deviennent, par son traitement, de petites choses gentilles mais insignifiantes, qu’il soit permis de crier haro et d’accorder notre confiance à qui fait de la musique vivants et non à qui cherche à reconstituer le Diplodocus à partir d'un os calciné. »
(Combat, organe du mouvement de libération française, 26 juin 1958, p. 3)
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« Antoine Geoffroy-Dechaume
Entre le jeu et les silences
Récital d'orgue à Juvigny. STIL 2905 S 82.
Antoine Geoffroy-Dechaume est plus connu comme musicologue et professeur que comme organiste et claveciniste. Un principe d'interprétation lui est cher « L'expression, les accents s'obtiennent uniquement par le jeu et la variété des silences entre les sons et c'est celui-là qu'il met en œuvre dans un récital consacré à quelques maîtres français du XVIIe siècle J.N. Geoffroy & N. Gigault, J. Boyvin, N. Lebègue & G.G. Nivers, J. de Labarre & E. Richard dont André Isoir nous offrait un premier aperçu il y a dix ans François Roberday, Louis Couperin & Jean Titelouze, trois des plus grands musiciens du siècle. Ce programme, éclectique à souhait, permet à l'instrument de Juvigny (en Champagne) de déployer ses sonorités inhabituelles et à l'organiste de jouer des silences et des notes inégales pour restituer les pièces comme il les entend. La surprise passée, l'émerveillement peu à peu se fait jour devant la beauté des fugues graves, l'ampleur des préludes et surtout le 4ème verset de l'Ave Maris Stella de Titelouze, splendide de rigueur et de vie. On croirait plonger dans un bain de jouvence. Michel Corbin. »
(Etudes, Paris, octobre 1986, p. 429-430)
Collecte : Olivier Geoffroy
(décembre 2021)
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