A propos des œuvres de Maurice Jaubert


 

(photo X...) DR.

           

Après avoir écrit de nombreuses pièces pour le concert, la scène ainsi que des musiques de films, Maurice Jaubert, né le 3 janvier 1900 à Nice, est mort pour la France le 19 juin 1940 à l’hôpital de Baccarat. Malgré son décès prématuré, il avait réussi à se faire un nom comme compositeur et était l'ami de l'écrivain Jean Giono.

 

 

« M. Maurice Jaubert est le plus jeune de ces musiciens, il en est aussi le moins expérimenté : il se trouve encore à l'âge où l'on croit naïvement que les terminaisons abruptes ont un caractère audacieux. Des oeuvres que l'on exécuta de lui nous préférâmes avant tout diverses danses écrites directement pour le pleyela [sic] : nous sentions là une technique entièrement possédée, une recherche d'effets vraiment musicaux qu'aucun autre instrument ne pourrait produire (écartement hardi des parties mélodiques ; continuité des trilles, régularité des glissandos en deçà du clavier, presque à même les cordes ; déclenchements de rythmes à la façon de registres d'orgue, etc.).

(Le Ménestrel, 13 mars 1925, p. 128)

 

« La Suite française de M. Maurice Jaubert est intéressante. Composée pour un film représentant la Vie d'un fleuve, elle nous emmène à travers les paysages de France. Un paisible et large Préambule nous en ouvre l'accès ; puis vient une Pas- tourelle fort agréablement rythmée, après quoi se déroule un air aux intéressants développements. La Valse est populaire sans trivialité. Enfin une ronde terminale achève en trépidant cette composition intelligemment conçue et réalisée. L'auteur, qui en dirigea l'exécution, fût vivement applaudi. »

(Le Ménestrel, 23 mars 1934, p. 117)

 

« La Ballade de M. Maurice Jaubert est inspirée par une scène de ce roman de Marguerite Kennedy la Nymphe au cœur fidèle, qui connaît en ce moment, au théâtre et à l'écran, un succès mérité. Il s'agit de la pièce musicale que Tessa écoute des coulisses de la salle de concerts. Elle comprend deux parties, l'une franchement poétique et sentimentale, l'autre animée, écrite dans le style percutant cher aux admirateurs du Strawinsky seconde manière, introduit par de sèches répétitions de la batterie, détail imposé d'ailleurs par la romancière. Tout cela demeure peu personnel, sans grand attrait et sans envergure ; la pensée et la forme n'ont pas d'ampleur, et l'auteur n'échappe pas, en particulier dans la conclusion de la dernière partie, à la vulgarité. »

(Le Ménestrel, 15 mars 1935, p. 92)

 

« Infiniment moins brillante, infiniment plus sage et disciplinée est la manière du Petit Chaperon Rouge de M. Maurice Jaubert, sentimentale et ironique, fleurant bon les herbes du talus et les bois clairs, piquetée de tendres cocasseries et de divertissements sonores, d'un art raffiné, savant, déjà quasi complet. »

(Le Ménestrel, 20 décembre 1935, p. 389) 

 

« De M. MAURICE JAUBERT : J'ai travaillé — et je mets la dernière main — à une Jeanne d'Arc, sorte de symphonie concertante pour soprano solo et orchestre sur des textes de Charles Péguy extraits de sa Jeanne d'Arc. J'achève également quelques chansons de métiers sur des poèmes de Jean Giono parus voici pas mal de temps dans la N.R.F. Il est question, pour le mois de novembre, de la 1ère audition de 3 cantates pour soli, chœurs et orchestre (titre provisoire : Le Fils de l'Homme). Le Trio Pasquier doit donner également l'audition d'un Trio italien écrit à son intention. Enfin, il se peut qu'à la radio on entende pour la première fois un petit opéra de chambre Contrebande écrit autrefois (il y a dix ans !) sur un poème de Georges Neveux. »

(L'Art musical, 2 octobre 1936, Paris, p. 20)

 

« Le Trio de M. Maurice Jaubert est conçu sous le signe d'une facilité un peu laborieuse. Il y paraît plus de recherches d'écriture que de franchise d'inspiration. Tel qu'il est, on l'écoute avec plaisir. »

(Le Ménestrel, 30 avril 1937, p. 142)

 

« D'inspiration élevée est apparue également la Jeanne d'Arc de M. Maurice Jaubert, sorte de récitation lyrique et épique pour voix de soprano et orchestre. L'oeuvre, qui emprunte ses paroles au texte magnifique de Péguy, est divisée en trois parties : Domrémy, les Batailles, Rouen ; le cycle entier de la vie héroïque et merveilleuse. La symphonie, claire et comme translucide, laisse venir à nous tous les mots de l'insigne poème, de la naïve et sublime psalmodie. Et c'est pourtant à l'orchestre qu'est dévolue l'action proprement musicale, les principes constitutifs et les virtualités de la tragédie. Mme Marthe Bréga était la voix, en un sentiment intense. C'est un dur effort qui mérite d'être dûment reconnu. L'auteur était au pupitre pour diriger un orchestre d'une composition et d'un dosage quelque peu particuliers. »

(Le Ménestrel, 18 juin 1937, p. 187-188)

 

« Cette oeuvre offre un frappant contraste avec la Cantate pour le temps pascal de M. Maurice Jaubert pour soli, choeurs et orchestre, qu'animent jeunesse et même envolée, d'une écriture heureuse, pleine de vivacité et de mordant. On a mieux aimé les Outrages et les Sept Douleurs que l'Alleluia final, d'un caractère ibérique trop poussé. »

(Le Ménestrel, 1er avril 1938, p. 93)

 

« L'Eau Vive de Maurice Jaubert est une suite de cinq mélodies sur des poèmes de Giono, agréables et chantants, s'apparentant au folklore, serties dans un délicat accompagnement parfois pittoresque. »

(Le Ménestrel, 3 février 1939, p. 28) 

 

« UN MUSICIEN DE PÉGUY, MAURICE JAUBERT

C’est une symphonie concertante pour soprano et orchestre, inspirée par le mystère de Charles Péguy, Maurice que nous a léguée le compositeur Jaubert, tué en 1940, face à l’ennemi.

Elle a été donnée intégralement lors de la soirée commémorative du cinquantenaire des Cahiers de la Quinzaine, le 12 janvier dernier mais ; ce musicien, la France ne le connaît pas assez. A dix-neuf ans, il est le plus jeune avocat du barreau français Albert Roussel, ; mais, entraîné, comme par une vocation irrésistible, il abandonne bientôt sa carrière pour se consacrer définitivement à la musique.

Maurice Jaubert ne tarde pas à se faire les grandes un nom en composant pour œuvres du cinéma : « 14 juillet », « Drôle de drame », « Quai des Brumes », des partitions où l’art et la technique ment, se mêlent étroite et pour les pièces de Giraudoux une musique de : « La Guerre de Troie », « Tessa », scène dont la grâce expressive et l’originalité frappaient tous les connaisseurs. Cela ne l’empêche pas d’écrire, dans le même temps, des œuvres symphoniques, de la musique de chambre, des mélodies. Il semble qu’il aime à se mesurer avec les textes les plus subtils, les poètes les plus difficiles à « capter » musicalement. Il réussit à faire jaillir de Malherbe, de Toulet, de Giono, des accents inattendus, des effets harmoniques nouveaux. La Jeanne d’Arc de Péguy va le lui fournir. Comme autrefois, nous dit Henri Davenson, un Kapellmeister écrivait une cantate ou un intermède pour quelque cérémonie de cour, Maurice Jaubert grande manifestation compose la symphonie concertante de Jeanne d’Arc pour une : l’Exposition Universelle de 1937. La première audition en est donnée au mois de juin, au concert de musique française du théâtre des Champs-Elysées, sous la direction de l’auteur.

L’œuvre est accueillie avec enthousiasme. Elle apporte quelque chose de neuf, elle renouvelle la pure tradition classique de la cantate à une voix pratiquée par Monteverde et Rameau. Aux artifices et aux jeux de scènes de l’opéra, aux puissants effets de polyphonie vocale de l’oratorio, elle substitue l’invention constamment renouvelée du discours musical où toute la puissance expressive repose sur la voix. Soutenue par un orchestre utilisant volontairement le « moyen pauvre » (quelques cordes et timbres habile maintient ment disposés qui n’interviennent qu’avec discrétion), cette voix seule le chant à égale distance du récitatif et de la mélodie. Ainsi apparaît dans sa grandeur et sa noblesse, le drame tout intérieur de Jeanne. L’œuvre emprunte sa construction à celle de Péguy. Elle se compose de trois tableaux : « Domrémy », « Les Batailles », « Rouen ». Chacun des épisodes musicaux renouvelle le miracle de créer chaque fois l'atmosphère du poème. A « Domrémy », ce sont les élans et les angoisses de Jeanne, puis les adieux à la « Meuse endormeuse et douce à toute enfance » avant l’élévation mystique de la page finale où se dissiperont les dernières incertitudes. Dans la scène des « Batailles », ce sont les éclatantes sonorités, la mêlée joyeuse des timbres de l’orchestre et des cris de victoire de Jeanne : « Mon Dieu ! la bonne ville ! O Dieu ! les bonnes gens ! » sur un rythme martial et franc de chanson populaire.

A « Rouen », morceau capital et point culminant de la partition, c’est la bouleversante méditation de Jeanne, où la musique traduit et souligne, avec une extraordinaire intensité dramatique, les terreurs et les doutes de la sainte à l’approche de la mort ; depuis le cri d’épouvante : « Oh ! J'irai dans l’Enfer avec les morts damnés », les regrets de l’enfance heureuse : « Ne reverrai jamais la vallée embaumée ! », la peur de l’atroce souffrance physique : « La flamme embrasera mon corps pour la douleur » ; jusqu’à l’admirable prière qui s’achève dans la confiance et la sérénité de l’âme apaisée : « Mon Dieu ! Sauvez-nous tous à la vie éternelle ! »

L. M.-A.

(Feuillets mensuels, l'amitié Charles Péguy, Paris, mars 1950, p. 14-15)

 

Collecte par Olivier Geoffroy

(février 2021)

 

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