Jean-Marie LECLAIR
fondateur de l'école française de violon
(1697 – 1764)

Jean-Marie Leclair
Jean-Marie Leclair
( gravure d'après A. Loir, in H. Lavoix, La musique française, 1891 ) DR

Fichier MP3 Jean-Marie Leclair, Le Tambourin,
transcription pour violoncelle et piano de Alfred Moffat (Schott, 1911)
numérisation et fichier audio par Max Méreaux (DR.)

par François-Joseph Fétis (1863)
in Biographie universelle des musiciens
et bibliographie générale de la musique
(Paris, Firmin Didot, 2e édition,1860-68)

 

LECLAIR (JEAN-MARIE)1 , surnommé l'Aîné, violoniste célèbre, naquit à Lyon en 1697. Il était fils d'Antoine Leclair, musicien du roi (Louis XIV), et de Benoîte Ferrière2. La marquise de la Mésangère le recueillit chez elle dans son enfance, et prit soin de son éducation. On lui avait appris à jouer du violon ; mais il ne se servit d'abord de cet instrument que pour la danse, et dans sa jeunesse il débuta comme danseur an théâtre de Rouen. Plus tard, il fut maître de ballets à Turin. Somis, qui se trouvait alors en cette ville, lui adressa des compliments sur quelques airs de ballets qu'il avait composés, et le prit ensuite comme élève. Ses progrès rapides le firent renoncer à la danse pour la musique. Après deux années d’étude, Somis déclara qu'il n'avait plus rien à lui apprendre ; mais Leclair continua à se livrer lui-même à des exercices particuliers pour se faire une manière personnelle. Arrivé à Paris en 1729, il entra dans la même année à l’orchestre de l'Opéra, aux appointements de 450 livres. En 1735, ils furent augmentés de 50 fr. Un si faible traitement, pour un homme dont la supériorité sur tous les violonistes français de ce temps était incontestable, peut causer quelque étonnement ; et, ce qui peut paraître plus bizarre encore, c'est qu'un tel artiste ait été mis au dernier rang parmi les ripiénistes qu'on appelait alors le grand chœur, comme le prouvent les documents authentiques de la direction de l’Opéra, qui sont en ma possession. Ce grand chœur ne jouait que dans les ouvertures, chœurs et airs de danse ; 1'accompagnement du chant se faisait par le petit chœur où, à l'exception de Monteclair, il n'y avait que des hommes d'un mérite très-inférieur à celui de Leclair, tels que Favre, les deux Baudy, et les deux Francœur. Mais à cette époque, et longtemps après encore, les meilleurs emplois et les meilleurs appointements étaient donnés à l'ancienneté plutôt qu'à l'habileté, dans l'orchestre de l'Opéra. Leclair profita de son arrivée à Paris pour étudier la composition, sous la direction de Chéron qui, depuis lors, fut d'abord accompagnateur au clavecin, puis chef d'orchestre de l'Opéra. En 1731 Leclair entra dans la musique du roi ; mais une discussion qu'il eut ensuite avec Guignon, pour la place de chef des seconds violons de cette musique, lui fit solliciter son congé. Vers le même temps il se retira aussi de l'Opéra, et c'est alors qu'il amassa une fortune modeste par ses leçons et par la vente de ses compositions, qu'il faisait graver par sa femme.3

Leclair était un véritable artiste de cœur ; on en a la preuve par le voyage qu'il fit en Hollande pour entendre Locatelli, quoiqu'il ne fût déjà plus jeune. Les nouveautés que lui fit connaître le violoniste italien ne furent pas sans influence sur son goût : on en remarque des traces dans l'œuvre posthume de ses sonates publié par sa femme. Ce fut peu de temps après son retour de Hollande que Leclair, rentrant chez lui à 11 heures du soir, fut assassiné près de sa porte, le 22 octobre 1764 : 1'auteur de ce crime n'a jamais été découvert. Cet artiste exerça dans son temps la plus heureuse influence sur les progrès de l’école française du violon : il fut un des premiers qui y mirent en vogue la double corde, dont il se servait avec un rare talent ; son second livre de sonates est remarquable par l’emploi qu'il y a fait de ce genre de difficulté. Choron et Fayolle disent, dans leur Dictionnaire historique des musiciens, que Leclair eut deux rivaux redoutables dans Baptiste et Guignon : ils ignoraient que Baptiste avait quitté Paris depuis vingt-cinq ans pour entrer au service du roi de Pologne, quand Leclair y arriva. On a de celui-ci les ouvrages dont il a publié lui-même le catalogue en tête de son œuvre douzième, tel que je le donne ici : 1° Opéra 1er. Premier livre de sonates à violon seul, avec la basse continue ; Paris, Boivin 1723. Le privilège accordé à l'artiste pour la publication de ses œuvres est du 7 octobre de cette même année. — 2° Second livre de sonates pour le violon et pour la flûte traversière, avec la basse continue. Paris, chez l'auteur et chez Boivin. Cet œuvre contient douze sonates. — 3° Six sonates à 2 violons, ibid.— 4° Six Sonates en trios pour 2 violons et la basse continue ; ibid. — 5° Troisième livre de sonates à violon seul et la basse continue ; ibid. Leclair venait d'être nommé Ordinaire de la chapelle et de la chambre du roi : pour témoigner à Louis XV sa reconnaissance, il lui fit hommage de cet œuvre, qui renferme 12 sonates. — 6° Première récréation de musique d'une exécution facile pour 2 violons et basse continue ; ibid. — 7° 6 Concerti a tre violini, alto, basso per organo e violoncello ; ibid. — 8° Deuxième récréation de musique d'une exécution facile pour 2 flûtes ou 2 violons et la basse continue ; ibid. — 9° Quatrième livre de sonates à violon seul avec la basse continue ; Paris, 1738, ibid. Cette œuvre contient 12 sonates. — 10° Sei Concerti a tre violini, alto, basso per organo o violoncello ; ibid.11° Glaucus et Scylla, opéra représenté le 4 octobre 1747, partition gravée. — 12° Second livre de sonates à 2 violons sans basse ; ibid. — 13° Ouvertures et sonates en trios pour 2 violons, avec la basse continue, ibid.— l4° Sonate posthume gravée par Mme Leclair; 2me édition Paris, Cousineau. J'ai dit, dans la première édition de la Biographie des Musiciens, que l’opéra de Glaucus et Scylla n'est pas de Leclair, mais d'un flûtiste nommé Lecler ; je suivais en cela les notes des manuscrits de Beffara ; mais c'est une erreur, car, dans le catalogue des œuvres de Leclair, publié par lui-même en tête de l’œuvre12e la partition de cet opéra est classée comme œuvre 11e ; de plus, Leclair dit, dans l'avertissement qui précède son œuvre 13e : « J'y ai joint 1'ouverture de mon « opéra.»

On lit dans le Dictionnaire dramatique de l'abbé de Laporte (t. 3, p. 285) : «  il manqua toujours à Leclair cette portion de génie qui sert à cacher l'art lui-même, de manière qu'il devienne presque insensible dans la jouissance de l'effet. On peut porter le même jugement de la plupart de ses opéras (Leclair n'en a fait qu'un) : ils sont fort au-dessous de ses modèles, et non moins inférieurs à ses contemporains (quel style!) dans la partie instrumentale. » L'abbé de Laporte prouve dans ce jugement qu'il ne connaît rien aux choses dont il parle. Les sonates de Leclair renferment de grandes beautés : celles du troisième livre particulièrement sont admirables.

La femme de cet artiste fut cantatrice à l’Opéra pour les seconds rôles : elle se retira en 1740 avec la pension. Elle se livra alors à la gravure de la musique et grava plusieurs ouvrages de son mari, à qui elle survécut.4

François-Joseph Fétis

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1) Dans la collection des poèmes d’opéras français imprimée par Ballard (Paris, 1743-1751, 18 vol. in-12), le nom de cet artiste est écrit Lecler, comme auteur de la musique de Glaucus et Scylla (t.18, p. 142). Durey de Noinville a adopté cette orthographe dans son Histoire de l’Opéra (t. II, p. 161). J’ai eu le tort de les suivre dans cette erreur, en écrivant l’introduction de ma Notice Biographique sur Nicolo Paganini (Paris, Schoenenberger, 1851), quoique j’eusse écrit Leclair dans la première édition de la Biographie Universelle des Musiciens. [ Retour ]

2) Note de Musica et Memoria : Antoine Leclair, dont la profession principale était maître passementier, était par ailleurs un excellent violoncelliste et maître à danser. Son fils Jean-Marie, né précisément le 5 octobre 1697 à Lyon, apprendra d'ailleurs dans sa jeunesse le métier de passementier qu'il abandonnera rapidement pour se consacrer entièrement à la musique. Un frère de ce dernier, Jean-Marie Leclair le Cadet (Lyon, 23 septembre 1703 – Lyon, 30 novembre 1777) fut également musicien : violoniste et compositeur dans sa ville natale, on lui doit notamment un livre de sonates pour violon et continuo (1739) et un autre de sonates pour 2 violons sans basse. Un neveu, Antoine Vial, fils de François Guillaume Vial et de Françoise Leclair, était aussi musicien à Lyon où il exerçait la profession de violoniste et maître de musique. [ Retour ]

3) Note de Musica et Memoria : Jean-Marie Leclair est mort dans sa maison parisienne de la rue Carême-Prenant (actuelle rue des Vinaigriers dans le Xe arr.) durant la nuit 22 au 23 octobre 1764, assassiné de trois coups de couteau. Le meurtrier ne fut jamais identifié avec certitude, bien que des soupçons se portèrent sur son entourage. Ses obsèques se déroulèrent à l'église Saint-Laurent. Sur ce crime non résolu voir l'ouvrage de Gérard Gefen : L'assassinat de Jean-Marie Leclair, une des plus grandes énigmes criminelles du XVIIIe siècle (Paris, Belfond, 1990, 340 pages). [ Retour ]

4) Note de Musica et Memoria : il s'agit de Louise-Catherine Roussel, dont il vécu séparé à partir de 1758, épousée le 8 septembre 1730 (Me Caron, notaire à Paris), fille du marchand d'estampes et graveur parisien Claude Roussel. C'est à partir de 1723 qu'elle avait commencé à se livrer à la gravure d'ouvrages de musique et de 1728 pour ce qui concerne les œuvres de son époux. Lors de ce mariage Jean-Marie Leclair l'Aîné était veuf de Marie-Rose Castanié avec laquelle il s'était marié le 8 novembre 1716 à Lyon (Ste-Croix). Louise Leclair, issue du second mariage, exerça aussi la profession de graveuse. Elle avait épousé Louis Quenet, peintre de l'Académie royale de Saint-Luc. [ Retour ]



par Henri Lavoix FILS, 1891
in La musique française
(Paris, Ancienne Maison Quantin,
libraires-imprimeurs réunis,
May & Motteroz, directeurs)

L'école de Leclair (Jean-Marie) (1697-1764) était tout autre ; élève de l’Italien Somis, il recherchait surtout 1'agilité, et les difficultés n'étaient pour lui qu'un jeu. Son habileté sur les doubles, triples et même quadruples cordes était si grande que, bien qu'elles eussent été fort employées avant lui, il passa pour en avoir fait usage le premier. Ses oeuvres sont intéressantes au plus haut point et sa musique de violon est encore aujourd'hui la plus remarquable, avec celle de Baillot, dans 1'école française. Nous recommandons en particulier les sonates du XIIe livre qui sont d'un maître digne de figurer à côté d'Hændel, de Corelli et de Geminiani.

Henri Lavoix FILS (1846-1897)
Administrateur de la Bibliothèque Sainte-Geneviève
Lauréat de l’Institut.


par Lionel de La Laurencie (1913)
in Encyclopédie de la musique et Dictionnaire du Conservatoire
Fondé par Albert Lavignac
(Paris, Librairie Delagrave, 1931)

Jean-Marie Leclair, né à Lyon le 10 mai 1697, était 1'aîné des huit enfants d'un modeste passementier de cette ville. D'abord danseur et maître de ballet à Turin de 1722 à 1726, il prend, dans cette ville, des leçons avec Somis, et débute brillamment au Concert spirituel en 1728 ; en 1734, il entre à la musique royale, où il se trouve en rivalité avec Guignon. Cette circonstance lui fait quitter son emploi à la cour. Il va en Hollande sur la demande de la princesse Anne d'Orange1, puis est appelé, en 1744, auprès de l’infant d'Espagne don Philippe. De retour à Paris, en 1743, Leclair compose son opéra de Scylla et Glaucus2, paroles de d'Albaret, que 1'Academie royale de musique représente le 4 octobre 1746, et entre au service du duc de Gramont. Il meurt assassiné dans des conditions assez mystérieuses, pendant la nuit du 22 au 23 octobre 1764. On l'inhuma dans le cimetière de 1'église Saint-Laurent3.

Son oeuvre, considérable, comprend près de cent compositions gravées, dont quatre Livres de Sonates à violon seul et basse, le premier portant la date de 1723, le quatrième paru vers 1740 ; des Sonates à deux violons, des Ouvertures et Sonates en trio, et douze Concertos à trois violons, alto et basse en deux livres (1736, 1744). Leclair a donc cherché à réaliser la plupart des combinaisons instrumentales usitées de son temps, et se montre, dans tous ses ouvrages, aussi excellent musicien qu'il était habile violoniste. Sur son talent d'exécution, ses contemporains, Daquin, Hubert Le Blanc, Ancelet, de Rozoy, s'affirment unanimes ; on 1'appelait « l'admirable M. Leclair ». Mais ce sont ses qualités musicales qui retiendront surtout notre attention.

Les quatre Livres de Sonates à violon seul avec la basse occupent dans notre littérature de violon un rang éminent. Leclair, qui s'était assimilé le Gradus ad Parnassum de Fux, et qui avait longtemps travaillé avec André Chéron y fait preuve des plus remarquables qualités de compositeur. Sans doute, les deux premiers livres reflètent l'influence de Somis ; mais, dans les deux derniers, le musicien s'émancipe, sa personnalité se dessine incisive, de caractère arrêté. La mélodie de Leclair se développe largement, toujours d'une façon logique, avec une souplesse particulière. Son harmonie est ferme, pleine, majestueuse, et rappelle celle de Haendel4.

Au point de vue de la forme, si l’on désigne par A les mouvements lents et par B les mouvements rapides, le premier livre offre le plus souvent le dispositif suivant : A, B, A, B, plus rarement B, A, B et A, B, A ; le deuxième, A, B, A, B, une fois seulement A, B, B, et A, B, A ; le troisième ainsi que le quatrième, uniquement le dispositif A, B, A, B. Leclair joint à la terminologie Andante, Allegro, etc., celle qui caractérise les airs de danse ; c'est ainsi que ses seconds mouvements s'intitulent fréquemment Allemande ou Courante, que les morceaux lents sont des Sarabandes ou des Airs, et qu'il choisit très souvent la Gigue ou la Gavotte comme pièce finale. Dans tous les cas, sa Sonate est établie sur le type à trois ou quatre mouvements. On en connaît surtout le Tombeau (ut mineur) et une composition en sol majeur publiée par David, qui ne sont pas les plus remarquables de son œuvre5.

Leclair pratique parfois le dédoublement de l’Air en se servant pour « l'alto » du mineur ou du majeur sur la même tonique. Il affectionne, tout particulièrement, les tonalités majeures et module fort habilement. Si ses mouvements ne présentent qu'un seul thème, si le développement se borne à un travail effectué sur ce thème unique, on peut cependant trouver dans le troisième livre quelques variations qui, par les altérations qu'elles apportent au rythme, préparent l'apparition du deuxième thème. Quoi qu'il en soit, la Sonate de Leclair est bien de type italien ; toujours, le thème primitif est réexposé dans le ton principal. — Quant aux deux livres de concertos, ils offrent l'intérêt le plus vif. Ecrits pour violon principal et orchestre de ripiénistes à quatre parties (deux violons, alto et basse), ils sont généralement à trois mouvements du type B, A, B. Le premier livre (op. VII) témoigne de l’imitation du Concert d’église de Torelli, mais, au lieu de présenter dans les mouvements vifs deux groupes de Soli encadrés par les Tutti, conformément au schéma T. S. T. S. T (dans ce schéma la lettre T désigne les Tutti, et la lettre S les Soli) comme chez ce maître, les mouvements de Leclair rappellent le dispositif adopté par Albinoni, et le solo s'y fait jour trois fois : T. S. T. S. T. S. T.

Nous sommes donc bien en présence, ici, de concertos écrits pour un instrument principal qui oppose franchement des Soli à 1'ensemble instrumental ; il n'y a rien du Concerto grosso, où les divers instruments dialoguent sur un pied d'égalité. Leclair étend largement ses Soli, pendant que les Tutti reprennent le thème ou fragment de thème exposé par le soliste. Dans les Airs ou mouvements lents, la répartition des rôles est différente, et l'alternance des Soli et des Tutti s'y montre tantôt plus fréquente, tantôt plus restreinte.

Le deuxième livre (op. X) est, de touts points, remarquable par le caractère et la personnalité des thèmes et par l'extension donnée aux Soli, qui occupent jusqu'à soixante ou soixante-dix mesures. Le travail de passages et d'ornementation confié au violon principal ne consiste pas seulement en broderies décoratives, mais bien en un véritable développement. D'un thème donné, Leclair sait extraire toute la substance expressive que contient ce thème. Ce livre apporte le véritable prototype du concerto français de violon.

Au point de vue de la technique instrumentale, Leclair aborde crânement les difficultés les plus épineuses. Il démanche avec audace, atteignant les régions les plus élevées de l'échelle du violon. Dès son deuxième livre de sonates, il écrit des passages fort scabreux dont voici un exemple :

 

il exécute avec brio des passages en tierces et en sixtes, à allure vive, des doubles trilles, des arpèges malaisés :

 

et imagine le trémolo de la main gauche, artifice technique qui consiste à faire entendre à la fois le chant et son accompagnement. Si sa main gauche ignorait la difficulté, son archet devait être d'une légèreté étonnante; les traits en staccato qu'il a semés an cours de son œuvre en témoignent éloquemment. Leclair, qui s'était, vers la fin de sa vie, voué à l’enseignement, a donné une vive impulsion à l’école française de violon, dont il peut, à bon droit, être proclamé le chef. Labbé le fils, Guillemain et le chevalier de Saint-Georges comptent parmi ses élèves les plus réputés.

Lionel de La Laurencie (1861-1933)
musicologue

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1) Scheurleer a montré que, de juillet 1740 à août 1742, Leclair était au service du fameux juif du Lis, à la Haye. [ Retour ]

2) J.-M. Leclair, pour son coup d'essai à 1'Opéra, donna une œuvre fort intéressante ; sa tragédie lyrique de Scylla et Glaucus (4 octobre 1746) laisse percer l’influence de Rameau, qui se fait jour, notamment, dans le Prologue, où Leclair imite de très près l'air « Tristes apprêts » de Castor et Pollux, mais se signale à 1'attention des musiciens par la belle écriture des chœurs et des ensembles symphoniques. L'ouverture est un superbe morceau d'orchestre que Rameau pourrait envier à Leclair ; elle se développe avec une parfaite logique, et le violon y est employé à de curieux travaux d'arpèges générateurs d'effets tout aériens. [ Retour ]

3) L'Avant-Coureur du 23 novembre 1765 rapporte qu’à 1'occasion de la messe de bout de l’an célébrée à l’intention Leclair aux Feuillants, on exécuta, durant la cérémonie son Tombeau mis en grande symphonie par Dupont, un de ses é1èves. [ Retour ]

4) Il convient de remarquer que Leclair, lors de son séjour en Hollande auprès de la princesse d’Orange, qui donnait en son château du Loo des concerts fort réputés, et qui avait protégé Hændel, a sans doute entendu exécuter des compositions de ce maître. [ Retour ]

5) MM. Debroux et Guilmant ont entrepris la publication des œuvres de Leclair, et déjà deux livres de sonates ont paru. [ Retour ]



par Jules Combarieu (1919)
in Histoire de la musique des origines au début du XXe siècle, tome II
(Paris, Librairie Armand Colin, n°743, 1919)

Un des noms qui domine, en France, toute l’école de violon est celui de Jean-Marie LECLAIR, né en 1697 à Lyon, d'abord maître de ballet à Turin, ensuite violoniste très réputé à Paris, professeur et compositeur, premier violon de la musique du duc de Gramont, ordinaire du Roi, assassiné, pour des motifs restés inconnus, le 22 octobre 1764. Dans ses Sonates, Trios et Concerti pour violon, il suit (avec le goût de la double corde) la tradition italienne concernant le style de genre et le dialogue de l'instrument solo avec l'orchestre. (Trois de ses concerti ont été publiés par Marcel Herwegh, édit. Peters, 1902, mais de façon inexacte, avec confusion du solo et des tutti, et altérations du texte ).

Fétis, Riemann, Grove, Vidal, Huet, Eitner, ont confondu Jean-Marie Leclair, et Jean Leclerc, tous deux « ordinaires de la musique du Roi ». M. de la Laurencie (Revue musicale du 19 oct. 1904) a rectifié cette erreur. En 1734, le Mercure parlant du concert spirituel donné le 25 déc. de la même année, louait Leclair pour « son exécution de la plus grande perfection » ; il le célébrait en 1738 comme l’auteur de sonates capables de rebuter [par leur difficulté] les plus courageux musiciens ; Ancelet le qualifiait d' « habile homme auquel les violons français ont le plus d'obligation » ; et l'organiste Daquin l'appelle « l’admirable M. Leclair ». Dans sa « lettre à M. de la Place, auteur du Mercure » publiée quelques jours après 1a mort de Leclair, son ami de Rozoi écrivait : «  Il fallait le voir à soixante sept ans exécuter avec une vigueur étonnante, communiquer à un orchestre tout son feu… »

Jules Combarieu (1859-1916)
musicologue, Docteur ès lettres

(saisie et numérisation des textes : Max Méreaux)


 


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