CLAUDE MONTAL
Lapalisse (Allier), 29 juillet 1800 – Paris, 7 mars 1865
Claude Montal, vers 1857
( d’après lithographie de l’époque ) DR
Né dans la famille d’un bourrelier de Lapalisse, Claude Montal, fils d'autre Claude et de Marie Sayet, perdit la vue dans sa sixième année
Dans sa première biographie, écrite en 1845, Joseph Guadet nous le représente comme un excellent élève, déjà bien doué pour le calcul, aidant son père dans sa comptabilité, mais aussi doté d’une inclination particulière pour la musique. Il se fabrique un violon et fait si bien l’admiration d’un maître de poste qu’il lui en achète un vrai. Sa mère connaissait l’existence de l’ « Ecole des aveugles de Paris » et, en trichant un peu, car il avait dépassé la limite d’âge, l’y fait admettre en 1817. Très rapidement, l’adolescent devient répétiteur de diverses matières. Il n’échappait cependant pas aux exigeantes règles éducatives de l’école, aux études et à l’exécution musicales ainsi qu’aux métiers de la confection manuelle – ce qui était bien préférable à la mendicité à laquelle la plupart des aveugles était réduite.
Habile sur plusieurs instruments, il remplaça à l’occasion un accordeur de pianos, voyant mais négligent, et répara aussi l’orgue de la chapelle
En 1830, soucieux de voler de ses propres ailes, il quitte l’école pour s’établir accordeur. C’était là un geste audacieux car, malgré les convictions de quelques hommes, dont Valentin Haüy, le fondateur de la première école pour aveugles, la société de l’époque admettait difficilement qu’un aveugle fût autre chose qu’un pauvre hère assisté. Claude Montal parvint à intéresser à son projet Adolphe Laurent, professeur au Conservatoire qui le présenta à Pierre Zimmerman et Jean-Louis Adam, deux des pianistes et pédagogues les plus en vue de l’époque et le voilà accordeur agréé au Conservatoire. Très vite, il organisa un cours d’accord de piano pour les connaisseurs et, en 1834, publia un Abrégé de l’Art d’accorder soi-même son piano, qui, dans sa version augmentée de 1836, devint le premier Traité complet de l’accord du piano. Fort de sa réussite sociale en qualité d’accordeur, il crée en 1836 la classe « d’accordeur-facteur ».
Il possédait déjà un petit atelier de réparation d’instruments, fort actif en ce temps où la vie pianistique se développe prodigieusement. C’est donc tout naturellement qu’il en vint à fabriquer ses propres pianos.
Lors de l’Exposition Universelle de 1839, il en avait déjà fabriqué 171, brevetant en une dizaine d’années de nombreuses améliorations techniques qui participèrent à son renom.
Marié et père de famille, il était maintenant devenu un acteur important de cette utopie à laquelle crut tant le XIXè siècle, le progrès conjoint des Arts et de l’Industrie. En 1851, le Prince-Président lui remit personnellement la Légion d’Honneur. L’entreprise de Montal continua de prospérer. Il obtint onze médailles lors d’ Expositions Universelles, fut le fournisseur officiel du Roi de Hanovre et de l’Empereur du Brésil. Il mourut à Paris en 1865.
Claude Montal représente emblématiquement l’ « Aveugle utile » qu’évoquait Maurice de la Sizeranne, le fondateur de l’Association Valentin-Haüy, dans un ouvrage éponyme publié en 1880. Non seulement il avait contribué à créer un métier nouveau qu’allaient illustrer de nombreux accordeurs non-voyants mais il avait été l’un des premiers aveugles à changer le regard de la société sur le handicap.
Au cours de l’année 2015, un collectif d’institutions et d’associations a organisé une commémoration nationale de cet aveugle visionnaire.
Jacques Bonnaure (2015)
Agrégé des Lettres, critique musicalBrève bibliographie :
* Claude Montal, L'Art d'accorder soi-même son piano d'après une méthode sûre, simple et facile déduite des principes exacts de l'acoustique et de l'harmonie. (Paris, Meissonnier, 1834). Reprint de l'édition originale : Nabu Press, 2014.
* Joseph Gaudet, Notice biographique sur Claude Montal (Paris, Imprimerie de Fain et Thunot, 1845). Reprint de l'édition originale : Kessinger Legacy, 2010.