ROMANO (JACQUES ROMAN)
Trial, baryton d’opérette et fantaisiste, décorateur, régisseur, accessoiriste et animateur belge
(Montilly-sur-Sambre, 19 février 1929 – Gosselies, 3 janvier 2016)
Professeur Hinzelmann (L’Auberge du Cheval-Blanc), Palais des Beaux-Arts, Charleroi.
Photographie : D.R. ( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )
EXTRAITS DE PRESSE
«'La Belle de Cadix’ ou le triomphe de Jacques Roman. […] A qui revient la palme dans ce triomphe, malheureusement applaudi par un public trop restreint ? N’hésitons pas à l’attribuer à Jacques Roman, Manillon débordant de dynamisme, de drôlerie ; le rôle du régisseur mis à toutes les sauces constitue le pilier du grand succès de Lopez. […] Avec cet excellent Manillon, la direction avait trouvé l’atout maître. J.G. »
Théâtre Municipal, Boulogne-sur-Mer, s-d.
« […] Et tout de suite nous avons fait connaissance avec celui qui devait mener la pièce d’un bout à l’autre sur un rythme endiablé. Nous avons cité le dynamique trial Jacques Roman dans le rôle du régisseur Manillon. Jacques Roman n’avait encore jamais donné sur la scène du Théâtre Municipal autant de lui-même dans ce rôle. Tour à tour burlesque, tendre, acrobate, danseur, Jacques Roman demeura néanmoins dans la pure tradition du lyrique. Jamais grossier, très amusant, meneur de jeu, sympathique, autant de qualités que le public lui a très justement accordées. Nous nous plaisons à donner la ‘mention spéciale’ de cette représentation à cet artiste. Riquet. «
Théâtre Municipal, Boulogne-sur-Mer, Le Journal, 22 janvier 1963.
« Dans la création de 'Clivia mia', Jacques Roman se tailla un fort joli succès avec son bagout intarissable de Marseillais et ses ‘gags’ amusants. Son entrée en scène dans la voiture ancêtre prêtée pour l’occasion fit son petit effet. »
Théâtre Royal de Liège, Gazette de Liège, 1965.
TEMOIGNAGES D'ARTISTES
« Je conserve un excellent souvenir de mes premiers passages à Charleroi; je devais avoir 11 ou 12 ans et j'y dirigeai plusieurs concerts symphoniques, peut-être au Théâtre des Variétés ou à l’Eden. Plus tard, je fus invité au Palais des Beaux-Arts pour une reprise du 'Barbier de Séville'. J’y fus toujours bien accueilli dans une ambiance de travail chaleureuse et professionnelle. La structure d’ensemble était fiable et de qualité, avec un chœur d'hommes d’excellente tenue, ce qui n’est pas toujours le cas dans le métier! Nous disposions de suffisamment de temps pour les répétitions et je fus frappé par le sérieux de l’équipe du Palais. J'y retournai plus tard avec Jane Rhodes pour des représentations de 'Werther'. Mes séjours en qualité de chef d'opéra furent plutôt brefs, mais pour des concerts, je disposai de plus temps et m'attardai ainsi avec plaisir dans la ville. Lors de l’un de mes passages, j’en profitai pour revoir mon ancien professeur et ami, le chef d'orchestre belge André Cluytens, alors à la tête de l'Orchestre National de Belgique. Je le retrouvai à l’Hôtel de Ville où il dirigeait ‘Ma mère l’Oye » de Maurice Ravel. Ces passages me laissent aujourd’hui encore un souvenir lumineux. Je sais combien Jacques Roman a fait partie intégrante de cette belle entreprise.»
Roberto BENZI
Chef d’orchestre"Je suis peiné d'apprendre la disparition de Romano, personnage-clé de notre vie musicale. Il fut un excellent partenaire de scène, autant comme chanteur, que comme régisseur, particulièrement au Palais des Beaux-Arts de Charleroi. J'y ai chanté 'La Chaste Suzanne', 'Chanson d'amour', 'Les Cloches de Corneville', 'Le Grand mogol', 'La Fille de Madame Angot', 'La Fille du tambour-major', ‘La Mascotte’, 'Les Mousquetaires au couvent', 'Rêve de valse', 'La Poupée', 'La Veuve joyeuse' et 'La Vie parisienne'. Chanteur accompli et brillant comédien, il était doté d'un sens de l'humour tout à fait décapant. Il créait spontanément une excellente ambiance de travail, professionnelle et chaleureuse: un fantaisiste complet aux mille talents, un artiste rare."
Stany BERT
Ténor de l'Opéra
«Je me joins de tout cœur à l’hommage que vous rendez à Romano. Nous nous sommes connus lors de mes nombreux passages en Belgique et particulièrement, au Palais des beaux-Arts de Charleroi. Il fut un partenaire de scène agréable est un très gentil camarade. En toutes circonstances, il était à vos côtés, prêt à vous rendre service. Et son rire était légendaire! Je me souviens qu'il riait très fort et croyez-moi, son rire était contagieux ! Que de beaux souvenirs. »
Monique BOST
Divette
« Jacques Roman a commencé sa carrière de choriste à l'âge de 21 ans à la Chorale Royale "Les XVI" qui à l'époque répétait dans les locaux du Conservatoire de Charleroi. Plusieurs années après ses débuts, celui qui entre-temps est devenu Romano, a dû quitter notre Chorale chère à son cœur car son activité professionnelle de soliste devenait trop prenante. Recruté par Pierre Herry1, premier directeur artistique du Palais des Beaux-Arts dès la saison inaugurale en 1957, il y axera sa carrière lyrique pour ensuite s’orienter vers l’animation de spectacles et la direction artistique de croisières. Passionné par la musique et le chant, Romano est revenu à la Chorale en 2000 et ne l'a plus quittée jusqu'en septembre 2015. Choriste fidèle, travaillant sans relâche ses partitions ; il ne pouvait pas concevoir que l'on se présentât aux répétitions sans bien connaître ce qui avait été étudié lors des séances précédentes. Il se montrait toujours chaleureux envers les autres choristes, et en bon Italien charmeur qu'il était, il redoublait d'attentions pour les dames et ceci en toute transparence, bien entendu. La Chorale "Les XVI" conservera un souvenir ému de son baryton. »
Chorale Royale « Les XVI », Charleroi.
http://www.lesxvi.be/
« J'ai connu Romano au Palais des Beaux-Arts de Charleroi au moment de la saison inaugurale, voire un peu auparavant: une belle amitié de près de 60 ans … Nous avons tout de suite sympathisé et au fil des représentations, des nombreux spectacles joués ensemble, cette sympathie a évolué en sincère amitié. Romano était un de ces êtres rares, avec des grandes qualités humaines : la bonté, la gentillesse spontanée, la générosité. Une jovialité innée et surtout un talent sûr, une voix de baryton qui lui permettait de se glisser avec brio dans des rôles et des personnages très divers, en opérette, opéra comique et opéra. Il excellait en qualité de fantaisiste d’opérette et de deuxième baryton d’opéra comique. Je pleure sa disparition et me joins aux autres artistes qui l'ont connu et apprécié. »
Jean BONATO
Premier fantaisiste, baryton et comédien
« Je ressens une profonde tristesse en apprenant la mort de Romano. Il fut toujours omniprésent lors de mes passages au Palais des Beaux-Arts, en tant que chanteur, fantaisiste puis régisseur: il faisait partie de la maison. A Charleroi, nous avons partagé l’affiche dans ‘Les Mousquetaires au couvent’, ‘Les Cloches de Corneville’, ‘Paganini’, ‘Monsieur Beaucaire’ et je crois, ‘Comtesse Maritza’. Nous avons également partagé l’affiche au Théâtre Royal de Liège. Un partenaire particulièrement sérieux et professionnel. Un camarade chaleureux et doté d’un sens aiguisé de l’humour. Jacques Roman a fait partie de ces Etres uniques que l’on ne peut oublier. »
Richard DEMOULIN
Baryton de l’Opéra
« Bien que j'aie davantage chanté en France, la Belgique fut pour moi mon second berceau artistique. Mon mari le chef d’orchestre Jacques Plaisant, aimait diriger à Bruxelles, notamment à l’Alhambra, mais aussi à Charleroi où il a collaboré avec Romano. Je l'ai bien connu, d’abord aux Variétés, puis au Palais des Beaux-Arts, même si j’ai rarement partagé l’affiche à ses côtés. Très latin, son sourire était ravageur, toujours élégant et tiré à quatre épingles, il était indispensable à la réussite de tout spectacle. Fantaisiste, Trial, baryton, régisseur : il savait tout faire et se rendre utile en toute circonstance! Et siffler! Je l’entends encore siffler dans les coulisses et faire des ‘clowneries’ avec la fantaisiste Line May ou avec Michel Trempont ! Il était le charme réincarné. Dans 'Méditerranée', dans 'La Belle de Cadix' et dans 'Le Chanteur de Mexico', nous avons pu nous connaître un peu mieux. Puis, nous nous sommes perdus de vue. »
Jane (Jeanne) FRANCELLE
Divette (1915-d.)
Extrait d’un entretien avec l’auteur en 2010.
“Je suis atterré par la disparition de Romano. Une figure incontournable de notre vie musicale. Il chantait des seconds rôles. Sa caractérisation des personnages était excellente, très soignée, juste et aboutie, un fin musicien. J’ai souvent chanté de l'opérette au P.B.A.: nous avons partagé l’affiche dans ‘Le Pays du sourire’, ‘Chanson gitane’ et ‘La Belle de Cadix’. Un camarade réellement sensationnel, extrêmement jovial, sympathique et chaleureux. Il se dégageait de lui une rayonnante joie de vivre. Cette époque bénie était celle du partage, dans une atmosphère conviviale et professionnelle. Romano fut l'une des plus emblématiques chevilles ouvrières de nos succès dans le registre de l'opérette: merci à lui. »
José RAZADOR
Ténor de l’Opéra
« Comment pourrais-je oublier le rire extraordinaire de Romano, résonnant dans les coulisses du Palais des Beaux-Arts ? Il fut un partenaire des plus agréables et chaleureux au talent indéniable. Evoquer sa mémoire ravive de beaux souvenirs de mes passages à Charleroi, notamment dans Josépha de 'L’Auberge du Cheval-blanc'. Un superbe théâtre et une ambiance de travail des plus agréables. La troupe d’opérette aimait à se retrouver après les spectacles dans un restaurant de la Place du Manège où nous étions littéralement gavés ! C’était encore le temps des opérettes à grands spectacles et de leurs retentissants succès ! Romano aura fait partie de cette belle aventure et je salue sa mémoire avec émotion et amitié. »
Janine RIBOT
Soprano lyrique et divette
« Cette époque est lointaine, mais j’en conserve un souvenir positif : l’accueil au Palais des Beaux-Arts y était chaleureux et l'ambiance de travail professionnelle. Je n’ai pas collaboré directement ou souvent avec Romano, car il chantait souvent l'opérette, répertoire que je n'ai pas abordé. Toutefois, je me souviens qu'il était très apprécié par le théâtre et par tous les collègues, qu'il était l'un des artistes-phares de la maison. Un fantaisiste complet et un homme de théâtre passionné, qualités qui ont fait de lui une figure emblématique de la vie musicale de ce théâtre. C'est de tout cœur que je me joins à votre hommage et salue sa mémoire. »
Michel SENECHAL
Ténor de l’Opéra
« Je me joins de tout cœur à votre hommage. J’ai bien connu Romano ou Jacques Roman : il fait partie de mes souvenirs musicaux les plus radieux, marquant mes saisons d’opérette à Charleroi où j'étais choriste et chantais des seconds plans. Un artiste engagé et tout entier dévoué à son art, doté de talents multiples. Toujours méticuleusement préparé, il pouvait aborder une ample variété de rôles, peut-être avec une prédilection pour les emplois bouffes, là où son sens du comique savait être terriblement contagieux ! Sa constante bonne humeur, son sourire désarmant et son engagement d’artiste auront été exemplaires. Je pense à sa veuve, à sa fille et à ses proches que j'ai bien connus et qui, à divers titres, ont fait partie de cette palpitante aventure qui prend fin avec lui. »
Jean SIMON
Choriste et chanteur au Palais des Beaux-Arts (Charleroi), auteur de
« Le Théâtre Carolorégien2 ou mémoire d’opérette à Charleroi»« Gentillesse, dévouement et un large sourire: ce sont les mots qui me viennent spontanément à l’esprit pour décrire et saluer la mémoire de Jacques Roman. Nous nous sommes connus au Palais des Beaux-Arts de Charleroi en 1961. Ce fut dans le cadre de la seule production en Belgique de l'opérette à grand spectacle de Francis Lopez 'Le Secret de Marco Polo' où il incarnait un Ministre et je campais le Maître de cérémonie. Cette production signa le début d’une longue collaboration. Je me souviens également d’une magnifique production du ‘Chanteur de Mexico’ où nous incarnions Cartoni et Miguelito : travailler à ses côtés fut un réel plaisir. Doté d’un caractère agréable, il était constamment affable et chaleureux. En professionnel du métier, il était toujours méticuleusement préparé : sa caractérisation des rôles était extrêmement soignée et détaillée. Je n’ai pas le souvenir de l’avoir vu une seule fois une partition ou un livret en mains : tout était parfaitement mémorisé. Son rire éclatant, si communicatif et caractéristique était un baume de bonne humeur pour les artistes ! C’est une page importante de la vie du P.B.A qui se tourne. Sa personnalité solaire nous manquera. »
Jacques TAYLES
Premier Trial, fantaisiste, metteur en scène et directeur de l’opérette,
Palais des Beaux-Arts (Charleroi)
«Une conscience professionnelle exemplaire, un chanteur et régisseur abouti, aux talents multiples et un homme exquis, courtois et chaleureux. Ce fut toujours agréable de travailler à ses côtés: méticuleusement préparé, ses caractérisations étaient soignées et impeccablement abouties, tant musicalement, dramatiquement que scéniquement. Il connaissait ses rôles à la perfection ; au cours de ma longue carrière, il m’est arrivé de côtoyer des artistes un peu hésitants ou dont la préparation pouvait laisser à désirer. Avec Jacques, il n’y avait jamais de mauvaises surprises ! Il possédait un don inné de l’improvisation et en qualité de fantaisiste, il nous époustouflait avec des numéros d’une verve inouïe! Farceur, enjoué et gentiment taquin, c'était un méridional! Romano a fait partie de notre belle épopée musicale et il en fut un élément essentiel. Son rire inimitable et si communicatif nous manque déjà et je sais combien Jacqueline Vallière a pu apprécier sa collaboration avec lui. »
Michel TREMPONT
Baryton de l’Opéra
« J’ai souvent travaillé à Charleroi et dans toute la Belgique. Lorsque j’étais en saison à Charleroi, Jacques Roman était pour ainsi dire de tous les spectacles et je me souviens de son sourire éclatant, de sa personnalité agréable. Surtout, je dois saluer son professionnalisme, car tout ce qu'il faisait en tant que chanteur ou de second régisseur était absolument parfait. Il fait partie de ces artistes aux multiples talents qu'il est difficile, voire impossible, de remplacer. Merci pour tout ce qu'il nous a donné. »
Arta VERLEN
Divette et productrice
« Je suis attristée par la disparition de Jacques Roman, car il était une figure de proue dans l’opérette. Le Palais des Beaux-Arts de Charleroi représente beaucoup pour moi, car c’est là que je signai mon premier contrat en Belgique, avant l’Opéra Royal de Wallonie. J'ai eu la chance d'être engagée par Robert Mathieu en 1981. A cette époque, je chantais Hélène dans ‘Rêve de valse’, puis ‘L’Auberge du Cheval-Blanc’ a suivi : c’est ainsi que l’opérette l'a emporté sur l’opéra bouffe et l’opéra. En effet, j'ai eu l'honneur de chanter sous la direction de Jean-Claude Malgoire à l'Atelier Lyrique de Tourcoing ; à la dernière représentation de ‘L’Opéra des gueux’, c’est lui qui me proposa une autre expérience, puisque cet opéra était représenté à la même époque que ‘L’Auberge’ à Charleroi. La période française m'avait semblé bien routinière, alors que la vie artistique de Charleroi était tout à fait grisante ! Le public y était enthousiaste, les collègues de travail toujours à l'écoute de l'artiste invité. Je me souviens de Romano, passionné et surtout, passionnant, toujours le regard pétillant et le sourire communicatif ! Hélas, l'opérette vit ses derniers moments et je ne veux pas assister à cette agonie. Je pense que la politique a contribué à son naufrage. Merci d'avoir permis aux souvenirs enfouis, d'émerger à nouveau et de rendre ainsi hommage à la figure de Romano. »
Alexise YERNA
Mezzo-soprano et divette
Romano (Zsupán) et Jacqueline Robert dans Comtesse Maritza (Palais des Beaux-Arts de Charleroi)
Photographie : D.R. ( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )
ROMANO OU LA PASSION DU METIER
Romain Fantigrossi (Romano puis Jacques Roman à la scène) naît à Montignies-sur-Sambre, dans la périphérie de la ville de Charleroi, dans le Hainaut, d'un père italien et d'une mère française, originaire de La Rochelle, comme il se plaisait tant à la rappeler. Issu d’une famille de huit enfants, c’est en Belgique et en France qu’après avoir accompli parallèlement des études techniques et musicales, il axe sa carrière artistique dont le point de départ officiel est l’inauguration du Palais des Beaux-Arts de Charleroi dans Gregorio (La Fille du tambour-major) le 22 octobre 1957.
Doté d’une voix de baryton-Martin, grâce à une extension vocale facile vers l'aigu, il aborde occasionnellement des emplois de Trial et surtout, des rôles de fantaisiste, là où il peut donner libre cours à toute l’étendue de son talent de comédien. Passant de l'opéra comique à l’opéra, en évoluant au gré de l’opérette et de la comédie musicale, c’est au travers d’une vaste galerie de personnages qu’il imprègne ses caractérisations d'une vis comica et d'une espièglerie primesautières : deux traits essentiels de son talent. Ses partenaires se souviennent encore aujourd'hui de sa bonne humeur légendaire, de ses pitreries bon-enfant et de son rire inimitable, résonnant dans les coulisses des théâtres. Farceur, taquin et charmeur, il est un homme aux mille talents et sa carrière résolument originale confirme sa versatilité artistique.
UNE VOCATION POUR LES ARTS DU SPECTACLE
C’est à Rome que Romain est tout naturellement baptisé « Romano ». Plus tard, son père, exilé politique en Belgique, y est rappelé dès le déclenchement de la seconde guerre mondiale : la famille y réside jusqu’en 1946, à Civitavecchia, non loin de la capitale. Elle y possède un bar qui dispose d’une large terrasse avec un petit orchestre. On invite des amis, on chante, on danse et la chanson, en dépit des tristes événements, est là pour embellir le quotidien. Les « canzoni » particulièrement en vogue à cette époque, sont dues au talent de compositeurs tels que Tosti, Buzzi-Peccia, Di Capua, Cardillo, Gastaldon, etc. Elles sont rendues populaires grâce à la radio, la télévision et dès 1951, par le célèbre concours international de la chanson de Sanremo. La musique et le chant deviennent une affaire de famille. On apprécie la jolie voix naturelle du jeune homme et on remarque son sourire : surtout, on dénote une belle assurance avec un caractère affirmé. Son tempérament enjoué et sa personnalité extravertie font qu’il pousse volontiers la chansonnette, peu intimidé par le public et se mêlant volontiers aux adolescents et adultes fréquentant la famille.
Avec la fin de la seconde guerre mondiale en 1945, il rentre en Belgique, où il poursuit sa scolarité à l’Ecole Italienne et au Collège du Sacré-Cœur de Charleroi. Tout en étant un bon élève, assidu et discipliné, il se produit dans le cadre de petits crochets de chant dans la région avec des membres de la colonie. Adolescent, on lui confie occasionnellement des petits rôles de théâtre parlé et des numéros d’improvisation, discipline dans laquelle il excelle. Le sémillant Romain s'impose comme un personnage-clé de la colonie italienne de Charleroi. A l’âge de 16 ans, il doit obligatoirement opter pour la nationalité belge ou italienne et se décide pour la première, son père s’étant fixé définitivement en Belgique.
Après avoir achevé ses études secondaires, il occupe les week-ends ou dès qu’il le peut, les fonctions d’interprète et de guide-accompagnateur au sein de la colonie d'émigrés italiens de Sambre et Moselle. C’est ainsi qu’il est régulièrement invité par la colonie pour y interpréter des extraits de chansons populaires italiennes ou des airs d’opéra ou d’opérette en vogue.
Le Borinage (province belge du Hainaut) est une région riche en voix solides dont certaines feront de prestigieuses carrières internationales, la tradition du chant choral ou amateur étant encore vive à l’époque à Charleroi et dans la région. De nombreux ensemble essaiment, constituant un tremplin naturel pour des artistes en herbe et parfois même, pour des solistes établis. Les premiers succès ont quelque chose de grisant et c’est à ce moment-là qu’il décide de se consacrer plus sérieusement à la musique et aux arts du spectacle.
A la fin de l’année 1946, il est auditionné puis recruté par la Chorale de Gosselies. Il est alors doté d’une voix de baryton léger (baryton-Martin), mais dont la tessiture lui consent, en opéra bouffe et en opérette, d’aborder des rôles de Trial. Si son objectif principal est d’être soliste au théâtre, son discernement est finement aiguisé et lui dicte la sagesse : « Rome ne s’est pas construite en un jour ! ». Saison 1949-1950, muni de la recommandation du compositeur et chef d’orchestre belge Sylvain Vouillemin, il est admis à la Chorale Royale Les XVI3, scellant une longue association artistique, puisqu’elle dure jusqu’en 2015. Fidèle parmi les fidèles et en dépit du poids des ans, il attache une importance capitale à ce fil musical indissociable de son âme de chanteur. C’est notamment là qu’il forge ses premières armes de concertiste, se produisant en Wallonie et à Bruxelles (pour l’I.N.R., puis pour la R.T.B.F. (radio-télévision belge francophone), où la Chorale enregistre une partie de son répertoire, abordant un répertoire de musique chorale et vocale.
Bien plus tard, lors d’un entretien avec l’auteur, il déclare : « Si je l’avais souhaité, j’aurai sans nul doute pu poursuivre ma carrière en qualité de concertiste, comme Frédéric Anspach ou Kurt Equiluz, mais j’abhorre ce qui est trop statique. Mon objectif était d’incarner des rôles à la scène : je voulais chanter certes, mais aussi jouer et insuffler vie à un personnage. Cependant, ces premières années ont été formatrices et m’ont permis d’assurer délicatement la transition de ma voix de ténor à celle de baryton. » (Extraits d’entretiens avec l’artiste, N.D.A.)
Parallèlement à ses nombreuses activités, il entame l’étude de ses premiers rôles lyriques, perfectionnant ses bases de solfège, mais également d’harmonie et d’histoire de la musique, avant même son admission au Conservatoire. Attiré par les arts décoratifs, il fréquente les cours de l’Ecole de Peinture décorative de Gosselies où il apprend les multiples techniques liées au dessin, à la peinture, à la cuisson des émaux, au travail du bois, à la sculpture et à la restauration de peintures.
LE SOLDAT CHANTANT ET UN BRILLANT PARCOURS ACADEMIQUE
Il doit accomplir son service militaire dans la région, rattaché à la base aérienne de Florennes, au sein du contingent de miliciens belges. A nouveau, le jeune soldat-artiste se fait remarquer par sa personnalité chaleureuse et sa belle voix. Lors de concerts organisés par l’administration militaire, il est bien établi que pour toute « partie chantée » et pour « tout spectacle » organisé par la base, il faut s’adresser au soldat Romano ! C'est lui qui prend en charge l'organisation, puis la logistique de ces événements musicaux.
Sa hiérarchie le soutient sans condition et l’incite à tenter sa chance au concours de chant de l’Armée, les Crochets Inter-forces, qui seront plus tard organisés en coopération avec les Tournées Welfare. Après un audition à Florennes, puis une seconde à Bruxelles, il y est admis en demi-finale et en finale. Le concert de clôture a lieu à la Salle Patria à Bruxelles. Ce théâtre jouit d'une solide réputation et des artistes de premier plan s'y sont produits: il faut être sûr de son coup, mais il est confiant. En effet, il y décroche la Palme d’or et le Premier prix en 1949. Cette première victoire lui vaut une série de récitals en Belgique, notamment au Conservatoire de Charleroi, à l’Hôtel de Ville, puis à Herstal, Namur et Liège.
En 1950, il entame un brillant cursus académique et rejoint le Conservatoire de Charleroi (dans la classe de Pierre Herry pour le chant et d’Hippolyte Deblocq4 pour l’art dramatique et la diction). La première année est ardue : il doit quasiment tout recommencer et détricoter les mauvaises habitudes accumulées par des années d’un chant spontané, mais greffé de failles techniques. Il s’arme de patience et ses efforts le récompensent : il remporte successivement un Premier Prix d’excellence avec médaille de la Ville et du Gouvernement (Chant et Mélodie)5, un Premier Prix d’art lyrique, un Premier Prix de diction, un Premier Prix d’art dramatique, un Prix de solfège, d’Histoire de la musique et de littérature. Notons au passage que Romano est employé en qualité de stagiaire-décorateur dans un atelier de peinture de Charleroi et que ses journées ne lui laissent aucun répit.
PREMIERS ENGAGEMENTS
Après un tel palmarès académique, il intègre en 1951 une troupe locale de comédiens et de musiciens, Le Progrès (à Lodelinsart, dans la périphérie de Charleroi). Là, il se familiarise avec le théâtre et l’art de la déclamation, apprenant des classiques du répertoire, mais aussi, ses premières incursions dans l’opéra bouffe et l’opéra comique. Un ami du Conservatoire, membre de la colonie italienne, lui propose de prendre part à une série de petits concerts de chansons populaires dans la région, moyennant le défraiement des frais: ses premiers « cachets d’artiste ». Entre 1951 et 1952, il se produit une trentaine de fois dans des programmes aussi variés que des mélodies, des chansons, des airs d'opéra bouffe et d'opérette. En mars 1951, ils donnent au Cinéma Pathé (Liège) des extraits de La Belle Hélène et des Mousquetaires au couvent (avec Hélène Cartry, Mony Doll, Robert Stény, Georges Goda, etc.) En septembre et octobre de la même année, il chante avec deux solistes du Conservatoire et le soprano Jacqueline Robert des mélodies modernes de compositeurs wallons à l'Hôtel de Ville (Charleroi). Ce sont ses premiers succès "officiels".
A l’automne 1952, Pierre Herry et le baryton belge Léon Bartholomez lui proposent de figurer parmi les membres d’une troupe itinérante qui présente des saynètes, mélangeant opéra bouffe, opéra comique et répertoire populaire : en quelque dix mois, il assure une cinquantaine de représentations. Les artistes se produisent à Arlon, Châtelet, Liège, Lille, Luxembourg, Mons, Namur et Verviers. Ce bilan positif ne fait que l’encourager à poursuivre sur cette voie. Les programmations sont parfois décidées en dernière minute, mais il fait preuve d’une stupéfiante capacité d’adaptation et d’une étonnante versatilité. Il apprend ses premiers rôles sous la houlette de Pierre Herry et occasionnellement, de sa femme, le soprano lyrique Elisabeth Hénin-Bragard, plus connue en Belgique sous le nom d’Elisabeth d’Ardenne, qui l’aide à peaufiner sa caractérisation des personnages.
Joanny Raspilaire, dit Jack Claret, fantaisiste français
(1920-2006)
Photographie : Lafont, Bordeaux. D.R.
( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )Devant porter un choix définitif sur un nom de scène, il opte pour Romano, en guise de clin d’œil à la Ville Eternelle (en France, l’artiste est plus connu sous le nom de Jacques Roman, nom qu’il conserve en hommage à son parrain de théâtre, Jack Claret).
En 1954, Romano est recruté par l’administration du futur Palais des Beaux-Arts de Charleroi en qualité de peintre-décorateur (responsable principal des décors du P.B.A.), où il évolue dans les ateliers du Palais des Expositions (vaste espace situé à quelques kilomètres du futur Palais).
Grâce à son caractère joyeux, il parvient à créer en dépit du volume de travail, une ambiance agréable et collégiale. Jusqu’en 1957, il découvre combien l’exercice de plusieurs métiers est gratifiant certes, mais aussi, éprouvant. Les journées sont longues et il est fréquent que « Madame Romano » doive téléphoner au Palais des Expositions pour rappeler à son mari que sa famille l’attend … En près de trois ans, il montre toute l’étendue de sa versatilité artistique en se rendant indispensable sur tous les fronts : peintre-décorateur, restaurateur et dessinateur. Quant au chanteur, fantaisiste et comédien, il sait que le jour des débuts officiels est proche … En effet, après avoir surveillé son évolution, Pierre Herry l'engage pour La Fille du tambour-major inaugurale, le 22 octobre 1957. Ces débuts marquent le début d’une longue histoire d’amour avec cette salle mythique et bien sûr, avec Charleroi et son public cosmopolite. Quelques mois à peine avant l’inauguration, il est invité par le Conservatoire pour donner la réplique aux lauréats du concours d’art lyrique, édition 1957 : il y chante ainsi des extraits des Dragons de Villars, Chanson d’amour, La Fille de Madame Angot, Les Petites Michu et Véronique. En 1958, il y retourne et y interprète Tosca, Mignon et Valses de Vienne.
Romano dans sa loge. P.B.A., Charleroi
Photographie : D.R. ( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )PREMIERES SAISONS AU PALAIS DES BEAUX-ARTS DE CHARLEROI ET UNE TOURNEE D’OPERETTE AVEC RUDY HIRIGOYEN
L’inauguration du Palais est un événement médiatique extrêmement important et marque une empreinte significative sur la vie culturelle de Charleroi. L’équipe directoriale est évidemment politique et politisée, mais elle comprend une proportion significative de représentants du monde artistique. Le Conseil d’administration est notamment composé d’Octave Pinkers, maire de Charleroi entre 1953 et 1966, de Robert Rousseau, directeur culturel puis directeur général et de Pierre Herry, nommé directeur culturel. Quant à la mise en scène, elle est confiée au ténor belge Marcel Claudel6 transfuge de l’Opéra Comique et du Théâtre Royal de la Monnaie.
Romano est au cœur du succès de la première distribution de La Fille du tambour-major (rôle de Gregorio). Si l’évidence même démontre combien il est un chanteur et un comédien talentueux, les programmations successives doivent, par contrat établi entre le P.B.A. et les théâtres français (Théâtre du Châtelet en tête), importer les spectacles et donc, leurs artistes (premiers et seconds plans compris). Pour certaines distributions, il se voit contraint de devoir céder son rôle …
Connaissant la diversité des talents du jeune artiste, la direction lui propose ainsi d’étendre son contrat, afin de lui assurer de meilleurs revenus, sur une base plus régulière et pour pallier aux emplois auquel il devra temporairement renoncer. Lors de sa première saison, la direction lui offre une fonction de régisseur-adjoint, qu’il accepte: il n’a pas délaissé ses premières amours, à savoir la peinture et la décoration de scène. Il revêt à ce moment-là une double, voire une triple casquette; mais pour lui, aucun défi n’est impossible à relever. Il s’attelle donc à travailler son répertoire lyrique, tout en réalisant des maquettes de décors, des projets et révisions de mise en scène, des traductions de livrets et de la restauration de peintures et de fresques murales. Plus tard, on lui confie également la révision et l’adaptation de livrets d’opéra comique et d’opérette, en collaboration avec Marcel Claudel. Il s’implique dans ses rôles avec l’enthousiasme communicatif qui le caractérise et avec une constante bonne humeur.
C’est souvent lui-même qui, armé d’un carnet et d’un crayon, écume les brocanteurs et antiquaires de Charleroi et de la région, pour louer des éléments de décor. Sa conscience professionnelle et la qualité de son travail sont couronnées par une nomination en qualité de responsable des décors du Palais des Beaux-Arts. Sa vie familiale est comblée, avec Marie-Thérèse, sa charmante femme et leur fille Fabienne : toutes deux entourant de leur amour un mari et un père passionné, mais souvent absent. Marie-Thérèse est cependant bien intégrée dans la vie trépidante de l’artiste et en habile gestionnaire, elle trouve un juste équilibre entre sa propre vie professionnelle, son rôle de mère et celui de « Madame Romano » au quotidien.
La première saison du P.B.A. est un retentissant succès7: Charleroi voit arriver une pléthore d’artistes internationaux, de solistes de premier plan, de seconds chanteurs, de fantaisistes, de comédiens, de danseurs et de chefs d’orchestre. Cette première saison, que les habitants et les mélomanes attendaient avec impatience, marque l'ouverture d'un volet socio-économique et artistique capital pour Charleroi. Les saisons vont s'égrener de succès en succès, dynamisant le centre de la ville en lui octroyant un statut-clé dans l'opérette et surtout, l'opérette à grand spectacle.
Si le Palais est ce que l’on pourrait décrire comme une « grande salle ou une « vaste maison », il s’y dégage une atmosphère chaleureuse et plutôt bon enfant. Des solistes de la trempe de René Bianco, Bourvil, Jack Claret, Anny Cordy, André Dassary, Michel Dens, Fernandel, Guy Fontagnère, Marina Hotine, Rudy Hirigoyen, Luis Mariano, Jean Marais, Line May, Mady Mesplé, Marcel Merkès, Paulette Merval, Maria Murano, Patachou, Janine Ribot, Mado Robin, Suzanne Sarroca s’y produisent dans une ambiance accueillante et sympathique. Bien qu’il n’y ait pas de troupe locale pour l’opérette à grand spectacle, il se dégage des productions une dynamique chargée d’énergie positive, avec une administration attentive aux desiderata et habitudes de chacun.
Aimant relever des défis, l’artiste se présente en 1957 au concours de mélodies organisé par le Conservatoire de Charleroi : il y décroche un Premier Prix d’excellence avec Grande distinction (il chante des pièces de Schumann, Fauré et Poulenc, un répertoire imposé par le jury du concours).
Les saisons s’égrènent et Romano se lie d’amitié avec des « vedettes », à l’instar du ténor d’opérette français Rudy Hirigoyen. Une sympathie instinctive s’instaure entre les deux hommes et en 1959, le ténor lui propose une tournée de trois mois dans le sud de la France, offre qu’il accepte après avoir obtenu l’accord du P.B.A. Il interprète principalement Manillon et Ramirez (La Belle de Cadix), opérette à grand spectacle de Francis Lopez, dont la première a lieu en 1945 au Casino Montparnasse (Paris) avec un éblouissant Luis Mariano dans le rôle de Carlos et Roger Lacoste dans celui de Manillon8, sous la direction de Jacques-Henri Rhys. Cette opérette est remaniée pour sa version à grand spectacle pour le Théâtre de l’Empire (1949) sous la direction de Manuel Infante, avec l’élégante divette française Lina Dachary dans le rôle de Maria-Luisa, que Romano retrouve plus tard au P.B.A. quelques années plus tard. Lors de cette tournée, ils sillonnent des villes de la côte méditerranéenne et les succès sont retentissants. Du reste, l’artiste en conserve un souvenir très vif : « Une belle entreprise : même si tout avait été réglé dans les moindres détails, Rudy aimait à donner à nos périples un air de vacances. Tenue décontractée, espadrilles, shorts, chemise ouverte et lunettes de soleil. Avec de succulentes agapes arrosées d’un verre de vin du pays pour nous détendre, sans oublier nos parties de pétanque endiablées ! » (Extraits d’entretiens avec l’artiste, N.D.A.)
En France, en plus de sa tournée aux côtés de Rudy Hirigoyen, l’artiste assure notamment une saison à l’Opéra de Marseille dans Boccace (rôle de Quiquibio, en 1960). Le baryton se produit à Antibes, Arles, Béziers, Boulogne-sur-Mer, Castres, Dijon, Dunkerque, Fréjus, Marseille, Metz, Nice, Nîmes, Perpignan, Reims, Toulon, Tourcoing, etc. Il profite de donner des représentations supplémentaires dans des théâtres de la région (Méditerranée et Monsieur Beaucaire). De retour à Charleroi, il reprend le cours des saisons au P.B.A. en se concentrant principalement sur l’opérette.
Ses personnages, pourtant des seconds plans, parviennent à capter l’attention du public, car il sait se rendre captivant. Au-delà même de la voix, il y a toute l’élégance du phrasé, la compréhension du texte, l’aisance scénique, le sens de l’humour et un don inné pour l’improvisation. Il apporte un soin scrupuleux à la composition de ses personnages, il « fouille » pour ainsi dire toutes les facettes de ses rôles, ne laissant rien au hasard. Une fois la partition et le texte assimilés (Romano mémorise également les répliques de ses partenaires, on ne sait jamais), il s’attache à peaufiner les détails du rôle. Il apprend très vite et surtout, étant doté d’une capacité de mémorisation phénoménale, il retient ses répliques en un temps record.
Lors d’une représentation de La Veuve joyeuse à Liège, c’est lui qui souffle ses répliques à l’oreille de sa partenaire, une divette belge connue pour ses légendaires trous de mémoire ! Tout comme il est appelé à maintes reprises à officier comme fantaisiste pendant les changements de plateau ou les entractes, là où son sens de l’improvisation s’avère précieux (notamment à l’Opéra de Toulon où, lors d’une représentation de Chanson gitane, une coupure d’électricité plonge soudainement la salle dans le noir pendant près d’un quart d’heure). Il invente en un tour de main un numéro de chant et de fantaisie qui, au terme de la représentation, lui vaut dix minutes d’applaudissements et de nombreux rappels ! Si son répertoire n’est finalement pas vaste, une fois couplé avec ses autres métiers artistiques, il constitue une ample palette de talents.
A compter de la saison 1962-1963, après avoir achevé ses saisons au P.B.A., Romano poursuit sa carrière en qualité de baryton et de fantaisiste. Entre 1963 et 1967, il est fréquemment invité au Théâtre Royal de Liège, futur Opéra Royal de Wallonie, à Bruxelles sur les planches de l’éphémère Théâtre d’Opérette Bruxellois (T.O.B.), Mons, Namur, Tournai, Verviers, etc. Il reprend avec régularité le chemin des théâtres français (Reims, Metz, Caen, Boulogne-sur-Mer, Lille, etc.) et donne quelques représentations en Espagne, à Majorque, au Maroc et en Grèce, jusqu’en 1987 (opérette et comédie musicale).
Romano posant pour Les Timbres Valois
Photographie : D.R. ( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )LE TEMPS D’UNE INTERESSANTE RECONVERSION
Le milieu des années 1960 amorce le déclin de l’opérette à grand spectacle9 L’opérette, quant à elle, subit également, même si plus indirectement, les conséquences des diminutions, voire de la suppression des subventions publiques. Les productions communes à deux ou trois pays deviennent prohibitives et certains spectacles doivent dorénavant être produits au rabais, avec des coupures substantielles ou des artistes de second, voire, de troisième plan. La déconfiture du Théâtre du Châtelet entraîne une paupérisation de l’offre dans d’autres centres musicaux pour l'opérette à grand spectacle: en effet, peu de théâtres peuvent encore monter ces opérettes, à l'instar de Nina Rosa, La Belle de Cadix, Le Chanteur de Mexico, Andalousie ou encore, La Toison d’or.
L’époque et les modes changent avec l’arrivé de genres musicaux nouveaux et la démocratisation de la télévision. Romano est conscient de ce revirement de situation et après tout, il doit assurer le confort matériel et le bien-être de sa famille. Il est l'heure de d'un changement de cap …
Pendant les relâches estivales de 1963, Romano revêt le costume d’animateur de jeux-concours (L’Homme aux pièces d’or, pour Les Timbres Valois10). Ensuite, l’occasion se présente de pouvoir animer des clubs de vacances en qualité d’animateur : son entregent, son sens de la communication et les contacts faciles qu’il parvient à nouer avec le public facilitent cette reconversion professionnelle qui, une fois de plus, est un défi qu’il relève facilement. Entre 1963 et 1985, il voyage et séjourne dans de nombreux pays et lorsqu’il le peut, il fait découvrir des terres lointaines à Marie-Thérèse et Fabienne ; les voyages sont source d’un bonheur partagé et intense, même si M. Fantigrossi reste avant tout Romano ou
Jacques Roman l’artiste. Dès qu’il le peut, il chante, même s’il est bien contraint de ralentir ses activités musicales traditionnelles. Il réalise à ce moment-là qu’il peut donner un nouvel envol à sa carrière. C'est dans cet état d'esprit que son fidèle ami, le baryton, fantaisiste et comédien belge Jean Bonato, évoque avec lui la nouvelle corde qu’il a ajoutée à son arc : celle d’animateur et de directeur de croisière. Pourquoi pas ?C’est ainsi qu’après avoir terminé ses saisons lyriques, il débute, saison 1967-1968, en qualité de directeur d’animation, d’abord pour la société Holiday Club où, jusqu’en 1987, il sillonne les mers sur des paquebots de croisière (Algérie, Chypre, Espagne, Grèce, Iles Canaries, Italie, Malte, Maroc, Portugal, Tunisie, etc.). Son entregent, ses dispositions naturelles pour les relations publiques et sa voix, qu’il préserve soigneusement, font qu’il trouve un nouvel équilibre … Bien qu'une page soit tournée, Romano maintient les liens noués avec des artistes de tous horizons qu’il ne manque pas d’inviter à se produire à bord des paquebots. Egalement, il conserve et entretient les amitiés tissées de longue date, ce qui lui consent de chanter à nouveau avec des anciens collègues en dehors des saisons d'animateur.
Entre 1987 et 1994, il est nommé directeur de croisière et à nouveau, directeur d’animation pour le Groupe Chandris Lines, où il gère également les relations publiques.11 Il assume ensuite ces mêmes fonctions pour les Croisières Romanza Azur, Americanis et pour Epirotiki Lines.
UN DOUX CREPUSCULE TOUT EN MUSIQUE
La retraite sonne le glas, même pour Romano, qui est contraint de prendre un repos bien mérité. A l’heure où d’autres artistes décident de se déconnecter complètement de leur passé professionnel, le baryton en profite pour partager davantage de temps avec les siens et à voyager pour son plaisir. Il intensifie ses prestations au sein de la Chorale Royale Les XVI, surtout à partir de l'an 2000 et s’implique activement en sa qualité de membre de l’Union des Artistes. Tout ce qu’il entreprend est réalisé avec une totale conscience professionnelle, et il prend à cœur ses nouvelles activités de concertiste.
Il est une source intarissable de connaissances, un puits d’anecdotes croustillantes et de souvenirs coquasses, le tout restitué dans plusieurs langues et accents ! Il conserve une étonnante fraîcheur d’esprit, portée par un enthousiasme et une curiosité intellectuelle constantes. Son regard, nullement amer ou passéiste, est bien au contraire judicieux, habilement critique mais toujours empreint de sa joie de vivre communicative. Depuis ses débuts au Palais des Beaux-Arts en 1957, on ne saurait résumer ou limiter son apport artistique à telle ou telle discipline, car à lui seul, il est un véritable spectacle vivant.
Les dernières années du passage terrestre de Romano sont sereines et comblées, entouré de sa famille et de ses amis. Il est fondamentalement heureux, car il poursuit avec philosophie, comme il se plaît à le répéter avec son éternel sourire, « son chemin musical et artistique ». Finalement, par une froide journée d’hiver, il tire sa toute dernière révérence, non sans rappeler aux Etres les plus proches, combien il les aura aimés. Peut-être pense-t-il alors que finalement, il aura passé trop de temps éloigné d’eux. Jusqu’au bout, il aura été et il reste, un grand seigneur.
Témoin privilégié du rayonnement de l’opérette en Belgique et en particulier, à Charleroi, sa disparition marque la fin d’une époque.
UN APERCU DU REPERTOIRE DE ROMANO (PAR ŒUVRE, DANS L’ORDRE ALPHABETIQUE)
Répertoire d’opéra bouffe et d’opérette
Andalousie (Valiente)
Balalaïka (Nicky)
Boccace (Quiquibio)
Chanson d’amour (Novótny)
Chanson gitane (Jasmin)
Clivia12, opérette de Nico Dostal : création mondiale au Théâtre Royal de Liège en 1965 (Marius)
Comtesse Maritza (Zsupán)
Flossie (Barnabé)
Frédérique (Weyland)
Frick et Prosper (La Vie parisienne),
Idylle à Capri (Holiday)
Ignace (Serge de Montroc)
L’Auberge du Cheval-Blanc (Célestin et le professeur Hinzelmann)
La Belle de Cadix (Ramirez et Manillon)
La Belle Hélène (Ajax II)
La Chaste Suzanne (Pomarel et parfois Alexis)
La Chauve-souris (Tourillon)
La Fille de Madame Angot (Trenitz)
La Fille du tambour-major (Gregorio et le duc Della Volta)
La Margoton du bataillon (le Caporal Pipou)
La Toison d’or (Fassilinidès)
La Veuve joyeuse (Figg, l’Attaché-secrétaire d’Ambassade et d’Estillac)
Le Chanteur de Mexico (Cartoni et l’Indien)
Le Comte de Luxembourg (Brissard)
Le Pays du sourire (le comte Ferdinand de Lichtenfels, le Chef des eunuques et Fu-Li)
Le Prince de Madrid (Horatio)
Le Tsarévitch (Yvan)
Les 28 Jours de Clairette (Benoît)
Les Amants de Venise (Sénateur Davila)
Les Cloches de Corneville (Bailly)
Les Saltimbanques (un Officier et Paillasse)
Madame Favart (l’Aubergiste)
Mam’zelle Nitouche (le brigadier Loriot)
Méditerranée (Mimile et Matteo)
Monsieur Beaucaire (Bicksitt)
Monsieur Bourgogne (un barman)
Monsieur Carnaval (le Clochard)
Monsieur Carnaval (le deuxième assureur)
Nina-Rosa (Pierrot)
No no Nanette (Billy)
Pas sur la bouche! (Charley)
Passionnément (Auguste)
Phi-Phi (Pirée)
Quatre jours à Paris (Nicolas)
R.I.P. (le Nain)
Rêve de valse (Lothar)
Rose de France (Ragotin)
Rose de Noël (le Colonel Tibor Tabakowitz et le père de Vima)
Rose-Marie (Hermann)
Vacances au Tyrol (rôle de premier fantaisiste)
Valses de Vienne (Léopold)
Véronique (Séraphin)
Victoria et son hussard (Janczy et le Comte Ferry)
Violettes impériales (Estampillo)Répertoire d’opéra comique et d’opéra
Carmen (le Remendado et Lillas Pastia)
La Bohème (Saint-Phar et Benoît)
Le Chemineau (François et Antoine)
Le Revizor, opéra de Werner Egk, création mondiale en langue française au P.B.A. en 1958 avec Lucienne Delvaux (un Geôlier)13
Les Noces de Figaro (Antonio)
Les Pêcheurs de perles (Antoine, rôle parlé)
Rigoletto (le Comte Monterone)
Roméo et Juliette (Mercutio)
Surcouf (Flageolet)
Tosca (le Sacristain)
Werther (Schmidt)
ENREGISTREMENTS
Des captations radiophoniques ont eu lieu, autant au siège de l’I.N.R. qu’à la R.T.B.F. Plusieurs concerts de la Chorale Royale Les XVI ont fait l’objet de captations (Radio-Hainaut/I.N.R.) En 1957, Romano il participe à l’enregistrement de deux opéras de François-Joseph Gossec pour Radio-Hainaut, tout comme la même année, il enregistre pour l’I.N.R. la présentation et les rôles parlés des Pêcheurs de perles et du Chemineau. Selon des sources proches de l’auteur, des opérettes telles que La Chauve-souris, Monsieur Beaucaire et peut-être La Belle Hélène auraient été enregistrées à Liège.
Egalement, des opérettes à grand spectacle au P.B.A. de Charleroi auraient été enregistrées (intégralement ou de larges extraits), notamment La Belle de Cadix et Le Chanteur de Mexico et peut-être même des extraits de L’Auberge du Cheval-Blanc). Quant aux Amants de Venise, une captation avait été prévue puis annulée en dernière minute pour des raisons de droits d’auteur (avec Line May et le couple-vedette Marcel Merkès-Paulette Merval).
A ce stade, il paraît déplorable que l’on ignore où peuvent se trouver ces précieux enregistrements : peut-être entre les mains de soi-disant « collectionneurs », trop peu enclins à partager leurs trésors ? Quant aux archives nationales belges, on connaît leur peu d’entrain et d’intérêt dans la valorisation de leur passé musical. Peut-être, un jour, quand plus personne ne sera là pour évoquer la mémoire de ces artistes. …
ENTRETIEN AVEC ROMANO
Q. Que de métiers n’avez-vous pas pratiqués : quel a été le déclencheur de cette vocation artistique ?
R. « Je chante depuis mon enfance. Mon père possédait un bar avec une terrasse à Civitavecchia, non loin de Rome. Nous disposions d’un petit orchestre bien pratique et constamment sous la main : à peine âgé de 12 ans, je chantais déjà des succès populaires en vogue pendant la seconde guerre mondiale. Ce fut mon premier véritable contact avec le public. Je fus toujours attiré par le monde des Arts : la musique et le chant, mais également, le théâtre et les disciplines décoratives. »
Q. Quel devrait être le parcours pédagogique idéal d’un jeune talent ?
R. « Dans le contexte artistique actuel, je préconiserais quatre éléments-clés : diction, art dramatique, chant et art lyrique. Cette combinaison me paraît essentielle et je ne suis pas certain qu'elle soit systématiquement appliquée par tous les conservatoires et académies de musique. C'est justement cette combinaison de valeurs théoriques qui m'orienta spontanément vers l’opérette grâce à sa bonne interaction entre toutes ces disciplines. »
Q. L’opérette : une véritable histoire d’amour ou un simple flirt?
R. « Plutôt une longue histoire d’amour, car la comédie me plut tout autant que le chant. La fantaisie me permit de devenir le comédien de l’opérette en quelque sorte : c’est lui qui porte le texte et soutient le livret, tout en divertissant l’auditoire et en épatant la galerie! Parfois, c’est également lui qu’on appelle à la rescousse en cas de problème, là où son talent d’improvisateur est mis à contribution. A l'Opéra de Toulon, une panne d'électricité me valut de devoir assurer un numéro de fantaisie improvisé. A Liège, dans 'La Veuve joyeuse', je dus souffler son texte à un soprano à court de mémoire et passablement enivré! Ce qui nous valut à la fin du spectacle un long et sympathique fou rire général! Toujours à Liège, je fus contraint de rattraper et prendre dans mes bras l'infortunée Jacqueline Vallière qui, après avoir trébuché, faillit s'étaler de tout son long sur les planches dans 'La Chauve-souris'! Que de situations imprévues le fantaisiste d'opérette ne doit-il pas à sauver ! »
Q. Dans quelles circonstances avez-vous débuté?
R. « Mes grands débuts furent plutôt surprenants: ils eurent lieu dans le cadre d’un crochet de chant organisé par … l’Armée belge, qui regroupait alors plusieurs corps armés. L’un des officiers supérieurs, second commandant de la Base Aérienne de Florennes, connaissant et appréciant ma propension pour le chant, me demanda si je souhaitais concourir au concours de chant devant avoir lieu à la Salle Patria à Bruxelles. Timidement, j’acceptai et à mon étonnement, je remportai le premier prix de 5'000 francs belges après avoir interprété la célèbre chanson napolitaine ‘O sole mio’! Pour l’anecdote, ma récompense fut confisquée par ma hiérarchie pour qu'il me fût permis d'offrir – coutume oblige - des tournées dans des bars le long de la route du retour. Je souligne qu’à ma grande consternation, nous étions trois camions chargés de soldats ! Mais j’acceptai volontiers, même si je ne vis jamais la couleur de cet argent: il fut donné pour une bonne cause. Ce fut une première forme de consécration officielle avant mes premiers pas au Palais des Beaux-Arts. »
Q. Et vos débuts professionnels au théâtre ?
R. « Dans un premier temps, je fus engagé en qualité de peintre-décorateur au P.B.A. en 1954 et non comme baryton ou fantaisiste. Nous fumes chargés de préparer l'ouverture et le travail fut imposant. Quelque temps plus tard, on me nomma chef décorateur et après mes débuts au Palais, régisseur-adjoint. Avant l’inauguration du P.B.A., les décors étaient réalisés pendant l’été, en période de relâche, au Palais des Expositions de Charleroi, puis transportés vers le P.B.A., opération spectaculaire au vu des dimensions des éléments de décors ! Puis, nous créâmes un atelier de décors dans l'enceinte même du P.B.A. Je collaborai ainsi avec la plupart des artistes peintres ayant prêté leur concours aux travaux d’embellissement du Palais, entre autre le peintre belge René Magritte pour la finition de sa fresque murale, ‘La Fée ignorante’ dans la Salle des Congrès. Je travaillai à ses côtés dans un esprit décontracté et chaleureux. Je connus aussi fort bien le peintre et sculpteur biélorusse Ossip Zadkine, venu à Charleroi pour la réalisation des décors de la création locale d' 'Ariane et Barbe-bleue’, le conte musical de Paul Dukas. Ce fut un travail titanesque à vrai dire, car les décors durent être réalisés sur place au P.B.A. : je ne comptais guère les heures de labeur, ce qui me vaudra du reste des remontrances de ma famille! Je passai mes journées entières, voire une partie de mes nuits au théâtre, les délais devant être tenus, notamment pour la première d' 'Ariane’. Ce même artiste réalisa les hauts reliefs en stuc de chaque côté de la scène du Palais : il jouissait d’une excellente réputation, bien méritée. Malgré sa notoriété, il se montra chaleureux et modeste avec nous tous : notre collaboration fut des plus agréables. »
« Je connus également fort bien un autre peintre belge, le baron Pierre Paulus, qui réalisa une grande toile marouflée, toujours pour le P.B.A. Je vous livre une anecdote cocasse : une fois la toile fixée sur le mur, nous constatâmes qu'il manquait quelques centimètres sur la hauteur. Pierre Paulus refusant de grimper sur mon échafaudage, vu son habileté physique toute relative et son âge vénérable, il me pria de la retoucher pour lui et de la terminer. Il me fit entièrement confiance et je me souviens encore de sa voix sonore me donnant ses instructions, confortablement assis sur un fauteuil spécialement aménagé pour lui. Nous nous considérions alors tous artistes, sans véritable hiérarchisation, unis par un bel esprit de collégialité. »
Q. Vous avez donc inauguré le Palais des Beaux-Arts de Charleroi …
R. « Tout à fait et cette fois-ci, en qualité de chanteur. Mes débuts eurent lieu le 22 octobre 1957, un gala fastueux comme on en fait plus! Elève de la classe de chant de Pierre Herry au Conservatoire de Charleroi, c’est lui qui me prépara au répertoire et me prédit une carrière. Plus tard, une fois nommé à la direction artistique du P.B.A., il me donna ma chance – honorant sa promesse de se souvenir de moi -, devenant mon parrain de théâtre. Le matin de l’ouverture, j’étais encore occupé à terminer le cadre de scène du Palais et le soir même, je débutais dans ‘La Fille du tambour-major’ ! Je partageais alors ma loge avec celle du premier fantaisiste et Trial belge Jean Sauvenier, lui aussi d'origine italienne14 : il fut un véritable mentor pour moi et un ami: j’ai beaucoup appris à ses côtés. Je fus heureux et finalement fier, je dois l’admettre, de retrouver mon ancien professeur, qui entretemps avait été nommé Directeur culturel, donc 'de facto', Directeur des spectacles. Cette première saison fut importante car elle devait établir la réputation de la maison, et ce fut un succès incontesté. Sauf pour notre première Carmen. En effet, Pierre Herry engagea « un mezzo de l’Opéra de Paris » et le ténor Jacques Luccioni, le fils de José. L'artiste en question arriva à Charleroi et participa tant bien que mal aux répétitions, plutôt mal, que bien. Elle donna fort peu de voix et bien qu'un peu inquiets, nous nous dîmes qu’elle se ménageait. Du reste, elle ne manqua pas de souligner qu' 'elle ne faisait que marquer son rôle' et nous la crûmes! Puis, arriva la première: ce fut une véritable catastrophe, elle ne savait ni chanter, ni jouer et la voix s’effondra comme un château de cartes bien avant la fin du spectacle. Vérifications tardives effectuées: en effet, elle chantait bien à l’Opéra de Paris, mais comme choriste ! Pierre Herry, furieux et déçu, la renvoya sur-le-champ ! ».
Un espiègle Tourillon dans La Chauve-souris, très proche d’une Jacqueline Vallière (Arlette) amusée,
au Théâtre Royal de Liège.
Photographie : D.R. ( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )Q. Qu’est-ce au juste qu’un fantaisiste ?
R. « Un artiste d’opérette et de music-hall aux multiples talents : il amuse le public, raconte une histoire, s’adonne à des parodies, des imitations, des ‘sketches’ et il doit pouvoir improviser, pendant que les jeunes premiers changent de costumes ou lors des changements de décors. Les solistes chantent et dansent, puis regagnent les coulisses : le fantaisiste peut également interpréter des chansons ou des airs humoristiques, avoir ses propres numéros, ce qui est du reste le cas dans des opérettes et opérettes à grand spectacle. Le fantaisiste peut être comparé à un jeune premier comique. Je répète qu'il doit pouvoir improviser sur-le-champ et avec naturel. Cette capacité d’improvisation me fut précieuse dans ma carrière d’animateur. »
Q. N’auriez-vous pas été davantage tenté par une carrière de décorateur ?
R. « Je fréquentai les cours de l’Ecole de Peinture décorative de Gosselies, m’étant toujours intéressé de près aux disciplines des Beaux-Arts. J’avais notamment appris les variétés et nuances des bois, des faux-bois, des patines, des glacis, des marbres, des trompe-l’œil, des dorures et j’adorais la peinture et le dessin. J’aspirais à vivre de ce métier au théâtre, mais les contrats de travail étant la plupart du temps calqués sur une durée six mois, il me fallut une autre flèche à mon arc, en pouvant compter sur des revenus financiers plus constants. Surtout, l'envie de chanter et de faire de la scène étaient bien trop fortes!»
Q. Quelle importance a joué le P.B.A. dans votre développement artistique ?
R. « Il m’enseigna notamment la rigueur qu’un artiste devrait avoir à chaque instant. Un nouveau théâtre doit être géré comme une caserne militaire: ce fut à peu près le cas! (rires) J’appris qu’un interprète, quel qu’il fût, même choriste ou figurant, devrait être présent au théâtre deux heures au-moins avant le début du spectacle. Il faut de l’acharnement à la tâche, y compris dès les premières répétitions : être fin prêt et loin de nous étaient les auditions au Conservatoire. Au théâtre, nous étions face à notre public et non plus devant un aréopage restreint de professeurs. Dès la deuxième saison, je fus nommé second à la régie et pendant l’été, je travaillai d’arrache-pied sur les décors des productions. Je confectionnai même des accessoires, dont certains furent censés imiter des instruments de musique. Je me souviens en particulier qu’il fallut en deux jours fabriquer une mandoline pour notre Méphistophélès, la basse française André Huc-Santana15. Je fus également responsable du mobilier de scène : j’en ai écumé des antiquaires et brocanteurs de la région, leur empruntant des pièces pouvant servir aux productions! S’il pouvait certes régner une tension dans les coulisses ou dans les ateliers, la variété de mes responsabilités m’enseigna qu’il faut savoir se consacrer tout entier à son art, quel qu'il soit : cela est en soi une discipline qui permet de progresser sereinement. Je dois finalement au P.B.A. de m’avoir intégré dans cet esprit collégial, rare et en voie de disparition.»
Q. Parmi tant d'autres artistes, vous avez connu André Baugé, René Bianco, Nicole Broissin, Annie Cordy, Lina Dachary, André Dassary, Michel Dens, Guy Fontagnère, Henri Genès, Rudy Hirigoyen, Marina Hotine, Luis Mariano, Line May, Marcel Merkès, Berthe Montmart, Mady Mesplé, Maria Murano, Line Renaud, Janine Ribot, Huguette Rivière, Mado Robin, Tino Rossi, Jean Sauvenier, Michel Trempont, Alain Vanzo, Arta Verlen, etc. Que vous ont apporté ces artistes sur les plans artistique et personnel ?
R. «Mes premières saisons en France furent rendues possibles grâce à des artistes français en représentation à Charleroi. Ils me recommandèrent spontanément en France, notamment à l’Opéra Municipal de Marseille, puis ailleurs, y compris en Belgique. Nous étions en 1960, peu avant Pâques : je chantais Saint-Phar dans ‘La Bohème’, le dernier opéra au programme de la saison. Un appel téléphonique passé à la régie du P.B.A. m’informa que l’on voulait me recruter à Marseille pour une série de 15 représentations de ‘Boccace’. Le directeur, Michel Leduc, avait tout organisé pour moi, voyage et séjour: je ne pus qu’accepter. J’arrivai à l’Opéra de Marseille à 19h00, soit une heure avant le lever de rideau après avoir repassé mon rôle dans le train. Les coulisses étaient en pleine effervescence, tout le personnel était sur son pied de guerre: le maquilleur, le perruquier, la costumière, le soprano qui m’enseigna mes pas de danse en dernière minute ! Tout ce beau monde m’attendait pour me donner ma chance et m’accueillir dignement : ce fut une magnifique soirée et il faut le dire, un franc succès. »«Vous citez des grands noms, mais certains artistes, notamment du Théâtre du Châtelet, de Mogador ou des théâtres nationaux, n’étaient pas tous connus, au point qu’ils ne se produisirent le temps de quelques saisons, puis disparurent aussi vite qu’ils étaient venus sans laisser de trace dans le firmament musical! Chaque représentation était un tableau de famille : il régnait une ambiance agréable et chaleureuse de franche camaraderie. Les artistes m’ont tant apporté, grâce à leur amitié, leur expérience artistique, leur savoir et leur esprit de partage. Chacun parut sincèrement heureux de pouvoir collaborer avec le P.B.A. et les premières saisons qui suivirent l’inauguration furent menées avec une grande pompe. L’opéra bouffe, l’opérette et l'opérette à grand spectacle, le grand opéra, la danse, l’art dramatique, les variétés mais aussi les concerts : nous avons accueilli une pléthore de vedettes internationales. Sans aucun doute, l’activité artistique à Charleroi à cette époque bénie fut la plus intense de Belgique, même Bruxelles nous enviait ! »
« Que d’artistes inoubliables : vous en citez quelques-uns. Certains d'entre eux me marquèrent : Monique Bost royale d’élégance et de blondeur, Nicole Broissin exquise de raffinement dans ‘Les Trois valses’, Janine Ervil magnifique avec sa voix aérienne dans ‘Le Secret de Marco Polo’, ‘L’Auberge du Cheval-blanc’ ou ‘Naples au baiser de feu’, Mady Mesplé par son incroyable musicalité, Berthe Montmart intense et pathétique dans ‘Madame Butterfly’, Maria Murano pour la chaleur de sa voix et sa présence scénique, Janine Ribot pour la beauté lyrique de sa grande voix et sa prestance, Mado Robin pour la formidable extension de sa voix miraculeuse, Suzanne Sarroca rayonnante et dramatique dans ‘Aida’, etc. »
Luis Mariano, Maurice Baquet et Romano dans Le Prince de Madrid au Palais des Beaux-Arts de Charleroi.
Photographie : André Lemière. D.R. ( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )
Luis Mariano et Romano dans une scène de Le Prince de Madrid
au Palais des Beaux-Arts de Charleroi.
Photographie : André Lemière. D.R. ( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )
Parmi les messieurs, si Luis Mariano et Rudy Hirigoyen furent emblématiques de nos saisons d’opérette, Tony Poncet m'impressionna par sa voix de stentor, Alain Vanzo par le raffinement et l'élégance un peu à l'ancienne de son chant, Gabriel Bacquier dans ‘Monsieur Beaucaire’ n’interprétait pas le personnage, il 'était' ‘Monsieur Beaucaire' ! La voix, la clarté de la diction, le jeu d’acteur et sa seule présence scénique nous ont tous impressionnés. Dans un autre registre, Annie Cordy : l’une de nos vedettes nationales ! Toujours pleine d’entrain, méticuleusement préparée, entraînant ses collègues et l’équipe technique dans son dynamisme et sa bonne humeur ! Tout comme Luis Mariano, sa générosité était légendaire : après le spectacle, nous étions souvent invités par les deux pour un dîner tardif à L’Impérial, un restaurant italien que les deux artistes aimaient particulièrement – et qui existe toujours sur la Place du Manège. Que de radieux souvenirs ! »
Q. Votre amitié avec le ténor Rudy Hirigoyen vous valut des agréables surprises …
R. « En effet et je dois reconnaître qu’il fut lui aussi un personnage à part. Nous avons bien collaboré ensemble. Sur le plan personnel, j’ai pu apprécier un homme simple, affable et généreux, éloigné de l’image de ‘star’ que son imposante Cadillac ou la légion d’admirateurs l’attendant après ses concerts auraient pu laisser croire. Rudy Hirigoyen assurait alors les dernières représentations du ‘Chanteur de Mexico’ au P.B.A. (doublure de Luis Mariano). C’est lui également qui reprit les rôles de Miguel et de Vincent, notamment au Théâtre du Châtelet. Un jour, entre deux répétitions au Palais, le ténor me demanda si je serais intéressé de le suivre pendant un mois de tournée pour une série de représentations de ‘La Belle de Cadix’ (rôle de Manillon) dans le sud de la France. Après avoir obtenu l'accord de l'administration, j'acceptai tout de suite. Il me proposa de le rejoindre sur place et de répéter pendant un mois entier chez lui, où j’étais du reste fort gracieusement hébergé, dans le village de Cabriès (Bouches-du-Rhône). Je me souviens du lieu, certes très pittoresque, mais Rudy Hirigoyen l’était tout autant ! A propos de sa Cadillac, il me voulut sagement assis à ses côtés, car il adorait conduire et je fus bien obligé de "lui faire la causette"! Il refusa que je rejoigne les autres membres de la troupe, tous installés dans un car de location. Et je fus littéralement contraint de lui faire la conversation pendant nos longs trajets, mais ce fut un réel plaisir. Il était un bon vivant, un fin gourmet et un extraordinaire joueur de pétanque ! Egalement, je souligne combien cette tournée fut une réussite : même si tout avait été réglé dans les moindres détails, Rudy aimait à donner à nos périples un air de vacances, car il n'aimait pas trop le côté solennel des choses. Espadrilles, shorts, chemise ouverte, lunettes de soleil et de succulentes agapes arrosées d’un verre de vin du pays pour nous détendre, sans oublier nos parties de pétanque endiablées ! Ce fut un véritable bonheur: nous avons énormément travaillé, mais dans une atmosphère amicale et détendue.»
Q. Pour quelles raisons avez-vous été choisi par Rudi Hirigoyen ?
R. « Je lui ai moi-même posé cette question et il m’a répondu : ‘Tu étais le seul au P.B.A. à ne m’avoir jamais rien demandé lors de mes saisons à Charleroi: ni faveurs, ni recommandations, ni autre forme de passe-droit pour d'autres théâtres. Je t’ai discrètement observé travailler et j’ai apprécié avec quel sérieux tu évoluais et à quel point tu aimais le théâtre; tu avais le métier dans tes veines. Raisons pour lesquelles j’ai spontanément insisté pour que tu puisses être des nôtres. Mon choix m’a semblé tout naturel. »
Q. Vous fourmillez d’anecdotes …
R. « Il y en a tant, mais restons à Marseille ! Le baryton français Guy Fontagnère, avec lequel je chantais et qui m’avait recommandé à la direction du Théâtre Municipal de Marseille, aimait à me dire – et veuillez pardonner mon vocabulaire - avec son accent bordelais : ’Toi Romano, tu as le cul bordé de nouilles !’ Nous étions en coulisses pendant une représentation de ’Boccace’ et alors que le ténor et le soprano chantaient un duo, Guy Fontagnère vit passer un accessoiriste portant deux casques de pompier. Rapide comme l'éclair, il arracha promptement les casques des mains du malheureux et recouvrit nos chefs respectifs; le tout se déroula en cinq secondes! Puis, apercevant deux hallebardes déposées contre un mur, il m’en passa une et ce fut ainsi que nous traversâmes la scène, imperturbables et flegmatiques, retenant notre fou rire, alors que l’action battait son plein. C’était la dernière représentation de la série, d’où ce petit relâchement ! »
Marcel Claudel (4ème depuis la gauche) dans Pâris (La Belle Hélène) avec Liliane Berton, Claude Revel,
Georges Davray, Charles Darthez, Jules Salès, etc. Monnaie, 10 juin 1933, direction de Georges Lauweryns.
Photographie : Reportage Belge A. Beeken, Bruxelles. D.R. ( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )« Avec un tel défilé d’artistes à Charleroi, les anecdotes sont légion et certaines sont coquasses. Pour revenir à mes saisons au P.B.A., je conserve un souvenir très vif de Marcel Claudel, éminent ténor et excellent metteur en scène, mais au caractère un peu particulier. Je me souviens de lui, m’interpelant depuis la grande salle du P.B.A. et me priant, avec sa bonhommie habituelle, d’aller lui ‘chercher son thé au bar’. Je vous laisse deviner ce que contenait sa tasse de thé, oh doux breuvage enivrant! »
« Je me souviens aussi du très populaire Tino Rossi, faisant son entrée en grande pompe sur la scène, avec ses habitudes bien ancrées et ses manies. Je le vois encore arrivant au P.B.A., escorté de nombreuses admiratrices en pâmoison devant lui et distribuant des autographes. Il nous interdisait fermement de l’approcher de trop près et surtout, de le toucher. En effet, même aux répétitions, son veston était truffé de micros. Sa voix, splendide au demeurant, était minuscule et ne passait pas la rampe, d’où cette amplification habilement dissimulée, mais indispensable. »
« Une autre anecdote amusante concerne Luis Mariano. Nous chantions 'Le Prince de Madrid' devant une salle comble. Je fus appelé ou plutôt réquisitionné sur les planches pour raconter ma vie et divertir le public, en bref faire le pitre, tout en assurant la continuité du spectacle. Le ténor avait déchiré la fermeture-éclair de son pantalon ! Alors que la costumière s’activait dans sa loge, je dus sauver la soirée et je fis de mon mieux! Toujours au sujet de Luis Mariano : il chantait ‘La Toison d’or’, toujours au P.B.A. Au moment où on présente à Stanislas un coffret sensé contenir un bijou de grand prix, quelle ne fut pas sa surprise d’y découvrir un sexe masculin, confectionné en mie de pain par mes soins, je vous l’avoue ! Nullement offusqué, il éclata de rire, entraînant avec lui le public, mais aussi le chef d'orchestre, la salle et bien-sûr, tout le personnel technique! Il se prêta au jeu, presque bon enfant, montrant combien il était humble, possédant le sens de la dérision et de l'humour. »
« Parmi les autres souvenirs coquasses : je jouais 'La Veuve joyeuse' à Liège et notre Missia Palmieri était une divette belge bien connue, hélas réputée pour son penchant pour l'alcool! Le soir de la dernière représentation, elle arriva au théâtre passablement en retard et visiblement guillerette. Elle aussi fut dotée ce soir-là d'un talent d'improvisation étonnant, car elle inventa le texte de certains passages sans sourciller. Toutefois, je dus m'improviser souffleur lorsqu'elle dut chanter ses soli! Finalement, ce fut une soirée amusante avec de nombreux rappels et des fous rires, en premier lieu avec l'intéressée qui était, au demeurant, une femme exquise! »
« Comment ne pas citer Tony Poncet, la gentillesse réincarnée. Il n’aimait pas trop les fastes des soirées de gala et les mondanités de théâtre: il était un garçon simple pour ainsi dire. Je l’ai connu à Liège quand il chantait Radamès dans Aida. Sa voix était incroyablement puissante; il avait du coffre, non seulement dans les aigus, mais également dans le medium; c'était en fait une colonne sonore! Il n’était pas un acteur exceptionnel, loin de là, mais il savait habiter totalement ses personnages et finalement, on ne voyait que lui ! Enfin, une mention particulière pour le magnifique Michel Trempont : nous chantions Carmen à Liège, il incarnait Escamillo. Il était alité, avec une pneumonie et une double pleurésie. Je crois d'ailleurs que nous étions en plein hiver. Hélas, aucune doublure n’avait été prévue. La direction du théâtre envoya une voiture et il fut ausculté au théâtre par un médecin dépêché par l'administration qui lui dit : 'Monsieur, si vous chantez ce soir, vous allez à la mort ! Entêté et professionnel jusqu'au bout, il voulut chanter et fut contraint de signer une décharge ! Ne me demandez ni comment ni par quel miracle, mais Michel chanta superbement bien : la voix passait la rampe sans souci, sonore et lumineuse. Personne ne s’aperçut de rien ! Voilà un artiste d’une trempe tout à fait extraordinaire et qui chante toujours! ».
Dessin réalisé par Luis Mariano dans Vincent (‘Le Chanteur de Mexico’) et reproduit sur l’affiche des Productions Do-Fa (Nick Varlan-Arta Verlen).
Photographie : D.R. ( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )Q. Vous avez manifestement beaucoup apprécié Luis Mariano …
R. «Tout à fait! Un type en or pour ainsi dire ! Un artiste inoubliable et un homme attachant. Sa voix était magnifique, un talent naturel et même sur le tard, alors que sa santé déclinait, il conservait la beauté intrinsèque de son instrument. Tout rayonnait en lui: le physique, le sourire et l’attitude. Quand il arrivait sur le plateau, il galvanisait l'auditoire. Sa présence était solaire et nous étions subjugués. Luis Mariano était imbattable ! Il était l’étoile ! L’une de mes plus grandes satisfactions de carrière fut de chanter Horatio avec lui dans ‘Le Prince de Madrid ‘: notre duo fut comme suspendu dans le temps. Je me souviens également de nos joyeuses agapes. On ne dînait jamais avant le spectacle, mais nous aimions nous retrouver tous ensemble après les représentations et le ténor se joignait toujours à nous, car il détestait se retrouver seul dans sa chambre d'hôtel, un problème bien connu des artistes. Il fallait alors trouver un établissement en mesure de nous accueillir vers minuit. Nous allions régulièrement à L’Impérial, un restaurant typiquement italien. La règle était alors que chacun de nous réglait sa part 'alla romana'. La troupe des premiers plans aimait prolonger l’excitation de la soirée à l’Impérial où les vedettes s’y plaisaient bien. Au moment de régler l’addition, le partage était peine perdue : Luis Mariano avait régalé toutes les convives et nous réservait la surprise! Annie Cordy et Jean Richard avaient eux aussi cette générosité et cette prodigalité innées. Parfois, nous aimions nous retrouver autour d’un verre avec le baryton et acteur français André Baugé, mais la liste est longue.»Q. Selon vous, quel fut le moteur du succès du Palais des Beaux-Arts ?
R. « Tout d’abord, Charleroi a toujours été le pays de l’opérette en Belgique, même bien avant Bruxelles. Verviers s'est bien défendue notamment avec les directions Emile Laurent et Jean Colard, mais avec des moyens plus modestes. A l’époque du Théâtre des Variétés et déjà dès la fin du XIXème siècle, l’opéra bouffe et ensuite, l’opérette, avaient la cote et faisaient salle comble. Quand nous montions ‘L’Auberge du cheval blanc’, le succès était extraordinaire. Les solistes du spectacle regagnaient le théâtre depuis la gare de Charleroi en belles voitures décapotables, on se vêtait élégamment. C’était alors un véritable plaisir de se 'mettre sur son trente-et-un' et il eût été impensable d'être vêtu comme aujourd'hui. L'ambiance régnant pendant les saisons d’opérette était unique. Le petit train utilisé dans les productions du ‘L’Auberge du cheval blanc’ circulait sur le parvis du Théâtre des Variétés au grand émerveillement des petits, comme des grands. La façade du théâtre était si richement décorée et les fresques si habilement réalisées que l’on se croyait véritablement en Autriche ! J’étais alors enfant et admirais cette féerie, bien calé sur les épaules de mon père : le spectacle extérieur rivalisait avec les décors de la représentation: nous en étions subjugués. Ah, je ressens là un petit pincement de nostalgie! (rires). »
« On peut affirmer que l’opérette fut le premier vecteur de succès pour le Charleroi artistique. Des théâtres de l'importance des Variétés, puis du P.B.A., ont affirmé cette réputation justifiée. Les Beaux-Arts offraient 1'800 places assises, pourtant moins que les Variétés, en rangées de fauteuils, avec un vaste balcon d’une seule volée et d’une grand amplitude. Après des débuts techniquement difficiles et nécessitant des aménagements techniques pointus, l’acoustique devint excellente et le P.B.A. fut le seul théâtre de Belgique en mesure d’accueillir les productions d’opérettes à grand spectacle du Théâtre du Châtelet sans devoir les réduire ou les adapter de manière substantielle, vu leurs imposantes dimensions. »
« Cet aspect fut primordial pour préserver l’aspect originel des œuvres. A titre d’exemple, ‘L’Auberge du cheval blanc’ pouvait être présentée intacte, grâce à la largeur de la scène, alors qu’au Théâtre Royal de Liège, seul le centre du décor pouvait être monté. Au début, nous dûmes galérer avec le son car l’architecte n’avait pas prévu d’acousticien : or, le son se perdait dans le plafond ! L’effet fut saisissant et je vous laisse imaginer notre angoisse, notamment parmi les rangs des chanteurs à petites voix, d’où la nécessité d’installer des micros habilement dissimulés. Sinon, sur le plan technologique, le P.B.A. fut à la pointe de la modernité, la machinerie permettant des changements de décors ou d’éclairage en un quart de tour. Nous eûmes le privilège de pouvoir assister aux productions du Châtelet, mais sans devoir nous déplacer vers Paris ! Quant aux distributions, elles furent quasiment identiques, les rôles principaux étant imposés par le Châtelet. D'innombrables célébrités certes, mais également, des deuxièmes ou troisièmes plans et des fantaisistes membres de la troupe moins connus, dont on n’entendit plus jamais parler. Tout le monde aura eu sa chance et l’aura saisie! »
André d’Arkor et Marcel Claudel en juin 1950 dans le jardin de la famille Corneil de Thoran, garden party suivant le gala commémorant le 300ème anniversaire de la Monnaie en 1950.
Photographie : D.R. ( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )Q. Une ambiance de travail et un climat général agréables?
R. « Non: extraordinaires! C’est l’adjectif qui les qualifie le mieux ! Nous évoluions comme une famille d’artistes et toute l’équipe du P.B.A. partageait l’excitation des productions avec la troupe et les artistes invités, pour le meilleur et parfois, comme pour le pire ! Nous eûmes alors la chance d’évoluer dans une ambiance saine où chacun vivait pour son art, quel qu'il soit: de la vedette au deuxième plan, du choriste au coryphée, du technicien au personnel administratif. Entourés par le personnel du P.B.A. et par les artistes en représentations, nous comptions sur des présences tutélaires comme celle de Marcel Claudel ou d’André d’Arkor au Théâtre Royal de Liège16. Le second fut chargé de la direction, puis de la direction artistique à Liège, après la magnifique carrière lyrique que l’on sait. Marcel Claudel tissa des liens étroits avec la France, notamment lors de ses séjours à l’Opéra Comique : il en conserva des contacts privilégiés. Tous deux connaissaient parfaitement les voix et surtout, le répertoire, ce qui de nos jours est devenu une véritable exception ».
« L’atmosphère régnant au P.B.A. était laborieuse certes et nous ne comptions pas nos heures, mais il y régnait un esprit de franche camaraderie. Nous n’avions parfois pas le temps de déjeuner et nous nous faisions livrer des canapés ou des sandwiches, que nous dégustions tous ensemble, artistes et tous personnels confondus, dans une atmosphère détendue. Lors d’un événement spécial, pour les soirées d’adieux, les galas ou encore, certains anniversaires, nous commandions des pâtisseries préparées par la pâtisserie L’Eldorado, une enseigne bien connue de Charleroi, gérée par Alfred Dupuis et Mélanie Dubois. L’une de leurs spécialités était le fameux ‘Merveilleux’ et le gâteau au chocolat 100 pourcent noir croquant ‘Tête de nègre’, que l’on venait savourer de très loin ! Les fournisseurs de la ville étaient heureux de pouvoir travailler avec le P.B.A., source non négligeable de revenus. Pour en revenir à l’ambiance du théâtre, si le travail en était la cheville ouvrière, la collégialité en était la pierre angulaire. Les artistes français du Châtelet se produisant à Charleroi aimaient tout particulièrement le P.B.A., car ils y retrouvaient une équipe soudée et professionnelle, dans une ambiance chaleureuse, beaucoup plus humaine qu’à Paris. Aujourd’hui, c’est le principe du chacun pour soi qui règne en maître.»
Q. Comment le Palais des Beaux-Arts fonctionnait-il?
R. « Précisément à l'instar d'une grande maison au service d’une troupe d’alternance. En fait, nous avions les artistes en saison, payés au mois et les pensionnaires de la troupe, qui pouvaient se voir offrir des rôles supplémentaires, payés au cachet, donc à la représentation. Une fois que le répertoire de l’artiste était établi, ce dernier avait intérêt à accepter les représentations payées au cachet, plutôt que de se cantonner à la seule saison. En deux représentations, j’avais gagné l’équivalent d’un mois entier ! C'est une situation à laquelle nombre d'artistes lyriques ont été confrontés. Pour revenir à Luis Mariano, il ne séjournait pas plus de six ou sept mois à Paris avec une création, puisqu’il était payé au mois ! Les représentations payées au cachet étaient bien plus intéressantes sur le plan financier et en règle générale, l’opérette était largement plus profitable que l’opéra ou l’opéra comique.»
Q. Vous avez défendu un large répertoire : quels ont été vos rôles préférés ?
R. « J’ai beaucoup aimé le Sacristain dans ‘Tosca’ ou encore, Saint-Phar dans 'La Bohème', deux rôles permettant une ample variété de caractérisation, des seconds plans, mais permettant de composer un personnage aux multiples facettes. Il faut aussi dire que la musique géniale et vériste de Puccini se prête aisément à l’action théâtrale, elle la suggère, elle vous guide … »
« En opérette, j’ai adoré Manillon dans ‘La Belle de Cadix’ : la musique, le rythme, le style enjoué. Le caractère du personnage me permettait de jouer la comédie, ce qui était réellement fait pour me plaire. J'ai aussi apprécié Bicksitt dans 'Monsieur Beaucaire' ou Gregorio dans 'La Fille du tambour-major', le rôle de mes débuts. Je dirais que j'ai une prédilection pour les emplois bouffes, ceux de verve comique. J'ai apprécié à différents titres tous les rôles que l’on m’a confiés : j'ai ainsi pu composer une mosaïque de personnages extrêmement variée.»
Q. De nos jours, la catégorisation vocale tend à être gommée au profit de voix uniformisées, et éloignées du style exigé par l’ouvrage …
R. « Je partage votre constat. J’ai appris l’art de la mélodie au Conservatoire de Charleroi et cela m’a énormément aidé. L’apprentissage de la nuance, du détail musical, le décorticage du texte, phrase après phrase, m’ont enseigné comment donner toute leur valeur à ces précieux éléments. Cette base technique et interprétative s'avéra essentielle tout au long de ma carrière. La mélodie consent cette forme de ciselure qui est plus difficile à atteindre en opéra – notamment à cause de la présence d’une orchestration plus dense -. Dans mon cas, la maîtrise de la mélodie fut utile dans mon interprétation de l’opéra comique, puis de l’opérette : c’est elle qui me consentit une meilleure caractérisation des rôles. Je pus ainsi donner une plus grande transparence au texte, garantissant une meilleure charpente prosodique, autant dans les airs, que dans les récitatifs. N'oublions jamais l'importance des récitatifs! Ces éléments contribuent à une réelle mise en exergue des typologies vocales : j’étais baryton-Martin et il eût été exclu de me confier des emplois de baryton dramatique ou verdien. Je pouvais aussi chanter des rôles de Trial en opéra bouffe, mais pas question de chanter Tonio dans 'La Fille du régiment'! Ce qui n’est plus le cas de nos jours, les voix devenant de plus en plus compactes et se ressemblent toutes. Tout le monde semble chanter "couvert" alors qu'il faut arrondir et assouplir chaque son, nuance capitale!"
Q. Avez-vous eu des modèles, des sources d’inspiration tout au long de votre cheminement d’artiste ?
R. «J’ai admiré de nombreux artistes, mais deux en particulier ont beaucoup compté : le fantaisiste belge Jean Sauvenier et le fantaisiste et metteur en scène français Jack Claret. Jean était souvent en saison avec moi, il était mon aîné et jouissait d’une plus longue expérience artistique que la mienne. Nous avons partagé une loge ensemble et spontanément, il me prodiguait des conseils, les trucs du métier en quelque sorte : ce fut une magnifique expérience ! Quant à Jack, bien que nous ayons partagé l’affiche en France en qualité de fantaisistes, je l’ai mieux connu au P.B.A. sous son chapeau de metteur en scène, notamment pour ‘Le Corsaire noir’, dont nous avons assuré ensemble la création à Charleroi. Jack m’a proposé tout à fait spontanément de devenir mon parrain de théâtre, ce que j’ai spontanément accepté. Ces deux artistes ont partagé de tout cœur avec moi leur passion inébranlable pour leur métier. Je leur en suis donc reconnaissant et ne les oublierai jamais. »
Q. Quelles sont, selon vous, les causes du déclin de l’opérette?
R. « Elles sont nombreuses. Les coûts élevés de production et l’amenuisement progressif des subventions sont parmi les raisons de cette désaffection, peut-être encore davantage que les seules questions de mode ou de goût. En effet, on continue de jouer l’opérette en Autriche, en Allemagne et dans une moindre mesure, en France. Dans les pays anglo-saxons, la comédie musicale a le vent en poupe. Il est vrai que la comédie musicale avec quelques beaux succès a suppléé l’opérette. Pour revenir à la désaffection du public pour l’opérette, il faut déplorer la faiblesse des livrets : à défaut d’être passionnants, ils devraient au-moins être plus solides et mieux ficelés. S’inspirer de faits historiques, de références mondiales, que ce soit en littérature, dans le monde des Arts, voire en politique – pourquoi pas ? -, il y aurait amplement matière! Tout cela pourrait redonner une dynamique à des livrets défaillants et parfois, incohérents. S’il n’y a quasiment plus de reprises, il n’y a quasiment plus de créations non plus ! »
« Quant aux opérettes à grand spectacle, je pense aux succès de Francis Lopez, de nos jours, c’est devenu quasiment 'mission impossible'. En effet, pour les opérettes importées du Théâtre Mogador, du Théâtre de l’Empire ou encore, du Théâtre du Châtelet, il faut des moyens financiers et logistiques hors du commun ! Du temps du P.B.A. et en dépit des 1'800 places systématiquement vendues, nous éprouvions déjà des difficultés pour dégager un équilibre budgétaire, les coûts généraux étant exorbitants. Pourtant, des cars arrivaient de France, du Luxembourg, d’Allemagne et de Bruxelles, chargés de mélomanes et d’’afficionados’ de tel ou tel artiste. A cette époque, plus aucun théâtre bruxellois ne proposait d’opérette et Charleroi était le rendez-vous incontournable. Pouvoir goûter dans cette ville aux plaisirs parisiens était un luxe, mais quel bonheur! Les costumes et décors étaient importés de France, alors que l’opéra et l’opéra comique étaient généralement produits localement. Je pense aussi que le public souhaite entendre des œuvres sortant des sentiers battus et non des sempiternelles reprises. »
« Enfin, réunir des distributions de qualité au service de ce répertoire paraît irréalisable à l’heure actuelle, d’où cette désaffection pour la fille pauvre de l’opéra comique comme dirait Saint-Saëns17! Il faut patienter jusqu’à la naissance de Charleroi-Opérettes18, structure créée par l’intrépide et talentueux fantaisiste belge Jacques Taylès19 en juin 1992 (il inaugure sa saison par ‘Andalousie‘) pour qu’un regain d’intérêt soit insufflé à l’opérette en Belgique. Il aura assumé avec succès son rôle de directeur artistique et Charleroi lui doit beaucoup. Je tiens à saluer son talent et son courage.»
Jacques (Jack) Taylès dans le Prince Sou-Chong (Le Pays du sourire).
Photographie : Photo Petit, Liège. D.R. ( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )Q. Les Taylès, c’est une histoire d’opérette de père en fils …
R. « Absolument et quel talent ! Jacques possède un talent inné pour la scène et la comédie : il a de qui tenir, avec un père Trial et une mère fantaisiste, Desclauzas et pianiste-répétitrice! Elle possédait une magnifique voix de soprano dramatique et aurait certainement pu faire une carrière à l’opéra. Les parents de Jacques comptèrent énormément : Verviers, Namur, Liège, Mons, mais aussi en France, à une époque où ce type de talent affirmait de belles et longues carrières. Les amateurs d’opérette purent les applaudir à Namur, puis au Théâtre des Variétés à Charleroi et au Coliseum ou à l’Alhambra de Bruxelles. Jack Taylès ne connut hélas pas le P.B.A, étant mort très jeune. Mia Taylès fut extraordinaire dans Josépha de l’Auberge du Cheval-Blanc : une grande voix lyrique au service de l'opérette. Elle fut également une pianiste-répétitrice de grand talent, faisant travailler un nombre incalculable d'artistes qui parfois, se rendaient à leur domicile pour répéter. Une musicienne hors-pair. Leur fils Jacques a réalisé de fort belles choses, tout d’abord comme fantaisiste : il savait tout faire et avec quel brio! Il deviendra metteur en scène et directeur artistique. Son énergie est contagieuse et grand nombre d’artistes, mais aussi, de théâtres, lui doivent beaucoup. »
Mia Taylès dans Josefa la Tyrolienne (L’Auberge du Cheval-blanc),
Théâtre Royal de Namur, 1958.
Photographie : D.R. ( © Operabilia/Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles )Q. Quels sont vos occupations actuelles ?
R. « Je continue de chanter, mais dans des chorales, notamment au sein de la Chorale Royale Les XVI. Elle fut créée en 1907 pour quatuor vocal à 16 voix d’hommes, d’où elle tire d’ailleurs son nom, puis elle s’est ouverte aux voix féminines. Notre répertoire est surtout fondé sur l’oratorio, mais il s’est désormais étendu à des époques plus récentes. C’est cette même chorale qui nous fut imposée pendant nos études au Conservatoire (aujourd’hui encore, nos répétitions ont lieu dans son enceinte), car les élèves étaient obligés de faire du chant d’ensemble avec le groupe des XVI. Nous avons interprété des œuvres extraordinaires, notamment sous l’influence du compositeur wallon Sylvain Vouillemin, qui remporta d’ailleurs un second Prix de Rome en 1939 et qui fut directeur du Conservatoire dès 1947. Nous avons réalisé un beau travail musical sous sa direction, notamment ‘Les Saisons’ de Joseph Haydn ou dans un répertoire contemporain, ‘Le Roi David’ d’Arthur Honegger : des œuvres magistrales et sans coupures ! Je suis également un membre actif de l’Union des Artistes (Bruxelles), je lis régulièrement et je continue de m’intéresser au monde des Arts qui m’a tant donné. »
Q. Avez-vous des regrets artistiques ?
R. « Celui de ne jamais avoir pu travailler à Paris. J’ai chanté pourtant dans de nombreuses autres villes françaises, mais pas dans la capitale, contrairement à mon ami Jacques Taylès. La circonstance ou plutôt, la chance, ne s’est finalement pas présentée et lorsque l’on est constamment en activité, ce qui fut mon cas, on le la recherche pas non plus. Cependant, plus d’un demi-siècle de carrière m’ont permis d’aborder tant de disciplines artistiques que finalement, je n’ai pas de véritable regret et je suis heureux d’avoir accompli une telle carrière artistique.»
Le mot de la fin …
« Nous évoquions ‘Tosca’ : eh bien je songe à la prière de Floria Tosca, ‘Vissi d’Arte, vissi d’amore’ au IIème acte. Oui, c’est exactement cela : je vis ‘d’Art et d’amour’, mais contrairement à l'infortunée Tosca, je choisis le temps présent ! Et puis surtout, n'oublions pas que 'Le travail c’est la santé' et donc 'Vive la musique et vive les Arts'!»
Claude-Pascal PERNA
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Mai 20161 Pierre Herry, baryton et pédagogue belge (1907-1970) et professeur de Jacques Roman.
2 « Carolorégien » : gentilé pour « Charleroi »
3 Cf. le site Internet de la Chorale : http://www.lesxvi.be
4 Auteur du célèbre ouvrage L’Art du théâtre, paru en 1946 avec une préface de Louis Jouvet
5 Il obtient un nouveau prix d’excellence en 1959.
6 Cf. notice biographique de l’auteur : http://www.ars-bxl.be/MarcelClaudel.html
7 cf. introduction par l’auteur : « L’Opérette et l’opérette à grand spectacle en France et en Belgique »
8 C’est Albert Pierjac qui est Manillon dans la version filmée de ‘La Belle de Cadix’ réalisée par Raymond Bernard et Eusebio Fernández Ardavín. Romano le retrouve au P.B.A.
9 cf. introduction par l’auteur : « L’Opérette et l’opérette à grand spectacle en France et en Belgique»
10 Célèbres timbres-ristourne utilisés dans le commerce, créés en 1932 et supprimés en 2004.
11 Le baryton et jeune premier fantaisiste belge Jean Bonato occupe ces mêmes fonctions. Cf. http://www.ars-bxl.be/fonds_jean_Bonato.html
12 Créée en Belgique sous le nom de ‘Clivia mia’.
13 Le mezzo-soprano belge Lucienne Delvaux (1916-2015) campera une imposante Anna lors de la création en Belgique.
14 Jean Sauvenier (1918-1961) décède inopinément pendant l’entracte de Le Baron vadrouille de Walther Kollo, alors qu’il regagnait sa chambre de l’Hôtel des Artistes, en présence de Romano. Triste coup de théâtre pour cette toute dernière révérence. La Ville de Charleroi lui réservera des funérailles grandioses en présence de nombreux artistes belges et français.
15 André Huc-Santana, imposante basse française d’ascendance argentine (1912-1982).
16 André d’Arkor, de son vrai nom Arsène Van Ham, magnifique ténor léger puis lyrique belge (1901-1971).
17 Pour la précision, le compositeur aurait déclaré : « L'opérette est une fille de l'opéra-comique ayant mal tourné, mais les filles qui tournent mal ne sont pas toujours sans agrément ! »
18 Association sans but lucratif de droit belge.
19 Fils du Trial belge Jacques (Jack) Taylès (1905-1955) et de la fantaisiste Mia (Emilia) Taylès (1907-1987).