Cantiques et thèmes bretons dans la musique pour orgue
Depuis le XIXème siècle, les mélodies des cantiques bretons ont inspiré de nombreux compositeurs pour orgue ou harmonium, tant il est vrai que « les cantiques bretons, dit M. Tiersot, sont incontestablement reconnus pour les plus belles chansons religieuses qui aient pris naissance sur le sol français. Ceux-ci sont d'une beauté pure, calme, véritablement idéale. Certains d'entre eux sont fort probablement très anciens, les autres ont été composés souvent, même à notre époque, par des prêtres s'inspirant des antiques formules à peine renouvelées sous l'influence des temps. » (Le Ménestrel, 10 juillet 1936, p. 221)
En voici quelques exemples :
Charles Collin (1827-1911), organiste de Saint-Roch à Paris puis de la cathédrale de Saint-Brieuc et ancien élève de Lefébure-Wély, avait adapté des cantiques bretons pour orgue sans pédale ou harmonium (Cantiques bretons pour harmonium, 1876) :
« En Bretagne, pays dévot, la musique religieuse joue un rôle considérable. Il suffit, pour s'en rendre compte, de parcourir le si intéressant recueil de Cantiques bretons transcrits pour orgue-harmonium de M. Charles Collin, qui fait pendant aux Chants de la Bretagne du même auteur dont nous avons eu l'occasion d'entretenir nos lecteurs, et sur lesquels nous ne saurions trop attirer leur attention, s'ils veulent s'imprégner des vieux airs bretons. » (Le Ménestrel, 15 juillet 1900, p. 220)
Ses Chants de la Bretagne, pour harmonium, contiennent des harmonisations de thèmes bretons, populaires, mais aussi religieux :
« Ce second volume d'anciens chants bretons est dédié à Monseigneur Augustin David, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, qui avait adressé à M. Charles Collin l'intéressante lettre qui suit, lors de la publication du premier volume : « Je ne saurais trop approuver votre oeuvre nouvelle, aussi bien que l'heureuse pensée de la placer sous le patronage de mon vénéré collègue de Vannes. Nos antiques mélodies bretonnes sont à peu près inconnues, et pourtant quelques-unes sont ravissantes, comme tout ce qui a jailli spontanément de l'âme humaine aux époques primitives. Empreintes de tristesse, de grandeur, de je ne sais quelle religieuse rêverie, elles reflètent bien le caractère de notre Bretagne chevaleresque, pensive, grave, ardente sous les apparences du calme. Vous avez fait courir autour de ces mélodies un accompagnement harmonique simple et savant tout à la fois, sans surcharge, qui n'altère en rien leur caractère original. Plus d'une fois, quand vous avez essayé quelques-uns de ces motifs sur le bel orgue de la cathédrale, instrument si docile à vos inspirations, vous avez pu juger de leur valeur par le plaisir et l'émotion de vos auditeurs. Je souhaite que vos cantiques bretons obtiennent dans la France entière le succès qui vous est acquis depuis si longtemps parmi nous. » (Le Ménestrel, 15 octobre 1882, p. 366)
Son fils, Charles-Auguste Collin (1865-1938), organiste et maître de chapelle de l'église Notre-Dame de Rennes, s'est aussi inspiré d'un célèbre cantique breton, Le Paradis :
« M. Collin est passé maître pour la registration. Il combine des timbres avec un rare bonheur. Dans une pièce de sa composition, sur un thème breton (le Paradis), le mélange des jeux est un ravissement. » (Le Ménestrel, 15 mars 1927, p. 101)
Et pour le quatrième volume de l'Anthologie de l'abbé Joubert, dont nous parlons plus bas, il a composé ses Impressions bretonnes (« Au cimetière, en Basse-Bretagne », « La légende de St Ronan », « Le chant du lépreux ») sur des cantiques et chants bretons.
César Franck (1822-1890), avec son Offertoire sur un Noël breton en la mineur (1865).
Camille Saint-Saëns avec ses Trois Rhapsodies sur des cantiques bretons (1872) :
« Pendant cette période, Saint-Saëns composa surtout de la musique d’orgue, une Méditation, Prière et Barcarolle pour harmonium, [...] trois Rapsodies sur des cantiques bretons, qui manquent un peu de caractère. » (L'Art, T 54, 1893, p. 118)
« D’autres fois une inspiration rêveuse ou brillante permettra la transformation de l’œuvre en suite d’orchestre, comme ce fut le cas pour les Trois Rhapsodies sur des cantiques bretons. » (Cinquante ans de musique française de 1874 à 1925, t. 2, Editions musicales de la Librairie de France, Paris, 1925, p. 145)
Dans les livraisons successives de l'anthologie de l'abbé Joubert, Les Maîtres contemporains de l'orgue, on trouve plusieurs pièces écrites sur des thèmes bretons :
Du chanoine Marcel Courtonne (1883-1954), Improvisation sur un thème breton (1er volume) ; du bénédictin Dom Sergent, Improvisation sur deux thèmes bretons (3ème volume) ; de Henry Eymieux (1860-1931), ancien élève de Gazier et de Widor, Rhapsodie sur des thèmes bretons (op. 116, 4ème volume).
Guy Ropartz (1864-1955) a composé Sur un thème breton, extrait de ses Trois Pièces pour orgue (1894), Rhapsodie sur deux noëls populaires de la Haute-Bretagne (1917) et Allegretto sur un cantique breton dans le livre 1 de son recueil Au Pied de l'autel (1919) :
« J'oubliais de citer une oeuvrette de M. Guy Ropartz Sur un thème breton (naturellement !) qui, comme les autres compositions de l'excellent directeur nancéien, ne se recommande pas par de la vivacité et de l'entrain. » (Revue musicale de Lyon, 13 décembre 1908, p. 268)
Dans ses œuvres pour orgue, Charles Quef (1873-1931), organiste de La Trinité à Paris, a puisé à plusieurs reprises dans le fonds des thèmes bretons : Noël breton (extrait de ses Quatre Noëls pour grand-orgue, op. 26, 1904), Première et Deuxième Rhapsodies sur des thèmes bretons (Pièces pour grand-orgue, op. 29, 1908), ainsi qu'un arrangement pour orgue seul de sa Fantaisie sur des thèmes bretons pour orgue et orchestre, op. 33 (1908). Pour l'harmonium, ses Impressions religieuses, op. 61, en deux volumes, détaillent quelques thèmes bretons. Ainsi, trouve-ton, dans le premier volume, un Offertoire en ré mineur « d'après un air breton », un autre en sol mineur « sur un cantique breton » ; et dans le second volume, une Sortie en do majeur « d'après un chant breton ».
De Joseph-Ermend Bonnal (1880-1944), une Petite Rhapsodie sur un thème breton, op. 6 (1902).
Jean Langlais (1907-1991) avec ses Huit Chants de Bretagne (1974) – comprenant Le Paradis, Disons le chapelet Angelus, Noël breton, Jésus mon Sauveur béni, Jésus nous dit de prier, Aux lys, avec leurs feuilles argentées, Pensez à l'éternité -, le Cantique de sa Folkloric Suite (1952).
Gaston Litaize (1909-1991) dans ses Vingt-Quatre Préludes liturgiques exploite un cantique breton (n° 10) et un thème breton (n° 14).
Un peu plus près de nous, Jean-Dominique Pasquet (né en 1951) a composé Quatre Pièces sur des cantiques bretons (1993) :
« S’il trouve chez les protestants une grande richesse musicale, les cantiques bretons et Paimpol restent chez ce compositeur et enseignant une fidèle source d’inspiration. […]
C’est aussi un attachement à la tradition, à ce que cette musique représentait pour mes parents et grands-parents. J’ai écrit quatre pièces sur des cantiques bretons et elles ont été enregistrées par un musicien britannique, ça m’a beaucoup touché que cette musique puisse les intéresser aussi. » (La Presse d'Armor, 20 septembre 2018)
Olivier Geoffroy
(janvier 2025)