Paul Trillat (1853-1909)

organiste de la Primatiale Saint-Jean de Lyon


 

 

Voici une revue de presse consacrée à Paul Trillat (né à Lyon, le 5 juillet 1853, mort le 28 mars 1909), ancien élève d'Alphonse Mailly à Bruxelles, nommé en 1874 organiste de la primatiale de Lyon, compositeur, pédagogue (Claude Terrasse fut son élève) et père du musicien Ennemond Trillat (1890-1980). En 1904, Paul Trillat devint titulaire de l'orgue Cavaillé-Coll de Saint-François-de-Sales de Lyon.

 

« Mercredi, 22 décembre, à 2 heures précises, dans la belle cathédrale de Senlis, aura lieu l'inauguration solennelle du grand orgue nouvellement reconstruit par M. Joseph Merklin. L'orgue sera touché par MM. Edouard Batiste, professeur au Conservatoire, organiste de Saint-Eustache ; Paul Trillat, organiste de la Primatiale de Lyon ; l'abbé de Maindreville, de Senlis ; Mlle Vincent, organiste titulaire.

L'instrument se compose de 40 jeux, répartis sur 3 claviers à main et pédales séparées, 15 pédales de combinaison, 2, 271 tuyaux ; il unit à une puissance extraordinaire, le moelleux et la douceur des plus belles orgues connues. L'expertise de ce grand instrument aura lieu demain lundi à 2 heures. »

(Le Ménestrel, 19 décembre 1875, p. 23)

 

« On nous écrit de Bruxelles : « Un des virtuoses les plus distingués du Midi de la France, M. Paul Trillat, organiste de la Métropole de Lyon, vient de publier à Bruxelles quatre morceaux pour orgue, d'une conception et d'une forme remarquables. M. Trillat appartient à la pléiade d'organistes distingués formés à l'école d'Alphonse Mailly, et qui ont su conquérir en France, en Hollande et en Belgique, des positions sérieuses. Les nouvelles compositions de M. Trillat seront exécutées à la prochaine inauguration de l'instrument d'étude du Conservatoire royal de Bruxelles. Le cours d'orgue célébrera, ce jour-là, le trente-cinquième anniversaire de sa fondation par Christian Girschner. »

(Le Ménestrel, 26 mars 1876, p. 133)

 

« Plusieurs intéressantes inaugurations d'orgues ont eu lieu ces jours derniers. Dans l'église de Saint-Servan, on installait un, orgue, superbe, de 37 jeux, dû à MM. Cavaillé-Coll ; qui était joué, par, trois artistes distingués : l'abbé Lépage, maître, de chapelle de la Métropole, dom Legeays, organiste de l'abbaye de Solesmes, et le frère Elfège, organiste de Sainte-Anne-d'Auray. La beauté, et l'excellence de l'instrument, ont fait l'admiration de tous. — C'est dans l'église, de l'Asile international des épileptiques de la Teppe, près Taint (Drôme), que, de son côté, la maison Merklin a fait placer un orgue qui se distingue par sa belle sonorité, le choix intelligent de ses jeux et la perfection de son mécanisme. Ces qualités ont été mises en relief par le jeu savant de M. Paul Trillat, organiste de la Primatiale de Lyon, qui faisait entendre l'instrument. — Enfin, il nous faut annoncer en dernier lieu la cérémonie, présidée par le cardinal-archevêque de Paris, de l'inauguration de l'orgue de l'église Notre-Dame d'Auteuil. L'orgue primitivement destiné à cette église étant devenu l'ornement indispensable de la grande salle du Trocadéro, MM. Cavaillé-Coll ont construit nouvellement l'instrument dont M. Widor s'est chargé, avec le talent qu'on lui connaît, de faire apprécier les merveilleuses qualités. Là encore, les illustres facteurs se sont surpassés. »

(Le Ménestrel, 22 février 1885, p. 94-95)

 

« Le vendredi 26 octobre a eu lieu, au monastère d'Aiguebelle, la bénédiction solennelle des orgues nouvellement placées dans le chœur de l'église de l'abbaye par les soins d'un religieux de cette maison.

Mgr l'archevêque d'Avignon présidait la cérémonie, entouré de NN. SS. les évêques de Valence et de Viviers; de Mgr Neyrat, ancien maître de chapelle de la Primatiale de Lyon ; du R. P. prieur de la Chartreuse de Valbonne, d'un nombreux clergé et de quelques amis du monastère. Après la bénédiction, M. Paul Trillat, organiste de la Primatiale de Lyon, qui avait bien voulu prêter le concours de son remarquable talent à cette cérémonie, a fait entendre plusieurs morceaux où il a mis en relief les ressources de l'instrument.

Ces morceaux ont été entremêlés de diverses pièces de chant exécutées par les religieux d'après la méthode de dom Pothier, que les moines d'Aiguebelle ont adoptée depuis plusieurs années et qui rend au plain-chant son véritable caractère musical ; son rythme ; son allure religieuse, et lui communique une vie et une variété dont ne saurait donner aucune idée l'exécution vulgaire de ce chant par notes séparées, martelées, de longueur uniforme, dépourvue, en un mot, de ses véritables éléments mélodiques. On remarquait avec autant de plaisir que d'étonnement l'ensemble parfait de ces voix, la vivacité du mouvement rythmique, la sûreté des attaques, la souplesse des modulations, l'énergie jointe à la douceur dans ces chants que soutenait sans les écraser l'accompagnement de l'orgue sous les doigts habiles de l'éminent artiste lyonnais.

La séance d'inauguration de l'orgue d'Aiguebelle a montré aux plus difficiles que non seulement le chant grégorien ne perd rien à être accompagné par l'orgue habilement manié, mais qu'il y trouve un soutient un complément naturel et des secours qui en font encore mieux apprécier les avantages et la bonne exécution. C'est, du reste, ce qu'a fait ressortir Mgr Cotton dans une délicate allocution, où il a rappelé le caractère essentiellement religieux de l'orgue, qui dirige, soutient et complète la voix humaine.

Nous devons ajouter que le nouvel orgue d'Aiguebelle est un simple instrument d'accompagnement ; il sort de la célèbre maison Merklin et Cie, qui lui a appliqué, malgré son importance restreinte, tous les perfectionnements modernes. »

(L'Univers, 23 novembre 1888)

 

« Eglise de Sainte-Blandine. Laudate Dominum in chordis et organo ! L'enthousiasme de la mission dernièrement clôturée, était encore tout chaud, quand, dimanche 29 mars, une autre fête réjouissait la paroisse de Sainte-Blandine. Mgr Dadolle, entouré du clergé, bénissait un orgue sorti des ateliers de M. Michel Merklin. Fier de son baptême, le nouvel instrument poussait soudain ses premiers soupirs inspirés par l'artiste éminent, M. Paul Trillat. L'oreille tendue, l'auditoire qui remplissait l'enceinte, écoutait, dans un religieux respect, cette voix qui lui murmurait pour la première fois des mélodies si fraîches, si suaves, et, pour la première fois, l'étonnait de ses clameurs sonores. »

(Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 29 novembre 1895, p. 518)

 

« La troisième faveur demandée et obtenue par Monseigneur est la décoration de Saint-Grégoire le Grand pour M. Paul Trillat, notre si estimé et aimé organiste de la primatiale. Depuis 25 ans déjà, M. Paul Trillat remplit à Saint-Jean ses fonctions artistiques avec une perfection et une modestie que tous apprécient. Ce sont les élèves de M. Trillat, déjà nombreux à Lyon, qui ont demandé cette faveur pour lui. Cette pensée est sortie de leur coeur. »

(Annales catholiques, Paris, 24 mars 1897, p. 195)

 

« Eglise de la Charité. L'orgue de tribune, reconstruit et complété par l'habile facteur lyonnais Charles Michel, sera solennellement béni le 5 mars, à trois heures de l'après-midi, par S. Em. le Cardinal. L'inauguration de l'instrument composé de vingt jeux, sera faite par M. Paul Trillat, organiste de la Primatiale Saint-Jean ; et la « Société des Vendredis », de Bellecour prêtera son concours bienveillant à cette fête religieuse. »

(Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 26 novembre 1897, p. 371)

 

« Cette année 1883 marque malheureusement le terme de cette période si brillante et si féconde. M. l'abbé Trillat, qui succéda en 1884 à M. Neyrat, nommé chanoine titulaire de la primatiale, se consacra tout entier à ses fonctions de maître de chapelle et au développement de la musique sacrée, mission qu'il remplit, du reste, grâce au concours de son frère, M. Paul Trillat, l'éminent organiste de la cathédrale Saint-Jean, avec un zèle et une compétence des plus remarquables, et dans laquelle il est resté le digne continuateur des traditions de son prédécesseur. »

(Mémoires de la Société littéraire de Lyon, 1898, p. 173)

 

« Inauguration de l'orgue de Saint-Genis-Laval. Au mois de juin dernier, la paroisse de Saint-Genis-Laval, célébrait les noces d'or de son vénéré curé, M. le chanoine Coupât. C'était bien une fête de cœur, car tous, prêtres, amis, paroissiens formaient avec amour un cortège d'honneur au pasteur à l'âme droite et sans nuages, qui, depuis plus de vingt ans, fait l'œuvre de Dieu à Saint-Genis.

Pour perpétuer le souvenir de ce jour inoubliable, les paroissiens s'associant à de généreuses initiatives, ont eu une pensée des plus délicates : A cette église qui, dans les grandes solennités, rappelle, grâce aux soins intelligents du curé, quelques-unes des splendeurs de la Primatiale, ils ont voulu donner aussi la voix puissante de l'orgue. Du projet à la réalité, quand le cœur est en même temps l'inspirateur et l'ouvrier, la distance est bien vite franchie ; aussi, dix mois après, l'instrument était installé dans le chœur de l'église dont il respecte les lignes harmonieuses, et, dimanche dernier 8 avril, il était bénit solennellement.

Même affluence que pour la fête des noces d'or ; même joie filiale sur les visages ; Mgr Déchelette, vicaire général, qui avait retracé alors, en termes si vrais et si heureux, la physionomie du bien aimé curé présidait encore cette cérémonie. C'était bien l'orgue qu'on allait bénir, mais c'était aussi le bon Pasteur qu'on voulait de nouveau fêter !

C'est ce que M. le chanoine Bourchany, professeur à la Faculté catholique de théologie, a exprimé admirablement. Après avoir remercié et le facteur habile qui, dans le diocèse, en France et partout, ne compte plus ses succès, et l'organiste de la Primatiale, et les artistes dont le talent a mis en relief la beauté de l'instrument, il parle du rôle de l'orgue dans les cérémonies sacrées.

Commentant le mot de saint Paul : « Rien n'est sans voix dans la création », il montre dans un langage simple, distingué, plein de poésie, l'orgue résumant toutes les voix de la nature, tous les sentiments de l'âme humaine, chantant les joies et pleurant les deuils de l'Eglise et de ses enfants.

Nous n'avons pas l'autorité nécessaire pour juger la nouvelle œuvre de M. Michel ; des maîtres et parmi eux Mgr Neyrat présent dimanche à la cérémonie, en avaient, du reste, examiné, apprécié et approuvé tous les détails. Nous ne pouvons donc parler que de nos impressions. L'orgue de Saint-Genis est un orgue de chœur, fait surtout pour accompagner le chant liturgique. Ce n'est pas qu'il ne puisse développer les ressources de jeux puissants et le timbre éclatant de ses trompettes, mais l'artiste brillant et d'une suprême correction qui l'a fait parler dimanche, M. Paul Trillat, a préféré, dans de suaves mélodies et des morceaux d'une infinie délicatesse, en montrer surtout le vrai caractère de souplesse et de douceur. La Pastorale de Widor, l'Andante de Mailly et surtout une Méditation sur le Stabat dont la modestie de l'organiste a voulu en vain nous cacher l'auteur, ont été supérieurement exécutés. »

(Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 1er décembre 1899, p. 548)

 

« M. Paul Trillat à l'Académie de Lyon. Dans sa séance du mardi, 2 décembre, l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, a nommé M. Paul Trillat, organiste de la Primatiale, membre titulaire dans la section des beaux-arts, en remplacement de Mgr Neyret, doyen du chapitre, nommé membre émérite.

Nous applaudissons sincèrement au choix qu'a fait l'Académie en la personne de M. Paul Trillat, dont tous les amateurs de musique religieuse connaissent le beau talent d'organiste, et nous offrons au nouvel académicien nos plus vives félicitations. »

(Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 28 novembre 1902, p. 71)

 

« Séance du 18 novembre 1902. — Présidence de M. Caillemer. — M. l'abbé Neyrat présente un rapport sur la candidature de M. Paul Trillat, organiste de la Primatiale, comme membre titulaire dans la section des Beaux-Arts. Lauréat de l'Académie, en 1871, le candidat a suivi les cours du Conservatoire de Bruxelles, où il a obtenu le grand prix d'orgue, et, c'est à son retour qu'il fut nommé organiste de l'église Primatiale. Indépendamment de son talent, comme exécutant, le candidat a composé aussi des recueils assez nombreux de pièces musicales, pour orgues ou chœurs religieux et profanes. Mais son œuvre la plus considérable a été réservée jusqu'à présent à la Maîtrise. »

(Revue d'histoire de Lyon, 1903, T. 2, p. 253-254)

 

« Discours prononcé, le 30 Mars 1909, aux funérailles de M. Paul Trillat, membre de l’Académie, par E. Caillemer, doyen honoraire de la Faculté de Droit, Correspondant de l'Institut, Président de l'Académie :

Messieurs,

Le Confrère, auquel j'adresse le suprême adieu de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, n'est entré dans noire Compagnie qu'en 1902 ; mais nous le connaissions depuis très longtemps ; nous avions même une raison spéciale pour nous intéresser à ses travaux et à ses oeuvres.

En 1871, l'Académie eut à décerner, pour la deuxième fois, un prix triennal, que M. et Mme Cheuvreux ont fondé en vue d'honorer la mémoire de Jean-Jacques Ampère, né à Lyon le 12 août 1800, mort à Pau le 27 mars 1864, digne fils du grand physicien dont les découvertes ont transformé le monde au XIXème siècle. L'un des candidats était M. Paul Trillat, bien jeune encore, mais ayant déjà fait preuve de remarquables aptitudes pour l'art musical. A Lyon, pendant qu'il suivait les cours du Lycée, il avait été signalé comme digne d'éloges et plein d'espérances par ses premiers maîtres, Mlle Tisseur, et notre confrère M. l'abbé Neyrat, alors maître de chapelle de la Primatiale ; ce dernier s'était même chargé de le conduire à Bruxelles et de le présenter aux professeurs du Conservatoire de cette ville.

L'Académie ne lui décerna pas le prix dont elle disposait. Un jeune architecte, qui, dans le premier concours, en 1868, avait paru digne de récompense sans arriver au premier rang, et que l'Ecole des Beaux-Arts et la Municipalité recommandaient vivement aux suffrages de nos confrères, lui fut préféré.

Les titres du jeune musicien, — il avait à peine dix-sept ans, — étaient toutefois si exceptionnels que, sur la proposition de M. Paul Sauzet, l'Académie créa pour lui, sur ses propres fonds, à titre d'encouragement, un prix supplémentaire. Au milieu des attestations honorables qui justifiaient cette mesure, j'ai remarqué d'abord celle de Fétis, qui dirigeait alors le Conservatoire de Bruxelles, et avait enseigné à M. Trillat la composition et le contre-point ; celle de Brassin, son maître de piano ; celle d'Alphonse Mailly, qui a formé tant de brillants organistes ; mais j'ai relevé surtout le témoignage de son professeur d'harmonie, Adolphe Samuel, l'organisateur pour les Belges des grands concerts de musique classique.

Samuel déclare que le jeune artiste a l'une des plus riches organisations musicales qu'il ait jamais rencontrées. Il ajoute que M. Trillat joint à une intelligence étendue et profonde un vif intérêt pour les choses de la musique et un sentiment artistique très individuel. Il est ardent au travail, et, en peu de temps, il a accompli des progrès merveilleux.

Ses aptitudes et son zèle permettent d'assurer qu'il deviendra un musicien éminent.

Tous les professeurs du Conservatoire de Bruxelles qui avaient eu l'occasion de connaître M. Trillat s'associaient aux jugements de leurs collègues et exprimaient le regret de voir s'éloigner d'eux un si brillant élève.

La généreuse libéralité de l'Académie, justifiée par cette unanimité d'appréciations compétentes, permit à M. Trillat de retourner en Belgique et d'y achever ses études. Pendant ce second séjour, sous la direction du grand compositeur Gevaert, qui venait de succéder à Fétis, il profila de nouveau de l'enseignement d'Alphonse Mailly, et suivit assidûment les leçons de Kufferath, le plus distingué peut-être des élèves de Mendelssohn. Le grand prix d'orgue lui fut décerné. Dès son retour à Lyon, l'Eglise primatiale se l'attacha en qualité d'organiste, et il en a rempli les fonctions pendant plus de trente ans.

Les promesses du début si brillant que je viens de retracer ont-elles été réalisées ? Les suffrages de l'Académie, en 1902, lorsqu'elle eut à nommer le successeur de M. le chanoine Neyrat, devenu membre émérite, sont une éloquente réponse.

Sous l'influence d'une extrême modestie, M. Trillat n'a publié qu'un petit nombre de ses compositions, quelques pièces d'orgue, plusieurs choeurs religieux ou profanes (Je citerai seulement quatre morceaux, Andante religioso, Cantabile, Allegretto et Pastorale, pour orgue ou piano à pédales, par Paul Trillat, organiste de la Primatiale de Lyon ; Paris, maison Schott, 6, rue du Hasard). Mais les archives de la maîtrise de la cathédrale contiennent beaucoup d'oeuvres, manuscrites ou autographiées, fort appréciées des connaisseurs qui les ont entendues : faux-bourdons dans le style palestinien du xvie siècle, versets pour orgue, intermèdes, réponses, du plus grand effet, pour les bénédictions solennelles, dignes d'être comparées aux fameuses réponses de la Chapelle catholique de Dresde.

Tous nos grands organistes témoignaient à M. Trillal leur estime et se plaisaient à l'entendre. Son talent, — a dit un de nos confrères à l'abri duquel mon incompétence est heureuse de se placer, — est un talent hors ligne. A une virtuosité impeccable, il joint une « maestria » qui s'impose et un style classique qui donne leur véritable couleur aux oeuvres des grands maîtres. Que de fois il a été chargé de l'inauguration de grandes orgues, non seulement à Lyon et dans la région lyonnaise, mais encore à Dijon, à Autun, à Senlis, à Paris ! Des maîtres incontestés, M. Guilmant par exemple, et notre confrère, M. Charles Widor, ont toujours parlé de lui avec éloge. M. Trillat était donc bien digne de siéger dans notre section des Beaux-Arts.

Malheureusement pour nous, presque tout son temps était absorbé par des devoirs professionnels ou par un enseignement que les familles sollicitaient avec instance. Notre confrère n'a pris à nos travaux qu'une part assez restreinte. Les communications qu'il nous a faites sont peu nombreuses, et même je ne crois pas qu'il ait prononcé le discours de réception que notre règlement impose, dans un assez bref délai, aux membres nouvellement élus.

Aucun de nous ne le rappelait à l'ordre ; car il aurait, pu nous répondre que nous ne mettions pas à sa disposition l'organe à l'aide duquel il était habitué à exprimer sa pensée, ce bel organe qui nous avait si souvent charmés.

Le silence qu'il gardait dans nos réunions, lorsque d'amicales discussions s'engageaient autour de lui, serait aussi facilement explicable. Les philosophes qui ont essayé d'analyser l'improvisation musicale familière aux grands organistes ont cru souvent reconnaître dans l'artiste une sorte de dédoublement. Ses doigts se meuvent sur l'instrument sans que l'on puisse dire, à proprement parler, qu'il compose. Les formes musicales se succèdent sans que l'artiste ait conscience d'exercer un effort créateur. Il s'écoute en s'observant ; il est son premier auditeur.

N'est-ce pas François Liszt, un improvisateur merveilleux, qui constatait en lui-même un automatisme spontané par l'effet duquel le motif initial le plus simple se développait en modulations et en variations innombrables, que le grand artiste se bornait à surveiller sans les gouverner ?

Notre salle de réunion dans le Palais des Arts ne rappelle en rien les grandes cathédrales dans lesquelles se produit ce phénomène de dédoublement.

Certes ! et notre regretté confrère le prouvait encore récemment, M. Trillat était très apte à écrire sur la musique et à nous présenter d'intéressants mémoires. Rappelez-vous, Messieurs, son rapport sur les titres des prétendants à la place devenue vacante par la mort de M. Léon Paliard. S'élevant au-dessus des individualités en cause, il esquissait brièvement, pour éclairer nos décisions, l'état actuel de la musique en France.

Que pouvions-nous naguère, disait-il, opposer à l'épanouissement de l'art allemand ? Les partisans de Beethoven et de Mozart ne se montraient pas au grand jour, et quelques maîtres de chapelle osaient seuls faire exécuter en public les motets de Bach et de Palestrina. Aujourd'hui, le goût artistique s'est réveillé. Une renaissance s'est produite en musique, analogue à celle qu'on a observée au XVIème siècle en face de la beauté antique, et l'honneur de cette rénovation appartient à de grands artistes dont notre confrère caractérisait l'oeuvre, César Franck, Vincent d'Indy, Charles Widor. Il terminait en évoquant le souvenir du premier musicien qui, au xixe siècle, est entré dans notre Compagnie, Georges Hain, cet habile chef d'orchestre, qui, par son ardeur, sa pénétration d'esprit et sa persévérance, a rendu plus aisée dans notre ville cette heureuse rénovation.

Pages excellentes, que vous aimeriez à entendre une seconde fois, car elles sont vraiment séduisantes au fond et en la forme, et qui n'auront pas la suite ni le développement que nous promettait leur auteur. La main qui les écrivait pour vous, il y a moins d'un an, est glacée pour toujours.

Si court qu'ait été son passage dans l'Académie, M. Trillat ne sera pas oublié de tous ceux qui ont pu le connaître et l'apprécier, et je suis leur fidèle interprète en les associant à la douleur qu'une mort prématurée cause à sa famille et à ses amis. »

(Rapports, fondations, concours, notices biographiques / Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, 1909, p. 13-18)

 

« Mort de M. Paul Trillat.

Le 28 mars 1909, Dieu rappelait à lui M. Paul Trillat, organiste à Saint-François depuis quelques années. Ancien lauréat du Conservatoire de Bruxelles, où une bourse de l'Académie de Lyon lui avait permis de poursuivre brillamment ses études musicales, M. Paul Trillat était revenu dans sa ville natale, où on ne tarda pas à apprécier ses éminentes qualités de musicien. Sa carrière d'organiste s'est passée presque entière à l'église Primatiale, de 1874 à 1904. Il succédait à M. Félix Béledin, d'illustre mémoire, et sut se montrer digne d'un tel héritage. Tous les amateurs de musique religieuse se rappellent avec quel talent il remplissait ses fonctions, aux jours surtout des grandes solennités pontificales. Il suit de près dans la tombe son frère, le chanoine Trillat, avec qui il avait contribué à maintenir en haute réputation la maîtrise de Saint-Jean. »

(Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 1909, p. 521)

 

« Des succès éclatants obtenus au cours d'études musicales faites dans le Conservatoire de Bruxelles sous la direction de Fétis et de Gevaërt, une brillante renommée acquise en qualité d'organiste de l'Eglise primatiale de Lyon, les appréciations élogieuses de juges très compétents, tels que M. le chanoine Neyrat, avaient valu à M. Paul Trillat une place dans notre section des Beaux-Arts.

Malheureusement il a siégé si peu de temps parmi nous qu'il n'a pas pu nous offrir les contributions que nous attendions de lui. L'enseignement privé, d'une part, et, d'autre part, les devoirs professionnels envers les maîtrises de nos grandes églises, absorbaient tout son temps. Il a cependant trouvé le loisir d'écrire, sur une évolution qui s'est produite dans la musique religieuse vers la fin du XIXème siècle, et sur un retour aux grandes traditions des siècles passés, quelques pages fort intéressantes. C'était tout un programme ; mais une mort prématurée en a empêché le développement. »

(Mémoires de l'Académie royale des sciences, belles lettres et arts de Lyon, 1911 p. 135-136)

 

Collecte : Olivier Geoffroy

(avril 2023)

 

Relancer la page d'accueil du site MUSICA ET MEMORIA

Droits de reproduction et de diffusion réservés
© MUSICA ET MEMORIA

Web Analytics