Chanoine Pierre Camonin au grand orgue de la cathédrale de Verdun, 17 mai 1987 ( photo abbé Michel Rougeaux, recteur de la cathédrale de Verdun, avec son aimable autorisation ) |
Le 25 février 2003, le chanoine Pierre Camonin, titulaire des grandes orgues de la cathédrale de Verdun (Meuse), a fêté ses cent ans! Même si depuis 1997 un co-titulaire, en la personne de Vincent Warnier, a été nommé afin de l’aider dans sa tâche, il n’empêche que cet admirable musicien, ardent défenseur de la musique sacrée, joue de l’orgue depuis 80 ans et touche l’instrument Jacquot/Gonzalez de l’église métropolitaine de Verdun depuis 68 ans. Beau record à notre époque des 35 heures et de la retraite à 55 ans ! Il est vrai que cette ancienneté dans le même poste n’est pas si rare dans le monde des organistes : Emilien Moreau (1892-1979) a tenu l’orgue d’Aigrefeuille-sur-Maine (Loire-Atlantique) durant 77 ans, ainsi d’ailleurs que Joseph Erb (1856-1944) celui de Saint-Jean de Strasbourg, Adolphe Delhaye (1843-1937) à St-Denis-de-l’Estrée (Saint-Denis) est resté 73 ans, Joseph Ogé (1852-1940) à la cathédrale de Soissons 68 ans, Norbert Dufourcq à St-Merry (Paris) 67 ans, Widor à St-Sulpice (Paris) 63 ans et Gigout à St-Augustin 62 ans…
Chanoine Pierre Camonin
( photo abbé Michel Rougeaux, recteur de la cathédrale de Verdun, avec son aimable autorisation )Né le 25 février 1903 à Bar-le-Duc (Meuse), Pierre Camonin après ses études secondaires, entre au séminaire des Carmes de l’Institut catholique de Paris, rue d’Assas. Un grand orgue du facteur Didier d’Epinal était à l’époque installé dans la chapelle St-Joseph du séminaire depuis 1902. C’est là qu’il débute comme organiste et tient cet instrument durant quelque temps, au cours des années vingt, aux cotés de Henri Doyen (1902-1988), un confrère séminariste qui fera également une longue carrière d’organiste à la cathédrale de Soissons. Parallèlement à ses études qui sont couronnées par une licence de théologie dogmatique et une licence de philosophie scholastique, il est élève de piano de Marcel Ciampi au Conservatoire de musique de Paris puis se perfectionne à l’orgue auprès de Louis Vierne et de Marcel Dupré, entre 1921 et 1929. Ordonné prêtre en 1931, il est nommé vicaire à Ligny-en-Barrois (Meuse), puis installé peu après curé de Saint-Mihiel (Meuse) et en 1935 arrive en tant que vicaire à la cathédrale de Verdun. Le grand orgue romantique (3 claviers, 54 jeux), construit par la maison Jacquot-Jeanpierre de Rambervilliers (Vosges) en 1898, avait été démonté à la hâte au cours de la guerre de 14-18 afin de le préserver. A l’arrivée de l’abbé Camonin, Théodore Jacquot et fils, successeurs de Jacquot-Jeanpierre, venaient juste de terminer de reconstruire l’instrument, auquel ils adjoignaient un clavier et deux jeux supplémentaires. Le 25 mars 1935, Marcel Dupré, en compagnie d’Ernest Grosjean, le dernier titulaire, et de l’abbé Camonin inauguraient le nouvel orgue. Peu après, ce dernier était nommé officiellement titulaire. 68 ans plus tard, l’abbé Camonin, devenu depuis chanoine, est toujours à ce même poste ! " Son orgue " sera d’ailleurs à nouveau restauré en 1986, suivant ses conseils, par la maison Gonzalez et porté à 64 jeux, dont deux 32 pieds. C’est assurément le doyen des organistes français à la fois dans l’âge et dans l’ancienneté!
Comme organiste, le chanoine Camonin est connu pour ses improvisations, genre dans lequel il excelle, mais c’est également un compositeur tout dévoué à la musique sacrée. On lui doit ainsi plusieurs œuvres écrites au fil de ses nombreuses années passées au service de l’art. Parmi celles-ci, citons une Messe mariale, des Variations sur un Noël et un Allegro vivace qu’il a autrefois enregistrés sur l’orgue de la cathédrale de Verdun (disque 33 tours, Diapason, JH183), un Panis Angelicus pour la Fête-Dieu et Le chant des Adieux " Thème et Variations ", enregistrés en 2001 (CD Le Parnasse français, 002) par Pierre Cortelezzi à l’orgue de Notre-Dame de Droiteval à Claudon (Vosges), et de nombreuses autres pièces pour orgue éditées par les revues " L’Organiste " et " Musique sacrée ", ou par les Editions musicales de la Schola Cantorum : Prélude à l’Introït pour la fête de la Fête-Dieu, Adore te, Salve Regina, Ave Maria, Toccata sur " Salve Regina ", Elévations liturgiques, Offertoire pour la Fête-Dieu, Rhapsodie johannique, Rhapsodie pascale, Variations sur " Minuit sonne au clocher ", Variations sur le " Choral des Adieux ", Vêpres de Noël et plusieurs Messes : Messe de la Fête-Dieu, Messe des défunts, Messe II, Messe VII " De Angelis "…. On trouve également au sein de son catalogue, totalisant une cinquantaine de numéros d’opus, quelques œuvres vocales toutes publiées par la revue " Musique sacrée " : des chœurs avec accompagnement (une Cantate à Sainte-Cécile pour soli, chœurs et orgue, une Cantate à la Sainte-Famille pour chœur et orgue, et un O Filii pour chœur à 3 voix égales et orgue) ou a cappella (A Sainte Jeanne d’Arc, Magnificat sur tous les modes, Mon chant d’aujourd’hui, Tantum choral).
Son centenaire a été, comme il se doit, dignement fêté le dimanche 2 mars 2003 à la cathédrale de Verdun et l'aprés-midi il a donné un récital de piano avec des oeuvres de Mozart, Weber, Schubert, Chopin et quelques pièces de sa composition. Musica et Memoria se joint à ses nombreux amis et ses anciens élèves d’orgue pour lui rendre un fervent hommage et lui souhaiter de conserver encore de longues années sa verte et juvénile vieillesse.
Denis HAVARD DE LA MONTAGNE
Peu de temps après avoir reçu le 10 octobre 2003 la médaille de chevalier des Arts et des Lettres, le chanoine Pierre Camonin s'en est allé "en silence et en paix" le 14 novembre 2003. Ses obsèques se sont déroulées le 19 en la cathédrale Notre-Dame de Verdun dont il était titulaire des grandes orgues depuis juin 1935.