Louis DEFFÈS
(1819-1900)


coll. DHM (DR.)

Verdi : Les Brigands et l'oublié de Toulouse
Un portrait singulier

Carrière et distinctions

Accessit de contrepoint et fugue en 1843, 1er Prix de Rome de composition musicale en 1847; Prix Trémont en 1857 et en 1878; Prix Lambert en 1874; élu le 12 déc. 1885 correspondant de l’Académie des Beaux-Arts, section composition musicale; Chevalier de la légion d’Honneur, Officier d’académie; Directeur du Conservatoire de Toulouse de 1883 à 1900; Président de l’Académie de Musique de Toulouse. Membre, dès sa fondation en 1843, de l’Association des Artistes Musiciens, et de son Comité Central où il siégera pendant quinze ans, puis président du Comité toulousain de cette association, il fut également membre fondateur de la Société des Compositeurs de musique, et membre de son Comité exécutif dès la création en 1861, de même que sociétaire de la SACD à partir de 1857. Louis Deffès prit, par ailleurs, une part très active à l’essor et au développement du mouvement orphéonique de chant choral en France en participant aux jurys de nombreux concours de musique.

Manuscrit de La Toulousaine, composée en 1845, offert en 1882 par Louis Deffès à la Ville de Toulouse. Ce chant populaire immortalisa sa mémoire.
( Coll. Bertrand Malaud )

 

Vie et oeuvres

Né à Toulouse le 24 juillet 1819 dans une famille de modestes tailleurs, Pierre-Louis Deffès reçut ses premiers rudiments de formation musicale à la maîtrise de N-D de la Daurade, puis, placé en apprentissage, au sortir de l’école primaire, il ne prit ses premiers cours de musique que très tardivement, auprès de M. Ladousse, à partir de 1838. Plus tard, après avoir entendu ses compositions, le maire de Toulouse, conjointement avec son professeur, insista auprès de ses parents pour qu’il se présentât à l’Ecole Royale de Musique et de Déclamation de Paris, où il fut admis par Cherubini en novembre 1839. Elève de Mozin en classe de clavier, de François Bazin en classe d’harmonie, ainsi que de Berton et de Fromental Halévy en classe de composition musicale, il prit aussi, en dehors du Conservatoire, des cours de fugue et contrepoint auprès de Barbereau.

Tout en donnant des cours de violon pour subvenir à ses besoins, il obtient un accessit de contrepoint et fugue en 1843, joue de l’alto dans l’orchestre du Gymnase, puis dans celui des Folies-Dramatiques, met en musique en 1845 La Toulousaine - qui connut une popularité exceptionnelle et deviendra l’hymne languedocien - ainsi que La Lengo Moundino sur des poèmes de L. Mengaud, obtient un second prix pour Les Charmes de la Paix au concours de chants historiques de 1847 et, après trois tentatives infructueuses, devient, avec la musique de la cantate L’Ange et Tobie sur un poème de Léon Halévy, le premier Toulousain Prix de Rome de composition musicale, en 1847.

Pensionnaire à la Villa Médicis, il vécut, sous la direction de J. Alaux, les troubles italiens des années 1848 et 1849, avec ses camarades Gastinel, Duprato, Garnier, Bénouville, Barrias, Lenepveu, Guillaume, Maillet, etc., et fit entendre à Rome une Messe solennelle pour chœur, quatre voix et grand orchestre, exécutée par la chapelle pontificale le 12 janv. 1850 en l’église Saint-Louis-des-Français, puis, en novembre de cette même année, en l’église de la Daurade à Toulouse.

C’est à l’Opéra-Comique qu’il donna son premier opéra, L’Anneau d’argent le 5 juillet 1855, un essai des plus heureux qui fit découvrir un compositeur d’expression; cependant, l’air valait mieux que le poème de MM. Barbier, Battu et Carré et l’ouvrage quitta la scène rapidement. A la demande du baron Taylor et de l’Association des Artistes Musiciens, Deffès fit entendre sa Messe solennelle par 500 exécutants à Notre-Dame-de-Paris, le 25 mars 1857, et apprécier sa facture magistrale, de même qu’un Ave Maria angélique, au point qu’on évoqua alors une filiation avec Lesueur et Cherubini. Cette même année, Deffès obtint un si franc succès pour son 2ème opéra, La Clé des champs, sur un livret d’H. Boisseaux, que Hector Berlioz lui prédit une longue carrière. En 1857 encore, l’Académie des Beaux-Arts lui décerna le prix du baron Trémont, dont il fut le premier récipiendaire, puis, le 29 sept. 1858, le Théâtre-Lyrique accueillit Broskovano, o.c. 2 a. de Scribe et Boisseaux, gai et élégant avec une pointe d’originalité, entre Adam et Donizetti. E. Reyer trouva la manière de Deffès excessivement sympathique et Berlioz en jugea la musique remarquable par le sentiment dramatique. Un style pur, une phrase claire et de sobres développements firent regarder cette oeuvre comme une victoire. Le Théâtre-Lyrique, encore, vit la première des Petits Violons du roi; le 30 sept. 1859; Lulli, mis en scène dans cet ouvrage d’H. Boisseaux, remplit tout à lui seul et la musique légère et bien corsée de Deffès lui valut les compliments d’Auber et Scribe, mais Berlioz n’apprécia guère cette " ratatouille " musicale.

Frontispice Le Café du Roi, opéra-comique en un acte, 1861
( Coll. Bertrand Malaud )

C’est à Ems, dans le duché de Nassau, qu’il créa le 17 août 1861 Le Café du roi, sur un poème d’H. Meilhac. La presse ne tarit pas d’éloges sur cette nouvelle oeuvre d’un " vieux maître en harmonie ". Oscar Comettant salua sa musique bien écrite, distinguée et charmante, Berlioz loua l’art, le style et les idées, et la partition mélodique, à l’atmosphère Louis XV très réussie, lui gagna un succès éclatant, ainsi que de nombreuses reprises (plus de 100 représentations), dont la première eut lieu au Théâtre-Lyrique le 16 novembre de la même année. Deffès vendit la musique d’une opérette, Lanterne magique, sur des paroles d’A. Carré, au Journal des Demoiselles en 1862, et fit ensuite représenter Les Bourguignonnes, livret d’H. Meilhac, le 19 juillet 1862, à Ems, puis à l’Opéra-Comique le 16 juillet 1863. La partition guillerette et sentimentale, l’orchestration admirable et de charmants morceaux assurèrent une fois encore le succès aux auteurs.

Il en ira de même, le 2 août 1864, à Ems, avec Une Boîte à surprises (Laurencin et de Forges), repris ensuite aux Bouffes-Parisiens, et le 24 novembre lorsque Deffès créera Passé Minuit, dans cette même salle, pour le grand comédien Arnal. Puis viendra, le 28 juillet 1865, Valse et Menuet; qui remporta une éclatante victoire à Ems, où le libretto de J. Méry fit merveille, puis à l’Athénée le 16 avril 1870. En 1866, Deffès mit son inspiration au service de Mme Tarbé des Sablons pour Le Siège de Leyde, ovationné à Florence sous le titre I Batavia, ainsi que pour une Messe, et collabora pour adapter Les Brigands (I Masnadieri ). Le public d’Ems renouera avec Deffès lors de la création de La Comédie en voyage (Méry et Adenis), le 27 juillet 1867 et l’année suivante, le 8 septembre, les Menus-Plaisirs présenteront la première des Croqueuses de pommes (E. Grangé et E. Abraham), pressenti comme un possible trait d’union entre l’Opéra-Comique et l’Opéra. La distinction de forme et l’art du bien dire de Deffès feront prédire cent représentations et Auber applaudira ce que certains tiennent pour un opéra dans toute la force du terme.

Petit Bonhomme vit encore (2 a., E. de Najac) n’emporta pas la conviction lors de la première aux Bouffes-Parisiens le 19 décembre 1868, mais l’esprit, la grâce et la distinction d’une musique spirituelle et légère séduisirent cependant les critiques. E. Reyer, dans Les Débats, se fit l’avocat de Riquet à la Houppe, opéra sur un très joli poème de J. Duboys et A. Blanc, qui, bien que déjà reçu au théâtre de l’Athénée, ne vit pourtant jamais les feux de la rampe. La guerre de 1870 et la Commune entravèrent la réalisation des projets de Deffès: la création des Noces de Fernande prévue au Théâtre-Lyrique et celle du Marchand de Venise projetée à l’Opéra-Comique. Deffès composent alors plusieurs œuvres (mélodies, romances et motets) dont une Marche funèbre qui, transformée pour grand orchestre, prendra plus tard le titre de Marche pathétique, le Motet Gaude floris et une Messe brève à trois voix pour N.-D. de la Daurade de Toulouse (en août); en 1873, Salut Printemps, et Dans une étoile en 1875; de ces années date également La Phrygienne, " chant national " avec chœur accompagné de piano, sur les paroles de M. Cazeneuve, etc.

Louis Deffès reprit pied au théâtre le 8 août 1877 avec Le Trompette de Chamboran (o. c. 1 a., de Leuven et J. Adenis), donné au Casino de Dieppe; puis avec Cigale et Bourdon (théâtre Taitbout en 1878), et fit entendre son ouverture symphonique Un Triomphe à Rome au Palais du Trocadéro, lors de l’Exposition universelle de 1878, le 26 septembre Le 19 nov. de cette année, l’Opéra-Comique représenta Les Noces de Fernande, imaginées par MM. Sardou et de Najac, mais la musique, composée dix ans auparavant, coulante, très vocale et conçue dans le style traditionnel de l’opéra-comique ne suffit pas à elle seule à racheter les défauts du livret. Deffès composa encore une Messe, en ut (31 juillet 1879, cathédrale Saint-Etienne de Toulouse). Puis, lassé d’attendre la création à la scène des ouvrages qu’il avait en portefeuille, il revint à Toulouse en 1883 et prit la succession de P. Mériel à la direction du Conservatoire. C’est au Capitole que son opéra (4 a.), Le Marchand de Venise adapté d’après l’œuvre de Shakespeare par Boisseaux et Adenis, fut enfin donné le 25 mars 1898 et connut un triomphe sous le titre de Jessica. En dépit de promesses réitérées, cet ouvrage, qui passe pour être le plus grand chef d’œuvre du compositeur - et dont partition et livret semblent avoir disparu -, ne fut jamais présenté à Paris.

Monument funéraire de Louis Deffès
Monument funéraire de Louis Deffès sculpté par M. Fabre, inauguré le 14 juillet 1904, au cimetière de Terre-Cabade de Toulouse ( photo France Ferran ) Buste de Louis Deffès sculpté par M. Fabre
sur la stèle du monument funéraire inauguré le 14 juillet 1904 au cimetière de Terre-Cabade de Toulouse
( Coll. Bertrand Malaud )

Outre de très nombreux chœurs et chansons, ainsi que diverses danses et romances, on peut aussi noter: sa Cantate A Goudouli, la Cantate à Saintis, la Cantate à Ste Germaine ou encore la Cantate à Clémence Isaure et une Symphonie en quatre parties, par exemple. A Toulouse, Deffès consacra son travail de composition à des exercices destinés aux élèves et resta jusqu’à sa mort à la tête du Conservatoire qu’il transforma en pépinière de musiciens et de chanteurs. Il accrut le nombre des élèves, multiplia les classes, développa l’enseignement de nouveaux instruments et donna un essor considérable aux auditions publiques. Ainsi, par son administration prévoyante et sage, grâce à sa haute autorité et surtout grâce à sa profonde connaissance du théâtre et de l’art instrumental et vocal, cet établissement devint la première succursale du Conservatoire de Paris, comme l’avait prédit le directeur des Beaux-Arts en le nommant à sa direction en 1883. Louis Deffès s’éteignit le 28 mai 1900 et la municipalité de Toulouse lui fit des obsèques d’une grandiose solennité.

Louis Deffès fut avant tout un mélodiste, un harmoniste à la fois délicat et savant, qui joignait l’instinct du théâtre à ses nombreuses inspirations. Adam, Auber et Halévy ne furent pas seuls à apprécier sa verve musicale; Berlioz, Gounod, Massé, Delibes, Massenet, Saint-Saëns, Fauré, Reyer, Salvayre, Büsser, Vidal, Kunc et bien d’autres ont aimé la qualité de son écriture, la parfaite adéquation de sa musique à la scène et la beauté de ses orchestrations, sa maîtrise du contrepoint, la verve et la fraîcheur de son esprit et la distinction de son inspiration. Ses oeuvres furent servies par quelques uns des meilleurs interprètes de son temps: Mmes Rey, Favel, Galli-Marié, Marimon, Girard, Heilbronn, Daram, etc, et MM. Ponchard, Arnal, Escalaïs, Faure, Jourdan, Bussine, Couderc, Fromant, Lemaire, etc., et par les plus grands chefs d’orchestre: Tilmant, Danbé, Lindheim, Deloffre, etc. Quant aux librettistes de Deffès, MM. Barbier, Battu, Sardou, Meilhac, Scribe, Boisseaux, Méry, Adenis ou Carré par exemple, ils ont compté parmi les plus célébrés des auteurs de leur temps, mais il faut reconnaître qu’ils n’ont pas tous donné leur meilleur livret au compositeur.

Signature autographe de Louis Deffès
( Coll. Bertrand Malaud )

Louis Deffès a connu les plus grandes difficultés tout au long de sa vie. Dès son retour d’Italie, il fut confronté à la quasi impossibilité qu’éprouvèrent tous les jeunes compositeurs à se voir confier un livret par les directeurs des " théâtres privilégiés "; les deux scènes qui existaient alors à Paris pour accueillir les ouvrages lyriques suffisaient à peine à pourvoir aux ouvrages des grands gloires de la musique. Fait remarquable: dès le début, puis tout au long de sa carrière, la critique s’accorda pour voir en Deffès les promesses d’une gloire future et pour recommander qu’on lui confie des ouvrages d’importance plus grande. C’est en Allemagne qu’il dut chercher la possibilité de présenter plusieurs de ses opéras et c’est par leurs succès à Ems qu’il put de nouveau forcer les portes de l’Opéra-Comique ou du Théâtre-Lyrique. Toutefois, et bien que ses compositions furent toujours reçues favorablement, il fut presque constamment privé des fruits de ses succès par la déroute financière des théâtres où il était joué. Par ailleurs, victime d’engagements non tenus, plusieurs de ses opéras, reçus et parfois mis en répétitions, ne purent jamais naître à la scène et Les Noces de Fernande ou Le Marchand de Venise attendirent dix ans et plus pour être représentés après une succession d’avanies plus désolantes et décourageantes les unes que les autres.

Louis Deffès n’atteignit jamais la pleine consécration à laquelle il pouvait espérer, mais cet homme chaleureux et profondément modeste n’en figura pas moins dignement au nombre des compositeurs du " Jardin de l’harmonie " française du XIXème siècle.

Bertrand MALAUD
Février 2001

Plus de détails (recherches et projets) :
site Internet sur Louis Deffès entretenu par Bertrand Malaud.


Fichier MP3 Louis Deffès, Hosanna!, pour voix et piano ou orgue, avec paroles en latin par l’Abbé L. Daix : motet à la Sainte Vierge “Tota pulchra es !” et en français par Adolphe Pellier : “Chant d’Hyménée”, dédicacé “A Mademoiselle Blanche Gourgas” (Paris, Macker et Noël, 1883). “Ce chant existe avec accompagnement de violoncelle, harpe et orgue. Il est aussi transcrit pour violon, violoncelle, harpe et orgue sous le titre de Méditation.”
Fichier audio par Max Méreaux (DR.)


Verdi : Les Brigands et l’oublié de Toulouse

 

En ces jours anniversaires du centenaire de la mort de Verdi, on aurait quelques scrupules à venir, après tant d’autres, élever un nième mausolée à la gloire du grand maître italien et on s’interdirait d’imaginer lui consacrer un article, fut-ce pour apporter sa pierre aux édifices existants, s’il n’était pourtant une bonne raison de s’y intéresser : pour livrer quelques informations inédites à la curiosité des lecteurs et les soumettre à la sagacité des spécialistes. Du reste, ces révélations ne devraient pas manquer d’en intriguer plus d’un et l’on verra, tout à la fois, que la sente qui mène à la tanière des Brigands est des plus tortueuses et que ces diables d’hommes, comme chacun sait, ne se laissent pas facilement démasquer !

En ce temps-là, jamais depuis 1807, et malgré sa longue tradition musicale, Toulouse n’avait encore fêté un musicien Prix de Rome. En effet, jamais depuis la création de ce prestigieux concours et jusqu’au 11 décembre 1847, lorsqu’elle organisa une grande solennité pour célébrer son premier enfant compositeur lauréat de l’Institut, elle n’avait pu s’enivrer du bonheur d’avoir élevé en son sein un héritier spirituel de Nicolas Dalayrac. Et, dans la Salle des Illustres, au soir de ce samedi, c’est devant un buste qu’il tint lui-même à fleurir pour rendre hommage à son presque païs - natif de Muret, l’ancienne capitale du comté de Comminges proche de la Ville rose - que Louis Deffès (1819-1900) fit entendre sa cantate L’Ange et Tobie. Depuis deux ans déjà, la cité capitoline acclamait la musique dont il avait accompagné les belles paroles de La Toulousaino de L. Mengaud: ô moun païs, ô Toulouso, Toulouso ! et tout le Midi avait, d’un seul élan, adopté son hymne au soulel d’or. Puis, l’ex-apprenti tailleur continua son chemin, donna La Clé des champs, Le Café du roi et d’autres opéras encore, non sans cueillir quelques beaux lauriers à l’Opéra-Comique ou au Théâtre-Lyrique, à Paris, mais aussi à Marseille ou Bruxelles, et jusqu’à Ems, sur les rives de la Lahn, et c’est alors que son talent faisait pressentir les espérances les plus vives qu’une offre lui fut présentée.

Selon les notes du carnet consignant les droits d’auteurs qu’il perçut, Louis Deffès reçut alors, en février, avril et novembre 1866, un total de 3 000 francs d’une certaine Mme Tarbé des Sablons et d’Edmond Tarbé " pour Les Brigands ". Le fait est anodin et ne serait plus inédit depuis longtemps si l’on s’était un peu soucié de mieux connaître l’oublié de Toulouse au cours du XXème siècle, mais il demeure inexpliqué.

Son carnet nous apprend, en fait, qu’il travaillait pour cette Mme Tarbé depuis 1863. Il avait alors reçu une première somme fort rondelette de 4 000 francs, en janvier, pour avoir " arrangé et orchestré son opéra Le Siège de Leyde " et une deuxième de 2 000 francs, en décembre, " pour les récits de son opéra en Italien ". Le même carnet indique ensuite une somme de 3 000 francs, en mai 1864, " pour monter son opéra à Florence ", soit un total de 9 000 francs pour un ouvrage dont on n’a retrouvé ni la musique ni le livret. On sait seulement que Le Siège de Leyde, drame lyrique en trois actes, " musique de Mme Tarbé des Sablons ", fut représenté dans cette ville sous le titre de I Batavia, en juin 1864, et que l’auteur fut rappelé huit fois sur la scène du Théâtre della Pergola; au point qu’il fut question de jouer cet ouvrage au Théâtre-Lyrique de Paris ; cependant, nous ne savons rien de ce que la presse locale de l’époque a pu publier et nous ignorons quel rôle fut exactement celui de Deffès  et si même il assista aux représentations ? Première interrogation...1

Le deuxième mystère tient à l’identité même et aux œuvres de cette Mme Tarbé des Sablons. On relève, au détour d’une notice sur Edmond-Joseph-Louis et Eugène Tarbé des Sablons, journalistes et littérateurs français - nés à Paris, respectivement les 20 février 1838 et 2 septembre 1846 - qu’ils étaient fils d’un ancien officier d’artillerie et que leur mère, " née Andryano ", s’était acquise une certaine réputation par la composition de plusieurs opéras, sans plus d’indication. Le Dizionario universale delle opera melodrammatiche d’Umberto Manferrari va jusqu’à préciser que Mme Tarbé des Sablons était née en 1820, mais aucun des ouvrages que nous avons consultés ne permet pourtant de savoir si la belle-sœur de François Delsarte, Mme Wartel née Andrien, qui obtint un 1er prix du Conservatoire dans la classe de Louis Adam, fut ou non la même personne ? 2 Enfin, si certaine source signale qu’Alexandre-Philippe Andryano [Paris 1797 - Coye (Oise) 1863] était le père de Mme Tarbé, l’Encyclopédie italienne reste toutefois muette sur cette famille, dont on lit quelque part qu’elle était fort connue en Italie.3

Mais revenons à Deffès et aux Brigands... Sa collaboration avec les Tarbé se poursuivit, puisqu’on lit encore en avril 1865: " de Mme Tarbé des Sablons pour l’opéra Les Brigands, une part du fils: 2 000 francs ", suivis, en novembre, d’une somme de 500 francs reçue de Mme Tarbé. Notre futur directeur du Conservatoire de Toulouse fournit encore à sa commanditaire " divers petits morceaux " en mars et avril 1867, moyennant 200 et 345 francs, et de nouveaux arrangements d’orchestre " pour Les Brigands " en septembre, octobre et décembre, qui lui furent payés 1 500 francs au total. Enfin, pour le même titre, Deffès recevra 500 francs de Mme Tarbé en janvier 1868, et une " avance d’Edmond " de 1000 francs, en avril, mais également 500 fr. le 27 mars 1877 et autant le 14 juin, toujours " pour Les Brigands ". Au total, et sur une période comprise entre 1865 et 1877, Louis Deffès perçut donc la coquette somme de 9 500 francs - au moins - pour sa collaboration à cette oeuvre, dont l’essentiel (8 500 francs) lui fut payé entre avril 1865 et avril 1868.

Nous touchons là à notre troisième énigme : qu’était cette pièce Les Brigands ? On connaît plusieurs oeuvres portant ce titre, ou un titre approchant, et d’abord la tragédie en 5 actes Die Raüber (Les Brigands), le premier ouvrage dramatique de Friedrich Schiller (1759-1805) qui fut publié sous l’anonymat en 1781. Kreutzer fit représenter un opéra sous le titre Le Brigand en 1795, salle Favart, mais Johann Rudolph Zumsteeg (1760-1802) est aussi connu pour avoir composé une musique pour les scènes du drame de Schiller et le répertoire de l’italien Saverio Mercadante (1795-1870, qui fut l’auteur de près de 60 opéras et dirigea le Conservatoire de Naples de 1840 jusqu’à sa mort) comporte aussi un opéra intitulé I Briganti, dont le livret fut tiré par Crescini du même drame de Schiller.4

Giuseppe Verdi (1813-1901) à son tour composa un opéra sur Les Brigands, d’après le livret d’Andrea Maffei qui avait, lui aussi, repéré le sujet de Schiller. Cet ouvrage fut d’abord créé au Théâtre-Italien Her Majesty’s Theatre de Londres, alors dirigé par Benjamin Lumley qui commanda l’œuvre à Verdi, avec la participation de la cantatrice suédoise Jenny Lind le 22 juillet 1847, mais, dans son livre The complete operas of Verdi, Ch. Osborne ne dit rien des reprises de cet opéra ni de sa création sur d’autres scènes lyriques, non plus que Julian Budden dans The Operas of Verdi5. Toutefois l’on sait cependant, par La Gazette des étrangers, que l’exécution parisienne du 3 février 1870, dont il est dit qu’elle fut " remarquable, de même que les suivantes ", se rapportait à l’opéra en quatre actes et sept tableaux Les Brigands - I Masnadieri - sur la musique de Verdi et les paroles de Jules Ruelle, représenté au théâtre de l’Athénée. Auparavant, Les Brigands avait été monté à Bergame, et représenté 26 fois, en décembre 1847, ce qui laisse penser que Louis Deffès l’avait vu lors de sa création romaine à l’Apollo en février 1848, alors qu’il était pensionnaire à la Villa Médicis.6

Cette longue énumération serait néanmoins incomplète si l’on omettait d’indiquer la dernière œuvre collective à succès du trio Offenbach-Meilhac-Halévy, qui sous le nom Les Brigands, fut créé au théâtre des Variétés le 10 décembre 1869.

On pense, sur la foi des recherches effectuées auprès de plusieurs spécialistes d’Offenbach, pouvoir écarter l’hypothèse que Deffès participa à son œuvre, mais on ne peut exclure qu’il travailla à la mise au point d’une nouvelle œuvre destinée à être signée par Mme Tarbé ou encore à une adaptation de l’opéra de Mercadante (qu’il rencontra à Naples en 1849), bien qu’il nous semble plus plausible de privilégier la piste d’une collaboration à l’opéra de Verdi; ce qui reste cependant à démontrer !

A cet égard, rappelons que Deffès reçut de nouveau de l’argent en 1877 pour un travail sur Les Brigands, ce qui laisse supposer qu’une reprise a pu être envisagée, mais rien n’indique que l’œuvre de Verdi revint alors l’affiche, contrairement à ce qui fut le cas en 1882, année au cours de laquelle elle sera de nouveau représentée, du 19 février au 4 mars, au Théâtre musical de Paris, sans qu’on sache davantage quel rôle éventuel Deffès joua dans cette reprise… Quoi qu’il en soit, au moment où cet opéra fut remonté à Nancy, en janvier 1980, il fut signalé qu’ " à part quelques points de détails, la partition française suivait fidèlement la partition italienne, les deux seules modifications notables étant la fusion en un seul tableau des second et troisième tableaux de l’acte I, d’une part, et des deux tableaux de l’acte III, d’autre part ".7 On peut se demander si ces modifications auraient pu résulter de la collaboration de Deffès lors de la création à Paris dans le théâtre dirigé par M. Martinet en 1870 ? Quant à savoir quel rôle fut celui de Mme Tarbé dans cette affaire, nous n’en savons rien, mais, en raison de ses origines italiennes et de ses activités musicales, il se pourrait qu’elle ait connu G. Verdi ou l’un de ses collaborateurs parisiens, Emmanuel Muzio par exemple. Il est en tout cas certain qu’elle a, comme Deffès, connu Léon Escudier, qui édita Verdi en France, et, bien sûr, Méry (co-librettiste avec du Locle de Don Carlos), Ad. de Leuven ou Scribe (co-auteur du livret des Vêpres siciliennes) que Deffès a tous bien connu également et qui furent au nombre de ses librettistes.

Il ne nous a pas été possible de déterminer si Deffès, qui fut élève de Berton, Bazin, Barbereau et Halévy, eut l’occasion de rencontrer Verdi lorsque celui-ci arriva de Londres le 28 juillet 1847 et demeura rue Saint-Georges à Paris, ni si Deffès put assister à la première de Jérusalem (I Lombardi ) donné à l’Opéra de Paris le 28 novembre, mais Deffès, pensionnaire à la Villa Médicis et bien introduit auprès du prince de Canino, séjourna à Rome de janvier 1848 jusqu’à avril 1850 et il est vraisemblable qu’il y fit connaissance du sculpteur Vincenzo Lucciardi, ami de Verdi, même il n’eut sans doute pas l’occasion de rencontrer le maestro, lors de la création des Brigands à l’Apollo en février 1848 - puisque Verdi se trouvait à Paris où il venait de monter Jerusalem et où il demeura toute l’année 1848 sauf, semble-t-il, quelques semaines en avril et mai et une partie de 1849.

Ajoutons que, durant son séjour italien, Deffès fit aussi la connaissance d’un certain Boschetti (dont la fille, Giacomina, fut une célèbre danseuse), avec qui il alla sans doute entendre La Battaglia di Legnano au Teatro Argentina, et que notre Toulousain assista à deux spectacles à Venise en (avril ?) 1850, au théâtre Gallo : Ernani, de G. Verdi, et Lucie de Lamermoor, (de même qu’il aurait également assisté à une représentation de Nabuchodonosor donnée au théâtre Apollo ?), mais nous n’avons pas pu vérifier ces informations et ne savons donc pas si ces spectacles furent effectivement représentés lorsque Deffès passa dans la cité des Doges.

A la lumière de ce qui précède, on réalise combien épais est le voile de mystère que Les Brigands laissent encore planer au-dessus d’eux, aussi est-il probable qu’ils exciteront encore longtemps la curiosité des plus tenaces, mais il serait piquant que l’on doive à l’oublié de Toulouse d’en apprendre un jour plus sur leur compte.

Heureux sont les compositeurs qui, de leur vivant, eurent leur nom gravé au livre d’or du Panthéon et qui, non contents de gagner le paradis sans faire relâche au purgatoire après leur mort, y sont, comme Verdi, demeurés depuis lors sans qu’à aucun moment leur aura s’éclipsa au cours du siècle écoulé ! Quand mille musiciens et chercheurs continuent de leur consacrer le meilleur de leur temps, il est, ne l’oublions pas, nombre de leurs confrères compositeurs qui patientent encore dans l’ombre immense de ces ‘monstres sacrés’ et qui, à l’instar de Louis Deffès, n’auront pas même eu droit à un hommage public dans leur ville natale pour le centenaire de leur décès, quelques fussent les services qu’ils aient pu rendre à leur art et le plaisir donné à leurs concitoyens. Lorsque Toulouse, opulente et fière, a laissé en déshérence le répertoire du premier de ses onze fils grand prix de Rome - qui fut aussi le meilleur de ses ambassadeurs dans l’Hexagone et sur les cinq continents grâce à La Toulousaine et le rénovateur de son Conservatoire -, Busseto, modeste mais fidèle, a su conserver la mémoire de son plus illustre musicien. S’il est vrai que Deffès n’est pas Verdi et que Toulouse ne saurait assurément se comparer à… Busseto, il n’en demeure pas moins qu’on serait heureux de redécouvrir les gracieuses compositions du " Grillon d’or ", comme on se réjouit d’écouter les opéras du célèbre italien !

Toutes informations nouvelles ou commentaires seront les bienvenus.

Copyright Bertrand Malaud
(samedi 10 Mars 2001)

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1) Le premier opéra à avoir pour titre Le Siège de Leyde (Die Belagerung von Leyden), un 4 actes dû à Charles Louis Adolphe Vogel et au librettiste Hippolyte Lucas [également librettiste de Bettly de Donizetti, ainsi que de la féerie Le Ciel et l'Enfer (23 mai 1853) tirée de La Légende du beau Pécopin], fut représenté pour la première fois à La Haye en 1847.
L'ouvrage d'Aldo Caselli: Catalogo dello opere liriche publicate in Italia (Firenze, Leo S. Olschki editore, 1969, 891 p.) signale Batavi o l'assiedo di Leida de Tarbé des Sablons (sans indication du nom du librettiste) comme ayant été représenté à Florence au théâtre Pergola en 1864 et mentionne I Briganti de L. Arditi, représenté au théâtre du Conserv. de Milan en 1841, de même que Il Masnadiero de D. Uhrmacher, joué au teatro Alfieri de Florence en 1868. Enfin, L'Art Musical indique en 1865 que I Batavi de Mme Tarbé des Salons a été représenté à Florence en 1864; ce qu'indique également le Dizionario universale delle opera melodrammatiche d'Umberto Manferrari qui donne comme titre du drame lyrique en 3 a représenté au printemps 1864 au Tr. della Pergola de Florence: I Batavi o l'Assedio di Leida. [ Retour ]

2) François Delsarte épousa en 1833 la fille d'un chef de chant à l'Académie royale de musique, Rosine Andrien, qui fit de brillantes études au Conservatoire dans les classes de Cherubini et Halévy, et qui fut nommée à 16 ans «répétitrice de piano» avant d'y être professeur adjoint de solfège de 1835 à 1837. [ Retour ]

3) Signalons cependant que les deux frères Edmond et Eugène Tarbé des Sablons ont collaboré, soit sous leur nom soit sous des pseudonymes, à plusieurs journaux. Ils ont particulièrement fait en commun, sous le nom unique de M. Eugène Tarbé, la critique musicale du Figaro, à l'époque où ce journal devint quotidien. Edmond Tarbé avait déjà fait le même travail dans L'Epoque de M. Feydeau, sous le pseudonyme de Zanoni, et publié plusieurs romans sous d'autres pseudonymes, notamment sous celui de Baronne d'Ange. Le 5 juillet 1868, Edmond Tarbé fonda, avec Henri de Pène, le journal quotidien Le Gaulois, dont il restera, l'année suivante, l'unique directeur et qu'il ne quittera qu'en juillet 1879. On cite de lui une série d'Impressions politiques remarquées et Les Drames parisiens en 1875. Eugène Tarbé, qui, à part ses travaux de critiques, s'est exercé à la composition musicale et a publié divers morceaux de chants et de musique de danse, est mort à Paris le 20 novembre 1876.
Indiquons aussi que Deffès composa également une Messe pour Mme Tarbé et plusieurs musiques pour son fils. [ Retour ]

4) Le Dictionnaire des opéras de Clément et Larousse signale que cet opéra en 3 a. fut représenté pour la première fois à Paris, en présence du compositeur, le 22 mars 1836 au Théâtre-Italien.
Indiquons, pour mémoire, que le Vaudeville avait donné, en 1829, Le Brigand napolitain de Dartois, de Leuven et de Forges. [ Retour ]

5) cf.: Julian Budden: The Operas of Verdi, Cassell, London, 3 vol., 1973/1981. [ Retour ]

6) L'opéra Les Brigands fut monté à Milan en 1848-49 au Teatro Re (où il eut 19 représentations) et à la Scala de Milan qui en donna 22 représentations de 1853 jusqu'en 1862 (par ailleurs, 23 autres représentations furent données sur diverses autres scènes italiennes durant la même période).
De plus, en 1849, F. von Suppé mit en musique Die Raüber auf dem Semmering à Vienne. [ Retour ]

7) L'auteur de l'article, R. Lévy, a bien voulu reprendre ses partitions pour les comparer à nouveau, mais n'a pu déceler aucune 'intervention' d'un tiers et il serait donc nécessaire de remonter aux partitions autographes et aux échanges de correspondance pour y voir plus clair. [ Retour ]


Un portrait singulier :
Louis Deffès par X,
versus Delacroix par Deffès ?

 

Dessin à la plume
( Bibliothèque de l'Institut, Paris )

Le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de France, tome LIV, Paris bibliothèque de l’Institut, supplément par J. Tremblot de la Croix (Paris, BN 1962, p.37) indique que figurent à la cote 4198-4200 des dessins à la plume, charges et paysages croqués pour la plupart au cours des séances de l’Institut, de 1830 à 1859, et recueillis par Antonius Pingard, premier huissier de l’Institut1. Mais il contient également des portraits attribués aux académiciens Emile Perrin, Paul Delaroche, Hippolyte Flandrin, François Heim, Philippe Lemaire ou Alexandre Lenoir, par exemple, et le catalogue précise qu’y sont représentés des personnages tels que Jean Alaux, Henri Cohen, Auguste Couder, Halévy, Auguste Gigault de Lassalle, Etienne Ramey, Anaïs Rey ou Ambroise Thomas, parmi d’autres. Ces dessins sont du plus grand intérêt, mais il faut signaler que les sujets représentés, leurs auteurs et les dates ne sont, le plus souvent, ni identifiés ni connus de façon certaine. Et c’est bien là le problème.

C’est ainsi que " Deffès (Pierre) " figure en I (4198) et que le dessin à la plume, conservé sous la cote Mn 4198, p. 24 N°87, porte la mention " Defesse musicien " écrite à l’encre dans sa partie supérieure. Or si plusieurs personnes ont cru pouvoir assurer catégoriquement que ce portrait n’est pas celui de Pierre Louis Deffès, il reste, d’une part, impossible de dire à qui attribuer ce dessin et nous ne sommes, d’autre part et surtout, pas parvenus à identifier le personnage représenté.

Quel serait donc l’auteur de ce dessin ? Puisque l’inscription " Defesse musicien " ne paraît pas pouvoir se rapporter à la personne de Deffès comme sujet du dessin, l’idée vient naturellement qu’elle pourrait peut-être le désigner comme auteur du dessin. L’hypothèse n’est pas à écarter, puisque plusieurs témoignages attestent que maints prix de Rome compositeurs profitèrent de leur séjour à la Villa Médicis pour développer leurs aptitudes à manier habilement la brosse, le pinceau et le crayon, ou même les ciseaux, au contact de leurs camarades peintres, sculpteurs et graveurs. Ainsi, dans son feuilleton de LAssemblée nationale du 6 déc. 1853 - à propos de Georgette, l’opéra comique donné par le compositeur belge Gevaert au Théâtre-Lyrique - Adolphe Adam regrettait sans doute que les étrangers aient plus de facilité à se faire jouer en France que les jeunes compositeurs français, mais il ajoutait aussitôt que " nos pauvres lauréats nationaux reviennent de Rome un peu moins musiciens qu’ils n’y sont arrivés, et ayant tous vu se révéler en eux de grandes dispositions pour le dessin et la peinture (...) ". Au reste, P. Feuga, qui a bien connu Louis Deffès, a écrit que ce dernier avait un joli coup de crayon, et nous n’avons aucune raison d’en douter, même s’il est vrai que nous n’avons trouvé ou vu aucun dessin ou aucune peinture de sa main.

A supposer ce point acquis - mais même si on le laisse en suspens - il resterait encore à se demander quel est cet homme déjà âgé dont le visage nous est montré par le dessin ? Dans un premier temps, en retenant l’hypothèse selon laquelle Deffès serait l’auteur de ce dessin, on a pensé qu’il avait pu représenter l’un de ses maîtres : Berton ou Halévy, ou le peintre Jean Alaux, qui dirigea la Villa Médicis au temps où notre compositeur s’y trouvait, voir même V. Schnetz, autre peintre et successeur d’Alaux à Rome. On a encore pensé à Ambroise Thomas (vice-président en 1864) ou à Raoul Rochette qui fut Secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, de même qu’à Berlioz ou Delacroix… Toutefois, d’après Mme A. Chassagne, Conservateur en chef, Chargé du fonds ancien, qui a bien voulu faire une comparaison avec des croquis d’Horace Vernet, le portrait ne serait ni celui de F. Halévy, ni celui de Schnetz (rentré de Rome au terme de son deuxième directorat qui s’achevait fin 1856), mais on pourrait y voir une ressemblance avec Delacroix. Par ailleurs, il semble également qu’on doive éliminer l’hypothèse que le sujet puisse représenter A. Thomas.

A la réflexion, la réponse réside probablement dans l’inscription manuscrite figurant sous le dessin, où l’on croit deviner qu’il est fait mention d’un vice président de l’Institut2. On sait que l’architecte Hittorff fut vice-président en 1856 (Lemaire président) et que le peintre Robert-Fleury lui succéda l’année suivante comme vice-président (quand Hittorff devint président). Si notre supposition que ce dessin date de 1856 est exacte, il pourrait donc s’agir d’Hittorff, mais il se trouve que cette supposition ne repose sur rien de concret... aussi ne peut-on exclure que le dessin soit postérieur à la période 1850-1856 3. De plus, nous ne saurions dire si ce portrait ressemble ou non à celui de l’architecte !

En somme, tout ceci n’est que conjectures et l’exercice le plus difficile est à venir, puisque l’identification formelle reste à établir…

Bertrand Malaud
dimanche 18 mars 2001

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1) Ce recueil de dessins, provenant de la succession de M. Pingard fils, chef du secrétariat de l'Institut, décédé en 1905, a été offert à l'Académie des Beaux-Arts en 1930 (Bulletin de l'Académie des Beaux-Arts 1930, p.128). [ Retour ]

2) On notera que les deux mentions manuscrites figurant sur ce dessin ne sont pas de la même main, mais il nous est impossible de préciser si l'une ou l'autre des écritures est celle de Deffès (bien qu'on serait enclin à en douter). S'agissant de la datation de ce dessin, en partant de l'idée qu'il serait attribuable à Deffès, on peut supposer qu'il a été réalisé après son retour de Rome en 1850 et peut-être à l'occasion de la séance publique annuelle (dont la date était traditionnellement un samedi d'octobre/novembre) de 1856, année de réception de Delacroix et Berlioz, ou 1857. [ Retour ]

3)   1850 - le sculpteur Auguste Dumont vice-président et Picot, peintre, président.
1851 - l'architecte Caristie vice-président et Dumont président.
1852 - le peintre Heim vice-président et Caristie président.
1853 - le graveur Forster vice-président et Heim président.
1854 - le musicien Ambroise Thomas vice-président et Forster président.
1855 - le sculpteur Lemaire vice-président et A. Thomas président.
1856 - l'architecte Hittorff vice-président et Lemaire président.
1857 - le peintre Robert-Fleury et Hittorff président.
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