LES FACTEURS D’ORGUES NANCEIENS ENTRE 1800 ET 1875
Après les années de la Révolution peu propices envers la facture d’orgues, celle-ci reprend difficilement à partir de 1800. Les artisans de cette reprise sont les facteurs d’orgues qui étaient en activité avant 1789. Ce sont principalement Jean François Vautrin, Jean Chevreux et Joseph Stezle. La biographie des deux premiers a été documentée par C. Lutz et R. Depoutot (1). Celle de Joseph Stezle s’inscrit dans un cadre un peu plus large, car cet artisan était également un facteur d’instruments et de piano-forte. On peut le considérer comme la tête de file d’artisans et négociants en musique qui ont travaillé dans le domaine musical entre 1800 et 1860 (2). Le relais de ces facteurs d’orgues a été pris par Joseph Cuvillier, formé puis actif chez J.F. Vautrin entre 1821 et 1835, et qui prend la suite de son atelier en 1836. J. Cuvillier sera le principal facteur d’orgues à Nancy jusqu’en 1873, travaillant avec son fils Georges à partir de 1856.
JOSEPH STEZLE
1767 - 1836
Sa famille
La présence de la famille Stoezle ou Stezle en Lorraine remonte aux années 1760-1765, peut-être même un peu avant, avec l’arrivée à Lay-Saint-Christophe de Mathias Stezle, père de Joseph. Mathias Stezle est le fils de Joseph Stoetzle et Marianne Damin tous deux de la paroisse de Hofweier (Grand-Duché de Bade ; orthographié « Hoffwyr » dans les actes d’état civil de Lay-Saint-Christophe), à l’époque dans le diocèse de Strasbourg. Né vers 1728 en cette localité sise à quelques kilomètres au SSW d’Offenburg, il est venu s’installer à Lay-Saint-Christophe comme vigneron avant 1766, année de son mariage. Il est probable qu’au bout de quelques années il est devenu vigneron indépendant. Les coteaux de Lay-Saint-Christophe – Bouxières, comme d’autres coteaux le long de la Meurthe et de la Moselle, faisaient en effet partie d’une importante zone viticole au 18e siècle et ce jusqu’à la crise de phylloxera qui ravagea les vignobles français et lorrains après 1870.
Le patronyme « Stezle » correspond à la forme francisée de « Stoezle » ou « Stözle » (signature de Mathias en 1774). Diverses autres orthographes, issues de transcriptions phonétiques plus ou moins conformes sinon aberrantes, ont été utilisées : « Stoetztle », « Stoeltzlet », « Stoetzle », « Stölzlet », « Stelzele », « Stelzle » ou encore « Stvelzlet dit Stezle », transcription à partir de Stelzlet de son acte de mariage (4, 5, 6). Après 1780, l’orthographe la plus communément adoptée est « Stezle » (Mathias signe Stezle en 1782), bien que l’on trouve encore occasionnellement les variantes précédentes.
Le 25.4.1766, Mathias Stezle épouse, à Lay-Saint-Christophe, Françoise Marie Anne Hyacinthe Thomas, née dans ce village le 18.8.1742, fille de Pierre Thomas et Anne Eumont. Ce couple a eu plusieurs enfants, tous nés à Lay-Saint-Christophe (4) :
- Joseph, l’aîné, est né le 17.1.1767 et a été baptisé le lendemain ;
- Anne, née et baptisée le 20.8.1772 ;
- Marguerite née en mai 1773, décédée le 9.8.1774 à Lay-Saint-Christophe ;
- François né le 22.10.1778 et baptisé le 23.10.1778 ; il deviendra horloger à Sampigny puis à Commercy ;
- Georges né le 22.9.1782, baptisé le lendemain. Après 1810, il tiendra à Nancy un magasin de musique au 7 rue de l’Esplanade (rue Stanislas) (2).
Les quatre enfants ayant survécu ont tous embrassé des professions notables, indices de bonnes aptitudes et d’une exigence parentale dans leur formation.
Dans l’acte de naissance de son fils François, on apprend que Mathias est également organiste à Lay-Saint-Christophe, fonction qu’il a ensuite assurée à Saint-Roch de Nancy à partir du 19.8.1786 (3). La famille Stezle s’est en effet installée à Nancy en 1783 à la rue des Orphelines où décèdera Françoise Thomas le 29.8.1798 (7). A cette date, Joseph Stezle, le déclarant du décès, se dit facteur d’orgues, son père étant qualifié d’ancien organiste, sans autre qualité (il a alors 70 ans) (6). Le 25 juillet 1800, Joseph Stezle acquiert l’immeuble 19 rue des Champs (rue Godron actuelle). Il y occupe, avec sa sœur Anne, son frère Georges et son père jusqu’au décès de celui-ci le 3.3 .1809, l’un des deux appartements, l’autre étant mis en location. Joseph deviendra plus tard également propriétaire de l’immeuble voisin, 17 rue des Champs dans lequel il loge deux familles, dont, à partir de 1830-1831, le couple Joseph Steger - Claire Stezle (7). Cette dernière est une nièce de Joseph Stezle, fille de son frère François Stezle, horloger à Commercy. Joseph Steger, ouvrier facteur d’orgues mais aussi dit facteur de pianos ou d’instruments, partageant avec J. Stezle la même polyvalence artisanale, logeait déjà chez Joseph Stezle en 1822, peut-être même depuis son arrivée à Nancy en 1818. Joseph Stezle est décédé le 1.10.1836 en son domicile. La déclaration de décès été faite par Joseph Steger, âgé de 36 ans, neveu par alliance, et Charles Froment, âgé de 28 ans, ébéniste, probable collaborateur permanent ou occasionnel de Joseph. Le lieu d’inhumation n’est pas connu.
Le facteur d’orgues entre 1803 et 1836
Joseph Stezle est connu comme facteur d’orgues, facteur de piano-forte et facteur d’instruments, résidant à Nancy entre 1783 et 1836. Sa production organistique effective s’étend entre 1803 et 1835, les activités antérieures n’ayant pu être éclaircies ou sont à rechercher éventuellement par sa collaboration avec J.F. Vautrin, facteur d’orgues (1).
La sensibilisation de Joseph à la facture est certainement liée à la qualité d’organiste de son père, qui a dû le mettre au contact de l’instrument de Lay-Saint-Christophe. Sa formation à la facture d’orgues peut coïncider avec son arrivée à Nancy en 1783. Il a alors 17 ans et apprend sans doute le métier chez Jean-François Vautrin, d’une dizaine d’années son aîné et qui est, à l’époque, le principal sinon le plus renommé facteur d’orgues établi à Nancy. Nicolas Dupont, auquel il a succédé, est en effet décédé en 1781, Jean Adam Dingler en 1780, et Georges Küttinger le 23.12.1783. Il aurait aussi pu passer par l’atelier de Jean Chevreux. L’hypothèse d’une formation de J. Stezle chez Vautrin est accréditée par le fait qu’il est resté en liens étroits avec lui tant par la facture d’orgues que par fréquentation amicale. Joseph Stezle, ainsi que son père Mathias, sont en effet témoins au second mariage de J.F. Vautrin en 1797. Sa formation devait être à peine terminée lorsque éclate la Révolution, de sorte que Joseph Stezle n’a sans doute pas pu la valoriser pleinement. On ne connaît de ce fait de sa production que les interventions et constructions réalisées à partir de 1803 (1), auxquelles il convient d’ajouter les travaux de réparations et entretien courant d’instruments :
- 1802 : livraison d’un orgue, originellement de salon, à Ligny-en-Barrois (9 jeux).
- 1803 : transfert de l’orgue Dingler (1756) de la Chapelle des Prémontrés à l’église Saint-Sébastien de Nancy. On ne dispose d’aucun indice susceptible d’établir que Stezle a pu poser l’orgue d’occasion acquis entre 1804 et 1807 par la paroisse protestante de Nancy à laquelle l’ancienne chapelle des Prémontrés avait été octroyée. Si cette hypothèse s’avérait exacte, Stezle aurait continué à l’entretenir, ce qui n’a pu être montré.
- 1803-1804 : transformation de l’orgue de Saint-Epvre de Nancy avec J.F. Vautrin ;
- 1810 : construction de l’orgue de Chaligny (7jeux, sans pédale) dans lequel il subsiste la plupart des jeux de Stezle.
- 1801-1810 : ajout d’un positif de dos à l’orgue de Saint-Sébastien de Nancy (on déduit de cette adjonction que l’orgue Dingler en était dépourvu) où Joseph Stezle avait aussi été organiste entre 1801 et 1836. Les travaux ont été reçus par les organistes Aubert et Troestler, ce dernier étant très probablement le marchand de musique qui a cédé son affaire à Georges Stezle, le frère de Joseph (il n’y a pas d’autre Troestler à Nancy à cette époque) (2). Ce positif, dont le buffet n’est peut-être pas de Stezle, a été transféré en 1882 à Moyen par Jean Blesi qui l’a également modifié pour l’adapter à la configuration différente de la tribune.
- 1828-1831 : transformation de l’orgue de Saint-Epvre de Nancy. Cet instrument a été transféré en 1873 à Dannelbourg (Moselle), où il est encore partiellement conservé.
- 1835-1836 : réparations à l’orgue de Saint-Sébastien.
Jusque dans les années 1980, l’église de Fléville hébergeait un buffet d’orgue, disparu depuis, dont le style, apparenté à celui de Chaligny, pouvait être attribué à Stezle.
Buffet de Chaligny |
A ces travaux, il faut ajouter une intervention, la seule, à l’orgue du temple de Nancy en 1835. Elle peut s’expliquer par le décès, en 1833, de Jean Chevreux qui avait effectué, en 1829, une réparation et qui assurait peut-être aussi l’entretien courant de cet instrument. Outre diverses réparations non spécifiées, il fallait remplacer un clavier. Ces travaux n’ont pas pu aboutir comme souhaité. Leur inachèvement est peut-être lié à l’âge de J. Stezle (68 ans) ou à une maladie qui devait l’emporter l’année suivante, l’assistance de Joseph Steger, qui travaillait avec lui, ne lui ayant pas permis de surmonter la difficulté rencontrée. Les travaux envisagés ont finalement été réalisés par Joseph Cuvillier dont ce sera la première intervention officielle à l’orgue du temple de Nancy (8). Les délibérations relatives à ces réparations sont données ci-dessous en Annexes (9). Selon ces documents, J. Stezle intervient encore lors de la réception des réparations faites par Cuvillier, comme « expert » déclaré « facteur de pianos » et non « facteur d’orgues », ce qui laisse admettre qu’il était davantage versé en facture de pianos que d’orgues.
Le facteur de pianos
Joseph Stezle se disait également facteur de piano-forte, plus rarement facteur d’instruments, suivant en cela une tradition de polyvalence artisanale souvent exercée par les facteurs d’orgues de l’Ancien Régime. Parmi ceux de Nancy figurait Georges Küttinger (ca1733-1783) qui, en livrant l’orgue à l’abbaye de Beaupré (aujourd’hui à Vézelise), aurait aussi promis « de parolle un forté piano », mais qui selon les moines n’aurait pas "fait le forté piano qu'il nous avoit promis". Même s’il ne l’a pas livré, cela montre qu’il devait avoir des compétences pour le fabriquer. Son décès la même année que l’arrivée de J. Stezle à Nancy permet de considérer qu’il n’a pas été le formateur de ce dernier en piano-forte.
On ne dispose guère d’éléments permettant de préciser l’activité de J. Stezle comme luthier. Par contre, son activté de facteur et de fabricant de pianos a pu être documentée récemment grâce au dossier de liquidation de sa succession. Celui-ci montre que la facture de pianos a été son activité principale (cf.« Musica et Memoria », 2011, n°121-124, p.115-171 et « Le Pays Lorrain », Nancy, 2012, n°93, p.147-152). Entre 1800 et 1820 environ, Stezle semble surtout se consacrer à l’entretien, la réparation et l’accord des piano-forte. S’il en a peut-être fabriqué, il a cependant aussi vendu des instruments qu’il se procurait chez des fabricants parisiens parmi lesquels figurait Erard. Après 1820, il s’oriente davantage vers la fabrication. On peut supposer qu’entre 1820 et 1836, année de son décès, Stezle a pu en fabriquer une centaine, destinés à la vente et à la location à et autour de Nancy. Aucun piano-forte encore existant de Stezle n’a cependant pu être recensé à ce jour (10). La location de pianos-forte (environ cinquante en 1836) représentait une part importante de ses rentrées financières. On lui doit aussi apparemment la fabrication de quelques « pianos organisés » , instruments à la mode entre 1775 et 1840 environ. Ses revenus devaient être suffisamment substantiels pour qu’il se soit soucié de les rentabiliser sous forme de prêts hypothécaires, cédulaires ou par « billets ».
Après avoir bénéficié du concours de Georges Louis Warnecke entre 1807 et 1818 tant en piano-forte que lutherie, il travaille à partir de 1818, entre autres, avec Joseph Steger, facteur de piano-forte et facteur d’orgues, originaire de Thann où il a très probablement été formé chez les facteurs d’orgues et de piano-forte Henry, fils de Joachim Henry qui avait créé l’atelier. En 1831, Steger a épousé une des nièces de Joseph Stezle (2). Après le décès de J. Stezle, l’atelier a été repris, avec l’accord de la famille, par Joseph Steger. Cet atelier disparaît avec le décès prématuré de Steger en 1840.
Nancy semble avoir été, dès les débuts du 19ème siècle, une ville à fort développement musical dans lequel le piano-forte puis le piano devaient prendre une place importante largement occupée par Stezle jusqu’en 1836 et Warnecke jusqu’en 1848. Les frère et neveux de Joseph Stezle ont contribué (cf. infra), soit comme marchands de musique, soit comme facteurs de pianos, à ce développement. Cette « vocation pianistique » de Nancy se confirmera à partir de 1832 avec la création de la manufacture de pianos Mangeot, puis après l’arrivée à Nancy en 1842 de Joseph Staub, de la création de la manufacture Staub-Warnecke en 1848 qui prend le relais de l’atelier de G.L. Warnecke (1784-1848) dont J. Staub avait épousé la fille (2).
Georges Stezle, frère de Joseph, après avoir été manufacturier à Neuviller-sur-Moselle, reprend peu avant 1812 le magasin de musique Troestler, voie par laquelle J. Stezle a pu certainement vendre sa production. Il avait épousé Emelie Catherine Lorenziti, fille de Jean Baptiste Lorenziti, musicien à la cathédrale primatiale de Nancy puis professeur de musique, et frère de Joseph Antoine Lorenziti, Maître de chapelle à la cathédrale primatiale de Nancy, violoniste et compositeur (2). Deux de ses fils, Jean Baptiste Ange et Joseph Etienne ont continué, après son décès en 1833, son affaire avec leur mère jusqu’en 1860, J. Etienne ayant en outre exercé comme facteur de pianos (2, 6, 7).
Quelques autres membres, frère et neveux, de la famille de Joseph Stezle se sont tournés vers les métiers de la musique (2, 5, 6).
Voir aussi: Un atelier de facture de pianos à Nancy au début du XIXe siècle : Joseph Stezle, par Jean-Marc Stussi.
JOSEPH CUVILLIER
1801 - 1893
Facteur d’orgues à Nancy entre 1836 et 1873
Eléments biographiques
Joseph Cuvillier est le principal facteur d’orgues ayant opéré à Nancy et en Meurthe-et-Moselle entre 1836 et 1873. Selon l’Inventaire des Orgues de Meurthe-et-Moselle (1), il prend, en 1836, la succession de Jean-François Vautrin chez qui il aurait effectué son apprentissage, puis travaillé. J.F. Vautrin avait lui-même succédé à Nicolas Dupont auprès duquel il aurait été formé. Bien que plus jeune, J. Cuvillier devait donc nécessairement connaître J. Stezle.
Joseph Cuvillier est né le 8 septembre 1801 à Neufchâteau (Vosges), fils de Jean Baptiste Cuvillier, manœuvre ou journalier, puis infirmier à Neufchâteau, et de Marie Catherine Christophe. Joseph a eu un seul frère, François, né le 5.9.1803 à Neufchâteau (cf. infra), devenu cordonnier à Dommarie-Eulmont (54), mais dont on perd la trace à partir de 1839. Les deux frères perdent leur père très tôt à l’âge respectivement de 5 et 3 ans, car il est décédé le 21.11.1806 à l’Hospice de Neufchâteau à l’âge de 55 ans (11).
Les origines de Jean Baptiste Cuvillier n’ont pu encore être établies. Bien que le patronyme Cuvillier soit très répandu dans le nord de la France (Ardennes, Pas-de-Calais, Nord), il n’est pas inconnu en Lorraine, plusieurs familles lorraines en répondant, résidant à Colombey-les-Belles et Allain (les liens avec les Christophe et Cuvillier de ces communes n’ont pu être établis), entre Pont-à-Mousson et Commercy, ainsi que dans le Lunévillois (Lunéville, Baccarat, Blâmont…). Dans les années précédant son mariage avec Marie Catherine Christophe, il semble établi à Neufchâteau et pourrait avoir été employé de l’entreprise de Jean Nicolas Christophe, ses futurs beau-frère et feu beau-père. Le mariage de Jean Baptiste Cuvillier et Marie Catherine Christophe n’a pas été enregistré en mairie de Neufchâteau (11), bien que Marie Catherine Christophe était native (1769) de cette ville, fille de Jean Nicolas Christophe, entrepreneur de bâtiments, et Marie Rose Flammérion, tous deux de la paroisse Saint-Nicolas. Elle avait un frère, Jean Nicolas, également entrepreneur de bâtiment, déclarant de la naissance de Joseph Cuvillier en 1801. Il y a tout lieu de penser qu’au moins pour Marie Catherine Christophe, son mariage avec Jean Baptiste Cuvillier est un second mariage, car l’état civil de Neufchâteau enregistre, le 25.11.1788, un mariage, entre Catherine Christophe, fille des précités, et Jean François Lefebvre, 24 ans. Celui-ci était capitaine à la 76° Demi-Brigade, 3° Bataillon, 3°Compagnie d’Infanterie (initialement au Régiment d’Infanterie des Vosges). Blessé au cours de la campagne d’Italie, il a été admis à l’hôpital militaire n°4 de Gênes le 14.4.1800 où il est décédé le 28.4.1800 des suites de ses blessures (transcription en date du 8.2.1801 dans le registre des décès de Neufchâteau de l’extrait du registre des décès de l’Hôpital militaire de Gênes). Le remariage de sa veuve Marie Catherine Christophe avec Jean Baptiste Cuvillier se situe a priori entre quelques mois et un an après ce décès, peut-être peu après le 8.2.1801, l’extrait du registre des décès mentionné ayant dû servir de justificatif de décès de Jean François Lefebvre. Après le décès de Jean Baptiste Cuvillier, Marie Catherine Christophe ne semble pas s’être remariée et a assuré seule l’éducation de Joseph et de François. Elle est décédée le 25.4.1847 à Haguenau.
Entre 1815 et 1820, Joseph Cuvillier suit, apparemment à Neufchâteau et peut-être en relation avec l’entreprise de bâtiment de ses oncle et cousin maternels Jean Nicolas Christophe, une formation de tourneur sur bois, profession qu’il exerce et déclare officiellement lors de son arrivée à Nancy en 1821 où il résidera rue du Moulin Vieille Ville (quartier Saint-Epvre – Grande-Rue). Le 24.8.1824, il épouse, à Nancy, Marguerite Petit née le 6.8.1793 à Nancy. Selon l’acte de mariage, il déclare être « Tourneur » sans spécifier de relation avec la facture d’orgues, a fortiori avec J.F. Vautrin. J. Cuvillier et Marguerite Petit élisent domicile au 21 Grande-Rue et ce jusqu’en 1825. Ils s’installeront ensuite 7 Place Saint-Epvre dans un appartement locatif dans lequel ils résideront jusqu’en 1839 (6, 7). Cinq enfants sont issus de cette union (6) :
- Marguerite Gabrielle née le 1.8.1825
- Ferdinand Henry né le 18.9.1826, décédé le 4.9.1827.
- Dominique né le 28.11.1827. On perd très rapidement sa trace, car dès 1828, il n’est plus enregistré parmi les membres de la famille. L’explication se trouve à Neufchâteau, où Dominique est décédé le 3.9.1828 à l’âge de 10 mois, au 277 rue Gohier, domicile de sa grand-mère Marie Catherine Christophe, veuve de Jean Baptiste Cuvillier (11).
- Georges né le 3.11.1829, qui deviendra facteur d’orgues (cf. infra).
- Catherine née le 28.11.1830, par la suite généralement prénommée Célestine. Restée célibataire et sans profession clairement déclarée (cf. infra).
- Anna née le 27.4.1833. Elle deviendra professeur de piano, comme une de ses sœurs aînées (cf. infra).
Les professions déclarées successivement par Joseph Cuvillier sont « tourneur » (1821, 1829), « tourneur sur bois », ouvrier tourneur (1833), « ouvrier », « journalier » (1827), et très curieusement « Rempailleur de chaises » en 1836.
En 1839, Joseph Cuvillier s’installe avec sa famille au 49 rue des Quatre Eglises dans un immeuble dont il devient propriétaire à la fin de la même année ou au début de 1840. Il en occupe le 1° étage, les autres étages étant mis en location. Parmi les locataires, il n’apparaît pas d’employés de J. Cuvillier. Cette acquisition semble indiquer que son entreprise de facture d’orgues avait bien démarré. Il y restera jusqu’en 1873, disposant, en cour, d’un atelier « en bas dte (droite) atelier cour ». Il ne semble pas disposer d’un autre atelier plus conséquent dans le voisinage, celui mentionné entre 1870 et 1878 sous « Cuvillier, Montet 17 » étant l’atelier de son fils Georges (7).
Se trouvant confronté à des difficultés financières, Joseph Cuvillier est contraint, en 1873, à la vente de sa propriété 49 rue des Quatre Eglises. Peu après cette vente, J. Cuvillier prend sa retraite et connaît pendant plus de 15 ans une succession de déménagements qui ont certainement dû perturber sa vie et celle de sa famille. On le trouve d’abord (en location comme dans tous ses domiciles suivants) au 8 impasse de la Garenne, puis au 12 avenue de la Garenne. L’année d’après, on le trouve au 8 rue Saint-Lambert dès le 1. juillet 1874, trois semaines après le décès, le 9 juin à 80 ans, de son épouse. Il est voisin immédiat de la Chapelle Notre-Dame-des-Anges. Entre 1882 et 1888 (7), il réside au 2 avenue de Boufflers, puis à nouveau au 2 rue Saint-Lambert en 1889, puis au 9 ruelle de Bourgogne de 1890-1891, enfin au 104 rue de Strasbourg de 1891 à 1893, où il décèdera le 30 avril 1893. Il sera inhumé le 1er mai au cimetière de Préville de Nancy (tombe disparue avant 2009). Ces déménagements successifs et rapprochés ont été causés par l’ouverture de l’actuelle Avenue Anatole France, par la re-urbanisation, qui n’a rien laissé subsister des anciens immeubles (dont la Chapelle Notre-Dame-des-Anges) des quartiers Saint-Lambert et de la Croix-de-Bourgogne, et plus généralement de la plupart des anciennes rues « extra-muros » de Nancy après 1875. Ses filles Célestine, Anne séparée judiciairement de son mari Felix Gehin, et sa petite-fille Marie Gabrielle Gehin suivent ces pérégrinations.
Le facteur d’orgues
Aucun indice préliminaire de la vie nancéienne de J. Cuvillier ne permet de préciser sa situation envers la facture d’orgues, ni son travail auprès de J.F. Vautrin, sa profession de « tourneur sur bois » n’étant pas spécifique de la facture d’orgues. L’enregistrement quelque peu surprenant, en 1836, de « rempailleur », rayé et surchargé par celui de « facteur d’orgues » (7), si ce n’est une erreur d’enregistrement, voire un artefact administratif de la part de J. Cuvillier, marque un tournant important dans sa vie. Il pourrait s’expliquer par la nécessité d’une occupation transitoire après le décès de J.F. Vautrin en 1835, en attendant de pouvoir prendre la suite de son atelier, mais il est en contradiction évidente avec le chantier de réparations à l’orgue du temple de Nancy en 1835 (cf. infra). On ne saurait pas comment ce changement s’est présenté à lui, si on n’apprenait pas par Hamel (1849) (13) (informé probablement par Cuvillier) que "CUVILLIER, né Neufchâteau, en Lorraine (Vosges), en 1801, avait déjà, à l'âge de onze ans, construit un petit orgue sans avoir reçu aucune notion de l'art de la facture. Vautrin, qui exerçait cet état à Nancy, ayant remarqué les dispositions du jeune Cuvillier, voulut bien l'admettre dans ses ateliers, et, après lui avoir donné de bons principes, il lui légua sa clientèle" [...]. Hamel (1849) lui attribue la construction d’orgues et/ou des travaux avant 1836, ce qui ne peut que confirmer qu’il travaillait dans l’atelier de J.F. Vautrin. Les fluctuations de professions déclarées sont compatibles avec le métier de facteur d’orgues (le travail du bois), tandis que le fait d’être journalier suggère des alea dans un emploi permanent chez Vautrin.
La disparition de J.F. Vautrin, décédé le 12 juillet 1835 à l’âge de 80 ans, permet à J. Cuvillier de concrétiser sa « vocation » précoce pour la facture d’orgues. Vu ses compétences et l’âge avancé de J.F. Vautrin, il aurait même pu mener l’atelier depuis quelques années déjà. Ceci expliquerait la liste des travaux antérieurs à 1836 attribués à Cuvillier par Hamel (1849) (1, 13). Lorsque, en mai 1835, deux mois avant le décès de J.F. Vautrin, il est introduit auprès du Conseil Presbytéral de l’Eglise réformée de Nancy, il fait figure de facteur compétent, qualité qui ne lui aurait pas été attribuée s’il n’en connaissait pas l’art. Ces réparations sont bientôt effectuées car elles sont reçues le 16 juillet suivant. Sans doute J. Cuvillier a-t-il suffisamment de travail pour se permettre d’embaucher, en 1837, un employé en la personne de Benjamin Voinier, âgé de 28 ans, ouvrier facteur d’orgues, originaire de Vézelise, arrivé à Nancy en juillet de cette année et qu’il héberge pendant quelques mois à partir de juillet 1837 (7). Dès 1837, Joseph Cuvillier prend en charge l’orgue Dingler-Stezle de Saint-Sébastien de Nancy, instrument dans lequel il effectuera par la suite diverses modifications (1). Cherchant à se diversifier et s’assurer des revenus complémentaires, Joseph Cuvillier se dira, dans les années 1845, également facteur de pianos (7). Entre 1857 et 1861, l’entreprise est libellée « Cuvillier – Chevalier » (12), dénomination qui indique que J. Cuvillier s’est associé momentanément avec un collaborateur. Dans les années 1865-1868, il aura également, comme employé, Félix Gehin, demi-frère d’Etienne et Jean Baptiste Gehin, facteurs d’orgues à Saint-Amé (cf. infra). On ne sait si Jean Joseph Vautrin, neveu de J. Fr. Vautrin, a pu travailler avec Cuvillier.
Le bilan des travaux connus (1) consiste en 21 chantiers parmi lesquels on ne relève que 7 instruments neufs, soit une activité créatrice relativement réduite pour 40 ans de travail. A cette activité, il convient d’ajouter les travaux d’entretien, réparations et accords saisonniers. Le plus important chantier (3 claviers, 44 jeux) a été celui de Saint-Nicolas-de-Port (buffet de style « troubadour » dû au dessin de l’architecte Morey). Ce nombre relativement peu élevé indique les difficultés rencontrées par l’entreprise de J. Cuvillier pour la construction d’instruments neufs dans une ville et une région à économie difficile au moins jusque dans les années 1860, ainsi qu’à une faible demande des églises en instruments neufs.
Non daté mais antérieur à 1849, la date de 1830 avancée par Martinod (1970) (14) étant incertaine, l’un des premiers sinon le premier orgue de J. Cuvillier aurait été celui destiné au couvent des Sœurs de Saint-Charles. S’il était postérieur à 1836, on en déduirait que c’est bien J. Cuvillier, et non J.F. Vautrin, qui a été l’initiateur du style néo-classique de ce buffet ainsi que de ceux qui ont suivi jusque vers 1855 (orgue de choeur de la cathédrale de Nancy ; temple de Nancy). Cet instrument, transféré ultérieurement au Sacré-Cœur de Nancy et resté peu modifié, a cependant disparu il y a une vingtaine d’années. Il s’en suit que le seul témoin quasi-authentique de sa production est l’orgue de l’église Saint-Sébastien d’Hattonville (Meuse), petit instrument de 6 jeux à pédale accrochée de 13 notes. Celui du temple protestant de Nancy conserve 11 jeux sur les 21 de l’instrument d’origine ainsi que les sommiers du grand-orgue et de la pédale. De l’orgue de Saint-Nicolas-de-Port (1851) il ne subsiste que le buffet. L’orgue de N.D.-de-Bon-Secours (1858 – 20 jeux ; 1868 – agrandi à 42 jeux par Georges Cuvillier ; reconstruit en 1896 par Didier-Van Caster qui le ramène à 34 jeux en utilisant une partie de la tuyauterie de Cuvillier) a été démonté (1). Son cornet V rangs du grand-orgue a servi de modèle, en 2000, à celui de l’orgue du temple, mais a disparu depuis.
Le devis descriptif pour le nouvel orgue du temple de Nancy construit en 1856 n’a pu être retrouvé. Seul est parvenu le dessin en élévation du buffet (9). Celui-ci prévoit bien davantage de tuyaux dans les plates-faces que le nombre finalement réalisé et plus logique. La réalisation finale différera également dans la sculpture du vase à fleurs et des guirlandes de la tourelle centrale, par le tétragramme en hébreux à la place de IHS dans le triangle trinitaire à l’intérieur du fronton et les moulures surmontant les entablements des plates-faces. Par contre, la petite tourelle centrale, concave, du buffet du temple de Nancy est originale et reprend une idée de Nicolas Dupont appliquée aux orgues des cathédrales de Nancy, Toul et Verdun. La présence des deux plates-faces latérales convexes ne se justifie pas par l’emprise du volume utile de l’instrument, mais par la configuration semi-circulaire de la tribune (antérieure à l’instrument), par l’emprise des commodités d’accès à l’étage des sommiers et par le camouflage du bras de la pompe de la soufflerie (située à l’origine dans le soubassement à la 2° tribune) et du souffleur. La décoration du buffet a été modifiée en 1887, en l’alourdissant, par Jean Blesi par la pose, en second plan, de moulures de facture industrielle destinées à cacher les postages, de part et d’autre des grandes tourelles, des plus grands tuyaux du Bourdon 16’ du Grand-Orgue ajouté par ce facteur, et dans la fenêtre centrale, en arrière du vase à fleurs, de moulures devant masquer la nouvelle boîte expressive (8).
Apparemment opposé ou contrarié par les nouvelles idées en facture d’orgues qui se sont développées vers le milieu du 19ème siècle, Joseph Cuvillier publie, en 1855, un manifeste dans lequel il développe ses vues sur l’aspect négatif de l’évolution de la facture d’orgue (15). Il fait allusion aux discussions voire tensions apparues par les nouvelles modes considérées, selon lui, comme des facteurs de division qui rappellent celles « qu’un moine allemand a causées » jadis ! Sa facture jugée trop attachée aux principes anciens et peu encline à se moderniser bien que sur le plan des compositions celles-ci suivent la tendance de l’époque, amène une perte de créativité au bénéfice de facteurs d’orgues vosgiens et parisiens (Jeanpierre, Lété, Merklin, Cavaillé-Coll).
Bien que paraissant passer la main à son fils à partir de 1869, car seul Georges Cuvillier est répertorié comme facteur d’orgues à partir de cette date, J. Cuvillier est en retraite en 1873 seulement, situation dont on déduit que Georges continue seul le métier de facteur d’orgues comme cela ressort de la mention en marge de son domicile 144 rue Saint-Dizier (7). En réalité, Joseph Cuvillier continuerait cependant, ponctuellement ou plus régulièrement, à s’occuper de facture d’orgues, car il adresse, en 1876, au Conseil Presbytéral de l’Eglise Réformée de Nancy une note selon laquelle l’orgue du temple aurait besoin d’un nettoyage et dépoussiérage pour faire « parler convenablement les tuyaux ». Le compte rendu du Conseil presbytéral mentionne explicitement « M. Cuvillier père » (8, 9).
Eléments techniques
La conception des instruments de Cuvillier est très classique. Les sommiers sont à registres coulissants, la traction étant mécanique actionnée depuis une console en fenêtre ou indépendante tournée vers la nef. Les instruments à deux claviers sont dotés de sommiers en deux parties ut et ut#, indépendants, ou à gravures intercalées comme à l’orgue du temple de Nancy, où les tuyaux d’origine de la pédale et de la première octave du grand-orgue sont alimentés par un double système de soupapes. Les sièges des soupapes étaient garnis de peau conservée lors du dernier relevage lorsque c’était possible. La grille était fermée par de la peau vraisemblablement sur papier cartonné remplacée par un matériau similaire lors des interventions ultérieures. La tuyauterie est de belle qualité, à principaux riches en étain. Elle s’inscrit dans la manière post-classique, mais on ne peut pas parler d’une continuité de facture entre Vautrin et Cuvillier comme on peut l’observer entre Dupont et Vautrin. Les marques de notes gravées à la pointe sèche sont très différentes et la construction des tuyaux à bouches se distingue par des traits d’aplatissages très allongés de part et d’autre de la bouche, caractéristique que l’on trouve dans certains orgues du XVIIème siècle mais pas chez Dupont ou chez Vautrin. Au temple de Nancy, les corps des anches de pédale sont assez étroits, rendant une sonorité un peu pincée, malgré l’adoption ultérieure d’anches à larmes par J. Blesi (1887). La taille relativement étroite de la Soubasse 16’ tendant vers un Quintaton semble s’inscrire, comme pour les anches, dans une logique d’économie de matériaux.
Sommier à gravures intercalées du grand-orgue et du positif de l’orgue du temple de Nancy (photo d’atelier lors du dernier relevage par L. Plet, facteur d'orgues à Troyes). Au premier plan, ouvertures des soupapes du grand-orgue ; à l’arrière plan, ouvertures des soupapes du positif ; au centre, les gravures et intergravures du grand-orgue et du positif, ces dernières fermées avec des cales de bois pour créer une laye destinée à recevoir des « jeux de combinaisons » (doublette, anches) du grand-orgue (positif transformé en récit par Blesi, 1886). |
Laye de la pédale. Double système de soupapes pour chaque note, sauf pour les extensions (sièges de soupapes en bleu foncé) utilisant les intergravures. |
Tuyau de Cuvillier présentant les nervures d’aplatissement et inscriptions à la pointe sèche (surcharges dues à la modification ultérieure de diapason). |
Compositions
En 1841, Joseph Cuvillier a présenté deux devis pour l’orgue de Cirey-sur-Vezouze. Ni l’un ni l’autre n’ont été réalisés, le marché ayant été octroyé à Lété (1 ; 16)
1. | Montre 4’ en étain poli | Bourdon 4’ |
Prestant | Petite Flûte | |
Doublette | Nasard | |
Plein jeu 3 rangs | Larigot | |
Trompette 8’ | Grand Cornet | |
Pédale d’une octave : Flûte 8’, Bourdon de 4’, Trompette | ||
Sommiers à liteaux en chêne, soufflerie à l’anglaise garantie 1 an. Clavier de 54 notes. Buffet en chêne de 9 à 10 pieds de hauteur. |
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2. | Montre 8’ en étain anglais | Bourdon ‘4’ en fine étoffe |
Flûte 8’ ouvert | Prestant en étain fin | |
Salicional 4’ en étain | Doublette en étain | |
Fourniture 3 rangs | Cornet 5 rangs | |
Trompette 8’ | Clairon 4’ | |
Pédale : Flûte 8’ en bois ouvert, Flûte 4’ en bois ouvert, Trompette 8’ en étain, Clairon 4’ en étain |
Ces devis proposent Nasard, Grand Cornet et Fourniture pour un petit instrument, autrement dit un instrument encore très classique dans sa conception sonore, hormis l’absence de tierce.
L’ancien orgue de chœur de l’église du Sacré-Cœur aujourd’hui disparu, construit avant 1849 pour la chapelle des Sœurs de Saint-Charles, présentait une composition, reconstituée par C. Lutz et R. Depoutot (1), déjà marquée l’évolution organistique de la première moitié du 19ème siècle :
Grand-orgue (54 notes) : Bourdon 8’, Flûte 8’, Gambe 8’, Montre 4’, Nazard 2 2/3, Trompette 8’ ; Positif intérieur : Bourdon 8’, Flûte 8’, Salicional 4’, Flûte 4’. Pédale accrochée. |
L’instrument de 21 jeux sur 2 claviers et pédalier de 18 notes destiné au temple de Nancy (1856) ne sera doté d’aucune synthèse flûtée ni de fourniture, signe des temps et/ou limitation du nombre de jeux pour des raisons financières évidentes alliées à une destination spécifiquement liturgique de l’instrument. La composition, restituée d’après le devis de J. Blesi de 1886, en était la suivante (* : tuyaux conservés, ainsi que les corps des anches de la pédale) (9) :
Grand-orgue 54 notes | Positif 54 notes | Pédale |
*Flûte harmonique 8’ | *Bourdon 8’ | *Soubasse 16’ |
*Prestant 4’ | Prestant 4’ | Flûte 8’ |
*Doublette 2’ | Flûte 8’ (dessus) | *Flûte 4’ |
*Flûte 8’ | *Flûte 4’ | Bombarde 16’ |
Flûte dolce 8’ | *Salicional 8’ | Trompette 8’ |
*Flûte 4’ | *Flûte 4’ | |
*Bourdon 8’ | ||
Gambe 8’ | ||
Salicional 8’ | ||
Trompette 8’ |
Tous les jeux subsistant de Cuvillier ont été ré-harmonisés ultérieurement (avec changement de diapason), en particulier la montre ; bourdons et flûtes, sans doute proches de l’origine, sont dotés de timbres chauds et intéressants.
A Saint-Nicolas-de-Port (1851), l’orgue de 39 jeux sur 3 claviers et pédalier de 25 notes comprendra par contre cymbale IV et fourniture V au G.O. ainsi qu’une fourniture III au positif. Le Grand Cornet est présent, mais pas de cornet décomposé au positif ni au récit, ce dernier n’étant doté que de jeux de 8’ et 4’ dont 3 anches (1).
Signature de Joseph Cuvillier |
GEORGES CUVILLIER
1829 - 1906
Né le 4 novembre 1829 à Nancy, il semble tout naturellement suivre sa formation de facteur d’orgues auprès de son père. Comme il est déclaré être arrivé à Nancy en 1856, venant de Paris (7), cela suppose que Georges a passé quelques temps dans la capitale pour se perfectionner auprès d’un facteur d’orgues de la capitale. Le 13 janvier 1864, il épouse à Nancy Christine Bignon, née le 2.8.1832 à Nancy, sans profession, demeurant avec sa mère Françoise Frezet (couturière). Georges Cuvillier a eu plusieurs domiciles à Nancy, d’abord au 6 rue de la Visitation, puis au 144 rue Saint-Dizier où il disposait d’un atelier. Cet atelier est transféré 56 place de la cathédrale (1873-1874), puis au 17 rue du Montet (site ré-urbanisé depuis). Entre 1878 et 1885, son atelier se trouve au 4bis rue du Ruisseau (actuellement rue Charles Keller) (7). En 1885, il s’installe à Malzéville, 5bis rue d’Essey, où il réside également, puis rue de l’Orme (cette rue semble avoir eu une prédilection pour les facteurs d’orgues, car Nicolas Dupont y a résidé de nombreuses années jusqu’à son décès en 1781). A partir de 1874, année de la retraite de Joseph Cuvillier, son activité se limite essentiellement à de l’entretien et à des accords. On ne sait rien de ses lieux d’intervention hormis le remontage de l’ancien orgue dans un nouveau buffet et une transformation de l’orgue de l’église Saint-Laurent de Pont-à-Mousson en 1896 (1). On ne sait pas non plus s’il entretenait des relations épisodiques avec les entreprises de Jean Blesi, puis de Didier-Van Caster.
Il est intéressant de remarquer que c’est Georges Cuvillier qui propose, en 1868, le devis d’agrandissement de l’orgue de Notre-Dame-de-Bon-Secours et non Joseph son père qui restera en activité jusqu’en 1873. Georges Cuvillier aurait-il eu des velléités d’indépendance ou est-ce d’un commun accord avec son père qu’il établit le devis ? Cet agrandissement qui semble avoir été le plus grand chantier qu’il ait réalisé, a porté l’instrument initial de 20 jeux construit par Joseph Cuvillier en 1858 à 42 jeux répartis sur 3 claviers et pédalier de 27 notes. Reconstruit par la suite par Didier (1896) (1), il est actuellement démonté.
Georges Cuvillier est décédé le 10 avril 1906 à Malzéville où il a très probablement aussi été inhumé, car il ne l’a pas été dans la tombe parentale de Nancy-Préville. Son épouse lui a survécu, mais après le décès de Célestine Cuvillier en janvier 1907, elle semble avoir quitté Malzéville pour une autre destination, vraisemblablement avec sa belle-sœur Anna Cuvillier, car ni l’une ni l’autre ne sont recensées à Malzéville en 1911 ni décédées là-bas avant 1912 (17, 18).
Signature de Georges Cuvillier |
AUTRES MEMBRES DE LA FAMILLE CUVILLIER
Les demoiselles Cuvillier
Au moins deux des filles de Joseph Cuvillier, Célestine et Anne, ont résidé au domicile de leur père pendant la plus grande partie de leur vie (7). Des « Cuvillier (Mlles) org. » sont répertoriées à Nancy entre 1864 et 1877 (12). Il ne fait aucun doute qu’il s’agit des filles Célestine et Anna de Joseph Cuvillier, enregistrées comme organistes, mais plus probablement adjointes que titulaires (car ces derniers font l’objet d’une insertion spécifique dans la rubrique « Organistes » de l’Annuaire Statistique) de paroisses ou de congrégations, activité compatible avec celle d’Anne Cuvillier, qualifiée de professeur de piano. La profession de Célestine, également professeur de piano et/ou de solfège, n’a jamais été clairement déclarée. Ces « demoiselles » ont exercé à plusieurs adresses : 49 rue des 4 Eglises et 6 rue de la Visitation (domicile de Georges Cuvillier) entre 1864 à 1872 ; 144 rue Saint-Dizier (domicile de Georges Cuvillier) et 47 rue des Quatre Eglises de 1874 à 1878.
Subsidiairement, et en tous cas pour Anna, les filles de Joseph Cuvillier ont secondé leur père dans la gestion administrative de l’atelier (signature de reçus de paiements ; (9)). Après son décès, elles résideront encore quelques temps à la rue de Strasbourg avant de s’installer, en 1895, au 7 puis 15 ruelle Saint-Lambert (ruelle entre la rue François de Neufchâteau et l’avenue Anatole France, aujourd’hui disparue) (7). Marie Gabrielle Gehin, fille d’Anna Cuvillier-Gehin, a quitté le foyer familial après 1891 ; elle se mariera le 23.10.1913 à Paris (mention marginale à l’acte de naissance de Marie Gabrielle) (6).
Au début des années 1900, les soeurs Anna et Célestine Cuvillier s’installent rue de la Rivière à Malzéville, très probablement pour se rapprocher de leur frère Georges et peut-être aussi pour des raisons financières, les locations étant supposées moins élevées à Malzéville qu’à Nancy, surtout après les nombreuses ré-urbanisations que connaît la ville. Ces domiciles rapprochés indiquent que les frère et sœurs Cuvillier restaient étroitement en contact. Célestine est décédée à Malzéville le 29 janvier 1907 où elle a très probablement été inhumée (pas d’inhumation à Nancy-Préville (19)).
Gabrielle Cuvillier a épousé Florent Vierling, tailleur d’habits, le 17 août 1864 à Nancy. Florent Vierling était né à Odratzheim le 13.9.1834, fils de Pancrace Vierling, tailleur d’habits dans cette localité et de Marguerite Brucker y décédée le 25.1.1840. Il était veuf de Charlotte Camille Fegey, épousée le 8 mai 1861 à Nancy, jardinière, fille de Jean Claude Fegey (+ le 7 juillet 1859), peintre en bâtiments, et de Barbe Marc, jardinière. Charlotte C. Fegey décédera prématurément le 28.2.1863. Parmi les témoins au mariage de Gabrielle, on note Felix Bigel, 33 ans, professeur de piano à l’Asile de Maréville, indice de relations entre la famille Cuvillier et le monde du piano. La déclaration de décès de Joseph Cuvillier a été faite par Florent Vierling, son gendre, « tailleur d’habits à Remiremont ». Florent Vierling et Gabrielle Cuvillier s’étaient donc installés dans cette ville où ils résidaient 17 Place Courtine. Gabrielle Cuvillier y est décédée le 24.11.1903 à l’âge de 79 ans. Florent Vierling, plus jeune de 10 ans, est décédé après 1904 (6 ; 11).
Anna Cuvillier. Le 9 janvier 1867, elle épouse, contre le gré de son père, Felix Gehin, ouvrier facteur d’orgues chez Joseph Cuvillier (Cf. infra). Ce mariage avait fait l’objet, de la part d’Anna Cuvillier, d’un Acte Respectueux passé le 8 décembre 1866 par-devant Me Fèvre de Nancy, par lequel on apprend qu’Anna Cuvillier, professeur de piano, demande conseil à son père sur le mariage qu’elle a l’intention de contracter avec Felix Gehin. Joseph Cuvillier n’a pas trouvé convenable le mariage que sa fille projetait de contracter, n’y a pas donné son consentement et n’a pas accepté de signer cet Acte qui lui avait été présenté par Me Fèvre le 13 décembre 1866 pour les motifs (non spécifiés dans l’acte) qu’il avait expliqués à sa fille. Le mariage aura néanmoins lieu en l’absence de J. Cuvillier (il ne signe pas l’acte de mariage). De l’union Gehin-Cuvillier naîtra, à Nancy en 1869, au 28 rue des Ponts, Marie Gabrielle Gehin (l’immeuble a disparu dans les années 1970 lors de la ré-urbanisation du quartier Saint-Sébastien). Cette union ne durera cependant pas (ce qu’avait sans doute prévu Joseph Cuvillier), car dès 1874 Anna est séparée judiciairement de Felix Gehin, qui n’est très probablement même plus employé de J. Cuvillier. Après le décès de sa sœur Célestine en janvier 1907 à Malzéville, on perd la trace d’Anna car elle n’est plus recensée dans cette localité en 1911 (17).
Félix GEHIN. Il est né le 15.4.1836 à Saint-Amé (88), fils de Jean-Etienne Gehin, cultivateur et menuisier, décédé le 20.3.1849 au Syndicat Saint-Amé, et de Marie Rose Grossir, cultivatrice. Il est le demi-frère de Jean Etienne (12.7.1817 à Saint-Amé), menuisier-ébéniste devenu facteur d’orgues (20), et de Jean Baptiste (4.10.1822 à Saint-Amé, menuisier–ébéniste et facteur d’orgues), tous deux fils en premières noces (19.1.1815 à Saint-Amé) de Jean Etienne Gehin, cultivateur et menuisier, et de Marie Claire Houbardon (3.2.1790 – 16.10.1834) (11). Jean Etienne et Jean Baptiste étaient associés et établis entre 1850 et 1876 à Saint-Amé (Vosges) pendant environ 25 ans et ont été à l’origine d’une dizaine d’instruments neufs posés dans les Vosges (20). Il est probable que Félix ait fait son apprentissage de menuisier et de facteur d’orgues chez Jean Etienne et Jean Baptiste respectivement de 19 et 16 ans ses aînés, rejoignant par la suite l’atelier de Joseph Cuvillier. Après la séparation avec Anna Cuvillier, on ne sait ce que devient Felix Gehin. Il n’est certainement pas retourné à Saint-Amé, car son décès, à 59 ans, le 29.12.1895 à Nancy en la Maison des Sœurs des Pauvres au 119 rue de Strasbourg indique qu’il est resté à Nancy et apparemment tombé dans l’indigence et déclaré « sans profession ».
Les facteurs d'orgue CUVILLIER
petite revue de presse
Joseph Cuvillier
« On nous écrit de Toul :
Le 1er février, la paroisse Saint-Gengoult a été témoin d’une cérémonie religieuse qui réunissait à l’attrait de la piété l’intérêt d’une amélioration importante qui vient d’être faite dans cette Eglise. Il s'agissait de la réception de l’orgue qui vient d’être complètement restauré et augmenté par M. Cuvillier, facteur à Nancy. Une messe a été chantée, pendant laquelle d’habiles musiciens ont tiré de cet instrument les sons les plus harmonieux et les plus suaves au milieu d’une grande affluence de fidèles, dont la présence et le recueillement témoignaient assez d’une vive sympathie et d’une véritable satisfaction. Après la messe, les artistes ont continué à exécuter différents airs sur tous les jeux, et ont reconnu que l’orgue est convenablement réparé, selon toutes les règles de l'art, en parfaite harmonie, et ne laissant rien à désirer sous tous les rapports.
L'orgue de la paroisse Saint-Gengoult était un petit quatre-pieds, sans pédales, tombant de vétusté. Aussi, a-t-il fallu un talent particulier, et des efforts plus qu’ordinaires pour faire d'un orgue autrefois si mauvais un instrument aussi parfait. »
(L'Espérance, 11 février 1845, p. 71)
« Le 1er février, on a inauguré, dans l'église Saint-Gengoult, de Toul, l'orgue que vient de restaurer et d'augmenter considérablement M. Cuvillier, facteur à Nancy. L'instrument, grâce aux soins et à l'intelligence de cet habile artiste, est devenu aussi bon, aussi complet, qu'il était mauvais et exigu. »
(Gazette de Metz, 18 février 1845)
« La cathédrale de Toul, par M. l'abbé Guillaume […]
Il faut ici payer un tribut de gratitude à la mémoire de M. de Boschenry. Ce chanoine contribua pour une forte somme il couvrir les frais de l'instrument dont nous venons de faire l'histoire. Disons, pour la compléter, qu'en 1841, l'œuvre des deux frères Joseph et Nicolas Dupont, que le temps avait avariée, fut réparée et remise en état par le sieur Cuvillier, facteur à Nancy. Cet industriel ajouta trois notes à l'aigu de chaque jeu, une flûte de quatre, un hautbois de récit et deux jeux de pédales ce qui porta de 2,837 à 3,139 le nombre total des tuyaux. »
(Mémoires de la Société d'archéologie lorraine, janvier 1863, p. 130-131)
« Décès : Joseph Cuvillier, 91 ans, ancien facteur d'orgues, rue de Strasbourg, 104. »
(L'Est républicain, 2 mai 1893)
Georges Cuvillier
« Publications de promesses de mariage :
Entre Georges Cuvillier, facteur d'orgue, et Christine Bignon, sans profession domiciliés à Nancy. »
(L'Espérance, 16 décembre 1863, p. 699)
« ORGUES D’ÉGLISE :
Le sieur Georges CUVILLIER, fils, se recommande à MM. les Ecclésiastiques et Administrateurs des communes pour l’entretien et la réparation des orgues, et la fabrication d’instruments neufs.
Probité, promptitude et bon marché.
S'adresser rue de la Visitation, 6, à Nancy. »
(L'Espérance, 1er janvier 1865, p. 4)
« Pont-à-Mousson :
Jeudi prochain, 18 avril, à deux heures et demie, aura lieu l'inauguration du nouvel orgue de l'église Saint-Laurent.
M. Henry Hess, l'éminent organiste de la cathédrale de Nancy, M. A. Rigaux, organiste de la paroisse Saint-Sébastien, et d'autres artistes, feront entendre l'instrument qui a été reconstruit et considérablement augmenté par les soins de M. Cuvillier, facteur d'orgues à Nancy. »
(L'Est républicain, 14 avril 1895)
Collecte : Olivier Geoffroy
(juin 2023)
LES PREDECESSEURS
ET CONTEMPORAINS DE J. CUVILLIER
Jean François VAUTRIN
La biographie de Jean François Vautrin a été largement documentée par Lutz et Depoutot (6, 20). Outre quelques rappels, on y ajoutera quelques donnés glanées depuis (6, 7, 11). Jean François Vautrin est né et baptisé le même jour à Charmes le 26.3.1755, fils de Joseph Vautrin et de Barbe Regent. Son parrain a été Jean François Nicolas Belfoy, Conseiller au Baillage, sa marraine, Marie Duret, ayant été l’épouse de ce dernier. Successeur du facteur d’orgues Nicolas Dupont de Nancy auprès duquel il a été formé, il gardera des contacts avec la veuve Dupont et sera présent et signera le registre de sépultures de la paroisse lors de l’inhumation de celle-ci le 18.2.1789 à Malzéville où elle a continué à résider, rue Haute de l’Orme, après le décès de Nicolas Dupont.
Le 24.5.1791, il épouse en premières noces, à Nancy (paroisse Notre-Dame), Marie Thérèse Antoinette Henry, fille de feu François Ulric Henry décédé à Lunéville, chirurgien ordinaire de la maison du roi de Pologne, et de Marie Gabrielle Masson de la paroisse Notre-Dame de Nancy. Une fille Marie Josèphe est née le 2.3.1792 à Saint-Mihiel pendant le chantier de Jean François à l’église Saint-Michel de cette ville. Ce couple aura une courte existence, Marie Thérèse Antoinette Henry étant décédée le 7.11.1795 à Coussey (Vosges, près de Neufchâteau).
Jean François Vautrin se remariera, en se déclarant facteur d’orgues malgré les années difficiles, le 18.11.1797 à Nancy avec Marie Christine Touffner, née le 24.2.1766 à Bruxelles (« Département du Nord »), fille de feu Antoine Ignace Touffner, « ci-devant Secrétaire et Conseiller intime de feu S.A.R Monseigneur le Prince Charles de Lorraine en son gouvernement des Pays-Bas autrichiens » (selon acte de mariage de la sœur de Marie Christine (4)), et de Anne Elisabeth Lambert . Pour ses témoins, J.F. Vautrin a sollicité Mathias Stezle, 66 ans, ancien organiste à Lay-Saint-Christophe et à Nancy, et son fils Joseph Stezle, 36 ans, facteur d’orgues. Résidant à Viéville en 1797, petit village entre Charmes et Mirecourt où ont vécu ses parents, J.F. Vautrin revient s’installer à Nancy avec son épouse. Une fille, Charles Marie Thérèse, naîtra le 8.10.1798. Marie Christine Touffner décèdera le 15.11.1808 à Nancy au domicile familial rue Bénézet (rue de la Pépinière devenue rue Gustave Simon), les déclarants du décès ayant été Joseph Lepy, 39 ans et sculpteur, et Charles Grandjean, 67 ans et menuisier, tous deux des amis et/ou probables collaborateurs de J. F. Vautrin. Celui-ci ne semble plus s’être remarié, bien qu’ayant deux filles non émancipées.
Pour subvenir à la vie courante pendant la période révolutionnaire, J.F. Vautrin se retrouve, sans doute peu après le chantier de Saint-Mihiel en 1792 (1), Inspecteur du Parc de Coussey où il a sous sa responsabilité deux employés, Joseph Maucourt et Claude Mangin. Ceux-ci seront les déclarants du décès de sa première épouse. L’existence, dans ce bourg, d’une famille de vignerons Henry, dont on ne connaît cependant pas les relations familiales avec Marie Christine Henry, pourrait ne pas être étrangère à l’activité de J.F. Vautrin en cette localité. Il y avait cependant d’autres Henry dans l’environnement familial de J.F. Vautrin, son grand-père ayant épousé, en premières noces, Françoise Henry de Vomécourt-sur-Madon, village peu éloigné de Girecourt-lès-Viéville. Jean François quitte (où doit quitter ?) ce poste entre fin 1795 et novembre 1797, et se replie à Viéville. Il y assiste très probablement son frère Joseph Vautrin (1747-1805), menuisier et vigneron. De là, il a sans doute aussi pu intervenir occasionnellement en facture d’orgues.
Famille de Jean François Vautrin (état simplifié)
VAUTRIN Joseph o en 1709, Cultivateur, † le 13/11/1784 à Girecourt-lès-Viéville, x(1) HENRY Françoise à Vomécourt-sur-Madon
VAUTRIN Joseph o en 1709, Cultivateur, † le 13/11/1784 à Girecourt-lès-Viéville, x(2) REGENT Barbe, o en 1713 à Tantonville, le 20/8/1782 à Girecourt-lès-Viéville
. | VAUTRIN Joseph o le 16/6/1747 à Charmes, Menuisier / Vigneron, † le 15/4/1805 à Girecourt-lès-Viéville, x le 13/1/1778 à Girecourt-lès-Viéville, ZAMARON Marie-Thérèse
. | . | VAUTRIN Marie Barbe o le 26/10/1778 à Girecourt-lès-Viéville, † le 19/5/1852 à Charmes, x(1) le 10/12/1798 à Girecourt-lès-Viéville, DIDELOT Brice, o en 1769 à Bettegney (88), † 26/9/1803 à Nancy
. | . | . | DIDELOT Antoine François Brice o le 29/1/1800 à Nancy, Facteur d'orgues, † le 3/3/1851 à Bar-le-Duc, x le 11/3/1829 à Bar-le-Duc, BAILLOT Anne Alexandre, o le 14/6/1801 à Bar-le-Duc. Dont trois enfants.
. | . | VAUTRIN Marie Barbe o le 26/10/1778 à Girecourt-lès-Viéville, † le 19/5/1852 à Charmes, x(2) le 3/5/1808 à Girecourt-lès-Viéville, LEVERD Nicolas, o le 12/5/1787 à Charmes ; dont cinq enfants nés entre 1808 et 1815, tous décédés en bas âge.
. | . | VAUTRIN Marie Anne o le 6/2/1783 à Girecourt-lès-Viéville, x le 5/6/1804 à Girecourt-lès-Viéville, x le 5/6/1804 à Girecourt-lès-Viéville, GERARDIN Jean Baptiste, o le 20/8/1780 à Racécourt, Tisserand.
. | . | VAUTRIN Jean Joseph o le 22/11/1785 à Girecourt-lès-Viéville, Facteur d'orgues
. | . | VAUTRIN Firmin o le 10/4/1788 à Girecourt-lès-Viéville, † le 21/4/1788 à Girecourt-lès-Viéville
. | . | VAUTRIN Marguerite o le 10/4/1788 à Girecourt-lès-Viéville
. | VAUTRIN Nicolas François o le 25/3/1750 à Charmes
. | VAUTRIN Charles Jean o le 22/4/1752 à Charmes
. | VAUTRIN Jean François o le 26/3/1755 à Charmes, Facteur d'orgues, † le 12/7/1835 à Nancy, x(1) le 24/5/1791 à Nancy, HENRY Marie Thérèse Antoinette, o le 1769 à Lunéville, † 7/11/1795 à Coussey
. | . | VAUTRIN Marie Josèphe o le 2/3/1792 à Saint-Mihiel
. | VAUTRIN Jean François o le 26/3/1755 à Charmes, Facteur d'orgues, † le 12/7/1835 à Nancy, x(2) le 18/11/1797 à Nancy, TOUFFNER Marie-Christine, o le 24/2/1766 à Bruxelles, † 15/11/1808 à Nancy
. | . | VAUTRIN Charles Marie Thérèse o le 8/10/1798 à Nancy
. | VAUTRIN Elisabeth Thérèse o en 1736, † le 15/6/1786 à Girecourt-lès-Viéville, x FRANCOIS Dominique, dont trois enfants nés à Charmes
Famille de A.F. Brice Didelot
DIDELOT Brice, Vigneron à Bettegney (88), x TOUSSAINT Emerantienne à Bettegney (88)
. | DIDELOT Brice o le 1769 à Bettegney (88), Vigneron / Cultivateur, † le 26/9/1803 à Nancy, x le 10/12/1798 à Girecourt-lès-Viéville, VAUTRIN Marie Barbe, o le 26/10/1778 à Girecourt-lès-Viéville, † le 19/5/1852 à Charmes
. | . | DIDELOT Antoine François Brice o le 29/1/1800 à Nancy, Facteur d'orgues, † le 3/3/1851 à Bar-le-Duc, x le 11/3/1829 à Bar-le-Duc, BAILLOT Anne Alexandre, o le 14/6/1801 à Bar-le-Duc
. | . | . | DIDELOT Victor Nicolas o le 5/12/1829 à Bar-le-Duc
. | . | . | DIDELOT Claire Maria o le 26/1/1833 à Bar-le-Duc
. | . | . | DIDELOT Claude Hector Brice o le 11/11/1840 à Bar-le-Duc
Joseph Vautrin, le frère de Jean François, a eu plusieurs enfants dont deux méritent attention. L’aînée, Marie Barbe, par son mariage avec Brice Didelot (1769 à Bettegney – 1803 à Nancy), vigneron et cultivateur d’abord à Girecourt-lès-Viéville puis à Nancy, sera la mère d’Antoine François Didelot (1803 à Nancy – 1851 à Bar-le-Duc) qui deviendra facteur d’orgues à Bar-le-Duc après avoir été formé par Jean-François Vautrin à Nancy (21). Antoine François Didelot est donc un neveu par alliance de Jean François Vautrin.
Le fils cadet de Joseph Vautrin, Jean Joseph (né le 22. novembre 1785 à Gircourt-lès-Viéville) se dit facteur d’orgues à Nancy lors de la déclaration de naissance de son neveu Jean Joseph en 1811 à Charmes, fils en secondes noces de Marie Barbe Vautrin et de Nicolas Leverd (tisserand ; voiturier à Charmes). Il paraît logique d’admettre que Jean Joseph a été intéressé et formé à la facture d’orgues par son oncle Jean François avec lequel il a dû ensuite travailler. Sa présence à Nancy n’a cependant pu être plus largement documentée. Aurait-il, après le décès de J.F. Vautrin, coopéré avec son neveu A. F. Brice Didelot installé à Bar-le-Duc (21) ? On ne trouve cependant aucun enregistrement civil le concernant dans cette ville.
Après 1820, l’activité organistique de Jean François Vautrin se recoupe avec celle de Joseph Cuvillier dont il est l’employeur permanent ou occasionnel. Jean François Vautrin est décédé à Nancy le 12 juillet 1835 en son domicile 80 rue Saint-Georges. Jean Joseph Vautrin, son neveu, ne figure pas parmi les déclarants du décès, ce qui laisse supposer qu’il ne résidait pas à Nancy à cette date.
Travaux connus de J. Fr. Vautrin (1, 21)
- 1787-1788 : relevage de l’orgue Dupont de la cathédrale de Nancy ;
- 1789 : réparation de l’orgue d’accompagnement ;
- 1789-1792 : orgue neuf de l’église Saint-Michel de Saint-Mihiel (55) ;
- 1803-1804 : transformation de l’orgue de l’église Saint-Epvre en collaboration avec Joseph Stezle ;
- 1804 : relevage de l’orgue de Saint-Michel de Saint-Mihiel (55) ;
- 1808-1814 : agrandissement de l’orgue Dupont de la cathédrale de Nancy ;
- 1809 : petit orgue neuf ( ?) à l’église Saint-Etienne de Bar-le-Duc ;
- 1809-1817 : transformation de l’orgue de l’abbatiale de Saint-Nicolas-de-Port ;
- 1816 : relevage de l’orgue de Vézelise ;
- 1821 : relevage de l’orgue de Sampigny ;
- 1828 : orgue neuf à l’église Saint-Etienne de Bar-le-Duc avec Antoine François Brice Didelot ;
- date inconnue : reconstruction de l’orgue de Vaucouleurs.
Signature de Vautrin |
Jean CHEVREUX
La présence du facteur d’orgues Jean Chevreux à Nancy au 18ème siècle est signalée par A. Jacquot (22) : « Chevreux (Jean), dix-huitième siècle, facteur d’orgues et organiste. En 1785, une requête de Jean Chevreux, organiste et facteur d’orgues à Rosières, est adressée pour le paiement de ses gages », requête rédigée et transmise par l’intermédiaire des Officiers municipaux à Monseigneur l’Intendant de Lorraine et Barrois et que J. Chevreux ne fait que signer. Chevreux avait en effet accepté la fonction d’organiste à Rosières-aux-Salines avant le terme annuel de son prédécesseur qui avait été congédié, d’où des difficultés dans le règlement de ses gages. La requête, formulée de manière bien contournée, était en outre argumentée par le fait que Chevreux avait, sans en être payé, sorti l’instrument de l’état de délabrement dans lequel il se trouvait et fourni une montre neuve (23).
C’est également lui qui, par décision en date du 3 janvier 1789 de la Chambre du Conseil de l’Hôtel de Ville de Nancy, eut la charge de l‘entretien des orgues de Nancy et faubourgs selon le contrat suivant : « Nous [SS (soussignés)] étant nécessaire de commettre une personne intelligente pour veiller à la conservation des orgues qui existent dans les différentes paroisses de cette ville et les faubourgs. Nous avons commis et par ces présentes commettons jusqu’à bon plaisir seulement le S. Jean Chevreux facteur d’orgues en cette ville pour veiller a la conservation et entretien des jeux d’orgues tant établis qua Etablir dans les paroisses de la ville et ses faubourgs, accorder les dites orgues au moins quatre fois par an et plus souvent si il est nécessaire, en faire la visitte tous les mois, examiner a chaque fois tous les jeux, les deboucher et faire parler, empecher les cornements dans les temps humides, veiller à ce que les mouvements et les ressorts soient libres, remédier à ceux qui seraient derangés, usés ou cassés, les racomoder et resouder ainsi que les tuyaux qui seraient cassés ou dessoudés, corriger les deffauts dans Les Languettes des jeux d’anche, faire attention que les touches du clavier soient libres et ne sarrettent point, que les vents ne se perdent point soit dans L’intérieur des jeux et sommiers, soit dans Les Soufflets ou les portes vent, y coller les peaux nécessaires et boucher les trous qui s’y feraient par vetusté ou autrement et generalement faire toutes les reparations nécessaires pour leur parfait entretien et mise en bon etat, pour retribution de tout qui y est en se conformant a toutes les conditions cydessus il sera payé audit S. Jean Chevreux annuellement et a compter du premier de ce mois la somme de cent cinquante cinq livres, a charge par ledit Chevreux de donner bonne et suffisante caution agréable a la Chambre et que les presentes seront registrées sur les registres des deliberations et qu’il fera ses soumissions de sy conformer entièrement. Fait a Nancy en la Chambre du conseil de l’hotel de ville le trois janvier 1789. Signés de Mauroy, Jovant, Beaulieu, Luxer, Brevillier et Varinot.
Je m’engage a remplir les conditions qui me sont préscrites cy dessus./. » (23).
Signature de Chevreux |
Nancy comptait au 18° siècle environ sept paroisses : Notre-Dame, Saint-Epvre, Saint-Sébastien, Saint-Roch, Saint-Nicolas, Saint-Pierre, Saint-Vincent-Saint-Fiacre et probablement Saint-Georges en faubourg, de sorte que l’octroi de cette charge annuelle devait certainement être très apprécié des facteurs d’orgues. En 1787, elle était assurée par le Frère Thomas Génot, religieux Cordelier, organiste de son couvent (23). Aussi en acceptant, en 1785, le poste d’organiste et de facteur d’orgues à Rosières (à 17 km de Nancy), Jean Chevreux s’assurait un revenu sans doute plus difficile à trouver à Nancy et un chantier potentiel.
Outre ces données, on ne connaît que très peu de choses sur l’activité de facteur d’orgues et rien sur celle de facteur d’instruments et de piano-forte, de Jean Chevreux. En 1829, il intervient à l’orgue du temple de Nancy (8, 9) : « M. Schmidt, conformément à la dernière délibération, a conclu un marché avec le Sieur Chevreux pour la réparation de l'orgue. Il le présente au Consistoire qui l'approuve pour être exécuté dans tous ses points » (Séance Consistoire du 3.12.1829). Le détail des réparations n’est pas connu. Il est possible qu’il ait entretenu cet orgue auparavant, mais considérant les faibles ressources de cette paroisse, ses interventions ont dû être épisodiques. Enfin, Jean Chevreux pourrait avoir été l’auteur d’un manuscrit, non signé de lui, sur la facture d’orgues ainsi que le suggère la mention « Monsieur Chevreux facteur d Orgues exellentes Nancy » portée à la manière d’un ex-libris sur le premier plat intérieur de ce document (Collection privée de M. Pierre Dumoulin que les auteurs remercient d’avoir bien voulu leur communiquer l’existence).
Également prénommé Claude, Jean Chevreux, quelquefois dénommé « Chevreuil », est né le 9 octobre 1762 à Schrekling près de Bouzonville, fils du facteur d’orgues et organiste Barthélemy Chevreux, admodiateur de l’abbaye de Bouzonville, et de Catherine Robert mariés le 18 mai 1759 à Château-Rouge (24, 28). Il arrive à Nancy en 1780 à l’âge de 18 ans (7), ayant sans doute déjà acquis sa formation, vraisemblablement chez son père ou y venant pour se perfectionner chez un facteur nancéien. En présence de son père, il épouse le 23 janvier 1787, en l’église Saint-Pierre de Nancy, Marie Anne Gény, native de cette ville (vers 1767-1768), dont il aura douze enfants (6, 7) :
- Guillaume (Chevreuil), né le 9 décembre 1787, baptisé le lendemain par le curé de Saint-Pierre-Saint-Stanislas, indiquant que la famille faisait partie de cette paroisse ; décédé le 19 septembre 1789 ;
- Anne Barbe, née le 2 juin 1790, baptisée le lendemain ;
- François (Chevreuil) né le 13 février 1792, militaire en 1817 ;
- Marie Marguerite, née le 17 octobre 1794 au Faubourg Saint-Pierre, son père étant facteur d’orgues ;
- François Charles né le 10 juillet 1795 au Faubourg de la Constitution (ex-Faubourg Saint-Pierre), son père étant Marchand de vin ; serait-il devenu l’organiste et Maître de Chapelle de la cathédrale de Verdun entre 1828 et 1868 (21) ?
- Suzanne, née le 25 mai 1797 à la rue des Fabriques , son père étant déclaré « Musicien » ; décédée le 22 mars 1803 à Nancy (père Musicien) ;
- Antoine né le 31 mars 1799 rue des Fabriques ; Antoine deviendra serrurier et sera le déclarant du décès de son père en 1832 ; le 13 décembre 1830 à Nancy, il épousera Marie Anne Freyhoffer ;
- Barbe Monique née le 29 décembre 1800 à la rue de Grève ;
- Suzanne née le 14 juin 1803 à la rue de Grève, Jean Chevreux étant musicien. Joseph Vergne, facteur d’instruments, est témoin à la déclaration de naissance. Devenue brodeuse, elle a épousé à Nancy, le 6 janvier 1834, Nicolas Couchot, Manœuvre, né à Nancy le 28 décembre 1808, fils de Pierre Couchot, Cocher, décédé à Nancy le 1er juin 1812 et d’Elisabeth Labonne, Journalière ;
- Barbe née le 10 novembre 1804 à la rue de Grève (père musicien) ;
- Joseph François né le 14 novembre 1811 à la rue des Maréchaux, Jean Chevreux étant Facteur d’instruments ;
- Antoine Prosper né le 29 avril 1813 à la rue des Maréchaux, Jean Chevreux étant Facteur d’orgues ; devenu cordonnier, il décèdera le 17 mai 1839 à Paris 8°, rue de la Roquette n°108, à l’âge de 25 ans.
Ces naissances permettent de reconstituer quelque peu le parcours de Jean Chevreux entre 1789 et 1810. Facteur d’orgues avant la Révolution, il passe les années difficiles de celle-ci comme Marchand de vin établi au Faubourg de la Constitution (ancien Faubourg Saint-Pierre), puis, entre 1797 et 1800, comme musicien (sans précision sur cette fonction). A partir de 1802-1803, il revient à la facture d’instruments ainsi qu’à la facture d’orgues (1813). Comme il a également été déclaré « facteur de pianos » dans son acte de décès et au mariage de sa fille Suzanne en 1834, c’est vraisemblablement vers cet instrument qu’il s’est orienté, partageant, selon les circonstances, cette activité avec celle de facteur d’orgues. Sa polyvalence artisanale est donc très comparable à celle de Joseph Stezle (1767-1836) son contemporain à Nancy, concurrent ou collaborateur (2). Ses affaires semblent suffisamment rémunératrices pour lui permettre d’acquérir, en ou peu avant 1811, l’immeuble 19 rue des Maréchaux où il décèdera le 29 décembre 1832. Son épouse lui survivra jusqu’au 5 janvier 1845 (décès à 76 ans au 8 rue de la Pépinière (rue Gustave Simon), le déclarant étant son fils Antoine, serrurier). En 1843, elle était encore propriétaire de l’immeuble 21 rue des Maréchaux où elle résidait avec sa fille Barbe, marchande d’étoffe, Anne Barbe (à Paris) et sa petite-fille Catherine (Reg.Pop.1843)
Adam KOEHLHOFER
Adam Koehlhofer (plusieurs fois maladroitement orthographié « Koehlaper ») a 38 ans en 1865 et est originaire de Erfweiler-Ehlingen (jadis arrondissement des Deux-Ponts ou Zweibrucken en Bavière, aujourd’hui en Sarre), où il est né le 15 juillet 1827 (6). Il est arrivé officiellement à Nancy en 1861, venant de Paris où il a séjourné une dizaine d’années et dû compléter sa formation ou travailler auprès d’un facteur d’orgues et/ou d’un facteur de pianos. A Nancy, il est régulièrement répertorié entre 1862 et 1875 parmi les « facteurs d’orgues ». Domicilié en 1862-1863 au 4 rue Sainte-Anne puis au 10 rue de l’Hospice (1864 et 1865), il disposait d’un atelier en arrière cour au 10 rue du Montet (7). Il avait épousé en premières noces le 17 février 1855 à Paris (1° ancien arrondissement), Poncelet Anna Maria, couturière, fille de Joseph Poncelet, cocher et de Antoinette Pachot tous deux de Paris, et dont il aura trois enfants, Marguerite et Joseph, nés à Paris respectivement en 1857 et 1859, et Pierre Antoine, né à Nancy le 6 novembre 1860 (6, 7, 25). Adam Koehlhofer étant encore officiellement à Paris 135, rue Saint-Dominique – Saint-Germain bien que son épouse résidait déjà à Nancy, les déclarants de cette dernière naissance ont été Barthélémy Steff, 51 ans, et Jean Schaeck, 38 ans, tous deux facteurs d’orgues à Nancy, sans toutefois de spécification si ces deux facteurs étaient des employés de Koehlhofer ou de Cuvillier (6). Anna Maria décèdera peu après à Nancy le 25.4.1861, deux mois après Pierre Antoine (+ 24 février 1861). Adam Koehlhofer se remarie le 19 juillet 1862 à Nancy avec Thérèse Bur, modiste, aveugle, originaire de Sarralbe où elle est née le 1 juin 1837. A son mariage, auquel il a comme témoins le fabricant de pianos Joseph Staub et Charles Louis Gerlach, négociant et futur associé de J. Staub (2), Koehlhofer se déclare « mécanicien », puis « mécanicien en pianos » au décès de jumeaux le 19 février 1864 (6). Ces données montrent que Koehlhofer travaillait tantôt comme facteur d’orgues, tantôt comme facteur de pianos chez Staub. Il a quitté Nancy en 1875 ou au début 1876.
Signature de Koehlhofer |
RAINBOURG / REINBURG
Entre 1860 et 1870, on note également, parmi les facteurs d’orgues de Nancy, un certain « Larinbourg » résidant au 4 rue du Pont Mouja (7). A cette même adresse, réside cependant, de 1860 à 1862, Rainbourg Gabriel, 27 ans, né dans le Bas-Rhin, « facteur d’orgues à la cathédrale ». A la même période, on trouve également Vincent Cavaillé, ayant un pied à terre à Nancy d’abord au 17 puis au 9 rue de la Constitution (chez les facteurs de pianos Mangeot), facteur d’orgues « pour réparer l’orgue de la cathédrale ». Ces deux facteurs d’orgues travaillaient sur le chantier de reconstruction, par la manufacture Cavaillé-Coll, de l’orgue Dupont de la Cathédrale. Ces données indiquent clairement que Gabriel « Rainbourg » est bien Gabriel Reinburg, facteur d’orgues puis harmoniste et gestionnaire chez Cavaillé-Coll (26), dont l’orthographe du patronyme a été francisée. Reste l’énigme « Larinbourg » - Rainbourg à la même adresse à Nancy. Nous y voyons une déformation d’orthographe de Rainbourg comme il y en a eu d’autres (cf ci-dessus Koehlhofer). Bien qu’ayant quitté Nancy en 1862, aurait-il conservé, jusqu’en 1870, une chambre ou un local en arrière-cour ( ?) au 4 rue du Pont Mouja lui permettant de faciliter ses séjours à Nancy pour l’entretien de l’orgue de la cathédrale, ou bien y-a-t-il eu conservation impropre d’un enregistrement dans l’Annuaire Statistique de Nancy ? On ne peut donc considérer, et pour cause, Reinburg alias Rainbourg, comme un facteur d’orgues établi à Nancy.
ÉPILOGUE
Alors que Nancy jouit, après 1850, d’un important essor de la facture de pianos avec la présence de deux grandes manufactures, Staub et Mangeot, ainsi que d’ateliers plus modestes, cette ville connaît une situation plus difficile en facture d’orgues. Cette dernière souffre probablement d’une économie locale et régionale fragile ne permettant pas d’investissements substantiels pour les orgues, ainsi que du manque d’un atelier de pointe en facture d’orgues capable de rivaliser avec les manufactures vosgiennes et parisiennes. Le départ de Koehlhofer dans les années 1875, de même que les difficultés rencontrées par J. Cuvillier peu après 1870, traduisent bien cette situation. Elles découlent en outre d’une conjoncture défavorable dans l’immédiat après-guerre de 1870 (Nancy ville occupée pendant trois ans par les troupes allemandes, afflux massif d’émigrés des départements de Moselle et d’Alsace). Elles ne sont pas imputables à l’arrivée de Jean Blesi en 1878 (1, 27) qui s’inscrit dans le cadre d’une re-dynamisation de la facture d’orgues à Nancy et en Meurthe-et-Moselle.
Jean-Marc STUSSI et Christian LUTZ
[article paru dans L’Orgue Francophone (FFAO Ed., 2011, n°43, p.61-92),
et mise à jour du paragraphe "Le facteur de pianos" de "Stezle"]
PIECES JUSTIFICATIVES
Archives Eglise Réformée de Nancy (déposées aux AD54)
Séance du Consistoire du 15 Mai 1835
M. Stecklé (lire Stezle), facteur d'orgues a été mandé à la séance pour rendre compte au Consistoire des lenteurs qu'il met à la réparation de l'orgue du Temple. Après une discussion assez longue, M. Stecklé est invité ou à faire le devis de ce qu'il a fait et à céder la place à un autre ou à présenter le devis détaillé de la réparation à faire, après quoi en s'entendrait sur l'époque à laquelle cette réparation devrait être terminée. En attendant M. le Pasteur verra un autre facteur d'orgues, le Sr Cuvillier, et le priera également de faire le devis de la réparation à faire en précisant l'époque où elle serait faite, afin que le consistoire soit à même d'en juger.
Séance du Consistoire du 19 Mai 1835
M. le Pasteur informe le Consistoire que M. Stecklé (lire Stezle) facteur d'orgues renonce à l'achèvement de la réparation de l'orgue qu'il avait entreprise, et qu'il demande pour ce qu'il a fait la somme de 150 francs, non compris celle de 100 Frs qui a été donnée pour un clavier neuf. M. le Pasteur ajoute qu'il a offert au Sr Stecklé, sauf approbation du Consistoire, 100 Frs, mais que ce n'est qu'à grand peine qu'il est parvenu à l'y faire consentir. Le Consistoire approuve cette démarche et autorise son trésorier à payer à M. Stecklé la somme de 100 Frs.
M. le Pasteur présente au Consistoire un facteur d'orgues M. Cuvillier qui est introduit.
M. Cuvillier s'engage à réparer complètement l'orgue et à ajouter un jeu qui manque, pour la somme de 900 Frs. M. le Pasteur est chargé de faire au nom du Consistoire un traite avec le Sr Cuvillier, dans lequel toutes les réparations à faire seront détaillées et où il sera précisément dit que le Sr Cuvillier répond de l'orgue pendant six mois et qu'il percevra la somme de 450 Frs dès que l'orgue sera vérifié et accepté par le Consistoire et une autre somme de 450 Frs six mois après.
Séance du Consistoire du 14 Juillet 1835
Le pasteur informe le Consistoire que la réparation de l'orgue est terminée, que le Sr Cuvillier demande qu'il soit nommé des experts pour examiner son ouvrage. Le Consistoire nomme et M. Cuvillier accepte MM. Stecklé, facteur de pianos, Abara (lire Abarca) organiste de la cathédrale et Maurice organiste de St-Pierre pour procéder à la vérification de l'ouvrage du Sr Cuvillier. Tous les membres du Consistoire sont priés de se rendre à cette expertise qui aura lieu le jeudi 16 à huit heures du matin.
Rapport d'expertise
Le Jeudi 16 Juillet de l'an 1835 à huit heures du matin se trouvaient réunis au temple MM. Binet, Cuvier, Heldmann, Hoffmann, Schmidt père et Wursteisen, membres du Consistoire, m. Schmidt pasteur et MM. Heuss. L'orgue a été occupée depuis huit heures jusqu'à onze par MM. Stecklé, Abara père et fils, Maurice qui ont été unanimes pour dire que l'ouvrage de M. Cuvillier est bien, que l'orgue parle bien à l'exception d'un emprunt et qu'il n'y a que des éloges à adresser à celui qui s'est acquitté consciencieusement d'un travail ingrat et pénible. En conséquence de ce jugement, le Consistoire accepte l'ouvrage du Sr Cuvillier, et en lui exprimant son contentement, et autorise le trésorier à verser au Sr Cuvillier la somme de quatre cent cinquante francs, moitié du prix convenu.
Séance du Consistoire du 5 Janvier 1836
Le Consistoire autorise son trésorier à payer au Sr Cuvillier la somme de 450 Frs reste du prix de la réparation faite par lui à l'orgue du Temple.
A l'avenir et afin de conserver l'orgue en bon état, le consistoire s'engage à payer annuellement au Sr Cuvillier la somme de trente francs, pour qu'il ait à le surveiller et l'entretenir.
Références :
(1) — Lutz Ch. et Depoutot R., (1990). Inventaire des Orgues de Lorraine, Meurthe-et-Moselle, Metz Editions Serpenoise, Metz.
(2) — Stussi J.M., (2010). – Les Facteurs - Fabricants de Pianos à Nancy entre 1800 et 1936. Eléments biographiques, in <http ://musimem.com/biographies> et « Musica et Memoria » (2011), n°121-124, p.115-171
(3) — Lepage H., (1868). Les Archives de la Ville de Nancy.
(4) — Archives départementales de Meurthe-et-Moselle : Etat civil (BMS, NMD) en ligne : Lay-Saint-Christophe, Lunéville : http://www.archives.cg54.fr/archives.
(5) — Archives départementales de la Meuse. Etat civil NMD en ligne.
(6) — Archives Municipales Nancy, BMS et Etat Civil NMD.
(7) — Archives Municipales Nancy, Répertoire de la Population.
(8) — Stussi J.M., (1992). – Les orgues du temple Saint-Jean de Nancy. Annales de l’Est, 4, 267-289.
(9) — Archives Eglise Réformée de Nancy (déposées aux AD54).
(10) — Verbeeck L., (2010). - http://users.telenet.be/lieve.verbeeck/pianos_francais.htm
(11) — Archives Départementales des Vosges, Etat civil NMD en ligne : Neufchâteau, Charmes, Coussey, Gircourt-les-Viéville et Saint-Amé.
(12) — Annuaire Statistique de Lorraine et de Nancy, Archives Municipales Nancy.
(13) — Hamel P.M. (1849). – Nouveau manuel complet du facteur d’orgues. Roret, Paris.
(14) — Martinod J. (1970). – Répertoire des travaux des facteurs d’orgues. Paris.
(15) — Cuvillier J., (1852). – Facture d’orgues. Réflexions sur la facture de l’orgue suivant les règles de l’art catholique. Imp. A. Lepage. Nancy. Bibliothèque Municipale de Nancy.
(16) — Depoutot R., (1980). – Haute Seille, Cirey-sur-Vezouze, Eulmont. Les orgues. Nancy. Bibliothèque Municipale Nancy.
(17) — Archives départementales Meurthe-et-Moselle, Listes nominatives des habitants de Malzéville, 1896, 1901, 1906, 1911.
(18) — Mairie de Malzéville, Etat civil NMD.
(19) — Registre du cimetière de Préville.
(20) — Lutz Ch. et Farinez P., (1991). – Inventaire des Orgues de Lorraine. Vosges. Editions Serpenoise, Metz.
(21) — Lutz C. et Depoutot R., (1992). – Inventaire des Orgues de Lorraine. Meuse. Editions Serpenoise, Metz.
(22) — Jacquot A., (1910) - Essai de Répertoire des Artistes Lorrains. Les facteurs d’orgues et de clavecins lorrains. Plon-Nourrit (Ed.), Paris, 16p.
(23) — Archives Municipales de Nancy, BB32
(24) — Hestroff et son histoire (2008). - Articles http://www.hestroff.com/article-24472115.html et http://www.hestroff.com/categorie-10632831.html (référence aimablement communiquée par M. Pierre Dumoulin).
(25) — Archives numérisées de la Ville de Paris (Etat civil).
(26) — Métrope L., (1999). – Le Testament de Cavaillé-Coll. Les Facteurs d’orgues français, 23, p.24-43, Paris.
(27) — Stussi J.M. et Lutz Ch., (2009). – J.U. Blesi, J.J. Blesi, F.R. Bartholomaei et les Gunzinger, facteurs d’orgues en Lorraine entre 1878 et 1920. Revisités. L’Orgue Francophone, Bulletin de la FFAO, 29-62.
(28) — Geneanet.org, <Chevreux, Bouzonville>, site de S. Urselmann.