Teresa et Maria MILANOLLO
Les anges du violon

Nombreux sont les jeunes prodiges du violon que nous connaissons : Paganini, Kreisler, Menuhin, Stern et bien d’autres... Mais qui se souvient des jolies et talentueuses violonistes italiennes : Teresa et Maria Milanollo ? Pourtant, le Stradivarius de Teresa, un instrument de 1728 passé avant elle entre les mains de Viotti et Paganini, après elle dans celles de Christian Ferras, Sylvie Gazeau et Pierre Amoyal porte son nom : le " Milanollo ". C’est le contrebassiste italien Domenico Dragonetti qui légua à Teresa ce superbe instrument issu de sa collection particulière.

Teresa Milanollo, l’aînée, naît au Piémont, près de Turin, à Savigliano, le 28 Août 1827, au sein d’une famille nombreuse et pauvre. On raconte qu’après avoir assisté à une messe pendant laquelle jouait un violoniste, son père lui demanda si elle avait bien prié, elle répondit : " Non, père, j’ai seulement écouté le violon ". Elle avait alors quatre ans. Après avoir étudié à Turin et donné quelques concerts, elle se produisit âgée de huit ans à Marseille. Le succès fut tel, que ses parents décidèrent de s’installer à Paris où Teresa fût l’élève d’éminents professeurs comme Charles-Philippe Lafont, François Habeneck et Charles-Auguste de Bériot. Elle donna alors des concerts en Angleterre dont certains avec Johann Strauss Père.

Citons Berlioz, enthousiaste après avoir entendu Teresa, âgée de 14 ans, débuter à la société des concerts du Conservatoire de Paris le 18 avril 1841 : " À la dernière mesure, une acclamation, un cri, un hourra de toute la salle renvoyé en écho par les musiciens de l’orchestre ont salué la sortie de Melle Milanollo qui, sans être autrement émue que s’il se fût agi de quelques compliments à elle adressés dans un salon, s’en est allée souriante embrasser sa mère qui comprenait mieux que quiconque l’importance d’un pareil succès, en pareil lieu, devant un aussi terrible aréopage." Les compositeurs Auber et Cherubini étaient aussi dans la salle ce jour-là.

Teresa enseigna le violon à sa sœur Maria, de cinq ans sa cadette, et la fit participer à ses concerts. Teresa fut vite surnommée Melle Adagio, sa sœur Maria étant Melle Staccato. Elles donnèrent à Vienne, entre mai et juillet 1843, vingt-cinq concerts ! Elles se produisaient toujours devant des salles combles, accompagnées par l’orchestre Philharmonique récemment fondé. Pour donner un ordre de grandeur, un concert " ordinaire " du Philharmonique rapportait environ 2 000 florins, avec les sœurs Milanollo en solistes,  la recette doublait !

Les éloges des viennois sont incroyables. D’abord Otto Nicolaï, célèbre compositeur et Directeur du Philharmonique  : "Je ne sais quel instrument jouent les chers anges des cieux, mais que les anges sur terre jouent du violon, j’en suis sûr, et ces adorables petits anges se nomment Milanollo..." Même les musiciens professionnels étaient impressionnés et se joignaient aux applaudissements du public.

Une autre critique dithyrambique parut dans l’Humorist, journal qui avait pourtant l’habitude de publier des critiques acerbes : " Imaginez le parfum des roses en musique, représentez-vous l’aurore changée en notes, admettez que les perles soient de petits grelots, (…) et vous vous ferez une idée de ce que Teresa chante sur son violon. "

Toujours en 1843, le public viennois, très gâté, avait déjà entendu, sans faire de triomphe, deux autres violonistes : le prodige hongrois de 11 ans Joseph Joachim et le célèbre violoniste belge Henri Vieuxtemps qui avait joué devant une salle à moitié vide.

Maria, la plus jeune sœur, mourut prématurément en 1848 à l’âge de 16 ans. Teresa, après une interruption, reprit ses concerts. Son passage à Colmar en Janvier 1851 donna lieu à des appréciations toujours aussi élogieuses. Ainsi, lorsqu’elle joua les variations sur Le Carnaval de Venise de Paganini : " Il semblait que ce grand maître eût emporté ses talents dans la tombe. Grâce à Melle Milanollo, Paganini vit encore (…) " Ou bien : Chez Melle Milanollo, l’art disparaît pour faire place à ce langage si parfait, si simple que tous comprennent, parce qu’il va jusqu’au cœur. "

Le beau théâtre de Savigliano, ville natale des sœurs Milanollo, inauguré en 1836, porte leur nom. En 1852, un autre prodige du violon, Henryk Wieniawski, dédia à Teresa l’une de ses compositions, un Capriccio-Valse en mi-majeur. Le compositeur allemand Johann Valentine Hamm composa pour les deux sœurs une marche qui sert actuellement encore de marche régimentaire à un Régiment de grenadiers de la Reine d’Angleterre, ainsi qu’au " Governor General’s Foot Guards " au Canada.

Cet engouement du public pour Teresa et Maria était non seulement lié à leur indéniable talent, mais aussi au fait qu’à cette époque, peu de femmes, encore moins de toutes jeunes filles, se lançaient dans la carrière de violoniste. Cet instrument étant, comme beaucoup, réservé aux hommes…

En 1857, Teresa se maria avec Théodore Parmentier, polytechnicien, aide de camp du Maréchal Niel, excellent musicien et compositeur amateur. Cette union mit malheureusement un terme à la carrière de notre violoniste. Elle mourut, à l’âge de 77 ans, le 25 octobre 1904. Les deux sœurs sont enterrées au cimetière du Père Lachaise à Paris.

Catherine DURAND-MILANOLO

 


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