Le Panthéon des musiciens

De janvier 2002 à juin 2002

Edouard NIES-BERGER - Jean ULLERN - Alain VANZO - Günter WAND - Oskar SALA - Djansug KAKHIDZE - Jacques JANSEN - Gösta WINBERGH - Eileen FARRELL - Mark ERMLER - Evgueni SVETLANOV - Xavier MONTSALVATGE - Elen DOSIA - Bernard HAULTIER - Wolfgang SCHNEIDERHAN

 

Le 17 janvier 2002 à Richmond (U.S.A.), où il s’était installé en 1940, s’est éteint l’organiste et chef d’orchestre Edouard NIES-BERGER à l’âge de 98 ans. Musicien américain d’origine strasbourgeoise, admirateur d’Albert Schweitzer, il devint par la suite l’ami et le collaborateur dans l’édition critique et pratique des œuvres pour orgue de Bach (New-York, Schirmer, volumes 6 à 8, 1954-1967). Les premiers volumes (1 à 5), on le sait Schweitzer les avait écrits 40 ans auparavant avec Widor (Schirmer, 1912-1914). De sa longue collaboration avec le Prix Nobel de la paix est né un livre de témoignage, qui sera d’ailleurs pas mal controversé lors de sa sortie en 1995 (Strasbourg, Editions La Nuée Bleue).

Né le 3 février 1903 à Strasbourg d'une famille originaire de Wissembourg, c’est son père Charles, professeur de musique, organiste et directeur de la chorale du Temple réformé de Strasbourg, qui l’initia à la musique. Très tôt attiré par l’orgue, Edouard Nies-Berger n’eut à l’époque aucune difficulté pour assouvir sa passion tant il y avait alors de prestigieux organistes dans la capitale de l’Alsace : Emile Rupp, Joseph Ringeissen, Ernest Münch, Joseph Erb (son professeur au Conservatoire de Strasbourg), Albert Schweitzer, tous géants de l’instrument-roi. Mais c’est surtout ce dernier, ami de la famille, qui emmenait le jeune Edouard à l'église St-Thomas l'écouter dans ses concerts annuels en mémoire de Bach, qu’il admirait le plus et qui le décida à faire une carrière d’organiste en le conseillant dans ses études musicales. A l’issue de la Grande-Guerre Nies-Berger, se sentant trop à l'étroit dans sa ville natale, émigra aux Etats-Unis en 1922, et après des débuts assez difficiles comme vendeur dans la maison de musique de Gustave Schirmer à New-York, organiste et maître de chapelle dans quelques églises de Brooklyn, Chicago, Los Angeles et Richmond, ou encore interprète de musiques de films, notamment dans The bride of Frankenstein de James Whale, avec Boris Karloff et Elsa Lanchester (1935), il s’installait définitivement à Richmond. Nommé organiste de l’église méthodiste de cette ville, puis organiste et maître de chapelle de St. Paul’s Episcopal (1960), professeur d’orgue au Conservatoire de Baltimore, la notoriété se fit jour lorsque Klemperer l’appela en 1943 comme organiste au New York Philharmonic Orchestra, où il resta durant 9 ans, avant d’être engagé par le Boston Symphony Orchestra. Egalement chef d’orchestre - il avait travaillé notamment en 1937 auprès de Bruno Walter à Salzbourg - Edouard Nies-Berger a dirigé plusieurs orchestres aux Etats-Unis. Mais incontestablement, c’est l’orgue qu’il préférait. A l’âge de 92 ans, lors de la présentation publique à Strasbourg de son ouvrage sur Albert Schweizter il se produisait encore dans un récital d’orgue à l’église St-Paul !

Nies-Berger et Munch
Nies-Berger en 1950
Nies-Berger et Schweiter
Edouard Nies-Berger en compagnie de Charles Munch au Canergie Hall à New-York en 1947.
Edouard Nies-Berger à Gunsbach (Haut-Rhin) en 1950, occupé à corriger des épreuves des éditions des œuvres pour orgue de Bach.
Edouard Nies-Berger et Albert Schweitzer après un récital à Wihr-au-Val (Haut-Rhin) en 1955.
Les 3 photos en grand format
( Coll. particulière, avec l'aimable autorisation de Mme Patricia Nies-Berger )

Jusqu'à la mort de Schweitzer arrivée en 1965, Nies-Berger lui fut un fidèle collaborateur. En plus de son aide pour achever l’édition des œuvres de Bach, il le seconda parfois dans son œuvre humanitaire afin de trouver des fonds pour son hôpital de Lambaréné au Gabon. Plus tard, il sera un temps directeur de l’Association Albert Schweitzer pour l’Amérique et la France et participera à la fondation, en 1971 à Gunsbach (Haut-Rhin), d’un concert commémoratif annuel, le premier dimanche de septembre, pour célébrer l’anniversaire de la mort de son ami. Il se produisit d’ailleurs lui-même en 1975 à l’orgue Daniel Kern de Gunsbach, lors du concert du centième anniversaire de la naissance de l’illustre homme. Reçu chevalier des Arts et Lettres sur proposition du ministre de la Culture (1993), Edouard Nies-Berger a rejoint aujourd’hui la terre de ses ancêtres au cimetière de Strasbourg, où il a été inhumé.

D.H.M.

Jean Ullern
Jean Ullern
( photo X...,vers 1950 )

Le pianiste concertiste Jean ULLERN est décédé le 21 janvier 2002, dans sa 90e année. Classé par certains critiques parmi les " pianistes romantiques ", il aimait certes interpréter les principaux Concertos romantiques de Schumann, de Liszt et surtout les cinq de Beethoven, mais en réalité son répertoire était beaucoup plus étendu : de Bach à Marcel Mirouze, en passant par Ravel, Poulenc, Rivier, Honegger, Hubeau, Challan et Daniel-Lesur. Ses tournées à travers toute l’Europe, au cours des années cinquante et soixante, attiraient toujours un grand nombre de mélomanes venus écouter cet ardent défenseur de la musique française. C’était un des derniers représentants de cette prestigieuse école de piano française des années cinquante qui a compté tant de grands noms de la musique : Jean Doyen, Samson François, Geneviève Joy, Jean Micault, Hélène Boschi, Claudio Arrau...

Né en 1912 à Chambéry (Savoie), où il fit ses études générales et musicales, Jean Ullern reçut tout d’abord une formation vocale et chorale. Ce n’est que plus tard, à l’âge de 16 ans, à Bordeaux où il avait suivi sa famille, que son goût pour le piano se révéla au contact de deux remarquables pianistes : Joseph Thibaud, le frère de Jacques, et Paul Fournier, un élève de Planté. Devenu élève de Gaston Poulet au Conservatoire de Bordeaux, il alla ensuite parfaire ses études musicales à celui de Paris, notamment auprès d’Yves Nat, pour lequel il gardera toute sa vie une grande admiration. La guerre interrompit quelque peu les activités de Jean Ullern. Prisonnier durant trois années, il se remit au travail dès son retour de captivité et en 1946 avait déjà acquis une solide réputation de pianiste virtuose, tant en France qu’à l’étranger. Ses interprétations, notamment des Concertos en mi bémol, et en la majeur de Liszt, ou encore des Sonates op.14, 37, 53 (" Aurore ") et 109 de Beethoven étaient renommées, et lui valaient d’élogieuses critiques. Le musicologue Yves Hucher, commentant le récital Beethoven donné par Jean Ullern à la Salle Gaveau le 21 janvier 1956, écrivait ainsi à propos de l’opus 109 : " C’est là une riche et enrichissante interprétation d’un musicien qui a interrogé les textes pour leur demander tout leur sens... Jean Ullern a montré que l’on peut rechercher la difficulté et fuir l’effet, être simple et profond tout en demeurant humain et sensible. " Egalement professeur de piano au Conservatoire International de Musique de la rue des Marronniers (Paris XVIe), Jean Ullern mettait un point d’honneur à enseigner à ses nombreux élèves que la facilité de l’écriture n’exclut pas le travail, et que l’inspiration doit toujours être guidée par le bon goût et la finesse. Il déclarait d’ailleurs lui-même, après avoir affirmé humblement que ses élèves lui avaient appris à jouer : " Un virtuose n’est pas toujours un bon professeur, mais un bon professeur doit toujours être un virtuose." Parallèlement à ses activités de pianiste et de pédagogue, Jean Ullern aimait à diriger des chœurs. C’était un reste de son éducation première, du temps où il étudiait la musique à Chambéry. Il fut ainsi durant plusieurs années, à partir de 1950, maître de chapelle du temple protestant de Passy-Annonciation, situé rue Cortambert (Paris XVIe). On sait la place importante que la musique tient dans la Confession protestante, qui reconnaît qu’ " il n’est pas de religion sans musique ". Avec sa chorale Jean Ullern interprétait ainsi, avec beaucoup de ferveur, des Psaumes sur les textes du XVIe siècle, des Chorals d’origine luthérienne, ainsi que de nombreux motets ou chants spirituels de Marc-Antoine Charpentier, Nicolas Bernier, J.S. Bach, Goudimel, Praetorius, Schütz, Kammerschmidt...

Les obsèques de Jean Ullern se sont déroulées le 24 janvier, à 11 heures, en l’église réformée de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), boulevard d’Inkermann, suivies de l’inhumation au nouveau cimetière de Neuilly. Il est tout de même regrettable, une fois de plus, mais comme nous l’avons déjà si souvent souligné nul n’est prophète dans son pays !, que la disparition de cet artiste talentueux qui a longtemps ravi nos cœurs et nos oreilles, soit totalement passée inaperçue par l’ensemble des médias ! Que sa famille, parmi laquelle on trouve le luthier parisien Yan Ullern, trouve cependant ici, à travers ces quelques lignes, l’expression de notre fervent hommage.

D.H.M.

CD Mélodies éternelles par d'Alain Vanzo
CD Mélodies éternelles,
par Alain Vanzo
( 1994, Marianne Mélodie )

S’il fallait résumer en un rôle la prestigieuse carrière du ténor Alain VANZO, mort le 27 janvier 2002 dans une clinique de la région parisienne, on pourrait avancer celui de Des Grieux dans l’opéra Manon de Massenet, en ajoutant immédiatement le Benvenuto Cellini de Berlioz. Mais il est vrai que cet artiste chanta tous les rôles importants du répertoire français et italien du XIXe siècle dans lequel il s’était spécialisé, et qu’il succéda à Georges Thill à l’Opéra de Paris. La beauté de sa voix, son charme naturel et la perfection de son jeu lui ouvrirent les plus grandes scènes mondiales et surtout le cœur de ses nombreux admirateurs. Et pourtant, ses débuts furent difficiles même s’il a toujours chanté dès sa plus tendre enfance. Né le 2 avril 1928 à Monaco, d’un père d’origine italienne, c’est à la chorale de sa paroisse que le jeune Vanzo fit ses première armes. A l’âge de 18 ans, il se lançait à Aix-les-Bains dans la variété avec un petit orchestre familièrement baptisé " Le Bastringue ". On était encore bien loin de la troupe de l’Opéra ! Puis ce sera en 1950 l’aventure à Paris avec l’ensemble tzigane " Les Vinitzky " au sein duquel il joue plusieurs instruments, et surtout chante des airs d’opérette. C’est au cours de cette période (1951-52), durant laquelle il travaille parallèlement le chant, qu’il sert de doublure à Luis Mariano au théâtre du Châtelet dans Le Chanteur de Mexico. Mais arrive heureusement la notoriété avec le concours de chant de Mario Podesta organisé en 1954 à Cannes. Vanzo s’inscrit, en compagnie d’ailleurs de 4 autres ténors encore inconnus comme lui : Tony Poncet, Gustave Bottiaux, Roger Gardes et Guy Chauvet, et a la surprise d’en sortir lauréat. C’est immédiatement un engagement à l’Opéra et à l’Opéra-Comique. Il remporte rapidement un immense succès dans les rôles de Don Ottavio dans Don Giovanni (Mozart), du duc de Mantoue dans Rigoletto (Verdi), de Des Grieux dans Manon (Massenet), de Cararadossi dans la Tosca (Puccini), d’Edgardo dans Lucia di Lammermoor (Donizetti) ou encore d’Alfredo dans la Traviata (Verdi). Sa carrière devint rapidement internationale, et Alain Vanzon se voit inviter à Londres, Rome, Barcelone, Lisbonne, Bruxelles, Edimbourg, Vienne, Montréal, New-York, San Francisco et en Amérique du Sud. A la fin des années soixante, les opéras Werther et Benvenuto Cellini le consacrent comme l’un des plus grands ténors de l’après-guerre. Plus tard, on fera même appel à lui pour suppléer Placido Domingo dans le répertoire français qu’il connaissait admirablement bien. Faust de Gounod, Don José de Carmen (Bizet), le rôle-titre des Contes d’Hoffmann (Offenbach) et Robert le diable de Meyerbeer vont devenir dans les années quatre-vingt ses plus grands succès.

La discographie d’Alain Vanzo est impressionnante ! En une trentaine d’années de carrière, il a joué sous la direction des plus grands chefs d’orchestre et a enregistré des dizaines de disques : Berlioz (L’Enfance du Christ), Bizet (Les Pêcheurs de perles), Daniel-Lesur (Andrea del Sarto), Delibes (Lakmé), Donizetti (Lucrezia Borgia), Faure (Pénélope), Gounod (Faust, Mireille, Roméo et Juliette), Lalo ( Le Roi d’Ys), Léhar (Le Pays du sourire), Leoncavallo (La Bohème), Mascagni (Cavalleria rusticana), Massenet (Le Jongleur de Notre-Dame, Manon), Meyerbeer (Les Huguenots), Offenbach (La Grande duchesse de Gerolstein, La Périchole), Ponchielli (La Gioconda), Puccini (La Bohème, Madame Butterfly), Rossini (Le Barbier de Séville), Thomas (Mignon), Verdi (La Traviata)... ainsi que des Chants sacrés (Agnus dei, Ave Maria, Sanctus...) en compagnie de l’organiste Raphaël Tambyeff (CD paru en 1996), et des Mélodies éternelles (Berceuse de Jocelyn - Femmes, que vous êtes jolies - Romance de Maître Pathelin - Sérénade de Toselli...) sorties en 1994 chez Marianne Mélodie. Ajoutons enfin qu’Alain Vanzo était également un compositeur talentueux. On lui doit en effet des chansons et mélodies, une opérette Le Pécheur d’étoiles (Lille, 1972) et un opéra Les Chouans (Avignon, 1982).

D.H.M.

Günter Wand, Coffret RCA (10 CD).
Coffret RCA (10 CD), Günter Wand. The essential recordings, 2002.

Doyen des Kappelmeister allemands Günter WAND, connu pour l’enregistrement de l’intégral des Symphonies de Bruckner, s’est éteint le 14 février 2002 dans sa villa de l’Oberland bernois (Suisse). A la fin du mois de décembre dernier, il s’était sérieusement blessé lors d’une chute à son domicile, qui l’avait obligé à annuler les trois concerts programmés pour le début de l’année 2002, notamment à Berlin. Discret et fuyant les honneurs, ce chef d’orchestre s’attachait tout particulièrement à ne pas trahir la pensée des compositeurs et à traduire fidèlement les partitions exécutées. La réussite pour lui était de parvenir à faire oublier l’interprète au profit du compositeur et non l’inverse comme il est trop fréquent de nos jours. C’est pour cette raison que ses enregistrements sont uniques et ont fait date dans l’histoire de la musique. Il a ainsi joué admirablement et enregistré Bruckner (Deutsche Harmonia Mundi), mais également Schubert (Emi, Deutsche Harmonia Mundi), Beethoven (RCA) et Brahms (RCA), sans oublier La Création de Haydn (Musidic), et quelques œuvres symphoniques de Liszt, Mozart, Tchaïkovsky, Stravinsky, Debussy et Moussorgski... Né le 7 janvier 1912 à Eberfeld, près de Cologne (Allemagne), Günter Wand fréquenta le Conservatoire de musique de Cologne, travailla la direction d’orchestre auprès de Franz von Hoesslin à l’Académie de musique de Munich avant de débuter en 1934 sa longue carrière de chef d’orchestre comme Kappelmeister à Weppertal. Il dirigea ensuite (1938) à Detmold, à l’Opéra de Cologne (1939), à l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg (1944) et enfin était nommé en 1947 à la tête de l’Orchestre de Gürzenich. Il restera dans cette formation jusqu’en 1974, année de sa retraite, tout en enseignant la direction d’orchestre au Conservatoire de Cologne. Invité par la suite à travers toute l’Europe, au Japon, il dirigea quelque temps l’Orchestre symphonique de la NDR à Hambourg (1982-91), puis l’Orchestre radio-symphonique de Berlin (1989-90), et fut chef invité permanent de l’Orchestre symphonique de Berne et de l’Orchestre symphonique de la BBC à Londres. Ce n’est qu’à l’âge de 76 ans qu’il fit ses débuts aux Etats-Unis (janvier 1989) à la tête du Chicago symphony orchestra! Trente années auparavant (1959) Günter Wand avait été le premier chef d’orchestre ouest-allemand à conduire les grandes formations russes à travers l’Union Soviétique. Son action pour la propagation et le développement de la musique dans son pays natal, que ce soit comme directeur général de la musique à Cologne, ou chef du Gürzenick Ochestra a largement contribué au renouveau de la musique allemande après la seconde guerre mondiale. Non seulement Günter Wand jouait les œuvres des compositeurs classiques, mais également défendait avec ardeur celles de ses contemporains, notamment Zimmermann, Fortner ou encore Ligeti. En 2002 est sorti chez B.M.G. France, sous le label R.C.A. Red Seal, un coffret de 10 CD intitulé Günter Wand, the essential recordings. Ce sont ses fameux enregistrements, à partir des années quatre-vingt, avec les plus grands orchestres de Berlin, Chicago ou Munich, des Symphonies de Bruckner (n° 4, 5 et 9), Mozart (n° 39, 40, 41 et la Sérénade n° 7), Schubert (n° 4 et 9), Brahms (n° 1), Beethoven (n° 9 et l’Ouverture Leonore), Schumann (n° 3 et 4), Tchaïkovsky (n° 6) et la Suite Pulcinella de Stravinsky...

D.H.M.

Oskar Sala et Alfred Hitchcock
Oskar Sala en compagnie d'Alfred Hitchcock, pour lequel il a composé la musique du film Les oiseaux.

Pionnier allemand de la musique électronique, principalement connu pour la musique (en collaboration avec Remi Gassmann) du célèbre film de Hitchcock, Les Oiseaux (1963), Oskar SALA est mort le 27 février 2002 à Berlin à l’âge de 91 ans. Né en 1910 en Allemagne orientale à Greiz, c’est auprès de Paul Hindemith au Conservatoire de Berlin qu’il acheva ses études musicales, avant de collaborer à partir de 1930 avec Friedrich Trautwein, l’inventeur en 1931 du Trautonium précurseur du synthétiseur. Cet instrument électronique, muni d’un véritable clavier, est proche des Ondes Martenot mais produit cependant un son plus riche. Après avoir étudié la physique à l’Université de Berlin, Oskar Sala perfectionna le Trautonium et construisit à la fin des années quarante un instrument polyphonique baptisé Mixturtrautonium qu’il utilisa dans la bande sonore du film Les Oiseaux. Lors du Festival Neue Musik Berlin de 1930, en compagnie de Paul Hindemith et de Rudolph Schmidt, il interpréta Trois pièces pour Trautonium écrites par Hindemith. On lui doit à la même époque la composition d’une cantate avec Harald Genzmer et Paul Hindemith, dont ce dernier tira un Mouvement de Trio pour trois guitares en 1930. Genzmer, tout comme Sala, a étudié la composition auprès de Hindemith et s’est également intéressé au Trautonium pour lequel il a écrit deux concertos (1939, 1952). Ayant travaillé quelque temps avec Richard Strauss, Arnold Schönberg et Arthur Honegger, Oskar Sala a par la suite écrit des musiques de films pour Universum FA, le groupe audiovisuel allemand devenu de nos jours la première société européenne de radio et de télévision depuis son association avec RTL. On doit à Oskar Sala plusieurs enregistrements soit comme compositeur, soit comme interprète. En France on trouve Musique stéréo pour orchestre électronique en cinq parties de l’auteur et Cantate pour soprano et sons électroniques de Harald Genzmer, Edith Urbanczyk (soprano) et Oskar Sala au Mixtur-Trautonium et studio électronique (Electronique et stéréophonie : musique spatiale, disque 33 tours Erato STU 70633), mais c’est principalement en Allemagne que l’on peut écouter la musique de Sala. La maison de disques Erdenklang Musik propose en effet au sein de son catalogue 3 CD : Elektronische Impressionen qui contient les Trois pièces pour Trautonium de Paul Hindemith enregistrées par Oskar Sala en 1977 (Erdenklang 81032, 1998) ; My Fascinating Instrument avec 6 pièces d’Oskar Sala : Fantasy in three parts for mixturtrautonium solo, Speech of the dead Christ from the Universe sayins is no God, Largo (hommage à Hermann Scherchen), Fanfare, Impression electronique et Electronic dance suite (Edenklang 81032, 1998) et Subharminische Mixturen (Erdenklang 70962, 1997), avec notamment Pièce lente et Rondo de Paul Hindemith, oeuvre écrite en 1935 pour Oskar Sala, et les Six Caprices pour Mixturtrautnrium solo de Sala... En 2000, à l’occasion des 90 ans du compositeur, Peter Badge a publié chez l’éditeur allemand Satzwerk-Verlag un ouvrage retraçant sa vie intitulé Oskar Sala, pionier der elektronischen Musik [Oscar Sala, pionnier de la musique électronique] (ISBN 3-930333-1).

D.H.M.

Djansug Kakhidze

Si la célébrité n’a pas rejoint Djansug KAKHIDZE, mort à Tbilissi (Géorgie) le 8 mars 2002, il n’empêche que ce chef d’orchestre géorgien a parfois été surnommé le " Karajan slave ". C’était en effet un grand chef réputé pour son enthousiasme, et même s’il exigeait beaucoup de ses musiciens, il parvenait à leurs communiquer sa foi et les conduisait à la perfection dans l’interprétation. On se souvient de sa prestation, que d’aucuns ont qualifié de géniale, avec l’Orchestre National de France et les Choeurs de Radio France qu’il avait dirigés le 4 mai 2001 à Radio France, salle Olivier Messiaen, dans des œuvres de Ravel (Gaspard de la nuit), Szymanowsky (Symphonie n° 3 " Chant de la nuit " pour ténor, chœur et orchestre) et Stravinsky (Le Sacre du Printemps). Quelque temps auparavant, le 5 juin 1999, c’est l’Orchestre du Capitole de Toulouse qui, sous sa direction, avait bénéficié d’une véritable résurrection avec Les Préludes de Liszt et la Symphonie n° 8 de Chostakovitch... Né le 10 janvier 1936, Djansug Kakhidze débuta ses études musicales au Conservatoire de Tbilissi, auprès d’Odissei Dimitraidy, avant de se perfectionner dans la direction d’orchestre avec Igor Markevitch. Nommé ensuite directeur musical et conseiller artistique du Théâtre d’opéra et de ballet Paliashvili de Tbilissi, et chef de l’Orchestre Symphonique d’Etat de Géorgie, il a rapidement acquis avec cette formation une solide réputation, tant dans son pays qu’en Occident, où il se produisit la première fois à Berlin en 1988, avant de se faire acclamer à la Salle Pleyel (Paris). Classé parmi les plus grands chefs de cette fin du XXème siècle, Kakhidze a été invité à diriger les plus grandes formations du monde : le Royal Scottisch National Orchestre, l’Orchestre Symphonique d’Izmir, le Deutsches Symphonie Orchester, l’Orchestre Philharmonique de Milwaukee, le Niedersächisches Staatsorchester, le Philharmonia Orchestra, l’Orchestre Phtiharmonique de Tchécoslovaquie, l’Orchestre de l’Opéra de Stockholm, l’Orchestre Philharmonique de la Scala, le National Symphony Orchestra, l’Orchestre Philharmonique de Monte Carlo... En France, il a conduit l’Orchestre National de Lyon, l’Orchestre de Paris, l’Orchestre Philharmonique de Radio France, l’Orchestre du Capitole de Toulouse, et l’Orchestre National de France. A la tête de ce dernier il a obtenu un vif succès aux Chorégies d’Orange durant l’été 2000, avec l’ouverture d’Obéron de Weber, la Symphonie Pathétique de Tchaikovski et le Concerto n° 1 pour piano et orchestre de Chopin (Evgueni Kissin, piano). L’une de ses dernières apparitions en France remonte au 14 décembre 2001 à la Halle aux grains de Toulouse : avec son Orchestre Symphonique de Géorgie et Nicholas Angelich au piano, il avait admirablement dirigé Tchaïkovski, Prokofiev et Rachmaninov. Djansug Kakhidze s’est également essayé avec succès à la composition, notamment dans la musique de films. On lui doit ainsi l’illustration musicale du long-métrage géorgien " La première hirondelle " de Nana Mtchedlize (Grouziafilm, 1975) qui raconte la naissance du football en Géorgie ! Sa discographie nous permet heureusement de pouvoir réécouter avec toujours autant de passion quelques unes de ses meilleures interprétations : le ballet Gayaneh d’Aram Khatchaturian, avec l’U.S.S.R. Rtv Large Symphony Orchestra (Melodiya-BMG, collection " Twofer ", enregistré en 1999) ; Simi pour violoncelle et orchestre (avec Mstislav Rostropovitch), et Magnum ignotum pour ensemble de vents, de Giya Kancheli, avec l’Orchestre Philharmonique Royal des Flandres (ECM new series, enregistré en 2000) ; Lament du même compositeur, avec l’Orchestre Symphonique de Tbilissi (ECM, enregistré en 1999) ; la Dame au petit chien (ballet en un acte d’après Tchékov) et Autoportrait pour orchestre symphonique de Rodion Chedrine, avec l’Orchestre Symphonique d’URSS et Alexandre Lazarev (Melodiya-BMG, enregistré en janvier 1999) ; et le Concerto pour clarinette et orchestre, d’Edison Denissov, avec Eduard Brunner, clarinettiste (Columbia Tristar, 1995). On lui doit également l’enregistrement de plusieurs autres œuvres de son ami et compatriote le compositeur géorgien Giya Kancheli, notamment ses Symphonies n° 4 et 5, avec le Georgian National Orchestra (Elektra nonesuch 7559792902) ; n° 6 et 7, avec le Tbilissi Symphony Orchestra (Sony, SMK 66590) et Bright et Mourned by the wind, avec le State Symphony Orchestra of Georgia (Melodiya-BMG, 74321499582)...

D.H.M.

CD MC Productions, 1999
Jacques Jansen interprète des Mélodies de Reynaldo Hahn
( CD MC Productions, 1999 )

Après la disparition de Mélisande (Irène Joachim) le 20 avril 2001, voilà à présent que Pelléas nous quitte ! Le baryton français Jacques JANSEN est en effet décédé le 13 mars 2002 à Paris, dans sa 89ème année. Durant plus de 40 ans, à partir de 1941, il a incarné Pelléas à l’Opéra-Comique, sous la direction de Désormière, Ansermet, Munch et Inghelbrecht. Chanteur et comédien, artiste complet de grande classe, Jacques Jansen a souvent été l'objet de critiques élogieuses, notamment par Clarendon (Bernard Gavoty) qui écrivait dans Le Figaro du 2 mai 1952 à propos du cinquantenaire de Pelléas et Mélisande : " Je suis sûr qu’en voyant et en écoutant Jacques Jansen, Debussy eût reconnu sa créature. Jansen ne joue pas, il est Pelléas, des pieds à la tête, et du cœur à la voix. ", et le 7 mai 1963, lors de la nouvelle mise en scène de Doublier dans des décors de Cocteau : " Jansen n’est pas Jansen, mais Pelléas lui-même, corps et âme : silhouette d’éphèbe, visage ardent et triste, voix généreuse et tendue... il est irremplaçable. " C’est lui, en compagnie d’Irène Joachim (Mélisande), Henry Etcheverry (Golaud), Paul Cabanel (Arkel) et Germaine Cernay (Geneviève), sous la direction de Roger Désormière, qui a effectué en 1941 le premier enregistrement intégral de Pelléas et Mélisande (VSM FJLP 5030 à 5032). De son vrai nom Jacques Toupin, Jansen est né à Paris le 22 novembre 1913. Entré au Conservatoire, à l’époque où la musique et l’art dramatique n’étaient pas encore séparés, il reçut là une formation de chanteur et de comédien, après avoir débuté des études de violon et de violoncelle. Elève de Charles Panzéra et de Claire Croiza pour la musique, de Raymond Rouleau et de Louis Jouvet pour la comédie, Jacques Jansen est ensuite engagé à la Comédie-Française en 1939, avant même de décrocher son 1er prix de chant l’année suivante. Ses débuts de chanteur le font remarquer dans des rôles légers. Il chante d’ailleurs en premier l’opérette, avant de rejoindre l’Opéra-Comique. Créateur de Fragonard de Gabriel Pierné (1934), Malvina de Reynaldo Hahn (1935), il incarne aussi durant longtemps au Théâtre de Mogador, Danilo dans La Veuve joyeuse de Franz Lehar, avec Jeanne Aubert (1942). Jusqu'à l’âge de 53 ans il interprète ce rôle sur toutes les plus grandes scènes francophones. La mélodie française l’attire également et c’est ainsi qu’on lui doit de remarquables interprétations de pages de Reynaldo Hahn, Maurice Ravel ou encore Antoine Chabrier. Sa double formation auprès de Panzéra et de Jouvet font de lui un maître du genre dont l’enseignement au Conservatoire de Paris, entre 1969 et 1982, est des plus recherchés par des élèves avides de recueillir cette tradition du chant français, dans sa classe d’art lyrique. Il tâte également un peu au cinéma, avec notamment le rôle de Charles de Bériot dans La Malibran de Sacha Guitry (1944), sur une musique de Louis Beydts, et double les parties lyriques de Jean Marais dans Le Lit à colonnes de Roland Tual (1942). Mais avant tout, Jacques Jansen atteint la notoriété avec Pelléas . Il le chante sur toutes les plus grandes scènes mondiales : la Scala de Milan, le Covent Garden de Londres, le Met de New York, le Colon de Buenos Aires, l’Opéra-Comique de Paris, et restera dans la mémoire de tous comme l’un des plus fameux interprète de cet opéra de Debussy, aux côtés de Camille Mauranne, autre spécialiste du rôle-titre de Pelléas. Jacques Jansen ne pourra hélas assister, comme prévu, le 30 avril prochain au centenaire de cette œuvre donnée en version de concert sous la direction de Marc Minkowski ! Il nous reste heureusement cet enregistrement historique de 1942, maintes fois réédité et toujours disponible de nos jours chez Emi Classics (3 CD). On peut également l’écouter dans les Mélodies de Reynaldo Hahn (L’incrédule, Paysage, Mai, Quand je fus pris au pavillon, Chanson d’automne, L’heure exquise...) que MC. Productions (distribué par les Disques Concord) a ressorti en mars 1999. Notons aussi qu’il a enregistré d’autres excellentes versions de Pelléas, notamment celle d’Inghelbrecht à la tête de l’Orchestre National et des Chœurs de la R.T.F., avec Micheline Grancher (Mélisande), enregistrée le 13 mars 1962, qui mérite également le détour (Montaigne Archives, V4854). Ses enregistrements de l’intégrale de Lakmé de Léo Delibes, avec Sébastian, les Choeurs et l’Orchestre de l’Opéra-Comique (FES 3 - CFC 60.031) en 1973 et de celle de Platée de Rameau, avec Hans Rosbaud et l’Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire (EMI CMS 769861 2) en 1956 sont épuisés depuis bien longtemps ! Le 25 mars 2002, Jacques Jansen a été inhumé au cimetière de Montmartre, après une cérémonie religieuse célébrée en l’église Saint-Ferdinand des Ternes à Paris XVIIe.

D.H.M.

Gösta Winbergh chante des mélodies de Richard Strauss
Gösta Winbergh chante des mélodies de Richard Strauss
( 1993, CD Nightingale )

Le public français ne pourra pas aller applaudir à l’Opéra Bastille le ténor suédois Gösta WINBERGH dans le rôle-titre de Parsifal, programmé le 9 avril 2003 avec l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra National de Paris sous la direction musicale de James Colon. Il est en effet décédé d’une crise cardiaque survenue le 18 mars 2002 à Vienne. Agé de 58 ans, il avait encore chanté la veille dans la capitale autrichienne Florestan dans Fidelio de Beethoven. Depuis une trentaine d’années Winbergh parcourait les plus grandes scènes mondiales, après avoir débuté à Göteborg en 1973 dans la Bohème de Puccini. L’Opéra de San Francisco l’avait accueilli l’année suivante dans La Flûte enchantée de Mozart et une dizaine d’années plus tard c’est le Met de New York qui le recevait. Né à Stockholm le 30 décembre 1943, Gösta Winbergh a effectué ses études au Conservatoire de sa ville natale avant de se lancer dans le répertoire mozartien (Don Giovanni, Cosi fan tutte) et d’intégrer la troupe de l’Opéra royal de Stockholm. Mais sa carrière prit un réel essor en 1981, lorsqu’il rejoignit l’Opéra de Zurich. C’est de cette époque que date sa collaboration avec Harnoncourt et Ponelle. Il se produira ensuite sur les scènes des Opéras de Paris, Hamburg, Berlin, Madrid, Florence, Milan, Rome, Londres, Chicago, Houston... et lors des festivals d’Aix-en-Provence, Glyndeborne, Tanglewwod et Varmland. Muti, Ozawa, Janowski, Maazel, Karajan et bien d’autres grands chefs l’ont dirigé. Après avoir chanté Mozart et Puccini, il s’était consacré à un répertoire plus consistant avec Bizet (Carmen), Wagner (Parsifal, Logengrin, Siegfried) et Beethoven (Fidelio). L’Opéra de Dresde devait l’accueillir prochainement dans Les Maîtres chanteurs de Nuremberg (mai), celui de Zurich dans Le Crépuscule des Dieux (mai) et La Walkyrie (juin), et le Covent Garden de Londres dans Ariane à Naxos de Strauss (août). Le répertoire français ne lui était pas pour autant inconnu, notamment Le Roi Arthus de Chausson, Hamlet d’Ambroise Thomas, et le Te Deum de Bizet pour soprano, ténor et orchestre, qu’il avait enregistrés respectivement chez Erato (NUM 75271), Decca (4101841DH3) et Argo (596.025). Gösta Winbergh laisse une discographie importante contenant plusieurs intégrales d’opéras, notamment : Don Pasquale de Donizetti, avec Riccardo Muti et le Philharmonia Orchestra (Emi 1434363), La clémence de Titus de Mozart, avec Riccardo Muti et le Wiener Philharmonic Orchestra (Emi 5 55489 2), Don Giovanni de Mozart, avec von Karajan et le Berliner Philharmoniker (Deutsche Grammophon 2GH3 419179), L’Enlèvement au sérail de Mozart, avec George Solti et le Wiener Philharmoniker (Decca 2LH2 417402), La Flûte enchantée de Mozart, avec Armin Jordan et l’Ensemble orchestral de Paris (Erato), Cosi fan tutte, avec Arnold Ostman et le Drottingholm Court Orchestra (Decca), Iphigénie en Tauride de Gluck, avec Muti et l’Orchestre du Théâtre de la Scala (Sony S2K 52492), La Création de Haydn, avec James Levine et le Berlin Philharmonic Orchestra (Deutsche Grammophon 427 629-2), Fidélio de Beethoven, avec Michael Halasz (Naxos)... On lui doit également avec Jussi Björlin et Nicolai Gedda l’enregistrement en 1997 d’un CD intitulé " Trois ténors suédois " avec des œuvres vocales contemporaines (Swedish society), et chez Bis (077) " From solo to quartet " contenant des œuvres de Schumann, Brahms, Schubert et Mendelssohn, avec Edith Thallaug, Erland Hagegard, Marta Schele et Lucia Negro au piano. Les amateurs de vidéo trouveront également leur bonheur avec deux opéras de Mozart : Mitridate, re di Ponto, réalisé par Jean-Pierre Ponnelle, avec le Concentus Musicus Wien placé sous la direction de Nikolaus Harnoncourt, et Yvonne Kenny (soprano), Ann Murray (mezzo), Joan Rodgers (soprano) [Cassette VHS, Decca 0714073], et Don Giovanni, réalisé par Klaus Viller, avec le Wiener Philharmoniker dirigé par Herbert von Karajan, et Samuel Ramey, Alexander Malta (baryton), Anna Tomowa-Sintow, Julia Varady, Kathleen Battle (soprano), Paata Burchuladze (basse) [CDV, Sony S2LV46383]...

D.H.M.

Masterworks Heritage, CD62358, janvier 1997
Eileen Farrell chante Verdi
( Masterworks Heritage, CD62358, janvier 1997 )

La soprano américaine Eileen FARRELL est décédée le 23 mars 2002 à la maison de retraite de Park Ridge, dans le New Jersey aux Etats-Unis, âgée de 82 ans. Sa voix profonde et puissante était connue de tous, car, cette grande chanteuse à l’aise dans tous les genres se produisait avec autant de bonheur dans le répertoire classique, que dans la musique de jazz et la pop musique ! C’est en octobre 1950, à la suite d’un récital de mélodies à New York que sa carrière débuta vraiment. Née le 13 février 1920 à Willimantic, dans le Connecticut, où ses parents artistes de variétés étaient en tournée, Eileen Farrell avait auparavant travaillé le chant avec la contralto Merle Alcock et la chef de chant et pianiste Eleanor McLellan. Agée d’une vingtaine d’années elle fut engagée à la radio et durant sept ans anima sur CBS l’émission hebdomadaire " Eileen Farrel présente ", au cours de laquelle elle recevait de grands noms de la chanson, du jazz et de la musique classique. Au cours de cette période, elle participait le 29 mars 1942 à la première radiophonique sur WABC de l’opéra Solomon and Balkis, or The Butterfly that Stamped, d’après Just so stories de Kipling, du compositeur américain Randall Thompson. Elle chantait en effet le rôle de la Reine d’Egypte, aux côtés de Mona Paulee, John Gurney, Carlo Corelli et Nadine Conner, le Columbia Concert Orchestra et le Columbia Chorus, sous la direction d’Howard Barlow. Sa voix large lui permettait d’interpréter en effet un vaste répertoire classique ou de variétés. On se souvient du succès qu’elle obtenait en 1955 avec l’enregistrement de la bande-son du film " Interrupted Melody " de Curtis Bernhardt, qui relate l’histoire tragique de la cantatrice Marjorie Lawrence. Son album " I gotta right to sing the blues " [J’ai le droit de chanter le blues], sorti en 1960, la fit également connaître par un plus large public américain. Dans le domaine du classique, elle chanta Marie dans l’opéra Wozzeck d’Alban Berg (Carnegie Hall, 1950), qu’elle enregistrera avec Dimitri Mitropoulos et le New Yorh Philharmonic (Philips A01490-91L), Médéa de Chérubini (Town Hall, 1955), également enregistré avec Arnold Gamson et le Columbia Symphony Orchestra (Odyssey Y32358), Leonora, dans Le Trouvère de Verdi (Opéra de San Francisco, 1956), la Gioconda de Ponchielli (Chicago, 1957). En décembre 1960, elle débutait au Met de New York dans Alceste de Gluck. A son répertoire d’opéras figuraient également Simon Boccanegra, Ernani, La Force du destin, Otello et Aïda de Verdi, Madame Butterfly de Puccini, Marie Stuard de Donizetti (enregistré avec le London Philharmonic Orchestra, Emi SLS 848), Oberon de Weber, La Pucelle d’Orléans de Tchaïkovsky et Wagner dans lequel elle excellait : Tristan et Isolde, Les maîtres chanteurs de Nuremberg, Le Crépuscule des Dieux, Parsifal... C’est d’ailleurs avec Wagner qu’elle avait obtenu ses premiers succès en 1949 avec ses Wesendonk-Lieder, mélodies pour soprano et orchestre enregistrées avec Léonard Bernstein et le New York Philharmonic Orchestra par CBS (77.243). On lui doit également la partie chantée de la 9ème Symphonie de Beethoven avec l’Orchestre Symphonique de la NBC et Toscanini (disque RCA 7 VL 46.020). Elle ne dédaignait pas la musique française, notamment Fauré (Les Berceaux), Debussy (La Chevelure, L’Enfant prodigue), Massenet (Hérodiade) ou encore Poulenc. Sa courte carrière sur les scènes d’opéra s’interrompit au début des années 1970, époque où elle se lançait dans l’enseignement de la musique à l’Université d’Indiana, et plus tard, à partir de 1984 à celle du Maine à Orono. Cependant, à l’âge de 70 ans elle fit un bref retour sur scène et enregistra plusieurs albums de chansons chez Référence Recordings de San-Francisco (distribué en France par Elite Diffusion Music) : l’un (CD RR32), en compagnie de Loonis McGlohon, intitulé " Eileen Farrell Sings Rodgers & Hart ", (Richard Rodgers et Lorenz Hart, auxquels on doit notamment de célèbres chansons tirées de comédies musicales populaires) ; un autre, " Eileen Farrell Sings Harold Arlen ", auteur également de plusieurs comédies musicales pour Broadway et de la musique du célèbre film " Le Magicien d’Oz " (CD RR30) ; un troisième, " Eileen Farrell Sings Alec Wilder ", dont les chansons ont été aussi interprétées par Frank Sinatra, Judy Garland et Benny Goodman (CD RR36). Cette même maison de disques a également sorti en 1991 un pot-pourri de 13 chansons de Cole Porter, Harry Warren, Victor Young, Vernon Duke... " Eileen Farrel : This Time It’s Love ", enregistrées avec le chef d’orchestre Robert Farnon. Eileen Farrell aurait pu facilement prétendre à une carrière internationale plus importante, mais elle s’était volontairement limitée préférant se consacrer davantage à sa famille, à son mari (un policier New Yorkais), à ses enfants. En compagnie de Brian Kellow, elle a publié ses mémoires en 1999, sous le titre de " Can’t Help Singing " [Je ne peux m’empêcher de chanter] (Northeastern University Press, 256 pages, ISSBN : 1555534066]. Ajoutons aux nombreux titres d’albums déjà cités des enregistrements anciens (1951 et 1957), récemment ressortis, de fragments d’opéras de Wagner : Tristan et Isolde, Les Maîtres chanteurs, Pasifal, Tannhauser... (CD Urania, sorti en juillet 2001, et CD RCA, sorti en octobre 2000), avec Victor de Sabata et l’Orchestre Philharmonique de New York, et Charles Munch et l’Orchestre Symphonique de Boston, dans lesquels Eileen Farrel et son admirable voix puissante nous démontrent qu’elle était au fond et avant tout une remarquable interprète wagnérienne.

D.H.M.

CD Russian Compact Disc, RCD16451
Mark Ermler et le Symphony Orchestra of the State Academic Bolshoi Theatre of the USSR interprètent des œuvres de compositeurs russes
( CD Russian Compact Disc, RCD16451 )

A la tête du Seoul Philharmonic Orchestra depuis mai 2000, le chef d’orchestre russe Mark ERMLER est mort le 14 avril 2002 dans la capitale sud-coréenne. Agé de 69 ans, il avait été victime d’un malaise quelques jours auparavant en pleine répétition avec son orchestre et transporté à l’hôpital. C’est principalement comme chef permanent du Théâtre du Bolchoï de Moscou, alors dirigé par Alexandre Melik-Pachaiev, et où il était rentré en 1956 qu’il acquit la notoriété. Né le 5 mai 1932 à Leningrad, fils du réalisateur et membre du Parti communiste Friedrich Ermler, auquel on doit notamment La Maison des neiges (1928), Contre-plan (1932, avec Sergueï Youtkévitck), Le Grand citoyen (1937), et surtout Le Tournant décisif (Veliky perelom) qui obtint en 1946 le Grand Prix du Festival de Cannes (meilleur scénario), Mark Ermler apprit le piano dès l’âge de 5 ans. Il entrait plus tard au Conservatoire de sa ville natale pour parfaire ses études musicales auprès de Boris Khaikin et Nikolai Rabinovich, décrochait en 1956 un diplôme de direction d’orchestre. Dès l’année suivante il faisait ses débuts à la tête de l’orchestre du Bolchoï en dirigeant Cavalleria Rusticana de Mascagni, mais ses premières armes dataient de l’époque où il étudiait encore : en 1952 il avait eu l’occasion de diriger le Philharmonique de Leningrad. Resté au Bolchoï durant plus de 30 ans, Mark Ermler s’est forgé une solide réputation de spécialiste du répertoire russe, aussi bien en ce qui concerne la compagnie de ballet que la troupe lyrique, et a emmené le Bolchoï dans des tournées mondiales : Londres, Edimbourg, Montréal, Tokyo, Paris (1970), Milan, New-York, Berlin... Durant sa carrière, il a été invité à plusieurs reprises à diriger de grande formations, notamment le Royal Opera House Orchestra, le Vienna State Opera, le USSR State Academy Symphony Orchestra, le Japan Philharmonic, et le Moscow Philharmonic Orchestra. En mai 2000, il était nommé directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Séoul. La discographie de Mark Ermler est abondante. Parmi ses nombreux enregistrements actuellement disponibles sur le marché, on relève : avec le Symphony Orchestra of the State Academic Bolshoi Theatre of the USSR, Ivan Susanin (Glinka), Prince Igor (Borodine), Khovanshchina (Moussorgsky), Mlada (Rimsky-Korsakov) et Dubrovsky (Napravnik) enregistrés entre 1973 et 1986 (disque paru en 1996 chez Russian Compact Disc, RCD16451) ; avec le USSR State Academy Symphony Orchestra : Symphonie n° 5, en si bémol majeur, op. 100 (1997, Russian Compact Disc, RCD16452) ; avec les Chœurs du Théâtre du Bolshoï, l’Orchestre du Théâtre du Bolshoï, Ivan Petrov et Tatiana Tugarinova, Prince Igor (Borodine), CD Melodiya (1996) ; avec l’Orchestre du Théâtre du Bolshoï, les Symphonies 1 à 3 de Borodine, CD sorti en février 2001 (Le Chant du Monde) ; et avec le Covent Garden Royal Opera House Orchestra : Coppélia de Léo Delibes (1993, Royal Opera House Records, ROH006), Casse-Noisette de Tchaikovsky (1996, The Royal Ballet 5605550182), Giselle d’Adolphe Adam (1993, Royal Opera House Records, ROH007), Roméo et Juliette de Prokofiev (1995, Classics, 75605550152)... Mark Ermler était marié à Dina Koroleva, une ancienne soprano du Stanislavski Theatre, et père d’une fille Masha.

D.H.M.

CD Russian Disc (juin 1994)
Svetlanov : Orchestral Works
( CD Russian Disc (juin 1994) )

Evgueni SVETLANOV n’est plus, il s’est éteint à Moscou au cours de la nuit du 3 au 4 mai 2002, à l’âge de 73 ans. Ce chef athlétique, qui parvenait à faire sienne l’œuvre interprétée au point qu’elle devenait lui-même, était un remarquable pianiste, un chef d’orchestre et un compositeur des plus talentueux. C’était l’un des derniers géants de la Russie soviétique, qui fit déclarer par le directeur de l’orchestre du Bolchoï Alexandre Vedernikov, à l’annonce de sa mort : " Toute une époque a pris fin avec lui. Il n’y a personne qui puisse le remplacer à un tel niveau ", et le ministre russe de la culture Mikaïl Chvydkoï de lui rendre hommage en autorisant son inhumation au cimetière de Novodievitchi, parmi les gloires de la Russie comme Chostakovitch ou Tchekhov. Cela n’avait pas empêché ce même ministre, il y a deux ans, de licencier Svetlanov de l’Orchestre symphonique d’Etat de Russie sous prétexte d’absentéisme répété ! Né à Moscou le 6 septembre 1928, Evgueni Svetlanov fit toutes ses études musicales dans sa ville natale, tout d’abord dans la célèbre école Gnessine, avec Maria Gurvitch (piano) et Mikhail Gnessine (composition), un ancien élève de Rismki-Korsakov et Liadov, puis au Conservatoire Tchaïkovski, auprès de Gaouk (composition d’orchestre) et Youri Chaporine (composition), l’auteur de l’opéra Les Décembristes qu’il mit tente années à composer (1920-1953) ! Dès 1953, on le voit diriger le Grand Orchestre symphonique de la Radio de l’URSS, et deux ans plus tard il est engagé comme chef-assistant au Théâtre du Bolchoï. Enfin, en 1965 on le nomme premier chef de l’Orchestre symphonique d’Etat d’URSS. Considéré comme l’un des plus grands spécialistes du répertoire romantique russe, il était parvenu à hisser cette dernière formation parmi les meilleures mondiales. Avec celle-ci, il a enregistré dans les années soixante de nombreuses œuvres de compositeurs russes, notamment Borodine, Rimski-Korsakov, Rakhmaninov, Moussorgsky et Tchaïkovski qu’il a d’ailleurs fait redécouvrir en Europe. Invité par maints orchestres étrangers, il était, en plus de ses fonctions à l’Orchestre d’Etat Russe, directeur musical de celui de La Haye depuis 1992. En France, Svetlanov s’était produit à plusieurs reprises, d’autant plus qu’il affectionnait particulièrement la musique de notre pays. Debussy et Ravel n’avaient plus de secrets pour lui. Dès le début de sa carrière de chef d’orchestre, dans une Union Soviétique encore fermée au monde, il s’était ingénié à faire découvrir au public russe Pelléas et Mélisande, qu’il dirigera maintes fois au cours de son demi-siècle de chef. Le public français se souvient encore de ce jour d’avril 1978, où Svetlanov avec le violoniste russe Gidon Kremer se sont produits à Toulouse. Ce fut un magistral concert au cours duquel les auditeurs furent littéralement électrisés par l’interprétation hors pair de la 5ème Symphonie de Chostakovitch, qui fera dire à Bernard Gavoty que Svetlanov, à la tête de l’Orchestre National de France, exprimait ce jour-là son âme à lui en donnant une forme au chef d’œuvre qu’il aimait... Svetlanov était également un compositeur fertile. Parmi son œuvre, on note un Concerto pour piano (1951), une Fantaisie sibérienne pour orchestre (1953) une Symphonie (1956), des Sonates et Sonatines, des Mélodies et de la musique de film. Sa discographie est impressionnante, car on lui connaît environ 200 enregistrements, principalement effectués pour le compte de la firme d’Etat soviétique Mélodia (Chant du Monde). Si l’on trouve là tout le répertoire romantique russe de Tchaïkovski à Scriabine, en passant par Khatchaturian et Balakirev, on remarque également l’intégrale des symphonies de Gustav Malher (Harmonia Mundi, Chant du Monde), l’un des compositeurs préférés de Svetlanov, tout comme Ernest Bloch pour lequel il a enregistré sa Symphonie Israël, sa rhapsodie hébraïque pour violoncelle et orchestre Schelomo, et Nigun, extrait de Baal Shem. Notons également le Poème de l’amour et de la mer pour voix et orchestre, op. 19, d’Ernest Chausson, enregistré avec Janet Baker et le London Symphony Orchestra (Imp Classics UK). Plusieurs des compositions de Svetlanov ont été également enregistrées : sa Symphonie n° 1 en si mineur, op. 13 et son Poème pour violon et orchestre, par lui-même, l’Orchestre symphonique d’Etat de Russie et Igor Oistrakh (Russian Disc, 1994), son Concerto pour piano et orchestre, par Maxime Chostakovitch (le fils de Dimitri), l’Orchestre symphonique de la Radio et Télévision Russe, avec l’auteur lui-même au piano (Russian Disc, 1994), ainsi qu’une dizaine de pages de moindre durée chez la firme Russian Disc (juin 1994) : Daybreak in the field, Pictures of Spain, Russian Var et plusieurs chansons interprétées par Raisa Bobrineva : Masha is not allowed to go over the river, The Berries are ripe this year, Katyenka is Merry. Il était marié à la mezzo russe Larissa Avdeieva, qui s’est notamment produite dans Eugène Onéguine de Tchaïkovski (Théâtre du Bolchoï, 1956) et a joué dans le film de Véra Streova, Boris Godounov, présenté au Festival de Cannes en 1987.

D.H.M.

Xavier Montsalvatge (avec l'aimable autorisation de Mme Elena Montsalvatge)
Xavier Montsalvatge
( © - Avec l'aimable autorisation de Mme Elena Montsalvatge )

L’auteur de la célèbre berceuse Cancion de cuna para dormir a un negrito, Xavier MONTSALVATGE est mort le 7 mai 2002 des suites d’un emphysème pulmonaire, à son domicile de Barcelone. Compositeur et critique musical espagnol, ce catalan très attaché à sa terre natale avait composé ce succès qui fit le tour du monde peu avant la guerre civile, sur une poésie de Valdès. Les plus grandes cantatrices espagnoles l’ont interprété un jour ou l’autre : Montserrat Caballé, Teresa Berganza, Victoria de Los Angeles qui l’enregistra la première en 1961, et de nos jours la célèbre mezzo Cecilia Bartoli. Mais Montsalvatge avait éprouvai quelques difficultés à se situer entre les compositeurs de la République espagnole et les contemporains. Puisant ses sources dans le folklore catalan et celui de l’Amérique latine, après un voyage à Paris en 1933 où il découvre le " Groupe des Six ", il choisit la musique française, à une époque où la plupart de ses confrères se tourne vers Schoenberg et l’Ecole de Vienne. Né à Gérone le 11 mars 1911 dans une famille aisée de banquiers, Bassols Xavier Monstsalvatge débute le violon à l’âge de huit ans, puis s’installe avec sa famille à Barcelone. Là, il poursuit sa formation musicale auprès d’Enrique Morera, ardent défenseur de la musique catalane, et de Jaime Pahissa qui émigrera en 1935 à Buenos Aires. Il obtient le Prix Pedrell en 1936 pour sa Pequeña suite burlesca pour violon et bois. Ne vivant pas de sa musique, du moins à ses débuts, il se lance dans la critique musicale et entre au journal El mati peu avant le début de la guerre civile. Ce sera ensuite, à partir de 1962, le principal quotidien barcelonais La Vanguardia española et l’hebdomadaire Destino, entre 1968 et 1975. Il se consacre également à l’enseignement, notamment à partir de 1970 au Conservatoire de Barcelone.
Xavier Montsalvatge dans son appartement de Barcelone en janvier 2002  (photo © Mac McClure)
Xavier Montsalvatge dans son appartement de Barcelone en janvier 2002
( photo © Mac McClure )
En tant que compositeur Montsalvatge a touché à tous les genres. On trouve en effet dans son imposant catalogue : des fables musicales (El gato con botas (1947), Viaje a la luna (1966), une vingtaine de musique de ballets composée dans les années quarante lorsqu’il s’était associé à la compagnie de danse Goubé-Alexandre (La muerta enamorada 1943, Manfred 1945, La Venus de Elna 1946, Sinfonia Mediterranea 1949...), de la musique de chambre (un quatuor à cordes Carteto indiano 1952, 3 danzas inciertas pour deux violons 1956...), un Concierto breve pour piano et orchestre (1953), un autre concerto pour clavecin et orchestre, de nombreuses autres pièces pour orchestre seul ou accompagné : Laberinto pour orchestre (1971), Folia Daliniana, sinfonietta pour flûte, hautbois, clarinette, basson, percussion et cordes, Sortilegis pour orchestre..., ou pour orchestre et voix : Cinco invocaciones al crucificado pour soprano et douze instruments (1969) ou Homenaje a Manolo Hugué (1972), trois opéras : El gato con botas (1945), Una voce in off (1962) et Babel 46 (1967). On lui doit également de la musique de film, des chœurs, des partitions pour la guitare, des pages pour orgue et des œuvres pour le piano, parmi lesquelles on trouve une Sonatine pour Yvette, une Berceuse à la mémoire de Osca Espla, une Page pour Rubinstein, une Allégorie à la mémoire de Joaquin Turina, des Dialogues en mémoire de Ricardo Vines et une Elégie à Maurice Ravel. Il nous reste heureusement une discographie importante pour faire découvrir la musique de ce compositeur marquant de la musique ibérique en cette seconde moitié du XXe siècle. Citons, parmi les meilleurs enregistrements actuellement disponibles sur le marché : la mélodie Cancion de cuna para dormir a un negrito (extraite de Cinco Canciones negras inspirées de la musique antillaise et publiées en 1944) interprétée par Victoria de Los Angeles, dans un coffret de 4 CD " Songs of Sapin ", EMI Classics (sorti en 1999) et par Montserrat Caballé, dans un coffret de 2 CD " Lieder et Arias ", EMI Classics (sorti en 2000), les œuvres pour orchestre Laberinto, Folia Daliniana, Sortlegis et Sinfonia Mediterranea enregistrées par le Gran Canaria Philharmonic Orchestra sous la direction d’Adrian Leaper (CD ASV, sorti en 1999), et sa musique pour piano jouée par Benita Meshulam : " Montsalvatge : Piano Music ", ASV, (sorti en 1998) et Alicia de Larrocha :" Alicia de Larrocha, piano ", RCA, sorti en 2001 (avec des œuvres de Granados) ou encore par Mac McClure qui en train d’enregistrer l’intégral de la musique pour piano de Montsalvatge. Pour fêter les 90 ans du compositeur le Teatro real de Madrid avait remis à l’honneur, du 25 mars au 11 avril, son opéra Babel 46, dans une mise en scène de Jorge Lavelli, et la direction musicale de Antoni Ros Marba. Xavier Montsalvatge s’éteignait quelques jours plus tard.

La fille du compositeur vient d'ouvrir un site entièrement consacré à son père, que l'on peut utilement visiter pour en savoir devantage : www.xaviermontsalvatgeibassols.com/

D.H.M.

Elen Dosia
Elen Dosia, fin des années quarante, New-York
( coll. Philippe Georgiadès )

Il y a tout juste un demi-siècle la cantatrice Elen DOSIA se retirait de la scène en plein succès après une dernière interprétation de la Tosca à la Salle Favart. Cette artiste brillante avait été acclamée dans les principaux théâtres du monde entier et ses interprétations restèrent longtemps gravées dans les mémoires des amateurs d’opéras : Thaïs, Grisélidis, Pelléas et Mélisande, Roméo et Juliette, Othello... Cinquante ans ont passé depuis, et le 10 mai 2002, à Boulogne-sur-Seine où elle vivait depuis de nombreuses années, cette gloire des années quarante s’en est allée rejoindre ses pairs au paradis des musiciens. Seul nous reste à présent, pour nous souvenir de sa voix limpide, parfaitement maîtrisée, l’enregistrement mémorable en juin 1944 de Thaïs de Massenet, avec Paul Cabanel, Georges Noré, Huguette Saint-Arnaud et Madeleine Drouot, sous la direction de Jules Gressier (Malibran Music, CDRG 132).

Elen Dosia
Elen Dosia dans la Tosca, Opéra-Comique, fin des années trente.
( Photo X... )

Née à Constantinople le 13 octobre 1918, Odette Hélène Zygomala s’installait plus tard avec sa famille à Paris. Sans doute descendait-elle de cette très ancienne famille grecque originaire d’Argos, puis de Nauplie, établie à Constantinople au XVIe siècle ? C’est par la danse qu’elle débutait l’étude des arts. La célèbre danseuse Loïe Fuller (1862-1928), artiste de music-hall américaine émigrée à Paris, qui inventa " la danse serpentine " (utilisation de longs voiles transparents éclairés de tous côtés), lui enseigna l’art du mouvement et de la comédie. Elle entrait ensuite en 1934, à l’âge de 16 ans, au Conservatoire de musique et de déclamation et deux années plus tard en ressortait, trois premiers prix en poche : chant, opéra, opéra-comique. Cette même année 1936, en octobre elle épousait le ténor André Burdino (1891-1987) qui triomphait notamment dans Mignon. Le couple devra se séparer en 1943, mais entre temps la gloire sourit à Odette Zygomala, devenue Elen Dosia pour la scène. Un mois après son mariage, elle débutait à l’Opéra-Comique avec le ténor italien Giuseppe Lugo dans La Tosca de Puccini, qu’elle chantait encore en 1941 avec Rouquetty et Cabanel. Ce 28 novembre 1936 fut le véritable point de départ d’un immense succès qui se confirmera au fil de ses apparitions sur scènes et qui lui valurent un engagement pour l’Opéra de Paris le 29 avril 1939. Elle se produisait pour la première fois sur la scène du Palais Garnier dans le rôle de Gina de La Chartreuse de Parme (opéra en 4 actes et 11 tableaux, livret d’Armand Lunel d’après Stendhal, musique de Henri Sauguet). Entre 1936 et 1951, Elen Dosia, vedette des Théâtres Lyriques Nationaux (Opéra et Opéra-Comique), joua tous les plus grands rôles de l’opéra. Parmi ceux-ci notons les ouvrages italiens de Verdi : la Traviata et Othello... et de Puccini : la Bohème (Opéra-Comique, 22 novembre 1941, direction : Eugène Bozza) et la Tosca..., ceux de Massenet : Grisélidis (Opéra, 30 octobre 1942), Thaïs, Esclarmonde, Hérodiade, Manon (Opéra-Comique, 13 juillet 1941, direction : Gustave Cloez) et bien d’autres encore : Marouf (Henri Rabaud), Les Contes d’Hoffmann (Offenbach), L’Heure espagnole (Ravel), Roméo et Juliette et Faust (Gounod)... Elle participa également à plusieurs créations, parmi lesquelles Le bon roi Dagobert, comédie musicale en 4 actes de Marcel Samuel-Rousseau (poème d’André Rivoire), en 1938 à la Salle Favart, qui fera dire au musicologue Louis Laloy : " Mlles Vina Bovy et Elen Dosia, l’une plus vive et l’autre plus tendre, ont toutes deux des voix charmantes, et sont aussi fort agréables à voir, dans les rôles de la fiancée princière et de son humble, mais victorieuse rivale. ", et en janvier 1944 dans ce même théâtre, l’opéra-comique Amphytrion 38 de Marcel Bertrand (compositeur méconnu, auteur également d’un drame lyrique en 3 actes Sainte-Odile, donné à l’Opéra-Comique en 1923), d’après l’œuvre de Jean Giraudoux. A l’étranger on la réclamait aussi ! Entre 1937 et mars 1940, avec son mari André Burdino, elle se produisait dans les opéras de Chicago, San Francisco et Los Angeles, et plus tard effectuait des tournées en Grèce, son pays d’origine, ainsi qu’en Yougoslavie, en Tchécoslovaquie, en Suisse, en Tunisie, au Maroc et au Canada. En novembre 1949 elle débutait au Met de New-York dans Thaïs, puis fut engagée dans la Tosca aux côtés d’Ezio Pinza, Raoul Jobin et Martial Singher, et assura trois saisons successives. Au cours de sa carrière Elen Dosia s’est produite avec les plus grands chanteurs de l’époque, notamment le ténor français Louis Arnoult, l’acteur et chanteur d’origine polonaise Jan Kiepura, le ténor italien de la Scala de Milan Giacomo Lauri Volpi, le ténor dramatique corse José Luccioni, le baryton français Jacques Jansen, célèbre pour son interprétation de Pelléas, le ténor américain du Metropolitan Opéra Jan Peerce, le baryton américain Lawrence Tibbett, interprète légendaire de Falstaff... Elen Dosia s’essaya aussi quelque temps dans le cinéma, entre autres dans L’Ange gardien du réalisateur français Jacques de Casembroot (1942), auquel on doit également L’Assassin est parmi nous (1934) et un film hollywoodien d’Irving Reis, Of men and music, " Enchantement musical " tourné en 1950, genre très en vogue à l’époque, auquel participaient également Dimitri Mitropoulos, Jascha Haïfetz et Arthur Rubinstein.

En 1952, après son remariage avec un compatriote grec, M. Jean Georgiadès, elle mettait volontairement fin à sa carrière de cantatrice internationale, notamment afin d’élever son fils Philippe. Totalement retirée du monde musical, Elen Dosia avait cependant tenu à garder un mince fil d’Ariane : elle fit longtemps partie du Comité d’honneur de l’Union des Femmes Artistes Musiciennes, au sein de laquelle elle siégeait dans les jurys des concours de chant.

Pour clore ce bref portrait d’une grande artiste, ajoutons que le spécialiste de l’opéra qu’est Jean Gourret, dans son " Dictionnaire des cantatrices de l’Opéra de Paris " (Albatros, 1987) précise en outre qu’Elen Dosia était une " musicienne raffinée, excellente comédienne, [et une ] femme ravissante. "

D.H.M.

Bernard Haultier
Bernard Haultier
( coll. Odette Gartenlaub )

Le 10 mai 2002 est décédé à l'âge de 75 ans Bernard HAULTIER, chef d'orchestre, violoniste, clarinettiste, compositeur et directeur artistique des éditions musicales Hortensia. Egalement pédagogue, il a enseigné à l'école de musique de Meaux où il a créé une classe de solfège-percussion pour les petits. Il est à l’origine de nombreux stages d'orchestre, au cours desquels il faisait partager aux petits et aux plus grands son enthousiasme musical. Il retrouvait il y a peu de temps encore les flûtistes Benoît Fromanger et Sophie Cherrier, le pianiste Laurent Cabasso et Françoise Dufour, pour ne citer que quelques musiciens parmi les nombreux que sa carrière l’a amené à côtoyer. Durant près de 50 ans, il a partagé avec Odette Gartenlaub, son épouse, aussi bien toutes les joies musicales que ses nombreuses fonctions lui apportaient, que les inévitables difficultés rencontrées dans le domaine pédagogique... Comme compositeur, on lui doit, entre autres œuvres, Six préludes faciles pour guitare (Hortensia- Leduc, 1974), Moulage pour piano (Hortensia-Leduc, 1993), des mélodies, notamment écrites sur des paroles du poète Maurice Carême (Editions Ouvrières, 1985), des chœurs pour voix mixte, de nombreuses musiques de scène pour des pièces de théâtre et plusieurs ouvrages didactiques : J’apprends la musique avec la flûte à bec (Rideau Rouge, 1970), Solfège rythmique par structures et dissociation pour le 1er cycle (Paris, Hortensia-Leduc 1981), et d’autres livres de solfège. Membre de plusieurs jurys, Bernard Haultier faisait en particulier partie du comité d’honneur de l’Association Francilienne d’Expérience Musicale - Concours les Clés d’Or. Il a été inhumé selon ses volontés dans la plus stricte intimité, le 16 mai.

O.G. - D.H.M.

Wolfgang Schneiderhan
Wolfgang Schneiderhan enregistre Beethoven et Mozart
( CD Deutsche Grammophon, 1996 )

Le violoniste et pédagogue autrichien Wolfgang SCHNEIDERHAN est mort à Vienne, sa ville natale, le 18 mai 2002 à l’âge de 86 ans. Remarquable interprète mozartien, auquel on doit l’enregistrement de l’intégrale des concertos pour violon chez Deutsche Grammophon, il était également le fondateur en 1956, avec Rudolf Baumgartner, du célèbre orchestre de chambre " Festival Strings Lucerne ". Cette formation, qui se produit dans le monde entier, est actuellement placée, depuis 1998, sous la direction artistique d’Achim Fiedler. Schneiderhan a fait toute sa carrière principalement dans son pays natal, en Suisse et en Allemagne, et s’est rarement produit en France. On se souvient néanmoins de son passage le 28 mars 1954 au Théâtre des Champs Elysées, avec l’interprétation du Concerto en la mineur pour violon et cordes de J.S. Bach, et une admirable Chacone pour violon seul, sous la direction de Günter Wand ; et le 17 novembre 1958 dans les salons de l’Hôtel de ville de Nancy, où il jouait avec son partenaire du moment, le pianiste Carl Seemann, la 30ème Sonate en ré majeur (K. 306) pour violon et piano de Mozart, ainsi que la deuxième de Bartok et la troisième en ré mineur de Brahms (op. 108).

Né le 28 mai 1915 à Vienne, Wolfgang Schneiderhan donnait à l’âge de 5 ans son premier concert ! Il fit ensuite ses études musicales et étudia principalement le violon auprès d’Otakar Sevcik à Prague, puis de Julius Winkler à Vienne. Engagé à 17 ans comme violon solo à l’Orchestre symphonique de Vienne en 1932, il est ensuite recruté par Furtwängler au Philharmonique de Vienne (1937). Il sera rapidement considéré comme un grand spécialiste de Mozart, tout en se spécialisant également dans la musique de chambre. Le Trio Schneiderhan, qu’il avait fondé au début des années cinquante avec Edwin Fischer (piano) et Enrico Mainardi (violoncelle), est là pour en témoigner. Schneiderhan consacra également une grande partie de sa carrière à l’enseignement, en premier lieu au Mozarteum de Salzbourg (1936) et à l’Académie de Vienne (1939), puis au Conservatoire de Lucerne (1949) et à celui de Stockholm (1964). Ses nombreuses masterclasses étaient très recherchées par les jeunes violonistes désireux de recueillir les précieux conseils du maître. Citons parmi eux Bohuslav Matusek (du " Quatuor Stamitz "), Walter Prystawski (Canada), Ruth Schnidrig (Suisse) et Hae Sun Kang (Corée du Sud)... En 1948, il avait épousé la soprano allemande Irmgard Seefried, que Richard Strauss lui-même avait choisie en 1944 pour chanter dans Ariane à Naxos à l’occasion de ses 80 ans. Décédée en 1988, elle avait donné également quelques cours d’été en France, à Royaumont. Hanz Werner Henze a composé à leur intention Ariosi, sur des poèmes du Tasse, pour soprano, violon et orchestre (1963), créé au Festival d’Edimbourg le 23 août 1964, et Frank Martin Maria Triptychon pour soprano, violon et orchestre (1967-69), créé à Rotterdam le 13 novembre 1969. Ils ont d’ailleurs tous deux enregistré cette dernière œuvre sous la conduite de l’auteur à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande (Jecklin 645/2). Schneiderhan a aussi enregistré d’autres œuvres de ces deux compositeurs contemporains, notamment un Concerto pour violon et orchestre de Henze, sous la direction du compositeur avec le Sinfonie-Orchester des Bayerischen Rundkunks (Deutsche Grammophon) et un Concerto pour violon de Martin (Decca 448264), avec l’Orchestre de la Suisse Romande et Ernest Ansermet. Sa discographie est d’ailleurs importante et comporte plus d’une cinquantaine de disques. Notons parmi ceux-ci, actuellement disponibles sur le marché, le Concerto en ré majeur, op. 61, de Beethoven, et le Concerto n° 5, en la majeur, K.219 de Mozart, avec Eugen Jochum et l’Orchestre philharmonique de Berlin (sorti en février 1996 chez Deutsche Grammophon) ; le Concerto pour violon, en ré majeur, op. 77 de Brahms, et le Concerto pour violon en mi mineur, op. 64, de Mendelssohn (Dom Disques) ; et l’intégrale des Sonates pour piano et violon de Beethoven, avec Wilhelm Kempff (coffret de 3 CD, sorti en mars 2000 chez Deutsche Grammophon)...

D.H.M.

 


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