Le Panthéon des musiciens

De juin 1995 à septembre 1995

Arturo BENEDETTI-MICHELANGELI - Charles BRUCK - André FLEURY - Pierre SCHAEFFER - Pierre-Max DUBOIS - Vaclav NEUMANN - Erich KUNZ

 

Arturo BENEDETTI-MICHELANGELI, l'un des derniers pianistes mythiques du XXe siècle est décédé à l'âge de 75 ans, le 12 juin 1995 à l'hôpital de Civico, où il était soigné pour des difficultés cardiaques. Né à Brescia (Italie) le 5 janvier 1920, il rentrait au Conservatoire de Milan comme élève de piano de Giuseppe Anfossi et obtenait son diplôme à l'âge de 13 ans. Il acquiert par la suite une extraordinaire technique au fil des ans doublée d'une vertigineuse virtuosité. Egalement champion de ski, coureur automobile, pilote d'avion et alpiniste, en dehors de ses quelques prestigieuses tournées, l'essentiel de ses activités se porte sur l'enseignement, avec notamment la fondation du Festival de piano à Brescia, en 1964. Perfectionniste, il sait démonter et remonter la mécanique de son piano et passe même un an dans un couvent franciscain pour approfondir toutes les richesses de l'orgue. Il interprétait admirablement bien autant Ravel et Debussy que Bach, Mozart, Haydn, Chopin ou encore les maîtres italiens...

Charles Bruck en avril 1966
(coll. DHM) DR.

Le 16 juillet 1995 à Hancock (Maine, U.S.A.), c'est le chef d'orchestre Charles BRUCK qui nous a quittés. Né à Timisoara (Roumanie), le 2 mai 1911, il se fit naturaliser français en 1939. Tout d'abord élève du Conservatoire de Vienne, il poursuit ses études musicales à l'Ecole Normale de Musique à Paris, avec notamment Nadia Boulanger (composition), en même temps qu'il travaille la direction d'orchestre avec Pierre Monteux. Il dirige ensuite plusieurs orchestres: ceux des casinos de Cannes, Deauville, de l'Opéra Néerlandais, l'Orchestre Radio-Symphonique de Strasbourg, l'Orchestre Philharmonique de l'ORTF. En 1970, il prend la tête de l'école de direction d'orchestre de Pierre Monteux, à Hancock. Bien que préférant tout particulièrement le répertoire classique et romantique, il sait défendre également la musique de son temps. On lui doit ainsi un grand nombre de créations d'oeuvres contemporaines (Landowski, Jolivet, Martinu, Ohana, Tomasi, Nigg...)

Avec la disparition, le 6 août 1995 au Vésinet (Yvelines) de André FLEURY, nous avons perdu l'un des doyens des organistes français, puisque celui-ci était âgé de 92 ans. Il continuait à jouer, mais ne se produisait plus en concert. Il avait cependant donné son dernier récital, en juin 1993, à l'église de la Madeleine, à l'occasion de ses 90 ans! Né le 25 juillet 1903 à Neuilly-sur-Seine, d'un père organiste (Ste-Pauline du Vésinet) et ancien élève de d'Indy à la Schola, et d'une mère auteur de contes, nouvelles, romans et poèmes (sous le pseudonyme de Jean Floryde), André Fleury débuta ses études musicales auprès de son propre père avant de les poursuivre avec Henri LETOCART (un ancien élève de l'Ecole Niedermeyer, et de Franck au Conservatoire de Paris), puis de les terminer au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où il obtint notamment un 1er Prix d'orgue et d'improvisation en 1926 (classe de Vierne et de Dupré). Il enseignera lui-même par la suite : à l'Ecole Normale de Musique (1943), au Conservatoire de Dijon (1949) et à la Schola-Cantorum (1971). Parmi ses nombreux élèves figurent de grands noms de l'orgue tel Bernard GAVOTY. Sa carrière d'organiste débuta dès la première guerre mondiale lorsqu'il suppléait son père aux claviers de l'orgue de l'église Ste-Pauline du Vésinet, puis il suppléait Tournemire (1922) à Sainte-Clotilde, avant d'être nommé à l'orgue de choeur (1926) du Sacré-Coeur de Montmartre. Quatre ans plus tard, il succédait à Jean Huré à l'instrument de St-Augustin, jusqu'en 1949, année de sa nomination à la cathédrale de Dijon. En 1971, André Fleury revenait à Paris pour prendre le poste d'organiste de St-Eustache qu'il conserva durant près de vingt années. Il a également exercé quelque temps à l'Ecole St-Nicolas de Buzenval et à l'église St-Bernard-de-la-Chapelle durant la guerre de 39/45, ainsi qu'à la cathédrale St-Louis de Versailles (1978). Outre 2 Symphonies pour orgue, ce compositeur a laissé de nombreuses autres oeuvres pour son instrument.

Par sa femme, née Marie-Cécile Pierson (1902-1976), pianiste, André Fleury était allié à une importante dynastie de musiciens : les Grosjean, dont le premier connu, Romary Grosjean tint les orgues de la cathédrale de Saint-Dié de 1839 à 1888. Citons également Ernest Grosjean, organiste de la cathédrale de Verdun (1868 à 1916); Théodore Jacquot, facteur d'orgues à Rambervilliers; Elisabeth Brasseur, fondatrice de la célèbre chorale du même nom; Augustin Pierson, organiste de la cathédrale de Versailles (1905 à 1958) et son fils Jacques, organiste de St-Pierre-de-Chaillot...

Le 20 août 1995, un dimanche, le père de la musique concrète est mort à l'âge de 85 ans, aux Milles, près d'Aix-en-Provence. On n'aime pas forcément l'oeuvre de Pierre SCHAEFFER, puisque c'est de lui dont il s'agit, qui consiste principalement en des recherches sur le pouvoir évocateur des bruits, mais on est obligé de reconnaître que c'était un bricoleur de génie, un poète qui voulait changer le bruit en son et qui donna naissance à un art nouveau. Des compositeurs tels que Boulez, Baraqué et Philippot l'ont d'ailleurs suivi dans cette voie. Son "Groupe de recherches musicales" est connu de tous et de sa collaboration avec Pierre Henry (Bidule en ut, Symphonie pour un homme seul) vint la musique électroacoustique. Pierre Schaeffer s'est ainsi retrouvé propulsé à la tête d'un des principaux courants de la musique d'avant-garde dans la seconde moitié de notre siècle, au côté du dodécaphonisme de Schönberg. Vers la fin de sa vie, il abandonna ses expérimentations acoustiques pour se tourner vers la littérature. On lui doit ainsi "Le Gardien du Volcan", "Excusez-moi si je meurs" et "Prélude, Choral et Fugue".

Pierre-Max Dubois
à Chicoutimi, lors du concours 1971 des Festivals de Musique du Québec.
(Photo X..., coll. Lorraine Prieur) DR.

C'est un ancien élève de composition de Darius Milhaud au CNSM qui est mort le 29 août 1995 à Rocquencourt (Yvelines): Pierre-Max DUBOIS, à l'âge de 65 ans. Premier Grand Prix de Rome en 1955, Grand Prix musical de la ville de Paris en 1964, Grand Prix de la musique symphonique légère à l'ORTF, ce compositeur qui se tenait résolument à l'écart des courants de la musique concrète, dodécaphonique et sérielle pour se situer dans la tradition française avec une musique tonale et mélodique, débuta ses études musicales au Conservatoire de Tours. Il obtenait là un prix de piano à l'âge de 15 ans, en 1945, avant de venir terminer brillamment ses études au CNSM de Paris. Son oeuvre, avec plus de 150 compositions éditées pour la plupart chez Leduc, est vaste et comprend aussi bien de la musique instrumentale, avec des pages pour piano, orchestre, instruments à vent, ou encore orchestre à cordes, que de la musique pour la scène (ballets, ballet-bouffe, opéra) ou de la musique vocale (pièces pour baryton et piano, ténor et orchestre, choeur a cappella). On trouve notamment dans le catalogue des compositions de Pierre-Max Dubois une Suite brève en ut pour deux trompettes et orgue, écrite en 1976.

Les admirateurs de Malher savent ce que le monde musical a perdu avec la disparition du chef Vaclav NEUMANN qui avait notamment enregistré une intégrale marquante de ses Symphonies. Ce musicien tchèque, ancien élève du Conservatoire de Prague s'est éteint à Vienne, à l'âge de 74 ans, le 2 septembre 1995. C'est lui qui avait fondé le Quatuor Smetana (1941), dans lequel il tenait la partie d'alto, avant de faire ses débuts de chef d'orchestre à la Philharmonie Tchèque. Devenu par la suite directeur du Gewandhaus et de l'Opéra de Leipzig, il démissionnait de ces postes afin de protester contre le "Printemps de Prague" et prenait la succession de Karel Ancerl à la tête de la célèbre Philharmonie de Prague (1968). Jusqu'en 1993, il s'attachera avec cet orchestre à défendre la musique de son pays et à graver notamment la totalité des oeuvres de ses compatriotes Dvorak, Smetana, Janacek et Martinu.

Au début du mois de septembre 1995 est décédé à Vienne le grand baryton autrichien Erich KUNZ. Né le 20 mai 1920 dans cette ville, il y avait fait toutes ses études à l'Académie de musique et débutait en 1933 en Tchécoslovaquie. Rapidement, après la guerre, il devenait l'un des piliers de l'Opéra de Vienne, où il chantait tous les grands rôles mozartiens, wagnériens et verdiens. C'était également un spécialiste de l'opérette viennoise (Falke de La Chauve-Souris, Danilo dans La Veuve Joyeuse...) et fit une remarquable carrière internationale au Festival de Salzbourg, de Bayreuth, d'Edimbourg, de Glyndebourne, ainsi que la Scala de Milan, le Colon de Buenos-Aires, le Met de New-York, l'Opéra de Tokyo...

Denis Havard de la Montagne


 


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