NOTES SUR QUELQUES ORGUES ET ORGANIERS PARISIENS
AU XIXe SIECLE
L’orgue de la cathédrale de Nantes, attribué aux meilleurs facteurs des siècles passés, surtout au célèbre Clicquot (1780), renferme des jeux historiques très remarquables, et peut-être considéré avec raison, comme un des meilleurs instruments de l’ancienne facture. En 1866, devant la dégradation importante que l'instrument avait subi au fil du temps, une commission composée de MM. Bourgault-Ducoudray, Grand Prix de Rome, Martineau, maître de chapelle de la cathédrale, et Minard, organiste du grand orgue, était chargée de proposer un plan de reconstruction et d'établir un rapport détaillé. Après quelques tergiversations, c'est la Société Merklin-Schütze qui fut choisie par le Conseil de Fabrique pour l’exécution des travaux. Nous publions ci-après ce rapport manuscrit de 41 pages, conservé de nos jours aux Archives départementales de la Loire-Atlantique à Nantes, dont la transcription intégrale a été assurée par Mme Pascale Winkel, de l'Association Hymnal.
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Journal du voyage fait à Paris par MMrs Martineau, Minard et Bourgault-Ducoudray, dans le but d’y entendre et d’y examiner les principales orgues d’église et d’y visiter les ateliers des plus habiles facteurs.
Dimanche 9 [septembre 1866] - A 10 heures, nous assistons tous à la grand'messe à St Eustache, et nous sommes frappés du bel effet que produit l’orgue de cette église. Cet instrument, construit une première fois par Mr Barker, dans les ateliers de la maison Ducroquet, et reconstruit depuis par le même facteur, est certainement un des plus beaux qu’on puisse entendre. Sa voix a quelque chose de puissant et de grandiose qui remplit le vaste vaisseau où il est placé. Les jeux de fond ont une profondeur et une gravité qui impriment à l’âme une émotion religieuse ; les jeux d’anches sont remarquables en ce qu’ils ont à la fois de l’éclat et de la rondeur sans dureté .
Il faut ajouter, que la forme de l’église, qui est gothique, par ses proportions sinon par son style, se prête merveilleusement au libre déploiement du son de l’instrument. On dirait une belle plage que la mer couvrirait tout entière sans effort, et sans éprouver ces chocs violents qui se produisent, quand les vagues sont arrêtées dans leur élan par les rochers de la côte.
Cette première impression nous laisse dans l’esprit l’impression la plus favorable ; demain nous examineront l’instrument plus en détail, en compagnie de Mr Merklin et de l’organiste de la paroisse.
Désireux d’entendre dans la même journée, les deux orgues les plus célèbres de Paris, nous allons à 2 h ½ à St Sulpice, afin de faire connaissance avec l’orgue sorti des ateliers de Mr Cavaillé-Coll.
Cet instrument ne fait pas sur nous, à beaucoup près, l’impression que nous en attendions. Sa puissance ne nous paraît pas en rapport avec le nombre considérable des éléments qui le composent . Si nous éprouvons une déception du côté de la puissance, nous demeurons charmés par la qualité des sons de l’instrument. Il est impossible d’entendre des timbres mieux fondus, et une composition de jeux plus heureuse. Les impressions recueillies dans cette première journée, ne sont qu’un avant-goût et un préliminaire des examens plus sérieux et plus attentifs que nous nous proposons de faire le lendemain et les jours suivants.
ORGUE DE ST EUSTACHE CONSTRUIT PAR MR. BAKER :
Lundi 10 - A 1 heure, nous nous rendons à St Eustache. Nous y trouvons Mr Merklin accompagné de l’organiste de cette paroisse Mr Batiste, dont l’obligeance à notre égard ne se borne pas à nous faire les honneurs de son orgue, mais qui veut bien encore examiner et contrôler un projet de devis composé par nous.
L’instrument que nous admirions hier, en entendant les flots d’harmonie qui se répandaient sous les voûtes de l’église, ne perd pas d’être vu de près, et étudié dans ses détails. Notre impression de la veille se fortifie et s’accroît à mesure que nous pénétrons plus complètement dans la connaissance de ses ressources.
Mr Batiste nous fait entendre d’abord les jeux de fond de 16 pieds et ceux de 8 pieds ; puis les mêmes jeux réunis aux jeux de 4 pieds. Le résultat de ces deux expériences est on ne peut plus satisfaisant pour notre oreille. La sonorité de ces jeux, soutenu par ceux de la pédale (le nombre de ces derniers est considérables) a une puissance, une majesté, un caractère sérieux et grave, qui nous impressionnèrent vivement. C’est bien là la voix à qui il convient de parler dans un temple Chrétien, et de célébrer les louanges du Très-Haut !
L’organiste nous fait entendre ensuite les jeux d’anches (trompettes, bombarde, clairons), seuls sans les jeux de fond. Nous sommes frappés de la rondeur de leur timbre. Rien de strident dans le son de ces jeux qui sont les plus violents à l’orgue ; ils joignent à du mordant et à de l’éclat, des qualités veloutées et onctueuses, qui ressortent encore plus lorsqu’on les unit aux jeux de fond.
Quand toutes les puissances de l’instrument se font entendre à la fois, il en résulte alors une sonorité majestueuse, éclatante et grandiose, qui nous semble la manifestation idéale de l’orgue dans sa puissance et dans sa force. Après nous avoir fait entendre les effets d’ensemble, qui sont à nos yeux la chose la plus importante, Mr Batiste nous fait apprécier la qualité des jeux de solo, qui sont répandus avec profusion dans l’instrument. Outre les dix jeux du clavier de récit, il y en a plusieurs répartis sur les autres claviers. Nous sommes amenés, par l’audition de ces jeux, à faire une remarque importante et non sans profit pour nous.
Ordinairement les jeux-solos sont placés au clavier de récit, qui est le seul clavier expressif. On obtient cette expression, en plaçant tous les jeux qui correspondent à ce clavier dans une boîte, à la partie antérieure de laquelle est placée une jalousie. Si l’on tient la jalousie fermée, le son imite un son lointain ; plus on l’ouvre, plus il se rapproche. Mais, même en admettant qu’on ouvre aussi complètement que possible la boîte expressive, jamais la sonorité de ces jeux n’est aussi franche, aussi pleine, aussi forte, que quand ils parlent librement et sans être placés dans cette boîte. De là, la nécessité d’avoir, outre les jeux placés sur le clavier expressif, quelques jeux solos répartis sur les autres claviers.
Si la fonction du clavier de récit consistait uniquement à donner de l’expression aux jeux solos, un double emploi de ces jeux serait inutile. Mais son rôle ne se borne pas là ! Ce clavier présente, dans tous les grands instruments, un abrégé de toutes les forces de l’orgue. Or, en accouplant ce clavier, qui est expressif, à un clavier qui ne l’est pas, ce dernier semble profiter de l’expression du premier, et y participe, en sorte que, sans être expressif, il le paraît grâce à l’adjonction de l’autre. Tous les claviers de l’orgue, réunis au clavier d’expression, semblent même bénéficier de cette expression. On sent, combien est précieux, au point de vue des nuances, le rôle de ce clavier, qui fait partager à tous les autres jeux de l’instrument, la faculté dont les jeux qui le composent, sont seuls pourvus.
La qualité des jeux-solos, dans l’orgue de St Eustache, répond à la qualité des effets d’ensemble. Pourtant, nous trouvons certains jeux placés dans la boîte d’expression, notamment le hautbois un peu faibles. En revanche, la gambe, le cor anglais, ont une belle sonorité. Les jeux de mutation nous ont paru dominer un peu trop, quand on les emploie réunis aux jeux de fond. Ce défaut réapparaît dans le grand-chœur.
En somme, l’orgue de St Eustache est un instrument aussi complet qu’on peut le désirer. Il a le caractère, la puissance, la gravité, l’unité, la variété. Il fait le plus grand honneur au facteur dont il est l’ouvrage, et ce facteur a eu le rare bonheur de le placer dans une église privilégiée dans le rapport de l’acoustique.
ORGUE DE ST EUGENE CONSTRUIT PAR MR MERKLIN :
En sortant de St Eustache, nous nous rendons avec Mr Merklin dans l’église de St Eugène, pour visiter un orgue qu’il a placé en 1856. Arrivés là, nous prions l’organiste de nous faire entendre l’instrument, pendant que nous demeurons en bas, afin de mieux juger l’effet qu’il produit dans la nef. L’orgue de St Eugène, comparé à celui de St eustache, est comme une corvette comparée à un vaisseau de haut bord. Il suffit du reste, pour remplir l’église, qui est de petite dimension.
Cet instrument ne nous paraît pas reproduire, sur un moindre échelle, la perfection de l’orgue de St Eustache. Les fonds n’ont pas ce caractère qui nous a tant séduit dans ce dernier. Ils nous laissent froids. Ils manquent de gravité et de profondeur. Les jeux d’anches nous satisfont davantage. Ils ont de la rondeur et se marient bien, dans le grand-chœur, au reste des jeux. Un des jeux–solos nous frappe par sa perfection remarquable ; c’est le jeu de clarinette. Il est impossible de reproduire avec plus de vérité, les qualités distinctes du timbre de cet instrument. Cette clarinette est la meilleure de toutes celles que nous ayons entendues à Paris. Nous admirons ce jeu, sans toutefois accorder une trop grande importance à ce qui n’est dans l’orgue qu’un très petit détail.
En résumé, nous ne retrouvons pas dans l’ensemble de l’orgue de St Eugène, les mêmes qualités exceptionnelles qui nous ont frappés à St Eustache. Les timbres n’ont ni la même noblesse, ni le même caractère . C’est un instrument humain, tandis qu’il y a dans l’autre quelque chose qui nous fait nous élever au dessus de notre sphère bornée, et aspirer à un monde supérieur.
ORGUE DE ST VINCENT DE PAUL CONSTRUIT PAR MR CAVAILLE COLL :
A trois heures et ½, , nous prenons congé de Mr Merklin, et de Mr Renaud de Vilbac qui a bien voulu nous faire les honneurs de son instrument, pour nous rendre à St Vincent de Paul, où nous attend Mr Cavaillé-Coll. Nous allons donc faire connaissance complète avec un des instruments de ce facteur.
L’orgue de Saint Vincent de Paul est de beaucoup moindre importance que l’orgue de St Eustache, puisque l’on n’a que 46 jeux, tandis que l’autre en compte 70. En revanche, il est beaucoup plus considérable que l’orgue de St Eugène, lequel ne compte pas plus de 32 jeux.
Tout d’abord, nous admirons l’habileté avec laquelle le facteur a su tirer parti d’un emplacement ingrat et la disposition neuve et originale qu’il a su donner à l’instrument.
L’absence de tribune l’a amené à placer le meuble des claviers dans une sorte de chambre, qui communique avec l’intérieur de l’église. De chaque côté de cette chambre, sont placés les jeux et le mécanisme.
Des vergettes, chargées de transmettre le mouvement des touches aux soupapes, partent du clavier, disparaissent sous le plancher, et, après avoir changé plusieurs fois de direction dans l’étendue du parcours, font parler la note, sans qu’il en résulte le moindre retard.
Nous visitons l’intérieur de l’orgue, et nous sommes frappés par la propreté qui y règne ; la facilité de l’entretien est due à la clarté avec laquelle le plan a été conçu et à la bonne ordonnance de cette conception. Au fond, sont placés les grands tuyaux ; devant eux, les tuyaux de moindre grandeur ; sur le devant, et en vue, sont les tuyaux de montre.
Cet orgue, qui a déjà atteint un certain nombre d’années d’existence, paraît entièrement neuf. Mr Cavaillé-Coll nous fait remarquer une amélioration dont il est l’auteur, et qui a été adaptée par lui à l’instrument que nous visitons. Comme les basses consomment toujours une plus grande quantité de vent que les dessus, il en résulte parfois une altération dans la partie haute. Pour obvier à cet inconvénient, Mr Cavaillé distribue l’air dans les sommiers, à deux pressions différentes ; à moindre pression pour les basses, ce qui leur donne plus de rondeur, à une pression plus forte pour les dessus, ce qui leur donne plus de mordant. - Cette différence de pression n’empêche pas les sommiers d’être à double laye, condition essentielle pour pouvoir alimenter les jeux de fond et les jeux d’anches séparément.
Enfin, l’habile facteur appelle notre attention sur un procédé découvert par lui, au moyen duquel on peut arriver mathématiquement à donner au tuyau la longueur exacte qu’il doit avoir. Ce procédé consiste dans une opération fort simple. On pratique à peu de distance de l’ouverture du tuyau, une section d’une certaine grandeur. Une formule mathématique détermine dans quel rapport doit être faite cette section. Une fois la section pratiquée, le tuyau est, à très peu de chose près, juste.
Il y a longtemps déjà que l’idée de percer un trou voisin de l’extrémité des tuyaux, avait été appliquée, pour en modifier le timbre.
Il appartient à Mr Cavaillé d’en avoir tiré parti, au point de vue de la facilité de l’accord. On peut se faire une idée de la valeur de cette découverte, en songeant qu’auparavant, on ne pouvait accorder un tuyau qu’en le coupant, ce qui en altérait souvent la sonorité, et exposait un instrument, tombé entre des mains inhabiles, à une perte irréparable.
Une fois le mécanisme vu, et la partie anatomique étudiée, nous passons à l’audition de la voix de l’instrument, qui est la chose la plus importante, puisque le but qu’on se propose en construisant un orgue, c’est d’arriver à produire des sons capables de toucher notre âme, et que les procédés mécaniques ne sont que des moyens pour arriver à ce but.
La partie acoustique de l’orgue de St Vincent de Paul ne nous satisfait pas autant que la partie mécanique. Nous trouvons aux dessus des jeux de fond, quelque chose de trop en dehors. Nous leur voudrions plus de discrétion et de gravité. Les qualités mordantes des jeux d’anches nous semblent aller jusqu’à la dureté. En tendu dans une église vide, et sonore à l’excès, l’orgue de St Vincent de Paul est trop éclatant. Il y a dans sa sonorité quelque chose qui tient plus de la fanfare que de l’orgue ; il n’y a pas cette onction et ce caractère religieux que nous avons tant admiré dans l’orgue de St Eustache. Nous devons pourtant rendre justice à la qualité de certains jeux, dont la combinaison donne lieu à des effets ravissants. Nous citerons, par exemple, le timbre de la gambe unie à la voix céleste. Nous remarquerons aussi que les jeux placés dans la boite d’expression, perdent moins de leur sonorité dans cet orgue que dans celui de St Eustache. Cette supériorité a été constatée par nous, notamment à l’audition du jeu de cor anglais.
Nous quittons Mr Cavaillé , après avoir pris rendez-vous pour le surlendemain. Nous devons consacrer cette journée à l’examen des orgues de Ste Clotilde et de St Sulpice.
Mr Merklin a construit peu de grandes orgues pour les églises de Paris. Une des reconstructions les plus importantes qu’il ait faites en province, est celle de l’orgue de la Cathédrale de Rouen. Le désir qu’il nous a témoigné de nous le faire entendre , et la facilité des communications, nous décident à entreprendre un voyage intéressant à plusieurs égards.
ORGUE DE LA CATHEDRALE DE ROUEN CONSTRUIT PAR MR MERKLIN :
Mardi 11. - Nous nous mettons en route à 7 heures du matin, et nous arrivons à Rouen vers midi. Après une visite rapide faite aux monuments remarquables, principalement aux églises gothiques, qui abondent dans cette intéressante cité, nous nous dirigeons vers la Cathédrale, monument admirable et malheureusement inachevé, qui témoigne de la foi profonde de ces âges, où l’artiste trouvait dans les formes si variées et si riches de l’art gothique, une expression vive et fidèle des aspirations de son époque.
L’orgue réparé par Mr Merklin dans la Cathédrale de Rouen est du célèbre Cliquot. L’état de délabrement dans lequel il était réduit, fait que cette réparation équivaut à une reconstruction. Quelques jeux, pourtant, ont été conservés.
La première impression produite sur nous par cet instrument est loin de répondre à notre attente. Nous avons encore dans l’oreille la sonorité de l’orgue de St Eustache et nous ne trouvons pas à beaucoup près, dans celui de Rouen, les mêmes qualités.
Dans le grand-jeu, les jeux d’anches nous semblent trop nombreux, relativement aux jeux de fond, ; la bombarde de 32 pieds, placée à la pédale, cause un ronflement d’autant plus désagréable, que la sonorité énorme de ce jeu n’est point contrebalancée par un jeu de bourdon de la même importance. Le timbre de cette bombarde donne à l’instrument une sonorité épaisse et lourde, dépourvue de distinction et de noblesse.
Les jeux de fond nous ont semblé manquer d’égalité ; il faut sans doute attribuer les fréquentes altérations que nous avons remarquées dans leurs timbres, à l’inexpérience des hommes qui maniaient les pompes, et que l’absence des souffleurs ordinaires avait fait convertir en souffleurs improvisés.
En somme, cet instrument nous paraît manquer d’unité ; tous les jeux ne parlent pas avec une égale force. Il semble qu’en conservant des jeux anciens à côté des jeux neufs, on n’ait pu leur attribuer à tous la même puissance, d’où résulte, quand ils sont réunis, ce timbre peu homogène. De plus, la composition de l’instrument est vicieuse ; les jeux bruyants (trompettes, clairons, cornets) y sont prodigués outre mesure ; ainsi se trouve détruit l’équilibre qui devrait exister entre leur timbre et celui des autres jeux.
Quant aux jeux solos, il en est quelques uns d’une excellente qualité. Nous citerons le jeu de gambe, qui, réuni au bourdon, produit une sonorité charmante. La clarinette est loin de valoir celle de St Eugène ; celle-ci, du reste, l’emporte à notre gré ,sur tous les jeux de cette nature que nous avons entendu jusqu’à ce jour. Les trompettes, quand on les entend sans la pédale de bombarde, ont de la rondeur et de la puissance. Employés dans une plus juste proportion, elles produiraient un grand effet ?.
Nous ajouterons, comme un complément indispensable à ces observations, que le milieu dans lequel est placé un orgue, influe d’une manière considérable sur l’effet qu’il y produit.
Ordinairement, les nefs gothiques présentent des conditions d’acoustique favorables. Pourtant, toutes ne peuvent être également bonnes. Il est fort difficile de déterminer d’une manière exacte, en pareille circonstance, ce qui est la faute du milieu et ce qui est la faute de l’instrument.
VISITE AUX ATELIERS DE MR MERKLIN :
Mercredi 12 - Des trois instruments que nous avons visités avec Mr Merklin, nous n’en avons examiné encore aucun au point de vue du mécanisme. A huit heures, nous nous rendons aux ateliers de ce facteur, pour établir tous les détails de la fabrication, dans un orgue qu’il construit actuellement pour la ville de Nancy, et qui doit figurer à la Grande Exposition.
Cet orgue est muni de trois claviers et d’un mécanisme très complet ; les perfectionnements les plus récents de la facture sont appliqués dans sa construction.
Tous les claviers peuvent à volonté se transporter de l’un sur l’autre ; ainsi, on peut réunir au pédalier, le positif, le grand-orgue et le récit. Une machine ingénieuse permet de joindre au clavier de grand-orgue, les claviers de récit et de positif, et l’on peut, à son gré, faire parler le clavier de grand-orgue ou le faire taire. Dans ce cas, les jeux de ce clavier deviennent muets, et n ne fait parler, en le touchant, que les jeux des claviers que l’on a transporté dessus.
Nous remarquerons une combinaison ingénieuse, qui a pour effet de réunir le clavier de récit au grand-orgue, de façon à ce que les jeux du récit parlent un octave au-dessous de ceux du grand-orgue. De cette manière, on transforme tous les jeux de 8 pieds du récit en jeux de 16 pieds : il en résulte une sonorité très belle et d’une gravité remarquable. Enfin, outre le déplacement de tous les jeux d’un clavier à un autre, tous les jeux dits jeux de combinaison, peuvent être appelés sur tel clavier que ce soit, au positif, au grand-orgue, ou à la pédale. Une pédale générale a pour effet de réunir tous les jeux de combinaison à tous les claviers.
Quelques-uns de ces perfectionnements sont l’œuvre de Mr Merklin. Pour d’autres, il a eu le soin d’imiter et de s’approprier ce qui se faisait de bien ailleurs.
L’ensemble de ce mécanisme nous parait très complet ; il embrasse tous les progrès accomplis de notre temps par la facture.
Si nous envisageons le travail au point de vue du mérite de l’exécution, nous avons lieu de nous déclarer également satisfaits. La matière employée nous a semblée de bonne qualité ; l’ajustement des pièces nombreuses qui composent le mécanisme est fait avec soin et conscience.
Il nous reste à parler de la disposition des jeux, et de l’aspect intérieur de l’instrument. La conception de cet orgue est claire, et la distribution propre à en faciliter l’entretien. Les gros tuyaux sont placés derrière, et les petits devant, de manière à ce qu’il n’y ait pas d’obstacle entre eux et le vaisseau où ils doivent se faire entendre. Enfin, les jeux de montre sont placés à la partie antérieure du buffet, de manière à se que l’on puisse les apercevoir ; ils jouent à la fois un rôle dans l’instrument et dans la décoration.
La partie de la soufflerie est également soignée, et le système à pompes, généralement usité aujourd’hui ne laisse rien à désirer sous le rapport de l’égalité de l’alimentation dont dépend l’égalité dans la sonorité.
Après un examen approfondi de l’orgue de Nancy, nous visitons les ateliers importants où s’élaborent les pièces nombreuses qui entrent dans la composition d’un orgue ; malheureusement, comme c’est l’heure du repas des ouvriers, nous n’assistons pas au spectacle varié de tant de travaux différents exécutés pour une fin unique.
Le reste de notre journée doit être consacré à l’examen de deux orgues sortis de la fabrique de Mr Cavaillé-Coll : l’orgue de Ste Clotilde et l’orgue de St Sulpice.
A une heure, nous nous rendons chez Mr Cavaillé, qui nous montre un instrument de physique fort curieux, construit par lui. Cet instrument se compose d’une série de 32 tuyaux, accordés exactement dans les rapports de la série naturelle des nombres ; c’est à dire que le second tuyau a deux fois plus de vibrations que le premier, le troisième tuyau trois fois plus, et ainsi de suite. Chose étonnante, lorsqu’au moyen d’un soufflet, on fait vibrer tous les tuyaux à la fois, et qu’on se recule d’une certaine distance, on n’entend plus que le son fondamental singulièrement grossi. Ces trente-deux sons différents, se résolvent en un son unique.
Après avoir fait devant nous plusieurs expériences fort intéressantes avec cet instrument, entr’autres sur les sons harmoniques, Mr Cavaillé nous conduit à Ste Clotilde, où il a donné rendez-vous à Mr Franck, organiste de cette paroisse.
ORGUE DE STE CLOTILDE CONSTRUIT PAR MR CAVAILLE COLL :
L’orgue que nous allons examiner a à peu près la même importance que celui de St Vincent de Paul ; mais nous nous apercevons, de suite, que l’église de Ste Clotilde présente des conditions d’acoustique beaucoup plus favorables.
Mr Franck nous fait entendre d’abord les jeux de fond, sans les jeux de 4 pieds. Il a l’habitude de combiner ces jeux avec le hautbois du récit pour leur donner plus de mordant. Il en résulte une sonorité pleine de charme. La personnalité du hautbois disparaît dans l’ensemble des jeux de fonds ; mais il agit d’une manière latente. La sonorité des fonds de cet instrument est belle, grave, très homogène. Elle gagne en force, lorsqu’on joint les jeux de 4 pieds aux autres jeux de fond. Alors les dessus se détachent davantage , mais sans excéder une juste mesure, et de manière à ce que la sonorité qui en résulte soit parfaitement équilibrée.
Après les jeux de fond, Mr Franck nous fait entendre les jeux d’anches. Même entendus seuls, ces jeux sont exempts de dureté.
Ils ont du brillant, mais de la plénitude et de la rondeur.. Enfin le grand-chœur, c’est à dire la réunion des jeux d’anches aux jeux de fond donne lieu à un effet puissant et harmonieux, qui est dans une proportion excellente avec la grandeur de l’église.
Après ces préliminaires destinés à nous faire connaître les divers effets d’ensemble de l’instrument, Mr Franck nous fait apprécier avec une habileté rare, les ressources nombreuses que présente cet orgue pour la variété des effets et la combinaison des timbres.
Bien qu’en général les compositions de cet organiste soient plutôt faites pour le concert que pour l’Eglise, elles ne sont pas moins très remarquables, et admirablement faites pour faire valoir l’orgue de Ste Clotilde.
En somme, cet instrument touché par un organiste habile, qui le possède à fond et peut en faire ressortir toutes les qualités, qui, de plus, ne se fie pas à l’inspiration du moment, laquelle fournit des idées plus ou moins heureuses aux organistes-improvisateurs, mais joue des morceaux écrits, longuement médités, et remplis de mérite sous le double rapport des idées et des développements, cet orgue, dis-je, nous a causé une satisfaction pleine et entière. Dans les effets d’ensemble, comme dans les jeux de détail, la sonorité est toujours claire, égale nette et harmonieuse. Elle se fait remarquer par un équilibre parfait dans la composition des timbres, et par je ne sais quoi de vif, de chaud, de coloré.
Parmi les jeux solos qui nous ont semblé les plus remarquables, nous citerons la clarinette-cromorne qui a quelque chose de plus timbré que la clarinette, mais n’en a pas moins un grand charme et beaucoup de rondeur. La voix céleste, le hautbois, se font remarquer aussi par leur bonne qualité de son. Ces jeux, bien que placés dans la boite expressive, perdent moins de leur sonorité que les jeux de récit de l’orgue de St Eustache.
Mr Cavaillé ne nous montre pas le mécanisme de cet orgue, se réservant de nous faire voir dans tous ses détails celui de St Sulpice, qu’il considère comme la manifestation la plus complète et la plus considérable de son talent de facteur.
Nous quittons Ste Clotilde, en compagnie de Mr Franck, pour nous rendre à St Sulpice. Bien que cet organiste ne connaisse pas à fond le mécanisme de la grande machine que nous allons visiter, cependant, il a bien voulu consentir, en l’absence de Mr Lefébure-Wély, à nous faire entendre cet instrument.
ORGUE DE ST SULPICE CONSTRUIT PAR MR CAVAILLE COLL :
L’orgue de St Sulpice est l’instrument le plus considérable qu’on ait jamais construit. Le nombre des jeux s ‘élève à 100, le nombre des claviers à 5, le nombre des pédales de combinaison à 20, celui des registres de combinaison à 10, celui des tuyaux à 6706.
Pour réunir un si grand nombre de registres sous la main de l’organiste, le facteur a usé d’un moyen ingénieux. Quand on tire un registre, ce registre n’ouvre pas directement la soupape du jeu que l’on veut faire parler ; il, agit sur un petit soufflet pneumatique interposé entre le registre et la soupape, qui se gonfle et se charge d’ouvrir cette dernière. Ce mécanisme, qui n’est autre que la machine Barker, appliquée au mouvement des registres a permis au facteur de donner à ces derniers un volume beaucoup moins considérable, (leur action étant beaucoup moindre), et de les réunir dans un espace assez restreint pour que l’organiste les ait tous à sa portée.
Il existe dans l’orgue de St Sulpice un autre perfectionnement dont Mr Cavaillé est l’auteur. Si l’organiste a, sur un clavier, un certain nombre de jeux qui se font entendre, il peut en tirer d’autres sans qu’ils parlent pour cela. Il peut ainsi, à son aise, et tout en jouant d’une main, composer sa palette. Lorsqu’il en est content, et qu’il a tiré tous les jeux qu’il veut ajouter , il n’a plus qu’à faire mouvoir un petit bouton ; aussitôt, ces jeux parlent. S’il vient au contraire à fermer les registres de ces jeux, ils ne cessent pas pour cela de se faire entendre. Ils se taisent dès qu’il a tiré de nouveau le registre dont il s’était servi pour les faire parler.
Ce mécanisme a pour résultat de donner une grande sécurité à l’organiste, qui, souvent, préoccupé qu’il est de son jeu, peut facilement se tromper en tirant les registres. Ici, s’il se trompe, il pourra réparer son erreur, d’autant plus complètement qu’on ne l’aura point entendue. Il est un autre avantage plus important pour lui, c’est qu’il peut, sans changer de clavier, remplacer instantanément une sonorité par une autre toute différente, et cela, sans aucune aide, chose qu’il ne pourrait faire avec des registres ordinaires.
L’orgue de St Sulpice est un admirable instrument de musique. La sonorité en est exquise. Les timbres divers y sont répartis et combinés de la manière la plus heureuse pour l’oreille. Il présente une richesse et une variété d’effets qui peut défier n’importe quelle imagination d’organiste. Mais on est surpris, en entendant toutes ses forces réunies, qu’il ne produise pas plus d’effet.
Cela vient-il du fait qu’il est placé trop près de la voûte ? (quelques uns des tuyaux ont dû être courbés à leur extrémité pour trouver place sous le plafond de l’église). Cela vient-il de la massivité du buffet où il se trouve emprisonné, et de la présence des gigantesques statues de bois qui forment autant d’obstacles à l’expansion des ondes sonores ? Cela vient-il d’un défaut d’acoustique dans l’église ? Cela vient-il de l’instrument ? Telles sont les questions qu’on se pose, sans pouvoir les résoudre avec certitude.
Après avoir pu juger, grâce à l’obligeance de Mr Franck, des principaux effets d’ensemble de l’instrument, et avoir entrevu les combinaisons innombrables qui résultent du mélange de tant de timbres différents, nous procédons à l’inspection de la partie anatomique.
Pour cela, il ne faut pas monter moins de 7 étages. On éprouve une sensation bizarre et profonde, en se trouvant au sein de cette forêt de tuyaux, dont quelques uns, (les tuyaux en bois de 32 pieds) atteignent la dimension des plus gros troncs d’arbres. Des sentiers sont frayés de manière à ce que l’on puisse circuler, sans danger pour l’instrument, au milieu de ces plates bandes où se dresse, ici, un bois d’arbres puissants, là, un taillis de roseaux métalliques. Rien ne peut donner l’idée de la prodigieuse complication de mécanisme destiné à faire marcher cette gigantesque machine.
Quel ordre ! Quelle précision ! Tel tuyau, situé au sommet de l’instrument, et séparé du clavier par une hauteur de plusieurs étages parle instantanément, sitôt que la main s’abaisse sur la touche du clavier qui y correspond. Toutes les vergettes, qu’on peut comparer aux nerfs de notre corps, transmettent aux membres les ordres du cerveau, parcourent des espaces considérables, se mêlent, se croisent dans tous les sens, sans qu’il en résulte la plus petite perturbation dans l’économie générale.
Les poumons de l’instrument ne sont pas la partie la moins essentielle, ni la moins intéressante. " L’emploi d’une soufflerie considérable, dit Mr Lissajous, dans son rapport sur l’orgue de St Sulpice, dont les différents organes sont distribués dans les différents étages de l’orgue, permet de satisfaire à toutes les exigences de l’exécution. Cette soufflerie, composée de six grands réservoirs alimentaires, et de treize réservoirs régulateurs placés sous les sommiers, ne contient pas moins de 30000 litres d’air et sont alimentés par cinq couples de pompes pouvant en fournir 500 litres par seconde ". A la rigueur, 4 hommes suffisent pour approvisionner le nombre énorme des tuyaux, parmi lesquels il en est deux, qui consomment chacun juste la quantité de vent fournie par un homme.
En résumé, l’orgue de St Sulpice n’est pas seulement un instrument d’une richesse d’effets et d’une réunion de forces inusitée, mais c’est encore une des machines les plus étonnantes qu’il soit permis d’admirer, et certes la conception de ce gigantesque instrument n’est pas une de celles qui font le moins d’honneur au génie humain.
ORGUE DE NOTRE DAME CONSTRUIT PAR MR CAVAILLE COLL :
Jeudi 13 . - A 2 heures, nous nous rendons à Notre-Dame, où Mr Cavaillé doit nous montrer un orgue qu’il construit actuellement dans cette admirable Cathédrale. Là, du moins, le talent du facteur n’aura aucune entrave … Le buffet est dans les conditions les plus favorables. Le son a, pour se déployer, , une vaste nef gothique. Enfin, une tribune spacieuse a permis d’éloigner assez le clavier auquel doit s’asseoir l’organiste, pour lui permettre de s’isoler et de juger l’effet qu’il produit.
Il est un autre avantage inhérent à la présence de cette tribune ; c’est la faculté précieuse qu’on aura, dans les solennités d’y placer un nombre considérable de chanteurs. Ainsi, pourra t’on se passer de l’orchestre pour accompagner les masses chorales et les convenances n’y perdront rien.
De toutes les églises de Paris que nous ayons visitées, Notre-Dame est la seule où l’on est pensé à construire une vaste tribune. Partout ailleurs, la tribune suffit à peine à contenir l’organiste et quelques personnes. La voix de l’orgue est belle et grandiose sans doute, mais quand on a, à sa disposition, un orgue puissant d’une part, et des masses chorales de l’autre, le simple bon sens n’indique t’il pas qu’il peut résulter de leur rapprochement un effet plus grandiose encore ? Nous sommes surpris qu’une idée si simple n’ai pas engagé, toutes les fois que l’on construisait un orgue, à faire en même temps une tribune assez vaste pour contenir un nombre de chanteurs proportionné à la grandeur de l’église.
Nous félicitons l’architecte de Notre-Dame de s’être prêté à cette mesure, et d’avoir avancé le plancher de la tribune, de manière à l’agrandir, ce qui, d’ailleurs, ne compromet en rien sa solidité, et ne nuit, en aucune manière, à l’effet architectural.
Nous espérons que, dans la reconstruction de l’orgue de notre Cathédrale de Nantes, on attachera quelqu’importance à un point capital à nos yeux, et qu’on n’hésiteras pas à agrandir la tribune , comme on l’a fait à Notre-Dame, si l’espace laissé libre par l’orgue ne pouvait recevoir un nombre de chanteurs suffisant.
Mr Cavaillé a tiré parti habilement du vaste emplacement qui lui était accordé, et son instrument est conçu de la manière la plus simple. Tous les yeux sont échelonnés sur un seul plan : les tuyaux les plus élevés sont placés derrière, les moins élevés devant. La disposition de cet instrument nous a paru n’être pas sans analogie avec celle de l’orgue actuellement en construction dans l’atelier de Mr Merklin. – C’est du reste la plus logique et la plus naturelle.
En sortant de Notre-dame, Mr Cavaillé nous conduit chez lui pour nous montrer ses ateliers. Cinquante ouvriers sont employés par lui pour la fabrication et l’ajustement de toutes les pièces qui entrent dans la composition des orgues d’Eglise ; dans aucune fabrique, peut-être, on ne voit réunis tant de métiers différents. Nous traversons successivement en sortant du cabinet du maître, le cabinet des architectes, où s’élaborent les plans, où se combine la partie architecturale, puis l’atelier de menuiserie où se fabriquent les sommiers, les tuyaux de bois, les réservoirs d’air , etc …, l’atelier de fonderie, où le zinc et le plomb se combinent pour former la matière dont se composent les tuyaux, l’atelier où l’on fabrique les tuyaux, où on les finit, où on les complète, en les munissant de la languette sonore ; enfin , l’atelier des harmonistes, c’est à dire le lieu où on leur donne la longueur voulue et où on les met en état de recevoir l’accord.
Partout nous sommes frappés du soin qui préside à la conception des moindres détails ; et nous ne croyons pas qu’on puisse apporter dans la fabrication, plus d’habileté, de conscience et de fini.
Mr Cavaillé nous a expliqué dans quel rapport le zinc et le plomb sont alliés par lui pour la composition des tuyaux. Pour les tuyaux de montre, il fait entrer 5 de plomb pour 100 d’étain ; dans les autres tuyaux, le rapport est de 10 pour 100. – Cet alliage est destiné à donner à l’étain une consistance qu’il n’aurait pas si on l’employait seul. Les tuyaux de bourdon sont faits avec ce qu’on appelle de l’étoffe. Pour ces tuyaux, on mélange le plomb et l’étain en parties égales. On se sert aussi d’étoffe pour le pied des tuyaux autres que les tuyaux de bourdon.
Nous prenons enfin congé de Mr Cavaillé après l’avoir remercié des intéressantes communications qu’il nous a faites, et de l’obligeance qu’il a mis à nous faire voir le détail de tant de choses, dont la connaissance est utile au but que nous nous proposons.
Vendredi 14 - A 8 h, nous nous réunissons pour discuter un devis composé par nous, et que nous avions déjà modifié d’après les conseils de Mr Batiste, organiste de St Eustache. Après y avoir apporté encore quelques changements, nous allons voir
Mr Benoist, organiste de la Chapelle de l’Empereur, dans l’intention de le lui soumettre. Mr Benoist nous reçoit avec la meilleure grâce possible. Après avoir pris connaissance du devis, il nous donne son entière approbation. Nous nous rendons après chez Mr Ambroise Thomas, qui, consulté par nous, approuve l’ensemble de notre travail, sans vouloir se prononcer d’une manière absolue sur les détails. Il nous donne l’excellent conseil de soumettre notre projet à MMrs Cavaillé et Merklin, de leur exposer nos idées, et de consulter leur expérience sur les moyens à prendre pour les réaliser.
Dimanche 16. - Nous assistons à la grand’messe de St Eustache. Notre impression, en entendant l’orgue, est toujours aussi favorable à l’instrument, mais nous sommes cruellement affectés par l’audition des chants qu’on exécute dans cette église. Il serait difficile de s’imaginer quelque chose de moins religieux que la musique qu’on y fait.
Mercredi 19 - Une absence faite par Mr Cavaillé nous force à attendre jusqu’à mercredi l’entretien que nous désirons avoir avec lui. Le devis sur lequel nous voulons le consulter lui a été communiqué par nous à l’avance. Aussi, quand nous arrivons aujourd’hui, le trouvons nous préparé à nous faire des objections.
Nous tombons d’accord sur les points principaux, et il approuve la plupart des modifications apportées par nous à son devis, tout en nous faisant observer que certaines additions devront augmenter le prix de l’instrument. Il nous propose quelques changements fondés sur des avantages d’aménagement intérieur. Nous les comprenons et nous les acceptons d’autant plus volontiers, qu’ils ne modifient en rien le caractère de notre orgue.
Nous quittons Mr Cavaillé pour aller visiter l’orgue électrique de Mr Barker.
Mr Barker s’est fait un nom illustre dans la facture, par la découverte du levier pneumatique. C’est sur cette invention remarquable que repose tout le mécanisme des orgues modernes. Ces instruments grandioses qu’on a construits de notre temps et qui font l’admiration générale, n’existeraient pas si Mr Barker n’avait trouvé le moyen, grâce à l’invention du soufflet pneumatique, de vaincre la résistance énorme qu’opposaient les claviers aux doigts de l’organiste, surtout quand il en accouplait plusieurs. Déjà, cette découverte avait été fort utile à Mr Cavaillé dans la construction de l’orgue de St Denis.
A St Sulpice, il en a encore étendu l’application. En effet, dans cet orgue, la machine Barker est employée, non seulement pour diminuer la résistance des soupapes qui correspondent aux notes des claviers, mais encore pour faciliter le tirage des registres. Sans les bénéfices de cette découverte, Mr Cavaillé n’aurait pu construire ce gigantesque instrument, ou, s’il l’eût construit, on n’aurait pas pu s’en servir.
Mr Barker, dont le cerveau ne se repose jamais, ne s’est pas contenté d’avoir introduit dans la facture cette amélioration notable. Depuis longtemps, il voulait faire à l’orgue l’application de l’électricité, et remplacer, par cet agent, l’appareil ingénieux inventé par lui pour la transmission du mouvement entre le clavier et les soupapes. Ses premières expériences ne furent pas couronnées de succès. En effet, la somme de force fournie par l’électro-aimant est très faible ; et, après plusieurs tentatives, il reconnut qu’elle était insuffisante pour vaincre la résistance dont triomphait sans peine le levier pneumatique. Mr Barker eut alors l’idée d’associer ces deux forces. En conservant le soufflet pneumatique, l’électro-aimant devait agir, non plus sur les larges soupapes des sommiers, mais sur la petite soupape des soufflets. L’agent électrique, insuffisant dans le premier cas, ne devait plus l’être dans le second , et les fils conducteurs remplaceraient avantageusement les vergettes de bois employées jusqu’à ce jour. On conçoit que ces vergettes, qui doivent parcourir d’immenses espaces, et subir souvent plusieurs déviations dans l’étendue de leur parcours, sont, par leur nature, beaucoup moins aptes que de simples fils à remplir cette mission. Souvent aussi, le bois travaille, et il peut en résulter une perturbation dans le mécanisme, ce qui ne doit pas arriver si l’on emploie de simples fils.
Mais si les fils remplacent les vergettes pour transmettre le mouvement aux soupapes des soufflets, quel sera l’intermédiaire entre le soufflet et la soupape des registres ? Faudra t’il pour cela recourir à l’ancien système des vergettes ? Non ! Mr Barker a résolu le problème , en plaçant son soufflet immédiatement au-dessous de la soupape du sommier ; et c’est lui qui, en se gonflant, agit directement et sans aucun intermédiaire sur cette soupape. Le principe sur lequel repose le mécanisme nouvellement appliqué par Mr Barker est le même que celui du télégraphe électrique.
On sait, qu’en faisant passer un courant d’électricité dans un morceau de fer doux, ce fer devient un aimant, tout le temps que la communication dure ; sitôt qu’elle s’interrompt, le fer cesse d’être aimanté. Si don, on conçoit le moyen d’interrompre puis de faire renaître la communication entre le courant et le fer, on obtiendra ainsi un mouvement instantané , et transmissible, comme on le sait, à n’importa quelle distance.
Qu’est ce qui se passe dans l’orgue de Mr Barker ? Lorsque les notes du clavier sont dans leur position normale, la communication est interrompue entre l’électricité et un morceau de fer doux placé près du soufflet pneumatique. Quand vous touchez une note, la communication s’établit, le fer devient aimant, et il attire une autre pièce de fer qui, en se déplaçant, ouvre la soupape du soufflet. Le soufflet, dans lequel l’air a un libre accès, se gonfle, et en se gonflant, il ouvre la soupape du sommier... la note parle. Quand le doigt a cessé de presser sur la touche, la communication entre le courant et le fer est interrompue ; le fer, cessant d’être aimant, perd sa force d’attraction, la soupape du soufflet se referme ; le soufflet, à qui l’air manque, s'aplatit ; en s’aplatissant, il ferme la soupape du sommier… la note ne parle plus. Tous ces mouvements s’exécutent instantanément.
Mr Barker nous montre la pile qu’il compte employer pour un orgue de 40 jeux qu’il construit actuellement dans l’église St Augustin. Chacun des éléments de cette pile est composé d’une lame de zinc placée entre deux lames de charbon minéral. Ces lames plongent dans un vase plein d’eau contenant un sel en dissolution ; l’acide de ce sel attaque le métal ; il s’ensuit une décomposition chimique, et la formation d’un courant électromagnétique. Pour éviter la déperdition de zinc pendant le temps où on ne joue pas l’instrument, et où, par conséquent, on a nul besoin d’un dégagement d’électricité, Mr Barker s’est servi d’un moyen ingénieux. Les vases contenant le liquide reposent sur un soufflet : quand le soufflet est vide, les lames de métal suspendues au-dessus d’eux ne peuvent plonger dedans ; mais, quand le soufflet se remplit, les vases se rapprochant, le métal est mis en contact avec l’acide, l’action chimique commence, et le courant s’établit. Or, ce soufflet correspond à la soufflerie de l’orgue, de sorte que, le souffleur, en remplissant les sommiers, met en même temps la pile en activité.
Le sel employé dans les vases ne se dissout pas en entier. Il en reste toujours une partie solide. Comme l’eau s’évapore, il faut de temps en temps avoir soin de remplir les vases. Là se bornent toutes les exigences de l’entretien.
Mr Barker a déjà construit, d’après ce système, un orgue d’importance moyenne dans une petite ville du département des Bouches du Rhône. Nous avons vu, chez lui, un certificat du maire de la localité, attestant que, six mois après sa construction, l’instrument fonctionnait avec une régularité constante, et qu’il n’était pas survenu le plus petit accident.
Mr Barker construit actuellement un orgue de plus grande dimension pour l’église de St Augustin, et un autre instrument qui doit figurer à l’Exposition Universelle. Déjà, les suffrages des savants, les expériences faites par les artistes (l’orgue destiné à St augustin est resté pendant deux ans monté et achevé en partie dans l’atelier de Mr Barker et tout le monde a pu l’essayer) sont venus porter témoignage de l’heureuse application de l’agent électrique à la facture d’orgues. Le temps seul et la pratique pourront nous apprendre si ce nouveau système doit être appelé à détrôner l’ancien.
Rappelons ici que c’est Mr Barker l’auteur de l’orgue de St Eustache. A défaut de ses autres titres à la célébrité, cet ouvrage seul suffirait pour l’illustrer.
Comparaison du mérite des différentes orgues que nous avons entendues
au double point de vue de l’acoustique et de la mécanique.
De tous les instruments que nous avons entendus à Paris, celui que nous préférons au point de vue de la sonorité, est l’orgue de St Eustache. C’est celui-là qui, selon nous, produit dans l’église où il est placé, l’effet le plus imposant et le plus grandiose. Ensuite, c’est le seul auquel nous avons trouvé un caractère vraiment religieux.
Cet orgue n’a pas été construit par Mr Merklin. Il sort des ateliers de son prédécesseur, Mr Ducroquet L’auteur de cet orgue est Mr Barker, qui le construisit deux fois ; une première fois pour le compte de la maison Daublaine-Callinet, la seconde fois (un incendie venait de détruire l’instrument) pour le compte de la maison Ducroquet . Depuis que Mr Merklin est entré dans la maison Ducroquet, il s’est trouvé naturellement chargé de l’entretien de cet orgue. Il aurait, au dire de Mr batiste, fait une réparation importante, qui aurait amélioré l’instrument, mais on ne peut pas dire pour cela qu’il en soit l’auteur. Nous n’avons pas retrouvé en effet dans l’orgue de St Eugène, ni dans l’orgue de Rouen, fabriqués par ce facteur, les qualités exceptionnelles qui distinguent l’orgue de St Eustache.
Des trois orgues construits par Mr Cavaillé à St Vincent de Paul, à Ste Clotilde, et à St Sulpice,, deux nous ont paru des instruments accomplis. Leur timbre joint à une grande distinction un charme pénétrant. Ils sont remarquables par la netteté et la précision de l’attaque ; leur sonorité a à la fois de la vigueur et du mordant , de la rondeur et de la puissance. Mais, à nos yeux, ce sont des instruments de concert plus encore que des instruments d’église. Il y a dans l’orgue de St Eustache, moins de netteté peut-être, moins de précision dans la sonorité, mais plus d’onction, plus de gravité, et je ne sais quoi qui cause à l’auditeur une impression analogue à celle que nous font ressentir les bruits de la nature, le bruit de la mer, par exemple, ou le bruit du vent dans une forêt. On éprouve en l’entendant, quelque chose de cette terreur sacrée dont parlent les anciens, et qui nous agite toutes les fois que vibre en nous la corde du surnaturel. Ce mystère, cette gravité, cette sonorité vague et indéfinissable qui est un mérite dans l’orgue, ne se retrouvent pas au même degré dans les orgues de Mr Cavaillé. Tout y est clair, précis, lumineux. On songe, en les entendant, à ces paysages méridionaux, qui se distinguent par la pureté du ciel, par la netteté des contours, par l’éclat de la lumière, par la richesse de la couleur, mais auxquels il manque cette poésie du Nord, laquelle ne va pas sans un peu de brume et sans quelques nuages. Or, le style gothique est la manifestation la plus excellente et la plus complète du sentiment religieux chez les races du Nord, et l’orgue ne fait-il pas partie intégrante de nos vieilles cathédrales ? N’est-il pas le souffle qui doit les animer ? N’est-il pas la voix qui leur donne la vie ?
Loin de nous la pensée de rabaisser le mérite de Mr Cavaillé. Nous admirons et nous proclamons tout ce qu’il y a dans son talent d’élevé et de supérieur. ? Personne, de notre temps, n’a donné plus de développement à la facture, surtout en ce qui concerne le mécanisme. Indépendamment du cachet de distinction qu’il sait donner au timbre de ses instruments, il faut encore admirer de quelle manière ingénieuse il sait en concevoir et en régler l’ordonnance. Personne, plus que lui, n’est habile à triompher des obstacles. On admire, en examinant des orgues, comme l’économie en est bien réglée, avec quelle exactitude et quelle régularité fonctionnent toues les pièces du mécanisme, enfin combien l’entretien et la conservation doivent par là même, en être rendues faciles. Dans tous les examens que nous avons faits de ces orgues, nous n’avons pas surpris, dans ces instruments, le plus petit dérangement ; nous n’avons pas eu à signaler un seul des petits accidents qui arrivent si souvent dans ces machines aussi compliquées ; nous n’avons pas entendu un seul cornement.
La fabrication de Mr Merklin nous a paru soignée et faite dans de bonnes conditions. Dans celle de Mr Cavaillé, il y a plus de fini, plus d’élégance, plus de perfection. On sent l’artiste derrière l’ouvrier.
Conclusion
Le caractère d’un instrument dépend de la nature des jeux qui le composent. Si l’on veut avoir un orgue pour y exécuter de la musique de salon, on devra multiplier les jeux solos, et réduire le nombre des autres jeux.
Si l’on veut reproduire, dans un orgue, le caractère guerrier, et le timbre éclatant des musiques militaires, l’on devra faire dominer les jeux d’anches, et diminuer la quantité des jeux de fond.
Mais si l’on veut avoir un instrument vraiment religieux, ayant à la fois une gravité onctueuse et une majesté grandiose, l’on devra multiplier les jeux de fond, déterminer la proportion exacte dans laquelle ils doivent s’unir aux jeux d’anches et réduire le nombre de jeux-solos.
Croyant être les interprètes fidèles des vœux de la commission qui nous a délégué, en désirant que l’orgue de notre cathédrale soit un orgue religieux, nous avons dirigé nos observations et nos études vers ce qu’il faudrait faire pour atteindre ce but.
Après avoir étudié la composition des différentes orgues qui nous ont frappés, soit par leurs qualités, soit par leurs défauts, nous avons composé nous même un devis, dans lequel nous nous sommes appliqués à reproduire ces qualités et à éviter ces défauts.
Voici comment nous avons procédé à la composition de ce devis.
Tout d’abord, à l’audition des orgues modernes, nous avons reconnu que le timbre des jeux de notre orgue de Nantes, non seulement ne le cédait en rien au leur, mais valait mieux au point de vue du caractère. Aussi, avons-nous conservé, dans notre devis, tous les anciens jeux susceptibles de réparation. Nous n’avons élagué que quelques jeux de mutation, qui y étaient prodigués outre-mesure. A ces jeux, il importait d’en ajouter d’autres. C’est ce que nous avons fait en cherchant à conserver à l’instrument son ancien caractère, et à l’enrichir , sans en modifier la nature. Nous avons principalement ajouté des jeux de fond. C’est là la partie faible de l’instrument qui n’en possède pas assez, pour contrebalancer la vigoureuse sonorité de ses jeux d’anches.
Les jeux de fond sont indispensables pour donner à un orgue cette ampleur calme, cette majesté tranquille, qui est l’accent habituel de la prière.
Plus ils dominent dans un instrument, plus le caractère de cet instrument est religieux. De plus, ces jeux sont plus propres qu’aucun autre, à accompagner les voix.
Nous avons réduit le nombre des jeux solos autant que nous l’avons pu ; et nous nous sommes montrés à leur endroit d’une grande sobriété.
Si le total des jeux de notre devis, dépasse en réalité celui des deux devis présentés à la fabrique par Mr Merklin et Cavaillé, ce n’est pas un esprit de luxe qui nous y a entraînés, mais la conviction que la présence de tous ces jeux est nécessaire pour donner à l’instrument un caractère de grandeur et de majesté. Aucun de ces jeux que nous avons ajoutés, n’a pour but d’enrichir dans l’orgue la partie sensuelle, mais d’ennoblir son timbre, de le rendre plus imposant et d’augmenter ce qu’on pourrait appeler la puissance morale de l’instrument.
Ce devis a été présenté par nous à MMrs Batiste, organiste de St Eustache, Benoist, professeur d’orgue au conservatoire et organiste de la chapelle de l’Empereur, Ambroise Thomas, membre de l’Institut et professeur de composition au Conservatoire de musique.
Tous trois l’ont approuvé.
Nous l’avons communiqué de plus à MMrs Merklin et Cavaillé ; nous l’avons discuté avec eux, après leur avoir exposés les principes auxquels nous nous rattachions, et le but auquel nous tendions.
Ce devis, nous le présenterons à la fabrique, non tel qu’il est sorti de notre cerveau, mais modifié par les conversations que nous avons eues avec des artistes d’une compétence reconnue, et par les discussions dont il a été l’objet entre nous et deux facteurs dont l’expérience et le talent ne peuvent être suspectés.
Nous croyons que, si la fabrique l’adopte, nous aurons un instrument dont le caractère se rapprochera beaucoup de l’idéal que nous rêvons, quelque soit celui des deux facteurs qu’elle choisisse pour l’exécuter.
Peut-être sera t-on surpris que nous ayons dépassé la somme indiquée dans les devis déjà envoyés à la fabrique. Mais il s’agissait d’un instrument destiné à vivre plusieurs siècles après nous, et à faire le plus bel ornement d’une Cathédrale, non complète encore, mais qui le sera un jour. Il s’agissait des intérêts de la population d’une importante cité, que dis-je, de tout un diocèse ! Pouvions-nous viser autre chose qu’à faire bien ? Pouvions-nous, dans la crainte de dépasser un chiffre qui n’était pas fixé d’une manière absolue, mutiler un programme dont la réalisation assurerait, suivant nous, à notre ville, un orgue digne d’elle, digne aussi de notre antique cathédrale, et de la majesté du culte catholique ?
Etat actuel de l’orgue de la Cathédrale de Nantes
Cet orgue se compose de 5 claviers à mains et d’un clavier de pédales.
1° Clavier de positif
Jeux de fond :
1° x une montre de 8 pieds (54 notes)
2° x un bourdon de 8 p.
3° x un prestant de 4 p.
4° x un dessus de flûte de 4 p. (30 notes)
Jeux de combinaison :
5° x une trompette de 8 p. (54 notes)
6° x un clairon de 4 p.
7° x un cromhorne de 8 p.
8° x un hautbois de 8 p.
Jeux de mutation :
9° x un nasard
10° un plein-jeu de 7 rangs
11° une tierce
12° x une doublette de 2 p.
2° Clavier de grand orgue
Jeux de fond :
1° x Montre de 16 p.
2° x Bourdon de 16 p.
3° x Montre de 8 p.
4° x Bourdon de 8 p.
5° x Flûte de 8 p.
6° x Prestant de 4 p.
Jeux de combinaison :
7° Cornet de 7 rangs
8° x Trompette de 8 p.
9° Trompette de 8 p.
10° x Clairon de 4 p.
11° Voix humaine de 4 p.
Jeux de mutation :
12° Nazard
13° Gros nazard
14° x Fourniture de 6 rangs
15° x Cymbales de 6 rangs
16° Doublette de 2 p.
17° Quarte de nazard
18° Grosse tierce
19° Tierce
3) Clavier de Bombarde
1° x Bombarde de 16 p.
2° x Trompette de 8 p.
3° x Clairon de 4 p.
4° x Cornet de 5 rangs
4) Clavier de Récit
1° x Flûte de 8 p.
2° x Bourdon de 8 p.
3° x Trompette de 8 p.
4° x Hautbois de 8 p.
5° x Cornet de 5 rangs
5) Clavier d’Echo
1° Flûte de 8 p.
2° Trompette de 8 p.
3° Clairon de 4 p.
4° Cornet de 5 rangs
6) Clavier de Pédales
1° x Bourdon de 16 p.
2° x Flûte de 8 p.
3° x Bombarde de 16 p.
4° x Trompette de 12 p.
5° x Clairon de 6 p.
Tous les jeux marqués d’une croix sont conservés dans notre devis.
Observations
Clavier de positif : Tous les jeux de fond sont à conserver. Leur sonorité est excellente ; elle a besoin seulement d’être renforcée.
Il est nécessaire de compléter le jeu de flûte en lui ajoutant une basse.
Tous les jeux d’anches sont excellents. Le cromhorne est remarquable. Le caractère antique de son timbre lui donne une couleur particulière, qu’on ne rencontre plus de nos jours.
Le hautbois est aussi de très bonne qualité. Des jeux de mutation de ce clavier, nous ne jugeons convenable de conserver que la doublette et le nazard. Ce dernier jeu pourra être transporté au clavier de Grand-Orgue. Le plein-jeu fait double emploi avec les jeux de fourniture et de cymbales que nous conservons au second clavier.
Quand aux jeux de tierce, leur présence est indispensable dans la composition du jeu de cornet, mai leur présence existence individuelle me paraît inutile.
Clavier de Grand orgue : Tous les jeux de fonds de ce clavier sont à conserver. Parmi les jeux d’anches, il suffit, à nos yeux, de garder une trompette et un clairon sur chacun des trois claviers ; ainsi répartis, ces jeux auront plus de puissance que lorsqu’on en réunit plusieurs sur le même sommier.
Le jeu de voix humaine doit être refait, et placé dans la boîte expressive.
Des jeux de mutation, ceux de fourniture et de cymbales nous semblent les seuls bons à conserver.
Clavier de bombarde : Tous les jeux de ce clavier sont à conserver.
Clavier de récit : Tous les jeux de ce clavier méritent d’être conservés ; mais il est fort incomplet. La présence d’autres jeux nous y paraît indispensable, surtout si l'on supprime le clavier d’écho.
Clavier d’écho : Ce clavier devient inutile, par l’addition de la boîte expressive au clavier de récit.
Clavier de pédales : Tous les jeux de ce clavier doivent être conservés, mais il importe de leur en adjoindre d’autres, afin de donner aux basses plus de gravité et de puissance.
Devis proposé pour la reconstruction de l’orgue
Premier clavier (Positif)
1° Montre de 8 p.
2° Bourdon de 8 p.
3° Salicional de 8 p.
4° Prestant de 4 p.
5° Doublette de 2 p.
6° Flûte harmonique de 8 p.
7° Flûte harmonique de 4 p.
8° Bourdon-quintaton de 16 p.
9° Hautbois de 8 p.
10° Trompette de 8 p.
11° Clairon de 4 p.
Second clavier (Grand orgue)
1° Montre de 16 p.
2° Montre de 8 p.
3° Bourdon de 16 p.
4° Bourdon de 8 p.
5° Gambe de 8 p.
6° Prestant de 4 p.
7° Gros nazard de 5 p. 1/3
8° Grosse fourniture
9° Cymbales
10° Cromhorne de 8 p.
11° Basson de 16 p.
12° Clarinette de 8 p.
13° Trompette de 8 p.
14° Clairon de 4 p.
Troisième clavier (Bombarde)
1° Bourdon de 16 p.
2° Bourdon de 8 p.
3° Flûte de 8 p.
4° Salicional de 8 p.
5° Principal de 8 p.
6° Prestant de 4 p.
7° Bombarde de 16 p.
8° Trompette de 8 p.
9° Clairon de 4 p.
10° Cornet de 5 rangs
Quatrième clavier (Récit)
1° Flûte harmonique de 8 p.
2° Flûte octaviante de 4 p.
3° Bourdon de 8 p.
4° Gambe de 8 p.
5° Voix céleste de 8 p.
6° Cor anglais de 16 p.
7° Voix humaine de 8 p.
8° Octavin de 2 p.
9° Basson et hautbois de 8 p.
10° Trompette de 8 p.
11° Cornet de 5 rangs.
Clavier de Pédales
1° Soubasse de 32 p.
2° Flûte ouverte de 16 p.
3° Soubasse de 16 p.
4° Flûte de 8 p.
5° Violoncelle de 8 p.
6° Flûte de 4 p.
7° Contre bombarde de 32 p.
8° Bombarde de 16 p.
9° Trompette de 8 p.
10° Clairon de 4 p.
Paris, le 28 Septembre 1866
L.A. Bourgault Ducoudray
Minard Organiste de la Cathédrale |
Martineau Me de chapelle de la Cathédrale |