Les orgues de Tunisie
Je tiens à remercier ici toutes les personnes qui ont apporté leur contribution à la rédaction de cet article: l'abbé Silvio Moreno, vicaire à la Cathédrale de Tunis, l'abbé Sergio Perez, Messieurs Marc Boulagnon, Jérôme Legrand, Michael Soto, organistes, ainsi que monsieur François Sabatier, directeur de la revue L'Orgue. Il va de soi que les apports de lecteurs seront les bienvenus afin de compléter ou corriger éventuellement certaines informations.
CARTHAGE
Ancienne cathédrale de Carthage: buffet décoratif (vide) placé sur une tribune latérale
( photo Michael Soto ) DR
Carthage : ancienne cathédrale
( coll. O. Geoffroy ) DR
Ancienne Cathédrale Saint-Louis
Cet ancien lieu de culte construit entre 1884 et 1890 a été transformé en institution culturelle et touristique et a pris le nom «d'Acropolium». Un buffet réduit à une sobre façade constituée de trois rangées mal agencées de tuyaux trône encore sur une des tribunes latérales de l'édifice, maigre vestige à visée décorative qui ne comble pas la disparition de l'ancien orgue Mutin-Cavaillé-Coll de la cathédrale. Cet instrument dont on ne connaît pas les caractéristiques figure toutefois dans l'inventaire réalisé par la firme sous la dénomination: «Carthage, Cathédrale- Grand Orgue» (Paris, 1923, p. 28). L'étrange buffet que l'on voit aujourd'hui provient du reste peut-être d'un autre lieu de culte qui se serait séparé de son orgue au moment de la cession de nombreuses églises à l'Etat tunisien vers 1964-65.
L'orgue de la primatiale ne devait pas être de dimensions importantes et proportionnées au lieu de culte, si l'on en croit l'extrait de presse suivant :
« La Messe de Minuit […]
On peut à cette occasion exprimer le regret que des grandes orgues dignes d'un édifice dont le nom est connu dans le monde entier, ne puissent rehausser les impressionnantes manifestations musicales organisées à l'occasion des grandes solennités religieuses dans la Primatiale de Carthage. »
(La Dépêche tunisienne, 29 décembre 1949, p. 2)
A cette date, pour une raison inconnue, l'orgue avait peut-être disparu.
TUNIS
Cathédrale Saint-Vincent-de-Paul
Un orgue Mutin-Cavaillé-Coll, commandé en 1921 et installé deux ans plus tard, est encore fièrement posé sur la tribune de la cathédrale de Tunis construite entre 1893 et 1897. Cet instrument de trois claviers de 56 notes et un pédalier de 30 marches se compose depuis l'origine de 33 jeux réels et 1853 tuyaux. Certains jeux de pédale sont empruntés au sommier de Grand-Orgue, d'autres fonctionnent par dédoublements pneumatiques à partir de deux jeux réels, comme sur le Mutin-Cavaillé-Coll (1918) de l'ancienne Cathédrale d'Oran, en Algérie (cf. : http://orgue.algerie.free.fr ).
Cathédrale de Tunis dans les années 1920
( coll. O. Geoffroy ) DR
Le périodique religieux de Tunisie La Tunisie Catholique (novembre 1923, pp. 714-715) nous donne des précisons sur la cérémonie de bénédiction de l'orgue le 28 octobre 1923, dans un article consacré à L'inauguration des orgues de la Cathédraleet de la XIVe année de la Messe des Hommes :
Dimanche dernier 28 octobre eurent lieu d'abord la bénédiction des orgues de la pro-cathédrale de Tunis par Mgr le Primat et leur inauguration, et aussitôt après, la première conférence de Mgr Pons pour cette quatorzième année.
La bénédiction fut donnée par Monseigneur, avant la messe, de son trône pontifical, et à peine fut-elle terminée que l'organiste, M. Righo, fit entendre une entrée majestueuse. On put ainsi apprécier tout de suite la puissance des nouvelles orgues et la beauté du son. […]
C'est de la maison Cavaillé-Coll que sortent les orgues de la Cathédrale de Tunis. Les orgues que nous possédions auparavant étaient les orgues d'accompagnement de Versailles, achetées par le Cardinal Lavigerie pour la Cathédrale provisoire de ce temps-là et transportées ensuite dans la Cathédrale actuelle: elles étaient bien inférieures à ce que les Tunisois veulent avoir dans la principale église de leur ville: aussi des réclamations avaient-elles été respectueusement adressées, que Mgr Pons avait d'ailleurs transmises et appuyées, au vénéré Mgr Combes: celui-ci déclara qu'il ouvrait un crédit de trente mille francs. Dès ce moment, l'achat de nouvelles orgues était donc une chose décidée, mais les choses n'allèrent pas aussi vite qu'on aurait souhaité et il fallut la vigoureuse impulsion de Mgr Lemaître pour réaliser ce voeu unanime de la population.
Il fallut aussi naturellement augmenter beaucoup les crédits ouverts par Mgr Combes: les orgues que l'on vient d'inaugurer sont des Orgues de grande valeur. […]
Vers la communion, on entend un choeur sur le Psaume 150, composé par M. Righo, notre excellent organiste, choeur parfaitement exécuté par la maîtrise archiépiscopale. Il est d'une belle facture régulière et très religieux.
On ne peut que louer à la fois le maestro et ses exécutants, et se réjouir de ce que peu à peu la maîtrise de Tunis arrivera à être tout à fait remarquable. Mais Paris ne s'est pas bâti en un jour, et aucune maîtrise non plus.
Comme cela est précisé dans l'article relatant son inauguration, l'organiste titulaire est alors A. Rigo [nom parfois orthographié «Righo»] qui avait sans doute indirectement succédé à Mgr Emile Bayonne (organiste à partir de 1900 et durant une douzaine d'années) :
[…] notre nouvel organiste, M. Righo. On sait qu'il nous vient d'Asie Mineure, à la suite des troubles de ce malheureux pays.» («La Maîtrise» in: La Tunisie Catholique, 1923, p. 267).
Nous apprenons avec plaisir que Monsieur Rigo, le distingué organiste de la cathédrale de Tunis, et compositeur, a reçu le Nicham Iftikar: nous lui présentons nos sincères félicitations
(«Distinction méritée» in: La Tunisie catholique, 21 et 28 septembre 1924, p. 673).
Un premier relevage fut réalisé en 1947 par le facteur Renevier de Casablanca.
Léonce de Saint-Martin, organiste de Notre-Dame de Paris, qui joua cet instrument lors d'une tournée de concerts en Tunisie du 10 au 14 décembre 1952, le considérait comme l'un des plus beaux d'Afrique. Maurice et Marie-Madeleine Duruflé se produisirent également en concert sur cet orgue le 9 décembre 1954 dans des oeuvres de Bach, Buxtehude, Haendel, Couperin, Franck, Widor, Vierne, Dupré et Duruflé (source: www.france-orgue.fr/durufle/ ).
En mars 1954, une restauration de l'orgue fut réalisée par la maison Merklin et Kühn de Lyon qui remplaça notamment 3000 écrous de cuir et plus de 300 soupapes pour un coût s'élevant à 1 500 000 francs.
En novembre 1992, l'organiste Marc Boulagnon, de passage à Tunis, réalisa un descriptif de l'instrument. Plusieurs informations contenues dans cet article en sont extraites. La tribune, très spacieuse, se trouve à 9 mètres du sol. L'accès se fait par la tour latérale, à droite en entrant, par un escalier très large.
Le buffet se compose de quatre plate-faces ornées de tuyaux de métal et encadrées de deux tourelles latérales comportant – fait rare - des tuyaux de bois. Sur la console indépendante, deux tirants supplémentaires «tacet» sont ajoutés au niveau des gradins de jeux correspondant au récit et au pédalier. La transmission est mécanique, tant pour le tirage des jeux que pour la traction des notes, avec machine Barker pour le Grand-Orgue et les sommiers sont en chêne. Voici la composition relevée par Marc Boulagnon en 1992et qui n'a guère changé depuis l'origine :
Grand-Orgue : Bourdon 16', flûte harmonique 8', flûte octaviante 4', flageolet 2'.
Grand-Orgue(56 notes): Montre 16', bourdon 16', montre 8', bourdon 8', flûte harmonique 8', violoncelle 8', prestant 4', quinte 2 2/3, plein-jeu III rgs, bombarde 16', trompette 8', clairon 4'.
Positif (56 notes): Principal 8', cor de nuit 8', unda-maris 8', flûte douce 4', nazard 2 2/3', flageolet 2', tierce 1 3/5', clarinette 8'.
Récit expressif (56 notes): Quintaton 16', diapason 8', flûte traversière 8', viole de gambe 8', éoline 8' (jeu ondulant), flûte octaviante 4', octavin 2', trompette harmonique 8', basson-hautbois 8', voix humaine 8', soprano harmonique 4'.
Pédale (30 marches): Grosse flûte 16', soubasse 16', flûte ouverte 8', bourdon 8', violonbasse 8', flûte 4', tuba magna 16', trompette 8', clairon 4'.
Tir. I, II et III, acc. II/I, III/I en 16' et 8', III/II, anches I, III et péd, trémolo III, appel machine I.
Grâce aux emprunts et extension, ce sont finalement 40 jeux qui sont obtenus à partir des 33 réels.
Dans le cadre des travaux de rénovation de la cathédrale, l'instrument bénéficia d'une nouvelle restauration menée en 1994-1995 par Laval-Thivolle et dont le couronnement fut le concert d'inauguration donné par Louis Robilliard les 15 et 16 novembre 1995 :
Enfin, l'orgue installé en 1921 [sic] par le célèbre facteur parisien Mutin-Cavaillé-Coll et récemment restauré, fait encore aujourd'hui de la cathédrale de Tunis un lieu prisé des artistes lyriques du monde entier comme des catholiques pratiquants de la région. («La Cathédrale Saint-Vincent-de-Paul» in Saisons tunisiennes, n°4, novembre 2012, p. 41).
L'orgue est très régulièrement joué durant des concerts, en tant que soliste ou accompagnateur de chœurs et c'est le facteur Bernard Cogez, de Tourcoing, qui en assure l'entretien annuel.
Tunis, chapelle des Soeurs franciscaines
Un orgue Merklin-et-Kühn, à transmissions pneumatiques ou électro-pneumatique (tirage de jeux par dominos) se trouve dans cette chapelle qui abrite actuellement des conférences. Composé de deux claviers et d'un pédalier, cet instrument est actuellement démonté et son état est plus que préoccupant. La console à double registration, pédale d'expression, pédale de crescendo, est posée devant une série de tuyaux alignés dans le désordre et non protégés.
Il est probable que la restauration de l'orgue de la cathédrale de Tunis en 1954 a incité les religieuses à faire appel à la manufacture lyonnaise. La composition de l'instrument a pu être communiquée par les responsables de l'Association L'Art Rue qui utilise les bâtiments loués par la communauté franciscaine (remerciements à Aurélie Machghoul et aux sœurs franciscaines, notamment la sœur Mary Donlon). Un certain nombre de jeux fonctionnent par emprunt ou dédoublement :
Récit expressif : Cor de nuit 8', gambe 8', voix céleste 8', flûte 4', nazard 2 2/3', trompette harmonique 8'.
Pédale : Soubasse 16', flûte 8', quinte 5 1/3', flûte 4'.
Tir. I et II, acc. II/I en 16, 8 et 4, anches II, tremolo II.
Chapelle de Notre-Dame de l'Espérance des Sœurs franciscaines missionnaires de Marie en Tunisie
(coll. O. Geoffroy) DR.
Tunis, chapelle des Soeurs franciscaines, plaque du facteur et vue d'une partie des dominos
( © Photos Nao Maltese - L'Art Rue, 2018 )
Orgues disparus
Pour certains lieux de culte, il est difficile d'établir avec certitude la présence d'un orgue. Lorsque dans les périodiques, des auditions étaient relatées ou les programmes de certaines cérémonies liturgiques étaient détaillés, la mention sans plus de précision d'un «organiste» pouvait aussi laisser supposer que ce dernier jouait sur un harmonium plutôt que sur un instrument à tuyaux. C'est pourquoi nous n'avons pas voulu nous avancer trop avant dans ce chapitre consacré aux orgues disparus.
Un orgue Cavaillé-Coll a été livré le 31 décembre 1883 dans la cathédrale provisoire de Tunis. Il est mentionné dans le catalogue recensant les travaux du facteur et de son successeur, Charles Mutin (op. cit., p. 28): «Tunis, Cathédrale provisoire – Grand Orgue». Il s'agissait de l'opus 590. Il comptait 9 jeux répartis sur deux claviers (6 jeux au Grand-Orgue et 3 au Récit). Son coût était de 9000 francs. C'était l'ancien orgue de choeur de la cathédrale de Versailles repris pour la somme de 3000 francs par Cavaillé-Coll en 1880 lors de la construction par ce dernier d'un nouvel instrument plus important. Il fut transféré dans la cathédrale actuelle puis remplacé en 1923 par le grand orgue Mutin et a probablement disparu.
Cet orgue avait fait l'objet de transformations et d'agrandissement :
« Ajoutons enfin que les orgues de l'ancienne cathédrale, complétées et renforcées, seront proportionnées à la grandeur du nouveau vaisseau qu'elles auront à remplir de leurs harmonies. »
(La Dépêche tunisienne, 4 décembre 1897)
Et les noms de quelques organistes de la cathédrale sont connus :
« L'office funèbre, pendant lequel M. Clément s'est fait entendre à l'orgue, a été célébré par M. L'archiprêtre Bombard. »
(La Dépêche tunisienne, 1er février 1898)
« Le grand orgue était tenu par les jeunes mains de M. Albert Tollet fils, heureux de mettre un talent merveilleux à la disposition de l'Eglise pour occuper le vide laissé par le départ du regretté M. Cotteaux. »
(La Dépêche tunisienne, 27 novembre 1899)
« M. Dupy, organiste et maître de chapelle de la cathédrale de Tunis, nous a donné la semaine dernière, au concert de charité une preuve nouvelle de son talent. Avec une grande précision, il a accompagné les chœurs chantés par les élèves des Frères, et avec beaucoup de délicatesse surtout, le morceau de violon exécuté par M. Laffage. Il a su tirer un très bon parti des faibles ressources dont dispose l'orgue de notre cathédrale.
Nous pouvons annoncer (et sommes même autorisés à le faire), que M. Dupy, cédant aux désirs de certaines personnes, est tout disposé à donner, l'après-midi, des leçons de piano, chez lui ou à domicile. »
(La Dépêche tunisienne, 22 mars 1900)
Plusieurs orgues se sont succédé dans l'église Notre-Dame-du-Rosaire de Tunis, bâtie en 1897. Il en est fait mention dans un article d'Yves Lejus paru dans la revue L'Orgue (n° 51, 1949/II, p. 55-58 et n° 52, 1949/III, p. 77-79). Après l'indépendance du pays (1956), l'église a été cédée à l'Etat tunisien parmi d'autres biens religieux, selon un accord avec le Vatican signé le 27 juin 1964, et le dernier instrument en place a probablement disparu à cette époque à moins qu'il n'ait été transféré dans un autre lieu.
Voici ce que rapporte Yves Lejus: un premier instrument de facture anonyme a été posé en 1906. Il était composé de quatre jeux coupés en basses et dessus, joué par un unique clavier manuel de 54 notes. Il semble qu'il n'était pas de qualité supérieure. En 1920, son remplacement a été envisagé et c'est un facteur italien installé en Tunisie où il s'était converti à l'ébénisterie, M. Pulchino, qui le réalisa. L'orgue en question fut inauguré en 1921.
En voici la composition:
Clavier manuel (54 notes): Principal 8', bourdon 8', viole 8', prestant 4', flûte douce 4', octavin 2', plein-jeu, trompette 8'.
Pédale (27 marches): Soubasse 16'.
Le périodique religieux de la Tunisie l'a parfois évoqué, ainsi que son organiste :
Comme chaque année, grande fête le 4 février. Belle audition d'orgue par cet exquis «grégorien» qu'est le Dr Vaquier, chants variés et conférence sur un sujet. («Et la Mauresque convertie»?» in: La Tunisie Catholique, 1923, p.41)
Ici encore:
M. L'abbé Sibille, ordonné la veille à Carthage, a célébré sa première messe à N.-D du Rosaire, le 30 juin, à 6 heures du matin. L'orgue fait entendre ses airs des grands jours et malgré l'heure matinale, les Enfants de Marie ont tenu à venir rehausser de leurs pieux cantiques l'éclat de la cérémonie. («Première messe» in: La Tunisie catholique, 6 juillet 1924, p. 550).
En 1927, Yves Lejus fut nommé organiste et maître de chapelle et ne tarda guère à souhaiter une amélioration de l'instrumentqu'il dota d'un ventilateur neuf en 1935 et d'un second clavier bricolé à partir d'un vieil harmonium.
En 1947, le facteur Renevier, qui fut harmoniste de la Maison Ruche de Lyon avant de s'établir à Casablanca, effectua quelques travaux sur l'orgue et en profita pour placer une trompette achetée à son ancien patron. Les Etablissements Ruche furent ensuite sollicités en vue de la construction d'un nouvel instrument de 17 jeux sur deux claviers en transmission électrique. On n'en connaît malheureusement pas la composition ni la destinée.
Tout au plus, pouvons-nous mentionner un article évoquant l'inauguration de l'instrument :
Antoine Rigo, né le 5 janvier 1889 à Bournabat (Turquie), décédé le 23 mai 1952 à Tunis, naturalisé Français en 1928, organiste et compositeur.
(La Tunisie catholique, 1932, p. 244) DR.
« La bénédiction des orgues de Notre-Dame-du-Rosaire
Une belle cérémonie s'est déroulée hier après-midi à l'occasion de la bénédiction des grandes orgues de l'église Notre-Dame du Rosaire.
Après que les choeurs de la Maîtrise de l'Institution Perret de la Marsa eurent fait entendre « Sacerdos et Pontifex » et « L'Immensité du firmament » avec beaucoup de talent, Mgr Cassou, curé de l'église Saint-Joseph prononça l'allocution de circonstance.
SE Mgr Gounot, Archevêque de Carthage, procéda à la bénédiction des orgues.
Yves Lejus, organiste de N.-D. du Rosaire, Maître de Chapelle, lit en tendre plusieurs morceaux parfaite ment interprétés, accompagnes par des chœurs. Après le Salut solennel du T.S. Sacrement, la Maîtrise de l'Institution Perret chanta à quatre voix le Psaume 150 de César Franck. La cérémonie, laquelle assistait une feule considérable, a pris fin avec la « Toccata » de la Suite Gothique de L. Boëllmann. »
(Tunisie-France, 20 juin 1949, p. 2)
L'église du Sacré-Coeur de Tunis, construite en 1899, était dotée d'un orgue posé en 1950. Voici un compte rendu de l'inauguration :
« Sainte Cécile, deux fois martyre :
On sait qu'un récital de musique sacrée a eu lieu dimanche dernier à l'occasion de l'inauguration des orgues de l'Eglise du Sacré-Cœur, à Bab-EI-Khadra. A cette pieuse manifestation, on exécuta diverses œuvres, dont certaines contemporaines, et M. Henri Milan eut l'occasion de mettre en valeur son beau talent multiforme de musicien
Une oeuvre du maître Rigo, organiste de la Cathédrale, figurait au programme, à savoir, un cantique en l'honneur de Sainte Cécile, patronne des musiciens, sur des paroles de M. Bernard.
La partition complète se trouvant en France pour y être imprimée, M. Antoine Rigo se récusa, faisant ressortir qu'avec une simple partie de chant et une de violon, il n'était pas possible d’exécuter l'hymne considéré.
C'est en l'absence de l'auteur, en définitive, que Sainte Cécile fut glorifiée au Sacré-Cœur, une brave religieuse tenant l'harmonium, et s’efforçant de reconstituer les harmonies défaillantes. Martyre une seconde fois, en quelque sorte. »
(Tunisie-France, 24 novembre 1950, p. 2)
Avant l'installation d'un orgue, c'est un harmonium qui accompagnait la chorale du Sacré-Coeur de Tunis et ses solistes dans des programmes musicaux variés, comme nous l'indique ce Programme de la Fête de la Charité de 1932 :
Marche-Entrée, XVIIe siècle, de Lulli (quatuor: violons, violoncelles, contrebasses, orgue) […]
Cantate à la Vierge immaculée, de Vidal (voix de jeunes filles et orgue)
Chanson à bercer de Fl. Schmidt (quatuor: violons, violoncelles, contrebasses, orgue) […]
Prière du soir, de Gounod (choeur et quatuor: violons, violoncelles, contrebasses, orgue) […]
Larghetto de Dodement (quintette: violons, violoncelles, contrebasses, orgue) […]
Pater Noster, de Niedermeyer (choeur, soli et orgue) […]
Tu es Petrus (prière pour le pape), de De La Tombelle (choeur et orgue) […]
Sortie (XVIIIè siècle), de Glück (quatuor: violons, violoncelles, contrebasses et orgue).
(«Paroisse du Sacré-Coeur» in: La Tunisie catholique, n°43, 4 décembre 1932, p. 695-696).
Dans l'église Saint-Joseph de Tunis un orgue Merklin-et-Kühn a été inauguré par Paule Maxence au cours du mois d'avril 1950. Un article du journal Tunisie-France (25 avril 1950, p. 2) évoque un "petit orgue où chantent délicieusement le cor de nuit et la voix céleste". S'agirait-il de l'orgue actuellement démonté qui se trouve dans la chapelle des Sœurs franciscaines de Tunis ?
Dans l'ancienne église Notre-Dame-de-France de Bizerte, construite entre 1900 et 1905, un orgue Mutin-Cavaillé-Coll avait été posé comme en témoigne l'inventaire de 1923 (op. cit, p. 28): «Bizerte – Grand Orgue». Le nom de l'ancien organiste est connu, il s'agissait de M. H. Nacry. Cet instrument avait été construit en 1908 et harmonisé par Jean Perroux (cf. Allocution de Marcel Dupré à l'occasion de la remise de la croix de chevalier de la Légion d'honneur à M. Jean Perroux le 21 février 1953, p. 9). L'église a été presque entièrement détruite par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale et sa reconstruction a été terminée dans les années 1950. A l'orgue Mutin détruit succède un instrument de 15 jeux et mille tuyaux inauguré le 14 avril 1957. La nouvelle église, cédée au gouvernement tunisien en 1964, abrite la Maison de la culture et il n'y a plus de trace de l'orgue.
Ancienne église de Bizerte
( coll. O. Geoffroy ) DR
Il y avait peut-être un orgue dans l'église Sainte-Thérèse-de-l'Enfant-Jésus de Ferryville (cette ville porte aujourd'hui le nom de Menzel Bourguiba) dont la construction remontait à 1893 et qui fut agrandie au cours du XXè siècle:
L'entrée dans le Saint Lieu s'effectue aux accords de la Marche Nuptiale de Mendelssohn, interprétée à l'orgue et au violon par deux talentueuses artistes: Mme Petter et Mme Isard.
(«Ferryville. Visite archiépiscopale. 1ère Communion et Confirmation» in: La Tunisie catholique, mai 1923, p. 409)
Un orgue se trouvait autrefois dans l'église Saint-Félix de Sousse, construite en 1919, mais on ne sait à quelle époque il a été démonté et l'église est aujourd'hui dépourvue d'instrument à tuyaux.
Dans la synagogue de Tunis (synagogue Or-Thora de La Hara ?) y a-t-il eu un orgue dans ce lieu de culte israélite ? On lit dans les Annales coloniales du 8 avril 1929 : « Un concert vocal accompagné d’orgue convia il y a quelques jours les personnes de toutes les confessions à une synagogue de Tunis. » Quoi qu’il en soit, lorsque le projet d’édification de la grande synagogue de Tunis (à partir de 1933) se concrétise, le souhait du Consistoire concernant l’installation d’un orgue est patent : « Raphaël Arditti l’exprime lucidement […] Son commentaire est assorti d’une liste d’éléments à réclamer : une sacristie, une salle pour les mariages, une bibliothèque et même un orgue ! Cet instrument, objet de discorde avec les orthodoxes en Europe, était devenu l’image même de la réforme, inspirée des chrétiens. » (Colette et Dominique Jarrassé, « La synagogue de Tunis, le patrimoine d’une communauté », in Information juive, octobre 2010, p. 12) La grande synagogue de Tunis, achevée en 1938, n’a, semble-t-il, pourtant jamais été dotée d’un orgue à tuyaux.
Plusieurs projets de constructions ou de restaurations d'orgues pour la Tunisie n'ont finalement jamais abouti. Le fonds documentaire relatif aux travaux du facteur Paul-Marie Koenig qui se trouve aux Archives nationales du monde du travail à Roubaix évoque le devis pour l'un de ceux-ci autour de l'année 1967 (154 AQ 35).
Quatre concerts d'orgue à la cathédrale de Tunis
« Ce soir récital d'orgue en hommage à Bach par André Marchal :
Le célèbre organiste aveugle André Marchal, de l'Église Saint-Eustache, que Tunis a déjà eu le privilège d'entendre sous l’égide des J.M.F., donnera ce soir à 18 h. 20 un récital d'orgue à la Cathédrale.
Cette manifestation, organisée par Radio-Tunis, fait partie d'un ensemble de récitals et concerts en commémoration du 2ème centenaire de la mort de J. Sébastien Bach. On entendra des Etudes de Noël, la 1ère Sonate, un triple Prélude en mi-bémol, dénommée la Sainte-Trinité, le Prélude en ré mineur, Fantaisie en sol mineur et un choral de De Profundis avec trombones.
Encore qu'annoncé tardivement, ce concert devrait attirer ce soir les amateurs de musique spirituelle et de Bach ainsi que les admirateurs du grand artiste qu'est André Marchal. »
(La Dépêche tunisienne, 11 décembre 1950, p. 2)
« Le récital d'orgue d'André Marchal à la cathédrale :
Il est cet organiste dont Tunis avait gardé un souvenir inoubliable à la suite d'un remarquable concert spirituel organisé par les J.M.F. à la Cathédrale. Sa participation à l'hommage que Tunis veut rendre cette année à la mémoire de Jean-Sébastien Bach, grâce à l’initiative de la Radiodiffusion Française, pour le 2ème centenaire de la mort du génial compositeur, est un événement musical qu'on eût seulement souhaité voire annoncé huit jours avant pour permettre à plus d'admirateurs de l'interprète comme de l'auteur d'y assister.
Le programme du récital d'orgue d'hier à la Cathédrale autant que le célèbre organiste aveugle de Saint-Eustache auraient, en effet, attiré un plus vaste auditoire. Mais l'impression produite sur les assistants n'en a pas moins été profonde.
André Marchai a joué avec ce visage inspiré qu’on ne peut oublier quand on l'a vu une fois et qui a vraiment l'air d'être illuminé par une sorte de vision intérieure. Il mit toutes les ressources de son art, sa maîtrise technique unie aux élans de son âme, pour rendre toute la beauté de Bach. A l'orgue, les grandioses Prélude et fugue en mi mineur, et Toccata et fugue en ré mineur, dix chorals pour le temps de Noël, la première Sonate en forme de trio en mi bémol, la Fantaisie et fugue en sol mineur, le triple Prélude et fugue en mi bémol et deux chorals d'une motivante grandeur : « O homme pleure sur tes péchés » et « De profundis ».
N'est-il pas juste en sortant d’un aussi émouvant concert spirituel de penser que si 1950 est l'année sainte de la Catholicité, elle est aussi celle de la musique qui est dominée tout entière par un sentiment de ferveur universelle envers celui qui demeure son Dieu ? »
(La Dépêche tunisienne, 13 décembre 1950, p. 2)
« LE RECITAL D’ORGUE DE CE SOIR : Il est bon de préciser, au sujet du magnifique récital d’orgue que donnera ce soir à la Cathédrale Paul Franck au profit du patronage Saint-Vincent de Paul, que le programme a fait l’objet d’une édition particulièrement soignée avec reproduction de l’orgue de la Cathédrale de Chartres et un aperçu sur l’orgue par Paul Franck. »
(Tunis-Soir, 20 décembre 1951, p. 2)
« LE RECITAL D’ORGUE :
M. Paul Franck a donné hier soir à la Cathédrale, au profit du patronage Saint-Vincent de Paul, un magnifique concert d'orgue.
L'excellent organiste a interprété avec une grande sensibilité des œuvres de Haendel, Bach, Franck, Vierne, d'Aquin, Guilmant, Clairambault et des Noëls très émouvants.
Ce fut une très belle manifestation d'art sacré. »
(Tunis-Soir, 21 décembre 1951, p. 2)
« LE RECITAL D’ORGUE : C’est ce soir, à 18 heures, qu’aura lieu, à la Cathédrale, le récital d’orgue du Comte de Saint-Martin, titulaire des Grandes Orgues de Notre-Dame de Paris, au profit de la restauration de la Cathédrale de Tunis. Le grand organiste fera entendre des œuvres de Bach, Haendel, Vierne, Daquin, Corelli et une pièce de lui. »
(Tunis-Soir, 10 décembre 1952, p. 2)
« LE RECITAL D’ORGUE A LA CATHEDRALE :
Le Comte Léonce de Saint-Martin, titulaire des grandes orgues de Notre-Dame de Paris, a obtenu hier un légitime succès pour son récital d’orgue à la Cathédrale de Tunis.
Le grand artiste a fait entendre un hommage très romantique de Liszt à Bach, deux chorals et toccata et fugue en ré mineur de J.-S. Bach, un concerto plus profane que sacré de Haendel, deux Noëls de Daquin et Corelli d’une ferveur touchante, le Carillon de Westminster de Vierne (qui fut le maître de Léonce de Saint-Martin).
Quant à l’exécutant, dont le talent est solide et prenant, il a bien voulu ajouter au programme deux œuvres de lui très dignes de considération : Toccata de la Libération et paraphrase du Psaume 136, deux pièces qui lui font vraiment honneur. »
(Tunis-Soir, 11 décembre 1952, p. 2)
« LE RECITAL D’ORGUE DE CE SOIR : C'est ce soir, à 18 h. 30 que la jeune virtuose de l’orgue, Jeanne Marguillard, titulaire des orgues de Sainte-Madeleine à Besançon, donnera son récital d’orgue à la Cathédrale avec le concours de Mlles Boureille et Chauland, violoncelliste et violoniste de Radio-Tunis »
(Tunis-Soir, 10 décembre 1953, p. 2)
« LE RECITAL D’ORGUE : Mlle Jeanne Marguillard, jeune organiste élève de Vienne, donnait hier un récital au profit des œuvres de la Cathédrale et avec le concours de Mlles Chauland et Boureille, violoniste et violoncelliste de Radio-Tunis. Récital d’orgue d’une très belle exécution et d’un haut intérêt, car sortant du cadre des programmes uniquement classiques pour faire entendre aussi l’extraordinaire Crucifixion de Dupré et d’admirables pages d’Olivier Messiaen, entre autres. »
(Tunis-Soir, 11 décembre 1953, p. 2)
Olivier Geoffroy
(mises à jour: décembre 2022, mars 2023, octobre 2024)