Joseph OURY
(1852-1949)



Joseph Oury à la console de l'ancien orgue de la cathédrale de Toul
(in Le Pays lorrain, n° 1 de 1965) DR.
Ancien orgue de la cathédrale de Toul
(carte postale ancienne, phototype A. Bergeret & Cie, Nancy) DR.

Organiste de la cathédrale de Toul durant soixante-deux ans, Joseph Oury fut un musicien très actif tant dans le domaine de la pédagogie que dans ses publications et compositions.

Gloire à la Vierge Lorraine, cantate populaire composée par Joseph Oury
Gloire à la Vierge Lorraine, cantate populaire composée par Joseph Oury (poésie d'Ernest Capitan) à l'occassion de la Béatification de Jeanne d'Arc par Pie X en 1909, Reims, E. Mennesson éditeur
( coll. O. Geoffroy )

Joseph Marie Oury est né le 27 mars 1852 à Tréveray, dans le canton de Gondrecourt en Meuse. Alexandre, son père est instituteur et musicien. Selon la tradition, c’est lui qui tient l’harmonium de l’église paroissiale. Joseph est le dernier de huit enfants. Son frère jumeau décède à quelques mois. Issu d’une famille chrétienne, Joseph se passionne dès son plus jeune âge pour la musique religieuse. A la mort de son père, il est envoyé chez un oncle, Alison, frère des Ecole Chrétiennes. Il est alors âgé de huit ans. Après ses études secondaires à Caen, il entre à l’Université et se lie d’amitié avec Pierre Daru, fils du ministre. Il rencontre l’impératrice Eugénie et Napoléon III. Durant la guerre de 1870, il accomplit son service comme secrétaire d’un officier. Parlant allemand, anglais, italien, lisant à livre ouvert latin, grec et hébreux, Joseph Oury n’aura de cesse d’approfondir ses connaissances en tous domaines, particulièrement en philosophie, théologie, sciences, mathématiques et histoire.

Il enseigne durant quelque temps au Havre en tant que frère de Saint-Jean-Baptiste-de-la-Salle mais renonce à la vie religieuse et se marie avec Lucie Jeanjean, jeune veuve qui lui donne un fils, Alexandre, qui ne survivra pas. Le couple s’installe à Paris. Joseph Oury y rencontre Camille Saint-Saëns (dont il se prévaudra d’être le disciple), César Franck, Vincent d’Indy, Charles Bordes et Dom Pothier. Ce dernier le mettra en contact avec les subtilités du chant grégorien. Oury rédigera d’ailleurs par la suite un manuscrit de 147 pages sur la musique grégorienne.

On lui avait promis une place d’organiste dans la capitale mais elle se fait attendre. Lors d’une rencontre fortuite avec le facteur d’orgue Jacquot, il apprend que la tribune de la cathédrale de Toul est vacante, à la suite du départ de Wackenthaler. Il se présente aux chanoines, joue plusieurs pièces de Jean-Sébastien Bach et est nommé à l’unanimité. L’orgue Dupont de 1751-54 avait connu quelques restaurations (1841, 1872). Mais sous sa direction, une reconstruction partielle par Jean Blési, facteur suisse, lui permit de bénéficier de l’apport d’un grand récit expressif. Le facteur Edmond-Alexandre Roethinger de Strasbourg redonna une seconde jeunesse à l’instrument en 1935 avant que le bombardement du 20 juin 1940 ne fasse taire à tout jamais l’orgue de 52 jeux. Ce n’est que bien plus tard, en 1963, que le facteur Schwenkedel reconstruisit un instrument neuf de 63 jeux dont le titulaire fut Robert Antoine. Joseph Oury vouait une passion immodérée à son orgue : " Mon orgue est splendide... j’ai pleuré d’émotion ! " écrit-il le 30 octobre 1935.

Marche nuptiale, Joseph Oury
Marche nuptiale (fragment) de Joseph Oury
( coll. O. Geoffroy )

Voici la composition de cet instrument durant le titulariat de Joseph Oury [Christian Lutz, Inventaire des orgues de Lorraine, Meurthe-et-Moselle, Metz, Serpenoise, 1990, p. 417-418] :

Positif de dos : Montre 8, Bourdon 8, flûte à cheminée 8, gambe 8, prestant 4, flûte 4, quinte 2 2/3, doublette 2, cornet 5 rangs, fourniture 3 rangs, trompette 8, clairon 4.

Grand-orgue : Montre 16, bourdon 16, montre 8, bourdon 8, flûte à cheminée 8, flûte harmonique 8, salicional 8, prestant 4, flûte 4, quinte 2 2/3, doublette 2, octave 2, cornet 5 rangs, fourniture 4-5 rangs, cymbale 3-4 rangs, bombarde 16, trompette forte 8, trompette 8, clairon 4.

Récit expressif : Montre-violon 8, bourdon 8, flûte traversière 8, gambe 8, voix céleste 8, bourdon-flûte 4, piccolo 2, trompette harmonique 8, cromorne 8, voix humaine 8. [pas de basson-hautbois !]

Pédale : Flûte 16, soubasse 16, grosse quinte 10 2/3, flûte 8, violoncelle 8, flûte 4, bombarde 16, trompette 8, clairon 4.

Le grand-orgue possédait une machine Barker et l’expression du récit dissociait les fonds et les anches (comprenant le piccolo 2). Les claviers avaient 54 notes et le pédalier 25 marches.

Son épouse meurt en 1905. Il se remarie un an plus tard avec Mlle Alix Poitout, ancienne précéptrice de familles aristocratiques. Le couple voyage beaucoup : Allemagne, Autriche, Italie, Suisse, Angleterre, Hollande et Belgique. Lorsque sa seconde épouse décède en 1921, il entre au Tiers-Ordre dominicain. Le 27 août 1927, il reçoit la médaille Pro Ecclesia et Pontifice. Il eut de nombreuses élèves parmi les filles de militaires en garnison à Toul. Ses leçons de piano étaient réputées et l’on se pressait aux auditions qu’il préparait chaque année. Il ouvre un cours de musique d’ensemble en 1888, dirige la Société Sainte-Cécile ainsi que la chorale de la cathédrale, passant du grand-orgue à l’orgue de choeur selon les besoins au cours de la messe. Il expertise et inaugure des orgues neufs (dont l'orgue Didier-Van-Caster de l'église Notre-Dame-de-Bonsecours à Nancy en 1896 et celui de Gondreville dans la Meurthe-et-Moselle- Roethinger, facteur apprécié par Joseph Oury - en 1939).

Joseph Oury décède dans la nuit du 3 août 1949. Sur sa tombe, au cimetière de Toul, on peut lire ces mots : " Je me lèverai et j’irai à mon Père. Je crois, j’aime, j’espère ".

Comme compositeur, il a produit de nombreuses œuvres dont la plupart, manuscrites, ont péri à la tribune en 1940. Cependant, quelques feuillets sont conservés au Musée Lorrain de Nancy parmi lesquels on trouve une Marche triomphale, Entrée pontificale, un opéra Hélène, Missa brevis en ut majeur, Offertoire sur des noëls polonais, Fantaisie romantique, Marche nuptiale, Ave Maria, De profundis etc. Des articles musicologiques ont également été publiés dans diverses revues.

D’autre part, un cahier de pièces pour piano, Gérardmer-album, est paru chez Jacquot, éditeur installé rue Gambetta à Nancy. Musique descriptive figurant selon les heures du jour l’atmosphère du lac des Vosges qu’il appréciait particulièrement.

Olivier Geoffroy



Joseph Oury, revue de presse

 

 

« Toul : Dimanche à quatre heures et demie du soir, dans la salle des réunions à l'hôtel de ville, le cours de musique d'ensemble organisé à Toul sous la direction de M. Oury, professeur de musique, a donné, devant un public nombreux et choisi, une audition qui a eu un plein succès.

Depuis la dernière audition, cette réunion de musiciens s'est augmentée, et maintenant elle forme un orchestre qui peut aborder la musique des grands maîtres. Conformément au but que se sont proposés les amateurs qui le composent, la musique sérieuse et classique y est seule admise. […] — Le Lac, tiré de Gérardmer-Album, oeuvre de M. Oury et arrangée pour orchestre par l'auteur, a été appréciée par l'auditoire dont les nombreux applaudissements s'adressaient plus encore à l'habile compositeur qu'aux musiciens qui rendaient avec tant d'art l'oeuvre de leur directeur. »

(L'Est Républicain, 8 août 1890, p. 2)

 

« C’était le jour où la grande voix du bourdon prélude aux chants liturgiques et aux beautés de l’art musical. Sans aucun doute, prêtres et fidèles, nous restons la plupart étrangers aux secrets de l’arpège et du solfège.

Cependant, en ce jour, j’ai fait comme tout le monde, j’ai goûté et admiré. « Au clavier, M. Oury, l'habile organiste de la cathédrale de Toul...

On exécute une messe de M. Oury : la fin du kyrie, surtout, nous frappe singulièrement par son ton accentué de supplication ; fort brillant le début du Gloria ; brillant aussi, mais plus majestueux, le Sanctus... quant au Salve Regina, c’est un petit chef d’œuvre. « Que vous dire encore ? Venez plutôt, venez entendre par vous-même, l’an prochain, s’il plaît à Dieu... »

(La Semaine religieuse de Saint-Dié, Année 1891. p. 735 et 736)

 

« Toul : Dimanche 24 novembre à onze heures du matin, la société Sainte-Cécile, avec le concours du cours de musique d'ensemble, a chanté, sous la direction de M. Oury, une messe solennelle à la Cathédrale, à l'occasion de sa fête patronale. Un Kyrie et un Gloria, avec accompagnement d'orchestre, de la composition de M. Oury, ont produit un joli effet. Le succès de ces deux oeuvres fait le plus grand honneur à la Société et à son habile directeur qui en était le compositeur.

Plusieurs choeurs de Palestrina et un solo de baryton avec accompagnement de violon et orgue, ont été aussi très appréciés. Le Domine salvam fac rempublicam, chanté en faux bourdon avec accompagnement de l'orchestre, a dignement terminé cette belle cérémonie. Pendant la sortie, M. Oury a joué au grand orgue un morceau du plus brillant effet. »

(L'Est Républicain, 27 novembre 1895, p. 2)

 

« Toul. — On nous écrit : « Dimanche dernier eut lieu à la cathédrale de Toul une magnifique fête de Sainte-Cécile.

La société Sainte-Cécile et le cours de musique s’étaient réunis pour la circonstance et nous avons entendu, admirablement exécuté par plus de cent exécutants, le Kyrie et le Gloria d’une Messe solennelle de M. Oury, organiste de la cathédrale qui dirigeait lui-même l’exécution ; des chœurs de Palestrina et diverses autres pièces aussi savantes que religieuses.

L'impression est profonde ; la Messe de M. Oury est un chef -d’œuvre qui sous ces voûtes gothiques a pris une colossale ampleur et ému la foule compacte qui remplissait la cathédrale, foule si recueillie qu’à l’extrémité de la nef nous entendions les plus fines nuances de l’orchestre et des solistes.

Les chœurs de Palestrina, chantés sans accompagnement par 80 voix d’hommes et dames, ont aussi produit l'impression accoutumée et ce succès va sans doute activer encore les progrès de cette société chrétienne de Sainte-Cécile. »

(L'Ami du peuple, 1er décembre 1895, p. 191)

 

« La Société Sainte-Cécile de Toul a célébré dimanche dernier, sa fête patronale, sous la présidence d'honneur de M. le E chanoine Eloy, archiprêtre, par l'exécution, à la cathédrale, d'une fort belle messe en musique. [...] L'exécution a d'ailleurs été de tous points parfaite ; l'éloge du savant et habile directeur de la Société, M. Oury n'est du reste plus à faire. Cet excellent musicien avait eu, à cette occasion, l'heureuse idée de composer et de faire exécuter par ses artistes un motet : Deus meus, écrit dans le mode hypo-dorien sur un thème grégorien. L'oeuvre est de belle venue et la fin surtout présente une grande ampleur. »

(L'Est Républicain, 5 décembre 1900, p. 2)

 

« M. J. Oury, organiste de la Cathédrale de Toul, vient de composer une cantate populaire : Gloire à Jeanne d'Arc, à l'occasion de la béatification de la Vierge lorraine. Notre compatriote a eu pour collaborateur le poète E. Capitain. La cantate Gloire à Jeanne d'Arc est en vente chez M. Jacquot, luthier à Nancy. »

(L'Est Républicain, 17 avril 1909, p. 2)

 

« M. Joseph Oury, meusien par son origine, bien connu dans notre diocèse, a été décoré de la croix Pro Pontifice et Ecclesia, à la demande de Mgr l’Evêque de Nancy pour ses noces d’or d’organiste à Toul et pour son fécond apostolat musical et grégorien. Nous l’en félicitons. »

(La Semaine religieuse de Verdun, 14 décembre 1927, p. 351)

 

Collecte : Olivier Geoffroy

(décembre 2022)

 


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