Jean ROMANETTE
(1905 – 1935)
Jean Romanette
( coll. D.H.M. )
Mort à l'âge de 30 ans, ce brillant Polytechnicien dont la destinée a été tragiquement interrompue a laissé une oeuvre musicale découverte par sa mère au moment de sa disparition. Une vingtaine de ses compositions fut éditée à l'époque chez Eschig mais seule une page pour orgue, Mater Carissima (op. 39), figure encore de nos jours à son catalogue (ESCHG03184), les autres étant tombées dans l'oubli. Né à Paris VIe le 1er septembre 1905, il était fils de Fernand Romanette et d'Irmine Boyer. Son père, né à Saint-Pierre le 24 juin 1880, avait fait carrière dans l'enseignement à Fort-de-France : instituteur au Lycée, puis à l'Ecole normale d'instituteurs de la Martinique, avant d'être nommé par arrêté du 28 juillet 1921 professeur de lettres au Cours normal annexé au Lycée Schoelcher. Quant à sa mère, née à Fort-de-France le 24 décembre 1875, elle enseignait également, en tant qu'institutrice. Lieutenant à l'Ecole supérieure technique de l'artillerie, domicilié chez ses parents 3 rue Debrousse à Paris XVIe, il mourut célibataire le 10 août 1935 à l'hôpital militaire de Percy à Clamart (Hauts-de-Seine).
Son nom même est ignoré des dictionnaires de musique et autres ouvrages spécialisés. Et pourtant, son oeuvre n'est pas sans valeur, de l'avis même du lauréat du Prix de Rome Edouard Mignan qui dans les années trente s'était préoccupé de la mettre en ordre, de la diffuser et de la faire jouer. Lui-même, pianiste et organiste réputé, interprétait volontiers au concert des pièces de son jeune protégé, notamment Evanescence (piano) et Teneramente pour violon (Regina Guillemot) et piano à la Galerie Revillon de la rue de la Boétie le 30 décembre 1936, Sérénade pour chant (Marthe Bailloux) et piano retransmis au Poste national de Radio P.T.T. le 5 janvier 1938, Mater Carissima pour orgue à l'église de la Madeleine les 6 février et 20 novembre 1938, Les Camées dans la coupe de jade, Evanescence, Ombre et lumière (piano), Appasionato pour violon (Lucien Schwartz) et piano, ainsi que Scène Sylvestre et Intermezzetto pour piano et danse à la Salle des Centraux de la rue Jean-Goujon à Paris le 19 mars 1938... De grands artistes prêtaient alors volontiers leur concours : la violoncelliste Reine Flachot (Concerts Colonne), le violoniste Lucien Schwartz (soliste des Grands Concerts Colonne et Lamoureux), l'organiste Guy Lambert, la pianiste Renée Naudin, la cantatrice Marthe Bailloux. Sa famille et ses amis fondèrent une "Société Jean Romanette" qui s'occupa notamment de publier certaines oeuvres non encore éditées par Eschig (Paris). Le sculpteur Georges Guiraud et le fondeur attitré de Rodin Alexis Rudier édifièrent un buste en bronze qui fut placé sur sa tombe au cimetière de Clamart (Hauts-de-Seine) quelques années après sa mort par ses amis, camarades et admirateurs. Le représentant en costume de lieutenant d'artillerie, avec képi, il est posé sur un support en granite sur lequel est gravé un flambeau, l'ensemble du monument étant inscrit à l'Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France (1995, IM92001397)... Complètement retombée dans l'oubli, l'œuvre de Jean Romanette mérite grandement d'être aujourd'hui sortie de la nuit dans laquelle elle a été injustement plongée et si ces lignes peuvent donner l'envie à un musicien de jouer "du Romanette" notre but aura été atteint.
La documentation, parmi laquelle se trouvent les deux notices publiées ci-après, provient en grande partie des archives du chef d'orchestre belge Robert Ledent. Aimablement communiquée par son fils et M. Claude-Pascal Perna, elle lui avait été adressée le 13 octobre 1938 par la mère du musicien. Celle-ci, Irmine Romanette, directrice de la revue mensuelle "Le Trésor du siècle", 3 rue Debrousse à Paris XVIe, auteur du roman Sonson de la Martinique (Paris, Société française d'éditions littéraires et techniques, 1932), d'un recueil de Sonates, poésies... (Paris, Jouve, 1950), d'un ouvrage sur La Martinique sous le pseudonyme d'Yves Miramant (supplément illustré du "Courrier colonial", 10 novembre 1929) et d'études sur L'Enseignement secondaire des jeunes filles à la Martinique ("Revue universitaire", 15 mars 1925 et A. Colin, 1927) et sur Le Kurdistan et la question kurde (Paris, Librairie Marceau, collection "Trésor du siècle", 1938), s'était en effet occupée très activement de diffuser l'œuvre de son fils.
Ces lignes, écrites en 1936 par Edouard Mignan et en 1937 par le général Alvin, sont suivies d'un catalogue et de la lettre manuscrite de 1938 d'Irmine Romanette à Robert Ledent.
D.H.M.
(Septembre 2006 / juin 2020)
30 décembre 1936, Galerie Révillon, 44 rue de la Boétie à Paris, oeuvres de Jean Romanette ( coll. D.H.M. ) |
19 mars 1938, Salle des Centraux, 8 rue Jean-Goujon à Paris, festival d'œuvres de Jean Romanette, sous la présidence du Baron de Fontenay, membre et ancien président du Conseil municipal de Paris ( coll. D.H.M. ) |
Jean ROMANETTE
(1905 – 1935)
Lieutenant d'artillerie et compositeur de musique
Le Lieutenant-Ingénieur, Jean Romanette, ancien élève de l'Ecole Polytechnique, décédé en service le 10 août 1935, après une tournée d'Inspection des Usines du Centre avec l'Ecole Supérieure des Fabrications d'Armements, a laissé dans ses cartons une œuvre importante de compositions musicales.
Artiste né, ce jeune lieutenant, virtuose du violon, qui eut pour professeur de violon, les Dubruille, père et fils, du Conservatoire, pour professeur d'harmonie et de piano, le Maître Bellenot, organiste du grand-orgue de Saint-Sulpice, aimait passionnément la musique. Son œuvre découverte par sa mère, Mme Irmine Romanette, la directrice de la revue Le Trésor du Siècle, a révélé une nature de compositeur des plus distinguées, des plus attachantes, dans laquelle, les idées, d'un choix tout aristocratique, revêtent une originalité d'ensemble particulière : originalité mélodique où les courbes sont d'un dessin recherché et rare ; originalité rythmique où les éléments syncopés et l'emploi des mesures exceptionnelles accusent le désir de l'auteur de se créer "une manière" absolument personnelle, en évitant à tout prix des procédés qui pourraient être entachés de la plus petite banalité.
Qu'il s'inspire de La Légende des Eaux, de la Chanson Franciscaine, de la Pavane, ou de la Fantaisie romantique, partout se retrouve ce souci, qui est l'apanage d'une âme d'élite, de ne s'exprimer qu'avec la plus élégante, mais aussi la plus noble sincérité.
Quand on pense que cette belle œuvre est datée de 1923-1925-1927, alors que; Jean Romanette était élève en mathématique spéciales au Lycée Janson-de-Saillv, on ne peut que regretter que l'entrée à l'Ecole Polytechnique ait arrêté le souffle puissant et fécond d'un artiste si richement doué!
La première audition d'un choix de ses oeuvres sera donnée au Concert de l'Exposition des Céramiques Lachenal, à la Galerie Révillon, 44, rue La Boétie, le mercredi 30 décembre [1936] à quatre heures et demie.
Nul doute que ces oeuvres, que j'ai l'honneur de mettre à jour, ne soient appréciées comme elles le méritent, c'est-à-dire avec le plus vif intérêt, auquel se joindra l'émotion la plus profonde que suscitera le souvenir de ce jeune compositeur, hélas ! si prématurément disparu !
Edouard Mignan,
Grand Prix de Rome
Organiste du grand orgue de la Madeleine¤¤¤
15 mai 1938 à 11h45, église Saint-Laurent à Paris, récital d'orgue par Guy Lambert (oeuvres de Dumage, Romanette et Dallier) - à 17h, Salon de l'Institut d'Auteuil, 28 rue La Fontaine à Paris, 3ème concert des oeuvres de Jean Romanette, sous la présidence de Gabriel Timmory, président d'honneur et fondateur de la Société des Orateurs et Conférenciers ( coll. D.H.M. ) |
20 novembre 1938, église de la Madeleine à Paris, récital d'orgue par Edouard Mignan (oeuvres de Mendelssohn, J.S. Bach, Romanette et Widor) - 4 décembre 1938, église Saint-Laurent à Paris, récital d'orgue par Guy Lambert (oeuvres de Vierne, Koechlin, Romanette et de Saint-Martin) ( coll. D.H.M. ) |
Il y a dix ans [en 1927], entrait à l'Ecole Polytechnique avec le numéro 8, un jeune Martiniquais, nommé Jean Romanette, qui semblait appelé à une brillante destinée. Reçu en même temps à l'Ecole normale supérieure (Sciences), et à l'Ecole Polytechnique, il avait opté pour cette dernière.
Artiste-né, Jean Romanette était aussi un virtuose du violon que lui avait enseigné Dubruille du Conservatoire, et il avait eu comme professeur d'harmonie et de piano Bellenot, maître de chapelle de Saint-Sulpice et grand ami de Saint-Saëns. Etant élève de mathématiques spéciales au Lycée Janson-de-Sailly, il avait composé des œuvres musicales qu'il se plaisait à interpréter lui-même dans un cercle restreint d'artistes. Il aurait voulu embrasser la profession artistique, la science restant son " violon d'Ingres ", mais sa famille — son père est professeur et sa mère est femme de lettres — redoutant pour lui les aléas de cette carrière, le poussèrent à l'Ecole Polytechnique, qui passe pour assurer à ses enfants une existence dégagée des soucis matériels.
A l'Ecole, Jean Romanette fut un excellent élève, éminemment sympathique, nommé par acclamation et hors concours chef d'orchestre de la promo. Il composa la marche de Barbe 28 et choisit à la sortie l'arme de l'artillerie.
Il devait hélas! n'y servir que six ans; peu de temps après avoir suivi le cours de l'Ecole Supérieure d'armement, il fut enlevé brusquement, en 1935, à l'affection des siens et de ses nombreux amis par une maladie qui ne pardonne pas.
Son œuvre musicale découverte après sa mort par sa mère, Mme Irmine Romanette, la directrice de la revue Le Trésor du Siècle, a été mise en ordre par M. Edouard Mignan, Grand Prix de Rome, organiste du grand orgue de la Madeleine, qui en a présenté une sélection aux Postes nationaux. Paris P. T. T., Radio Paris, et Radio Colonial au début de l'année [1928]. M. Mignan a d'autre part, fait entendre deux fois en février, au grand orgue de la Madeleine, une "pièce ardente et silencieuse" intitulée Mater Carissima. Voici en quels termes, ce maître juge l'œuvre de notre camarade :
" Elle révèle une nature de compositeur des plus distinguées, des plus attachantes, dans laquelle les idées d'un choix tout aristocratique, revêtent une originalité d'ensemble particulière : originalité mélodique où les courbes sont d'un dessin recherché et rare ; originalité rythmique, où les éléments syncopés et l'emploi de mesures exceptionnelles accusent le désir de l'auteur de se créer une "manière" absolument personnelle, en évitant à tout prix des procédés qui pourraient être entachés de la plus petite banalité. Partout, dans son œuvre, se retrouve ce souci qui est l'apanage d'une âme d'élite de ne s'exprimer qu'avec la plus élégante, mais aussi la plus noble sincérité... "
Cimetière de Clamart (Haut-de-Seine), monument funéraire du lieutenant d'artillerie Jean Romanette ( photos Frédéric Tourneur, avec l'aimable autorisation de la Conservatrice du cimetière communal de la ville de Clamart ) |
Un Comité, présidé par M. Henry Lémery, sénateur de la Martinique, ancien Ministre, s'est constitué pour ériger un monument commémoratif sur la tombe de Jean Romanette à Clamart.
Général Pierre Alvin
ancien Commandant de l'Ecole Polytechnique
Paris, le 13 octobre 1938, lettre autographe signée d'Irmine Romanette au chef d'orchestre Robert Ledent
( coll. D.H.M. )
CATALOGUE CHRONOLOGIQUE DES OEUVRES
DE JEAN ROMANETTE
PENSEE D'ENFANT pour violon et piano, op. l (1919)
PASTORALE pour violon et piano (1920) op. 2
LES CAMEES DANS LA COUPE DE JADE pour piano, op. 3, Noël 1921, Eschig
REMENBRANCE pour violon et piano, op. 4 (1922)
FORLANE pour violon et piano, op. 5, 1922, Eschig
PAVANE pour violon et piano, op. 6, 1922, Eschig
TOCCATA pour piano, op. 7, Noël 1923, Eschig
LE TRIO DE MEMEE pour violon, flûte et piano, op. 8, 1923
1 – Mémée
2 – Aubade
3 – Sérénade à Mémée
4 – Si cette histoire vous amuse
5 – Mémée s'en va-t'au bal
6 – Mémée danse
PRELUDE n° 1 pour piano, op. 9, mars 1924, Eschig 1929
SONATE pour violon et piano, op. 10 (1924)
DUO pour violon et alto, op. 11 (1924)
CHANSON PASTORALE pour violon et piano, op. 12 (Noël (1924)
SERENADE pour chant. et piano, op. 13, 27 décembre 1924, poésie d'Hélène Lémery, Eschig
QUATUOR A CORDES op. 14, (30 décembre 1924)
LA LEGENDE DES EAUX pour violon et piano, sur un poème d'Irmine Romanette, op. 15 (janvier 1925)
CHANSON ANCIENNE pour violon et piano, op. 16 (1925)
APPASSIONATO pour violon et piano, op. 17, juillet 1925, Eschig
EVANESCENCE pour piano, op. 18, 27 décembre 1925, Eschig
IN DULCI JUBILO (transcription pour orgue par Guy-Lambert) op. 19
PRELUDE n° 2 pour piano, op 20, 30 décembre 1925, Eschig 1929
CANZONA pour violon et piano, op. 21, janvier 1926, Eschig
DANSES POUR UN SCENARIO DE 10 TABLEAUX, piano et orchestre (1926-1928) :
- THE LOVEST DANCE fox-trot pour piano, op. 22 (1926)
- SPRING TIMES fox-trot pour piano, op. 23 (1926)
- LITTLE PUCK charleston pour piano, op. 24 (1926)
- FOR LlLY'LOVE fox-trot pour piano, op. 25
- SOUVENIR DE NEBRASKA fox-trot pour piano, op. 26 (1926)
- MABEL fox-trot pour piano, op. 27 (1926)
- MADININA charleston pour piano, op. 32 (1928)
- TEE TEE AND TA TA fox-trot pour piano, op. 33 (1928)
- ROSANELLY charleston pour piano, op. 34 (1928)
- MITSOUKO one-step pour piano, op. 35 (1928)
FANTAISIE ROMANTIQUE pour violon et piano, op. 28 (1927)
ARIETTA pour violon et piano, op. 29 (1927)
PIECE EN TRIO pour basson, bugle, hautbois, op. 30 (1928)
RAPSODIE EN VERT pour violon solo, piano conducteur et orchestre, op. 31 (1928)
LA LEGENDE DU PETIT POUCET, ballet pantomime en 4 actes d'après le conte de Charles Perrault, pour violon solo, piano conducteur et orchestre, op. 36, 1929 (réduction pour piano éditée en 1949 par la "Société Jean Romanette")
I -SCENE SYLVESTRE pour piano, op. 36a, Eschig
II - INTERMEZZETTO pour piano, op. 36b, Eschig
III -NUEES ballet pour piano, op. 36c
1 - Brouillards.
2 -Une clarté perce et s'insère
3 -Evocation lente lunaire
4 -Esprits nocturnes dansants dans la lumière
REVÊRIE SICILIENNE pour violoncelle et piano, op. 37, 1929, Eschig
CHARMING pour violon et piano, op. 38, 1929, Eschig
MATER CARISSIMA pour orgue, avec registration d'Edouard Mignan, op. 39, Eschig, 1938
TENERAMENTE pour violon et piano, op. 40, 1929, Eschig
ANDANTE GRAVE pour violon et piano, op. 41 (1929)
OMBRE ET LUMIERE pour piano, op. 42, 1929, Eschig
REMINISCENCE pour violoncelle et piano, op. 43, 1930, Eschig
MATINALE pour 2 flûtes et piano, op. 44 (1930)
SERENADE AU MENNEKEN-PIS pour piano, op. 45 (1931)
VALSE pour violon solo, piano conducteur et orchestre, op. 46 (1931)
CHANSON FRANCISCAINE, pour chant et piano avec récit, poème d'Emile Vitta, op. 47, 1933, Eschig 1939
CLAIR MATIN D'ASSISE pour piano, op. 48 (1933)
ENDYMION a) Invocation, b) Allegro amabile, op. 49 (1933)
VOICI DES IRIS pour récit et piano, sur un poème d'Irmine Romanette, op. 50 (1934)
SOUPIR, lied pour chant, violon et piano, quatrain de Jean Romanette, op. 51 (1934)
SUR LA PLAGE pour chant et piano, poésie d'Irmine Romanette, op. 52 (1934)
TRIANON, suite d'orchestre : Cortège, Pastorale, Interlude, Divertissement, op. 54, Eschig 1952
HOMMAGE A SAINTE-BARBE pour orchestre (piano, 1er violon, 2ème violon, violoncelle, 1ère trompette, 2ème trompette, saxophone alto, saxophone ténor, contrebasse)
Denis Havard de la Montagne