Fernand de la Tombelle
(1854-1928)
Cette esquisse biographique commence par une devinette à laquelle il est bien difficile de répondre, j'en suis conscient ! La voici : quel rapport existe-t-il entre l'église de la Madeleine à Paris, le pâté de perdrix aux truffes de Périgueux, la poésie intitulée La Source chaude, Liszt, deux assassins guillotinés à Toulouse le 21 avril 1874, l'oratorio Les Sept Paroles du christ et le calcul d'une parallaxe stellaire? Une seule réponse possible : le baron Fernand de La Tombelle (1854-1928) !
Fernand de la Tombelle joueur de vielle
( coll. Mme Orsini ) DR
Ce poète, cet artiste, ce musicien excellent organiste ainsi que compositeur prolifique et recherché était en effet doublé d’un sculpteur raffiné et d’un astronome compétent. Mais en plus de tous ces dons que la nature lui avait offert, comme pour compenser ces cadeaux du ciel, elle lui envoya une terrible épreuve difficile à surmonter pour une âme si émotive au goût exquis, mais qui paradoxalement amplifia le tempérament affable de ce jeune homme alors âgé de 19 ans : l'assassinat dramatique de son père dans son château d’Ampouillac, un beau jour d’octobre 1873, par deux mécréants qui le tuèrent à coups de hache pour le voler, en tentant même de détruire par le feu toutes traces de leur forfaiture !
Fernand FOUANT de la TOMBELLE est né à Paris, le 3 août 1854, dans une maison de la rue de Tivoli, a présent rue d'Athènes, située non loin de l'église de la Sainte-Trinité tout juste achevée à l’époque. C'est son grand-père, François (1781-1861), inspecteur de l'enregistrement, qui avait été créé baron héréditaire par lettres patentes du 27 avril 1846. Les Fouant de la Tombelle sont originaires de la Thiérache et plus précisément de Laon où ils sont connus dès le XVIIème siècle. Fernand était le fils unique du baron Adolphe (1817-1873) et de Louise GUEYRAUD. Cette dernière, issue d'une vieille famille périgourdine, fut autrefois une brillante élève des deux plus grands pianistes de la Monarchie de juillet : Sigismund Thalberg et Franz Liszt. C’est elle qui fut le premier professeur de son fils qui, dès sept ans, interprétait avec sa mère les Sonatines de Haydn à quatre mains et, à neuf ans, jouait par cœur la première sonate de Beethoven. Ses dons incontestables pour la musique ne l'empêchèrent pas de se livrer également à d’autres études plus générales dans lesquelles il obtint là encore un vif succès en obtenant ses diplômes de littérature, sciences et droit. Alors âgé de dix-huit ans, devenu un excellent pianiste, il décidait de se consacrer entièrement à la musique et prit des cours particuliers de piano, orgue et harmonie auprès d'Alexandre Guilmant. Celui-ci venait d’obtenir la succession de Chauvet à l'église de la Trinité (1871). On sait qu'il forma également d'autres musiciens de grande valeur parmi lesquels Marcel Dupré et Nadia Boulanger. Parallèlement le baron de La Tombelle entrait au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, alors dirigé par Ambroise Thomas. Là, il fréquenta la classe d'harmonie du scolastique Théodore Dubois, qui le perfectionna également dans ses études de contrepoint, de fugue et de composition. En outre, il reçut d'utiles conseils de la part de Camille Saint-Saëns qui lui valurent d'obtenir de brillantes places dans toute une série de concours dont le Prix Chartier.
Ses premiers travaux de composition (mélodies, symphonies, trios, sonates et fantaisies) lui valent à deux reprises la médaille d'or du grand prix Pleyel. Devenu célèbre les organisateurs de concerts et de concours le réclament pour assurer les présidences, pour inaugurer des orgues ou encore pour diriger des orchestres. Il ne refuse jamais ! C'est ainsi qu'on le trouve un jour à Paris, le lendemain à Lille, un peu plus tard à Lyon puis à Bordeaux, Périgueux, Rouen ... Lors des concerts il n'hésite pas en outre à commenter lui-même les œuvres interprétées en livrant de magistrales études qui captivent le public, tel ce 17 mai 1896 dans la salle des Ouvriers catholiques du boulevard Montparnasse à Paris où Alexandre Guilmant, Vincent d'lndy et Charles Bordes se produisent dans la magnifique cantate de Bach "Dieu que j'aime" pour soli, chœur et orchestre. Après avoir savamment parlé de la musique grégorienne et palestrienne il déclare : "Après la musique de sanctuaire qui est le plain-chant, la musique de la maîtrise représentée par les motets en contrepoint vocal, il reste, pour compléter la symbolique Trinité musicale, la musique des fidèles, individuelle et en même temps collective, je veux parler des cantiques. Rien n'est rare comme un cantique digne de ce nom ..." On remarque ici en passant la haute conception que Fernand de La Tombelle se faisait de la musique religieuse.
Le baron est aussi un maître de l’orgue, mais trop pris par ses multiples tournées de concerts tant en Province qu’à l'étranger, à son grand regret il ne peut assurer en permanence toutes les présences obligatoires que réclame le titulariat d'une tribune d'orgue ! Cependant estimant ne pas devoir se priver de l'expérience irremplaçable qu'apporte le service de la liturgie, il s’efforcera de suppléer, durant de longues années, ses maîtres Théodore Dubois à la tribune de l'église de la Madeleine et Alexandre Guilmant à celle de la Trinité. Son activité dans ce domaine est là encore bien abondante. On le trouve par exemple un jour d'avril 1897 en train de donner un récital d'orgue à l'église Notre-Dame de Poitiers au cours duquel il interprète le Prélude et fugue en sol mineur de J-S.Bach, le Verset de P. de Bréville, la Prière d'Alkan-Franck, un Intermède de Guy Ropartz et un Andante et Pastorale ainsi que le Final de la Première sonate (toccata) dont il est l’auteur. Puis, un peu plus tard, lors de la fête annuelle de la Société régionale Poitevine d’Angoulême, le 24 février 1898, sa prestation lui vaut ce commentaire de Jean de Muris : "Le récital d'orgue de M. de la Tombelle attira une assistance considérable à la cathédrale. Le programme de ce récital ne fut pas facile à établir. vu l’état de l'instrument, qui laisse bien à désirer. M. de la Tombelle, sans être un sâr et sans se prétendre aucunement inspiré par les puissances occultes, se tira à son honneur de cette situation périlleuse. Le vieil instrument réserva à d'autres ses surprises et se désarma quelque peu sous les harmonies de Bach et du jeune maître qui firent tous les frais du programme, les prières de Mendelssohn, Franck et consorts, s'étant refusées à se prêter aux exigences de l’instrument." Quelques jours après, il inaugure l'orgue Cavaillé-Coll d'Azcoitia en Espagne où il remporte "un succès éclatant". Cette même année, au début du mois de juin, il s’apprête à exécuter un programme d'orgue des plus attrayants dans l'église du Saint-Cœur-de-Marie à Turin lorsqu’il apprend le décès de sa mère (le ler juin), il est remplacé in extremis par Charles Tournemire qui vient tout juste d'être nommé à la tribune de Sainte-Clotilde. L'année suivante, le 19 février, Fernand de La Tombelle est à Laon où il inaugure à la cathédrale l'orgue monumental (32 pieds) du facteur Didier, puis le 14 mars il donne une séance d'orgue à la cathédrale de Tarbes au cours de laquelle il interprète un programme des plus intéressants avec notamment le magistral Prélude en mi bémol de Bach et quelques pièces modernes jouées "dans un style parfait avec la sûreté qui lui est coutumière." La veille, il dirigeait lui-même, au Théâtre de Toulouse, plusieurs de ses œuvres orchestrales parmi lesquelles la "Légende" et le "Cortège nuptial" qui furent vivement applaudis. Le 16 mars, à nouveau aux claviers, il est cette fois à l'église de Notre-Dame-du-Taur (Toulouse) où on l'entend dans la Sonate de Lemmens et la Marche Funèbre de Guilmant. "Ce dernier morceau, d'une si brillance virtuosité et aux timbres si imprévus, a particulièrement ravi l'auditoire très nombreux qui avait déjà applaudi M. de la Tombelle au concert de la Tolosa. où il dirigeait ses œuvres à l'orchestre." note G. de Boisjolin. En août, il donne un récital d’orgue à l'église Sainte-Croix de Provins, et le 5 septembre il inaugure l'instrument Cavaillé-Coll installé par le facteur Mutin dans la chapelle du Couvent des Dames du Sacré-Coeur de Marie, à Rodez. Ajoutons enfin que Fernand de La Tombelle suppléait également à parfois son maître Guilmant dans sa classe d’orgue de la Schola Cantorum, lorsqu’il devait s'absenter en Amérique pour ses tournées triomphales...
Fernand de la Tombelle photographe
( coll. Mme Orsini ) DR
En 1896, avec Vincent d'Indy, Charles Bordes, Alexandre Guilmant, G. de Boisjolin L.A. Bourgault-Ducoudray et le Prince Edmond de Polignac, il participait à la fondation de la Schola-cantorum à Paris. Cette école de musique était destinée à encourager l'exécution du plain-chant selon la tradition grégorienne, à remettre en honneur la musique palestrinienne, à tendre à la création d’une musique religieuse moderne et enfin à améliorer le répertoire des organistes. Fernand de La Tombelle y enseignera l’harmonie jusque 1904.
Parmi ses élèves citons Déodat de Séverac, Blanche Selva, Jean Vadon, Marc de Ranse, Auguste Leguenant et l'abbé Louis Boyer qui rendra d'ailleurs un bel hommage à son professeur en dressant de lui un portrait attachant dans son ouvrage écrit en 1925 et intitulé "Musique et musiciens d’église" (E.Gloppe, éditeur à Lyon). A cette époque cette école de chant liturgique et de musique religieuse comptait parmi ses enseignants de grands musiciens de renom tels Guilmant (piano), Pirro (clavier), d'Indy (composition) et Bordes (ensemble vocal, expression et rythme, déclamation lyrique). C’est ainsi que rapidement, dès les premières années, de prestigieux musiciens vont sortir de cet établissement : Maurice Alquier, René de Castéra, Louis de Crêvecoeur, Albert Dupuis, Marcel Labey, Guy de Lioncourt, Albert Roussel, Gustave Samazeuilh, Déodat de Séverac ...
L’œuvre du baron de La Tombelle est importante et compte des centaines de numéros d'opus parmi lesquels on trouve de nombreuses mélodies, des oratorios (Crux, Les sept Paroles du Christ, L'Abbaye), de la musique de scène : Le rêve au pays bleu, Yannick, La Magdaléenne, L'apothéose de la cité, La Muse fleurie, La Roche aux fées), des suites pour orchestre (Impressions naturelles, Livres d'images, Tableaux musicaux, Suite féodale...), des poèmes symphoniques (Antar), des cantates (Sainte-Cécile, Sainte-Anne, Jérusalem, Jeanne d'Arc...), de la musique de chambre (quatuors, trios, sonates pour violon et piano...), plus d'une centaine de pièces à voix égales ou mixtes pour sociétés chorales, connues sous le titre de "Légende de la glèbe", exécutées autrefois par la plupart des sociétés françaises et étrangères, ainsi qu'une importante collection de morceaux pour grand orgue et harmonium, très remarquables, qui garnissaient les tribunes des églises à la fin du siècle dernier. Son "Final en fa dièse majeur" est une de ses principales pages pour orgue qui connut un grand succès : c'est une sorte de choral ample, presque exclusivement accompagné par un joli dessin en doubles croches duquel se détache une seconde mélodie s'harmonisant parfaitement avec celle du choral. Elle figurait au répertoire de bien des organistes il n'y a pas si longtemps encore, comme par exemple à celui d'Emile Billeton à la cathédrale d'Arras dans les années 1940.
Mais encore on lui doit de nombreux chœurs sacrés, cantiques et autres motets religieux, ainsi que des messes. Parmi sa production de musique sacrée notons les motets suivants à 3 voix mixtes édités par les bureaux de la Schola : "Sancta Maria succurre miseris", "Benedicta es tu", "Tantum ergo", "Ave verum" et "Adoro te devote". Mais assurément c'est l'Ave verum qui obtint un important succès ; il était devenu un classique figurant au répertoire de toutes les maîtrises. Charles Bordes lui-même, dans le numéro de janvier 1897 (page 16) de la Tribune de Saint Gervais écrivait : "Cet Ave verum est une des pièces les plus recueillies et les plus pratiques à la fois de notre "Répertoire moderne", à porté de toutes les maîtrises. Son succès a toujours été considérable toutes les fois que les Chanteurs de Saint-Gervais l'ont exécutée, et ces exécutions ne se comptent plus, tant il leur est demandé. D’un sentiment religieux excellent, d'une écriture vocale impeccable, d'une sonorité exquise aux voix, ce motet a, en outre, la grande qualité, celle d'être d'une clarté quant à la compréhension du texte que l'on ne saurait que trop recommander." Voilà quelques années, avant les méfaits de Vatican II, les motets, faux-bourdons et autre "Messe sur des Noëls" de Fernand de La Tombelle figuraient encore au répertoire des maîtrises, notamment à Saint-Augustin, Saint-Denys-de-la-Chapelle, Saint-Etienne-du-Mont et Saint-Vincent-de-Paul à Paris. Quant à la province, on pouvait entendre des œuvres de Fernand de La Tombelle à Albi, Chartres, Gray, Laval, Mâcon, Millau, Moulins, Nantes, Orléans, Périgueux et Vichy...
On relève dans toutes les compositions de ce musicien, qui se rattache à l'école classique française, une science de l’écriture certaine et une inspiration recherchée. Il disait lui-même : "Tenterai-je d’apprécier l'ensemble de mes œuvres? C'est bien difficile, quand il s'agit de soi, d'évaluer entre la complaisance présomptueuse et la modestie simulée ! Néanmoins, je puis, en connaissance de cause, y affirmer mon respect absolu de la pureté de l'écriture et mon souci persistant de la forme. Cela. c'est le métier ; quand aux idées, si j'en ai, je sortirais de mon rôle en en parlant. Sitôt échappées, elle appartiennent au public qui les juge." Quelle belle leçon de modestie et de probité, mais également de respect envers le public. Bien des musiciens actuels devraient s'en inspirer !
Mais le baron de La Tombelle n'est pas seulement qu'un musicien, c'est aussi un fin poète auquel on doit La Source chaude; un chroniqueur plein d'humour avec le petit ouvrage "Les patés de Périgeux" édité en 1909 et réédité dernièrement par Pierre Fanlac (Périgueux, 1990); un folkloriste averti, avec ses "Chants du Périgord et du Limousin", réédités également récemment (Lo Bornat dau Périgord, 1989); un sculpteur délicat et un astronome capable d'écrire sur les révolutions sidérales des pages qui lui valurent les félicitations de l'Académie des Sciences. Ajoutez à cela qu'il avait également des dons pour la peinture et la photographie d'art et vous obtiendrez ainsi le portrait d'un parfait humaniste doublé d’un gentilhomme. Ne déclarait-il pas, en juillet 1927, en réponse à une énième demande d’inauguration d'un orgue, en l’occurrence celui de Cintegabelle qu'il avait touché dans sa jeunesse : "Si donc la fête de l’inauguration fait appel à moi, je verrai à travailler en conséquence. Car les yeux sont médiocres, et les doigts sont devenus précaires. J'ai 73 ans, mais s'il faut, je verrai à me remettre en forme..."
Le château de Fayrac, situé sur la commune de Castelnaud-la-Chapelle (Dordogne) où le baron de La Tombelle passe les derniers moments de sa vie provient de l'héritage de son grand-père maternel, Théodore Gueyraud. Il l'habitait avec sa femme, née Henriette Delacoux de Marivault, qu'il avait épousée le 12 juillet 1880 à Paris et ses deux enfants, Henry et Denise. Femme de lettres, sous le pseudonyme de Camille Bruno, la baronne de la Tombelle est l'auteur de pièces de théâtre dont un drame en vers, en 4 actes et 6 tableaux L'Horloger de Strasbourg (Paris, P. Ollendorf, 1894, in-8, 121 p.), de romans : Mme Florent (Paris, Borel, 1896, in-16, 269 p.), La fin d'une amante (Paris, C. Lévy, 1902, in-12, VIII-281 p.), Un grand amour, orné d'une préface de Léon de Tinseau (Paris, P. Ollendorf, 1891, in-12, XI-295 p.), de plusieurs recueils de poèmes parmi lesquels Les Vivantes avec une préface de Charles Gounod (Paris, P. Ollendorf, 1890, in-12, 234 p.), Les Vignes Vierges (1880) et de saynètes dont Petite enquête en prose et en un acte, représentée au Five o'clock du Figaro le 4 mars 1908 (Paris, M. Bauche, 1908, in-16, 31 p.) et Piécettes, lectures et représentations de salon (Paris, E. Dentu, 1889, in-12, 252 p.). Elle recevait de nombreux artistes dans son salon littéraire, entre autres Massenet qui mit en musique plusieurs de ses poèmes, notamment La Rivière (1900), Tes cheveux (1905) et Tout passe ! (1909), mélodies éditées à Paris chez Heugel.
Signature de F. de la Tombelle
Construit au XVI° siècle, le château de Fayrac est l'une des quatre baronnies du Sarladais, patrie d'Etienne de La Boétie, un autre humaniste ami de Montaigne. Là, Fernand de La Tombelle vécut près de la nature, le plus souvent enfermé dans son cabinet de travail où il avait rassemblé une foule d'objets qui lui étaient chers. L'abbé Boyer raconte qu'on y trouvait un piano droit Pleyel, une collection presque complète des œuvres de ses maîtres préférés : Meyerbeer, Gounod, Massenet, Saint-Saëns, Delibes et Théodore Dubois pour ne citer que les plus connus; des ouvrages divers portant des dédicaces flatteuses, comme celles de l'écrivain Fernand Fabre, auteur notamment du célèbre récit intitulé "L'abbé Tigrane" (1873) , de Pasteur, ou encore de l'astronome Urbain Le Verrier. N'oublions pas également la série de photographies décorant les murs et ornées de signatures affectueuses : Théodore Dubois, Alexandre Guilmant, Camille Saint-Saëns et Francis Planté. Sa bibliothèque est à son image : vaste, rationnelle et éclectique. Pratiquement tous les genres et toutes les sciences sont représentés : métaphysique, archéologie, paléontologie, histoire, géographie, philosophie, littérature, religion, hagiographie, poésie, théâtre, ascétisme, ainsi qu'une importante collection de monographies de nos villages et villes de France...
Mort dans son château le 13 août 1928 cet esprit universel a été inhumé dans le caveau familial du cimetière du Montparnasse à Paris.
Il est un peu injuste qu'un tel homme, un si grand artiste s'adonnant aux choses de la science, soit ainsi totalement oublié de nos jours. Son œuvre musicale qui a été tant adulée voilà encore quelques décennies mérite largement de revivre aujourd’hui. Nous formulons ainsi le vœu qu'un musicien un peu curieux et épris de beauté, ait le courage et la patience de sortir de la poussière quelques belles pages du baron Fernand de La Tombelle, comme par exemple sa cantate Jérusalem. Il aura assurément de grandes satisfactions et le public lui en sera certainement très reconnaissant !
Denis Havard de la Montagne
(1995)
Fernand de la Tombelle, 2e mouvement (Andante) de la Sonate pour violon et piano, op. 40 (Paris, Ed. Costallat)
Fichier audio Max Méreaux (DR.)
Petite revue de presse à propos de Fernand de la Tombelle
« M. Dubois n'a pas été moins heureux à la brillante et très élégante soirée de M. Fernand de la Tombelle, un dilettante accompli, où l'on exécutait toute une sélection d'Aben-Hamet, avec Mlles Caroline Brun et Rouvenat, MM. de Laurière et de Mas comme interprètes, et des choeurs composés d'amateurs et de dames du monde. Grande fête au compositeur, dont deux morceaux encore ont été bissés. » (Le Ménestrel, 25 janvier 1885, p. 64)
« Aux Mathurins, l'après-midi, on nous a donné l'Hippogriffe enchanté, légende rimée et colorée de MM. Ernest Depré et Hector de Callias, musique de M. Fernand de la Tombelle. Au moyen d'une série de projections à la lumière oxydrique, on assiste aux féeriques voyages d'un prince acharné à la poursuite de la femme qu'il aime. C'est une manière de lanterne magique bien plus amusante et bien plus artistique que celle de nos pères. Au lieu de demeurer immobiles et de garder le même ton, les tableaux s'y transforment et, par des dégradations successives de lumière, changent peu à peu d'aspect et de caractère. Il en est qui sont de véritables merveilles de nuances délicates et de vigueur de coloris. On les a beaucoup applaudis... Pas plus, du reste, que le poème, dont les développements, à la fois boulevardiers et lyriques, accompagnent avec une fantaisie charmante la marche éclatante des verres devant la lentille de l'appareil. Cet élégant poème a pour auteur M. Ernest Depré ; les motifs des projections ont été peints avec un réel talent par M. Hector de Callias, et l'aimable musique de M. Fernand de la Tombelle a été très joliment interprétée par Mlle Jeanney. » Edmond Stoullig (Le Monde artiste illustré, 1er janvier 1899, p. 7)
« Fernand de La Tombelle occupe un des premiers rangs parmi les jeunes compositeurs et sa musique est un honneur pour l'Ecole française. C'est un heureux par excellence, la fortune lui a toujours mis généreusement entre les mains tous les moyens de cultiver les hautes qualités dont la nature l'avait doué. Fernand de La Tombelle est né a Paris le 3 août 1854 ; tout jeune, tout enfant, il apprit le piano avec sa mère, qui en jouait avec une perfection rare, elle était élève de Thalberg et de Liszt ; ses progrès furent rapides et, vers 10 ou 12 ans, il jouait très honorablement mais heureusement pour lui, pas du tout en petit prodige; à 15 ans, il commença à travailler l'harmonie et l'orgue avec Guilmant puis, quelques années après, il entra chez Dubois dans la classe d'harmonie d'où il sortit lauréat il continua avec lui à travailler le contrepoint, la fugue et la composition avant qu'il ne fut titulaire de sa classe au Conservatoire. Plus tard, il travailla aussi un peu avec Saint-Saëns, mais ce furent plutôt des conseils, de l'intérêt et une direction artistique de sa part que des leçons dans le sens pédagogique du mot. Fernand de La Tombelle a pris part à de nombreux concours dans lesquels il a toujours remporté le prix. Il eut « trois fois » le Prix de la « Société des compositeurs 1°pour un quatuor à cordes avec piano, 2° pour un quatuor à cordes. 3° pour une Fantaisie Symphonique pour piano et orchestre ; il eut « huit prix » à la « Société des organistes », etc. Enfin, en 1895, l'Institut lui décerna le Prix Chartier qui est affecté spécialement à la musique symphonique ou à la musique de chambre. Depuis, sauf pour le théâtre, ce très remarquable artiste a écrit un peu dans tous les genres. Voici le catalogue à peu près exact de ses compositions une cinquantaine de Mélodies pour voix diverses, deux séries de douze livraisons de Pièces d'orgue dans divers styles, toute la série de musique de chambre, quatuor avec piano, à cordes, Trio, Quintette, Sonate piano et violon, Sonate piano et violoncelle, Variations, Fantaisie piano et orchestre, Prélude et Fugue à deux pianos ; une dizaine de morceaux de piano de divers styles. Plusieurs suites d'orchestre, Scènes matinales, Livre d'images, Tableaux musicaux, Suite féodale. Nombreux Motets, soit dans le style traditionnel, soit dans le style a Cappella, Le Réveil du poète, scène lyrique, Crux, oratorio en trois parties pour orchestre, chœurs et soli. Enfin, une vingtaine de Choeurs pour sociétés chorales, lesquels ont contribué beaucoup à la transformation de style de ces sortes de chœurs ces dernières œuvres sont très chantées partout et ont donné dans ce genre à Fernand de La Tombelle une réputation très assise et très acquise. Fernand de La Tombelle enfin a contribué, en 1895, à la fondation de la « Scola Cantorum » où il est titulaire d'une classe d'harmonie ; ses œuvres sont éditées chez Costallat, Deplaix, Durand, Grus, Noël, Gregh et à la Scola Cantorum. Le distingué compositeur est officier de l'Instruction publique. » (Annuaire des artistes de l'enseignement dramatique et musical, Paris, 1906, p. 460)
« Le compositeur Fernand de la Tombelle vient de mourir en son château de Castelnau-Fayrac où il s'était retiré depuis plusieurs années. Né à Paris le 3 août 1854, il fut élève de Guilmant et de Théodore Dubois. Lauréat du Conservatoire, il remporta le premier prix de quatuor et de symphonie de la Société des Compositeurs. Il écrivit de nombreuses compositions pour orgue qui furent exécutées au Trocadéro et ont été très répandues en Angleterre et en Amérique. Il composa également des sonates, quatuors à cordes ou avec piano, des suites d'orchestre ainsi que de nombreuses œuvres chorales et des volumes de mélodies. » (Comoedia, 15 août 1928, p. 3)
« C'est avec regret que nous avons appris la mort de Fernand de la Tombelle, décédé subitement en son château de Castelnau-Fayrac, dans la Dordogne. Né en 1854, Fernand de la Tombelle fut élève de Guilmant et de Théodore Dubois. Prix d'harmonie du Conservatoire, lauréat de la Société des Compositeurs, il écrivit surtout de la musique de chambre, de la musique religieuse, des pièces d'orgue et des oeuvres chorales très estimées. » (Le Ménestrel, 24 août 1928, p. 372)
« Fernand de la Tombelle, ce dernier personnage de notre trio musical d'organistes et compositeurs n'aurait pu être inclus dans nos recherches s'il n'avait croisé la route empruntée par Aloys et Pierre Kunc et effectué plusieurs séjours à Toulouse et Cintegabelle où subsiste le souvenir tragique de la mort de son père, le baron Adolphe Fouant de la Tombelle, assassiné pour des raisons restées mystérieuses en 1873. La famille de la victime, originaire de Laon (Aisne), domiciliée à Paris possédait, en effet, une belle demeure campagnarde, transmise à l'épouse du baron, Mme Louise Gueyraud, sur un terroir ayant appartenu aux Bénédictins, puis aux Cisterciens de Boulbonne jusqu'à la vente des biens nationaux. On ignore si Fernand, son fils, se trouvait sur les lieux le jour du drame. C'est peu probable. Sa grand-mère étant décédée quelques mois auparavant, son père était venu sur le domaine uniquement pour « contrôler la gestion du régisseur, régler la succession » et offrir à la paroisse des honoraires de messe a l'intention de la défunte. Son fils, Fernand, muni de diplômes en littérature, sciences et droit s'étant résolu après maintes hésitation à poursuivre des études musicales entamées dans son enfance sous la direction de sa mère, ancienne élève « des deux plus grands pianistes de la Monarchie de Juillet (1830-1848), Sigismund Thalberg (1812-1871) et Franz Liszt (1811-1886) ». Prolongée par de longues études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris dirigé par Ambroise Thomas de 1871 à 1896 et l'aide protectrice de Saint-Saëns, sa formation scolastique le conduisit à de nombreux succès dans l'exécution de concerts et la direction d'orchestres. L'oeuvre produite au cours de sa carrière « mélodies, symphonies, trios, sonates et fantaisies, oeuvres orchestrales, choeurs, musique de chambre, etc... », ne cessa de recevoir les félicitations des auditeurs présents dans les salles de spectacles où il se produisait. Sur un autre registre le baron de la Tombelle excelle dans l'exécution de la musique religieuse pour laquelle il a participé en 1894 avec Vincent d'Indy (1851-1931), Charles Bordes (1863-1909) et plusieurs organistes de grand renom à la fondation de la Schola Cantorum de Paris où il enseigna jusqu'en 1904. Doté d'une très grande sensibilité, de dons de composition « d'une sonorité exquise » il produit une oeuvre considérable « de choeurs, cantiques, motets et messes » d'où se détachent des partitions particulièrement réputées. Tant et si bien que les échos de son talent s'étant répandus hors de la capitale il se vit contraint de pérégriner de ville en ville pour répondre aux demandes du clergé et des fidèles qui réclamaient sa participation aux cérémonies festives de leur église paroissiale. Dans les premiers mois de l'année 1898 on le rencontre un jour à Poitiers, puis à Angoulême, à Azcoitra en Espagne, à Laon... Le 16 mars on le retrouve à Toulouse, au clavier de l'église du Taur où il ravit son auditoire. Malgré l'horrible souvenir de la mort de son père dans le village situé à une quarantaine de kilomètres de la Ville rose, Fernand de la Tombelle est resté toujours attaché à la « capitale du Bel Canta » et n'a jamais cessé d'entretenir des rapports amicaux avec Aloys Kunc et son fils Pierre. Au premier, il a dédicacé une série de pièces d'orgue, éditée à Paris en 1888. A Pierre qu'il fréquente sans doute davantage en compagnie de compositeurs parisiens en vogue, il adresse en août 1925 ses remerciements pour l'envoi de plusieurs partitions. Dans sa lettre perce la nostalgie d'un séjour à Toulouse où il résida quelque temps dans le « rue des cloches » attenante au clocher de Saint-Etienne et détruite, à son grand regret, avant 1914. En juillet 1927 il reçoit une invitation à l'inauguration de « l'orgue de Cintegabelle qu'il avait touché, dit-il, dans sa jeunesse ». En dépit de ses blessures sentimentales, il se disposait à acquiescer a la demande du desservant de la paroisse. Le destin l'empêcha d'y souscrire. II mourut le 13 août 1928 et fut remplacé au clavier par un organiste toulousain qui exécuta quelques-unes de ses oeuvres. Comment donc négliger de s'associer aux souhaits de nos mentors dans leurs désirs de faire revivre les oeuvres musicales d'Aloys et de Pierre Kunc, de « sortir de la poussière quelques belles pages du baron Fernand de la Tombelle » ? Au terme de ce travail de recherches, c'est le voeu que nous adressons aux « Associations des amis des orgues » compétentes dans le choix des oeuvres de compositeurs « bien de chez nous », interprètes de « tous les élans de l'âme et des sentiments du coeur de l'homme ». (Roger Armengaud, « Compositeurs et organistes toulousains des XIXème et XXème siècles », in L'Auta : organe de la société Les Toulousains de Toulouse et amis du vieux Toulouse, Toulouse, mars 2007, p. 76-78)
Collecte réalisée par Olivier Geoffroy (décembre 2019) |
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Fernand de la Tombelle
comédien ( coll. Mme Orsini ) DR |
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pour harmonium édité chez Biton à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée) (coll. J.H.M.) |
primées aux concours de la Société Internationale des Organistes et Maîtres de chapelle en 1882 et 1883, édité chez Lissarrague à Paris. On remarque ici que le Kyrie à 4 voix, l'Offertoire pour Pâques et la Pastorale-Offertoire pour orgue de F. de la Tombelle ont été couronnés les 8 mai, 9 juin et 11 août 1883. (coll. J.H.M.) Image grand format disponible |
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Fragment
(couverture et premières mesures) du Menuet Gay de Fernand de la Tombelle,
version pour piano seul, Paris, Richault, 1893 ( coll. D.H.M. ) |