PIERRE GERMAIN
Charmant baryton, plein de verve et d'esprit
Pierre Germain
( photo X..., archives familiales ) DR
Pierre Germain, né le 25 mars 1923 à Bordeaux, mort tragiquement dans un accident de voiture à Dijon le 18 juillet 1963 à l'âge de 40 ans, a effectué ses études musicales au Conservatoire de Paris, notamment dans la classe de chant de Roger Bourdin (1900-1973), célèbre baryton, pensionnaire de l'Opéra et de l'Opéra-Comique durant trente ans. Premier prix de chant en 1948, il obtient les années suivantes un Premier prix d'opéra-comique (1949), puis d'opéra (1950). Immédiatement engagé par la R.T.L.N., ayant à l'époque pour administrateur Maurice Lehmann et pour directeur Emmanuel Bondeville puis Louis Beydts, il débute à l'Opéra-Comique le 18 août 1951 dans Madame Bovary (un Meunier) d'Emannuel Bondeville, sous la direction d'Albert Wolff. Le 13 juin 1952, c'est à l'Opéra qu'il fait ses débuts dans La Flûte enchantée (Papagano). Viendront ensuite, Salle Favart, Le Barbier de Séville (l'Alcade), Carmen (Moralès), Lakmé (Frédéric), Louise (Sculpteur), Mme Butterfly (Commissaire impérial), Manon (Brétigny), Mireille (le Passeur), Tosca (Sciarrone), ainsi que la création du rôle du Marchand de Pastèques dans Dolorès, le roman musical de Michel-Maurice Lévy, le 7 novembre 1952 avec Denise Duval pour le rôle-titre, et pour la 1ère fois à l'Opéra-Comique le 13 mars 1953, un Officier dans Ciboulette de Reynaldo Hahn, avec Géori Boué dans le rôle-titre. A Garnier, il chante également de nombreux autres rôles : Ali des Indes Galantes, Sherasmin d'Obéron, Mazetto de Don Juan, l'Horloge et le Chat de L'Enfant et les sortilèges, un Paysan de Jeanne au Bûcher, Le Peintre de Bolivar… et à nouveau La Flûte enchantée sur une mise en scène de Maurice Lehman (janvier 1955), aux côtés de Mado Robin, Denise Duval et Janine Micheau ; dans cette reprise à succès on note que Pierre Germain "s'impose avec éclats au seuil de sa jeune carrière."
20 septembre 1950, Neufchâtel-en-Bray (Seine-Maritime), Marie-Louise Boëllmann, Claude Delvincourt (au piano) et Pierre Germain travaillant la farce musicale La Femme à barbe de Claude Delvincourt, sur un livret d’André de La Tourrasse, représentée à l’Opéra-Comique le 29 octobre 1954.
( coll. Pierrette Germain-David ) DREn dehors des théâtres nationaux, il se produit également en récital et concert, notamment le 27 janvier 1951 au Grand Théâtre de Genève dans la Vie brève de Manuel de Falla, avec Margaret Mas et l'Orchestre de la Suisse romande dirigé par Henri Tomasi ; à Lorient (salle du Royal), le 21 mai 1956, dans un concert intitulé "Cantates françaises contemporaines", avec Les Voix du vieux monde d'Albert Doyen, sous la direction d'André Delsarte ; au Festival de Paris, le 24 mai 1956 dans la tragédie lyrique Pénélope de Fauré, avec l'Orchestre National de la RTF dirigé par Inghelbrecht, aux cotés, entre autres, de Régine Crespin (Théâtre des Champs-Elysées) et le 31 mai de la même année, sur la même scène, Christopher Columbus de Milhaud, conduit par Rosenthal ; au Grand Casino de Genève, le 23 février 1962 dans Le Vol de nuit, opéra en 1 acte de Dallapiccola, avec l'Orchestre de la Suisse romande dirigé par Jean Meylan. "Charmant baryton, plein de verve et d'esprit" (dixit Jean Gourret), bien que sa courte carrière d'une dizaine d'années lui avait déjà apporté une part de succès, si elle n'avait pas été interrompue si brutalement, il ne fait pas de doute que Pierre Germain serait devenu l'un de nos plus grands barytons de sa génération, aux côtés des Jacques Jansen, Robert Massard, Jean Borthayre, Jean Vieuille, Michel Roux et autres Ernest Blanc.
Dans sa discographie, hormis les Treize mélodies de Duparc, gravées en 1952 avec Jean-Claude Ambrosini (1916-1984), "le poète du piano", et rééditées par Forgotten Records en 2015 (FR 730), il nous reste heureusement quelques autres enregistrements nous attestant des performances vocales au théâtre de Pierre Germain : Manon en 1951 avec l'orchestre et les chœurs de l'Opéra-Comique dirigés par Albert Wolff (Decca LXT2618-20), La Fille de Madame Angot en 1952, avec l'Orchestre Lamoureux conduit par Jules Gressier (Pathé DTX8213), Les Saltimbanques en 1953, sous la direction du même (Voix de son maître, DTX136), Orphée aux enfers et Fortunio la même année, toujours dirigés par Gressier, Ma Tante Aurore de Boieldieu, en 1959, avec l'Orchestre de chambre de la RTF conduit par Marcel Couraud (Fontana 875500FY), La Périchole en 1959 aussi, avec l'Orchestre Lamoureux dirigé par Markévitch (Columbia FCX 786-87), Rêve de Valse avec l'Orchestre Colonne et Louis de Froment (Pathé C047-10351), La Dame aux camélias avec les Chœurs et l'Orchestre national de l'Opéra de Paris sous la direction de Pierre Dervaux (Pathé DTX 30189), Les Trois valses, avec les Chœurs René Duclos et l'Orchestre Colonne dirigés par Franck Pourcel (Pathé DTX 30186), Fervaal de d'Indy (rôle de Arfagard), avec Jean Mollien et Micheline Grancher, l'Orchestre et les Chœurs de la RTF, direction : Pierre-Michel Le Conte (enregistrement privé)… mais aussi en 1960 le Te Deum de Ryzwick de Jean Gilles, avec les JMF, Pasdeloup et Martini pour chef (Erato STE 50.037). Les archives de l'INA conservent un enregistrement vidéo du Pré aux Clers d'Hérold, dans lequel apparaît Pierre Germain dans le rôle du Brigadier (14 juin 1959, Chœurs et Orchestre Radio Lyrique de la RTF, direction : Robert Benedetti). Forgotten Records a également réédité récemment un enregistrement de 1952 d'œuvres de Chabrier, avec la Chorale Elisabeth Brasseur, l'Orchestre Lamoureux et Pierre Germain (FR 273).
A sa disparition Pierre Germain a laissé une veuve, Pierrette Germain. Celle-ci, musicologue et enseignante attachée à promouvoir la musique française contemporaine, est notamment l'auteur d'ouvrages sur Un demi-siècle de musique française, 1950-2000 (Zurflüh, 2004), sur Les grandes dates de l'histoire de la musique européenne (PUF, coll. « Que sais-je », 2008) et, en compagnie de Catherine Massip, Odile Bourin et Raffi Ourgandjian, sur Elsa Barraine, une compositrice au XXème siècle (Delatour). Elle est par ailleurs co-fondatrice (2003) et vice-présidente de l'association « Femmes et musique » et a épousé en secondes noces le compositeur André David (1922-2007).
Denis Havard de la Montagne
PIERRE GERMAIN
interprète magnifique de la mélodie française
Pierre Germain, généralement considéré comme un des plus purs représentants du chant français dans l'après-guerre, ne saurait être un oublié des archives discographiques ; et il n'est pas excessif de dire que sa lecture des mélodies de Duparc mérite d'être placée au plus haut dans la liste des enregistrements existant.
L'émotion saisit d'emblée et il est légitime, sans doute, de se demander si elle n'est pas liée à ce qu'on connaît du destin tragique de l'interprète : un artiste frappé en pleine jeunesse, au moment même où sa carrière prenait un nouvel essor.
En vérité, le sentiment naît directement du propos musical, hors de toute autre considération. C'est bien l'interprétation elle-même qui s'impose, avec toute l'autorité que lui confère une tradition vénérable, celle d'un art de la mélodie française arrivé à une sorte d'apogée, A ce titre, on pourra jouir des aspects datés du document sonore, sans qu'il faille voir dans ces termes une clause restrictive. C'est même tout le contraire. Il y a ici, en effet, une manière spéciale de dire les textes, de privilégier la clarté de la diction, qui porte la marque d'une génération, et qui, certainement trahit l'influence de l'enseignement de Pierre Bernac. Une certaine préciosité dans la prononciation pourrait engendrer de l'affectation. Il n'en est rien, car la ligne de chant très épurée, sans vibrato envahissant, ne consent pas à surligner, de manière pléonastique, les intentions du poète. Le timbre de la voix se déploie avec naturel, ni trop présent, ni trop distant, laissant souvent au piano la traduction explicite du support littéraire. L'équilibre donne ici toute sa mesure, et il doit beaucoup, à l'évidence, au pianiste Jean-Claude Ambrosini, notre Gerald Moore français, partenaire fidèle des chanteurs de l'époque.
Je n'ai pas connu Pierre Germain, mais, en revanche, j'ai rencontré Ambrosini dans l'entourage de plusieurs violonistes. Je lui avais même tourné les pages et j'avais été sensible, comme tant d'autres, à sa présence au clavier, à la fois discrète et contagieuse. Par ailleurs, mes liens d'amitié avec Pierrette Germain et sa famille justifient peut-être ces quelques lignes de témoignage. Je pense particulièrement aux petits-enfants qui, par la présente édition admirablement restaurée par Alain Deguernel (Forgotten Records), redécouvriront sans doute l'art de leur grand-père sous un nouvel éclairage. Ils entendront une voix magnifique, fixée par la grâce du disque dans son éternelle jeunesse ; une jeunesse qui sert idéalement celle de Duparc, astre libre dans le ciel des musiciens, dont la voix devait aussi s'éteindre rapidement, mais qui a su, en quelques pages définitives sceller pour toujours l'alliance parfaite de la musique et de la poésie.
Alexis Galpérine
Henri DUPARC (1848-1933) Mélodies Pierre Germain (baryton) Jean-Claude Ambrosini (piano) 1. Le Galop (Sully Prudhomme) [03'01] 2. Phydilé (Leconte de Lisle) [05'08] 3. L'Invitation au voyage (Charles Baudelaire) [04'00] 4. Le Manoir de Rosemonde (Robert de Bonnières) [02'25] 5. La Vie antérieure (Charles Baudelaire) [04'03] 6. Chanson triste (Jean Lahor, pseudonyme d'Henri Cazalis) [03'02] 7. La Vague et la Cloche (François Coppée) [05'20] 8. Testament (Armand Silvestre) [02'58] 9. Extase (Jean Lahor, pseudonyme d'Henri Cazalis) [03'05] 10. Elégie (Thomas Moore) [02'51] 11. Soupir (Sully Prudhomme) [03'02] 12. Lamento (Théophile Gautier) [02'56] 13. Sérénade florentine (Jean Lahor, pseudonyme d'Henri Cazalis) [01'43] disque 33 tours Ducretet-Thomson LPG 8219 (enregistré à Paris, en 1951) numérisé et remasterisé en 2015 par Forgotten Records, CD FR 730 pochette : tableau de Françoise Braguier site internet : http://www.forgottenrecords.com courriel : contact@forgottenrecords.com