Vincent d'Indy ( Photo Ribaud ) |
N.D.R. Nous célébrons cette année le 150e anniversaire de la naissance de Vincent d’Indy, considéré comme l’un des compositeurs les plus importants de l’école française entre 1890 et 1930. Ancien élève de César Franck, auquel il vouait un véritable culte, il lui succéda en novembre 1890 à la direction de la Société Nationale, qui, rappelons-le, avait été fondée le 17 novembre 1871 par Romain Bussine et Camille Saint-Saëns afin de mieux diffuser la musique française. Si Vincent d’Indy est un compositeur fécond, c’est cependant par son enseignement exceptionnel qu’il eut une réelle influence sur les compositeurs du début du XXe siècle. Parmi ses nombreux élèves qui bénéficièrent de ses cours de composition à la Schola cantorum à partir de 1896, et de direction d’orchestre au Conservatoire national supérieur de musique, où il avait succédé à Paul Dukas en 1912, citons Joseph Canteloube, René de Castera, Albert Roussel, Marcel Labey, Guy de Lioncourt, Erik Satie, Déodat de Séverac, Isaac Albeniz, Joaquin Nin, Carlo Boller, Henri Gagnebin Arthur Honegger, Darius Milhaud, Arthur Hoérée... Plutôt que de présenter une nouvelle notice biographique, alors que d’excellents ouvrages en ce sens ont déjà été écrits notamment par O. Séré (1911), L. Vallas (1946), G. Samazeuilh (1947) et J. Canteloube (1951), nous préférons laisser la parole à Guy de Lioncourt. Successeur de d’Indy à son cours de composition de la Schola, il s’est attaché toute sa vie durant à défendre et à mieux faire connaître l’œuvre de son maître. Personne mieux que lui peut nous présenter en quelques lignes ce disciple de Franck, qui, comme le soulignait si justement Jules Combarieu1, avait " la foi, le désintéressement, la préoccupation de penser et de s’exprimer en musique, le dédain sincère de l’applaudissement et même - il convient de compléter le portrait - l’indifférence pour la critique... "
D.H.M.
Il y a cent ans naissait2 (27 mars 1851), il y a vingt ans mourait3 l'un des musiciens qui ont eu la plus forte influence sur l'art de leur époque, Vincent d'Indy. Le monde musical tout entier se dispose à commémorer dignement ce centenaire. L'Opéra, toutes les grandes Association symphoniques, la Radiodiffusion, la Société Nationale, l'École César Franck, les Sociétés de musique de chambre, sont prêts à de grands efforts. La province et l'étranger font de même. On peut s'attendre à ce que, dans le cours de cette année, les œuvres du maître soient vraiment entendues. Ce n'est que justice ; car, sauf la Cévenole et deux ou trois autres, on les laissait dormir dans un étrange silence, et on leur devait bien cette réparation. Il faut espérer qu'après avoir en 1951 repris leur place sur les programmes, elles ne se laisseront plus oublier !
Issu d'une vieille famille ardéchoise4, dans laquelle de père en fils tous embrassaient la carrière des armes5, élevé dans une discipline très stricte, d'Indy avait un caractère fortement trempé : volonté, énergie, persévérance, méthode, fierté, tels étaient les aspects qui frappaient tout d'abord en lui. Cet homme à l'apparence altière aurait pu sembler fort intimidant, si ses manières n'eussent été d'une parfaite simplicité, et si une bonté évidente n'eût rayonné de ses yeux pénétrants. Il donnait confiance ; il était une force. Et cette force provenait d'une foi. Car d'Indy était avant tout un croyant6. Foi religieuse indéfectible d'abord ; pour s'en convaincre, il n'est besoin que de lire la dernière phrase de son testament artistique : " Et je m'en irai tranquille, avec l'espérance que Dieu voudra bien accueillir en son saint Paradis un pauvre pécheur, qui toute sa vie a eu pleine foi en lui ". On conçoit qu'une telle foi ait pu transporter des montagnes : de fait, d'Indy a toute sa vie transporté des montagnes. C'est une foi égale qu'il montrait dans le domaine de l'art. La musique, en effet, faisait partie de sa religion ; au point que, dans la préface de son Cours de Composition7, il recommande aux élèves de pratiquer les trois vertus théologales. Et parmi celles-ci, conformément au précepte tiré d'une antienne du Jeudi Saint, il proclame la prééminence de la Charité. Pour lui, la musique n'est pas une opération quelconque de l'esprit : c'est une œuvre d'amour.
"Autour du piano", tableau de Henri Latour, 1885 : Emmanuel Chabrier au piano, et de gauche à droite : Adolphe Jullien, critique d'art ; Boisseau, violoniste à l'Opéra ; Camille Benoit, historien d'Art ; Edmond Maitre, érudit musicien ; Lascoux, magistrat mélomane ; Vincent d'Indy, et A. Bigeon, romancier critique d'Art.
( Coll. Musée d'Orsay )Comme chez la plupart des compositeurs dont la carrière fut longue, et dont le génie a su s'élever à une hauteur suffisante, il est loisible de discerner chez Vincent d'Indy trois "manières" différentes. La première est celle de la jeunesse, avec toute sa verve, son ardeur, son enthousiasme. Son talent était déjà complet - Wallenstein et le Chant de la Cloche en témoignent - mais le style ne s'était pas encore dégagé entièrement des influences subies, des admirations ressenties, en particulier pour son maître César Franck et pour Richard Wagner.
La seconde manière, qui coïncide avec l'affirmation définitive de la personnalité, a été déterminée, dans le cas qui nous occupe, par un retour aux " sources " : le chant grégorien et la chanson populaire ; ainsi que par l'amour du terroir, générateur de poésie vraie. C'est une réaction dans le sens de l'esprit, de la tradition nationale. Et ce sont successivement la célèbre Symphonie Cévenole, le premier Trio, les deux premiers Quatuors, Fervaal, Istar, L'étranger, la Symphonie en si bémol, les Sonates en ut et en mi, le Jour d'été à la Montagne, les Souvenirs, magnifique série d'œuvres dramatiques, symphoniques, descriptives, aboutissant à ce monument capital : la Légende de Saint Christophe, qui tient de tous les genres à la fois, scellés en une formidable unité par une main sûre d'elle-même, un esprit qui savait ce qu'il voulait, et un cœur tout vibrant de foi agissante.
La troisième manière est celle du dépouillement. Renonçant à ses prestigieuses ressources d'orchestrateur et de coloriste, le Maître se consacre à des compositions d'une nature plus intime, et avant tout à la musique de chambre. Sur ses 35 dernières œuvres, deux seulement, le Poème des Rivages et le Diptyque méditerranéen, utilisent le grand orchestre. En avançant dans la vie, il avait cessé de s'intéresser à l'extériorité, aux rutilances et aux chatoyances. Seule l’attirait la musique pure, amie des pensées et des sentiments profonds. Des chefs-d'œuvre comme le Sextuor et le 3e Quatuor nous restent comme de précieuses confidences, des témoignages d'une valeur inestimable.
On ne trouve guère dans la musique de d'Indy de ces effets, de ces tournures faciles qui font la joie des auditeurs peu délicats. Rien non plus des petites subtilités qui ravissent les dilettantes du " dernier bateau ". Il a toujours répugné et à la vulgarité et au snobisme. Il a simplement été sincère, et a cherché à créer de la beauté sans procédés factices.
Les trois fondateurs de la Schola Cantorum en 1894 : Charles Bordes, Alexandre Guilmant et Vincent d'Indy.
( in La Schola Cantorum en 1925, Lib. Bloud et Gay )En dehors de l'homme et du compositeur, il est un autre aspect tout à fait caractéristique de la personnalité de Vincent d'Indy, c'est l'éducateur ; et l'on ne connaîtrait pas le maître, si l'on ne tenait pas compte de l'apostolat incessant auquel il sacrifiait le meilleur de son temps. La foi qu'il avait en son art, il fallait qu'il la fit partager. Il fallait qu'il aidât les autres à comprendre ce qu'il avait compris, à savoir ce qu'il savait, à aimer ce qu'il aimait. Combien d'œuvres du passé n'a-t-il pas remises au jour par l'édition ! Dans combien de concerts n'a-t-il pas fait partager aux auditeurs - et d'abord aux exécutants eux-mêmes - ses admirations, ses enthousiasmes !
Mais c'est dans ses cours de composition où il a instruit des milliers d'élèves, répandus maintenant sur toute la surface du globe, qu'il a le plus donné de lui-même et exercé l'influence la plus profonde. Sa méthode était fondée sur l'étude progressive, faite dans l'ordre chronologique, des œuvres du passé, lointain et prochain. Il voulait amener les élèves à connaître tous les styles, tous les procédés déjà employés, et leur épargner ainsi la peine d'inventer au prix de mille efforts les moyens déjà trouvés depuis longtemps par d'autres. Eviter les tâtonnements inutiles, c'était pour l'apprenti gagner du temps, et pousser plus avant le point de départ de ses recherches personnelles ; il se trouvait ainsi à pied d'œuvre pour les conquêtes véritables. Une telle méthode, à l'inverse de l’apriorisme et de l'arbitraire, mais établie sur l'observation de ce qui a été, en fait, est évidemment expérimentale. Aussi on comprend mal le mot " dogmatique " qu'ont souvent appliqué à d'Indy des écrivains peu au courant de ce dont ils parlaient. Ce qu'on peut dire, c'est qu'il était affirmatif dans sa façon de s'exprimer, ainsi qu'il convient à un croyant ; mais, au demeurant, ce que les disciples viennent chercher auprès d'un maître, ce ne sont pas des éventualités, des hypothèses, mais une doctrine, quitte à ne pas l'adopter toute entière, si elle ne leur convient pas. De fait, c'est ce qui s'est produit : tous n'ont pas entendu le message de d'Indy avec les mêmes oreilles. Et c'est très bien ainsi. Mais tous ont été instruits de leur art, formés à l'amour du beau, au désir de l'apostolat et du dévouement. Les heures passées auprès de lui sont des souvenirs que nul d'entre eux ne peut évoquer sans une profonde émotion.
Vincent d'Indy a écrit peu de musique liturgique : un certain nombre de motets, quelques pièces d'orgue, un beau recueil de Cantiques, Pentecosten, tirés des communions de tous les dimanches du temps de la Pentecôte. En revanche, une grande quantité de ses œuvres est d'inspiration religieuse, au moins par moments, et on sent, à les lire ou à les entendre, combien sa foi faisait partie de lui-même ; combien elle servait à alimenter sa ferveur artistique. Signalons le rôle joué par l’In paradisum à la fin du Chant de la Cloche, par le Pange lingua dans Fervaal, par l'Ubi Cariuas dans l'Étranger, par l'antienne Virgo prudentissima, prière du soir de la nature dans le Jour d'été, par tous les thèmes provenant de l'office d'un Martyr dans Saint Christophe... emploi non pas épisodique, mais constitutif et correspondant chaque fois à un sentiment important et profond.
D'Indy a tenu une grande place dans le retour au chant grégorien, avant 1900 et depuis, dans la résurrection de la polyphonie palestrinienne et la constitution d'un répertoire moderne liturgique de haute tenue - buts de son ami et collaborateur Charles Bordes. Il était venu au chant grégorien à une époque où ce bel art était fort mal connu du public. Aussi y a-t-il trouvé maints sujets d'admiration étonnée. Son graduel (édition de 1883) témoigne de ses découvertes, et les marges sont remplies d'annotations du plus haut intérêt, écrites de sa main. Il y analyse notamment d'une manière très détaillée beaucoup de traits (Qui habitat, " l'un des plus mystérieusement fantastiques de la liturgie " ; Te Deum, " admirable exposé du mystère de la Trinité " ; Gaude Maria , " dans son chatoyant décor d'Annonciation ", etc.) ; de nombreux alleluias, où il indique presque toujours des dessins de chansons populaires, en les " rythmant " (Christus resurgens, avec ses " leitmotive, dont le premier rappelle certain tour de chanson bretonne " et indirectement " un passage du Roi d'Ys " ; ceux de la Transfiguration et de Saint Michel, sur un même timbre, ce qu'il explique par " une pensée commune, celle de la splendeur traversant l'espace " ; celui de la Toussaint, avec sa " belle apologie du travail " ; celui de Saint Martin, " né sous l'influence directe de la vénération médiévale " ; celui de la Couronne d'Epines, où il découvre le thème de la Canzone de Bach ; l'antienne Cum audisset, avec " ses trois clameurs " ; la séquence Lauda Sion dans ses douze versets (" douze tribus, douze apôtres ") ; le graduel Venite filii, " un appel à l'étude : on imagine ainsi les chants didactiques des bardes celtes " ; l'office du 2e Dimanche après Pâques, " d'une remarquable unité de style ", et qui lui rappelle " les instructions de Hans Sachs à Walther dans les Maîtres Chanteurs " ; celui d'un Martyr non pontife, qui lui a tant servi plus tard pour Saint Christophe, y compris la communion Qui vult venire, avec " sa sublime exhortation finale " ; le Kyrie III, qu'il rapproche, au point de vue symbolique, des trois Kyrie en choral de J.-S. Bach ; le Gloria V, qui se déroule d'un bout à l'autre sans un seul emploi de la quarte, et qui, pour lui évoque de ce fait " un chant très oriental, confinant à la Chine " ; enfin le Mandatum du Jeudi Saint : " Ici commence la gradation des admirables cantiques de la Charité et de l'Amour. Etudier le sens philosophique et documentaire de cette suite de neuf antiennes (nombre), dont la septième contient tout l'enseignement chrétien, et qui aboutit à cette sublime fleur d'expression émue : Ubi caritas et amor. "
Jury de la section Musique Sacrée réuni en novembre 1903 autour de Vincent d'Indy au piano, pour le tournoi de la revue Musica. De gauche à droite : Arthur Pougin, Alphonse Hasselmans, Alexandre Georges, Albert Périlhou (penché), Samuel Rousseau, Gustave Lefèvre (derrière d'Indy), Eugène Gigout, Alexandre Guilmant (assis), Pierre de Bréville, Camille Andrès. ( Musica, coll. D.H.M. ) |
____________Cet enseignement chrétien, c'est celui que d'Indy a pratiqué et fait pratiquer toute sa vie. Il n'a jamais été lui-même ce qu'on appelle un " spécialiste " du chant grégorien ; il se reposait sur d'autres du soin d'examiner les manuscrits à la loupe. Mais il l'a aimé passionnément, en musicien et en chrétien. Il en a compris la beauté et la justesse d'expression. Il l'a activement pratiqué, et il a travaillé de tout son pouvoir à le répandre, au point qu'il a eu l'honneur d'être accueilli par ces mots de Pie X, venant à lui et lui tendant les bras : " Le voici, le rempart du chant grégorien ! " Il estimait que la connaissance de la Cantilène médiévale est nécessaire à tout musicien désirant être informé, parce qu'elle contient la clef du passé, et une possibilité certaine de renouvellement pour l’avenir, par la souplesse rythmique et la variété modale qu'elle apporte. Aussi en avait-il rendu l'étude obligatoire à tous ses élèves de composition.
Le chant polyphonique ne fut d'ailleurs pas moins mis en honneur par lui ; il en appréciait hautement l'esprit, les moyens, la splendeur, et invitait les musiciens qui l'écoutaient à en retrouver l'émotion et la pureté. Que de conférences, que d'offices, que d'auditions ! Toute sa vie a été une longue croisade pour la beauté du chant liturgique et sa convenance à l'église (l'Art en place et à sa place).
Au concert, c’est sans doute dans les œuvres de caractère religieux qu'il obtenait les exécutions les plus vivantes, les plus profondément expressives : la Messe en si, les Passions et les Cantates de Bach, la Messe en ré, les Béatitudes, autant de soirées inoubliables !
Ces quelques indications peuvent nous montrer comment Vincent d'Indy, de diverses manières, a exercé une influence capitale sur l'évolution de la musique en général, et très importante sur celle de la musique religieuse au début de ce siècle. Nous avons dit qu'il n'aimait ni l’incohérence, ni la déliquescence. Il ne cherchait pas les succès faciles, et ne s'attachait pas à créer des " sensations rares ". Il voyait plus haut. C'était un fort, beaucoup plus qu'un délicat. A cause de cela, c'est peut-être sur les raffinés que son influence a été le plus utile : il les a virilisés par ses conseils et ses exemples ; il les a conduits à élever leur idéal.
Un article célèbre paru dans le Mercure Musical il y a une quarantaine d'années, présentait le mouvement " d'Indyste " comme " l'un des derniers soubresauts du spiritualisme agonisant en face du matérialisme triomphant ". Cette appréciation était on ne peut plus exacte... à cela près que, malgré les apparences, l'esprit ne saurait mourir, et que, également, c'est lui qui l'emporte.
Guy de LIONCOURT, (1951) 8
Directeur de l'Ecole César Franck
1) Histoire de la musique, des origines au début du XXe siècle (3 vol., Paris, Librairie Armand Colin, 1924-1928) - voir tome III, p. 471 - [ La présente note et toutes les suivantes sont de la rédaction de Musica et Memoria ]
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2) Paul-Marie-Théodore-Vincent d'Indy est né à Paris.
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3) Vincent d'Indy est mort le 2 décembre 1931 des suites d'une crise cardiaque, dans son appartement parisien, situé 7 avenue de Villars, non loin des Invalides. Il est inhumé au cimetière Montparnasse. La veille de son décès, il professait encore à la Schola Cantorum.
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4) Vincent d'Indy perdit sa mère, Mathilde de Chabrol-Crussol à sa naissance. Il fut élevé par sa grand-mère paternelle Rézia, pianiste talentueuse, qui lui inculqua les premiers éléments de musique.
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5) Le grand-père de d'Indy, le comte Théodore d'Indy, mort en 1853, fut chef d'escadron de la garde royale avant de devenir Préfet de l'Ardéche. L'un de ses oncles, Wilfrid d'Indy (1821-1888) eut une heureuse influence sur sa carrière de musicien. Musicien lui-même, ancien élève de composition de Carafa au Conservatoire de Paris, il se consacra à la composition d'œuvres de chambres et de théâtre, et encouragea son neveu Vincent dans ses premières compositions.
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6) Durant quelque temps en 1874 d'Indy fut organiste titulaire de l'église Saint-Leu Saint-Gilles de Saint-Leu-la-Forêt (Val-d'Oise). Il jouait là sur un orgue Cavaillé-Coll (2 claviers et pédalier, 18 jeux réels) offert à la paroisse en 1869 par Napoléon III.
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7) Les Cours de composition musicale de Vincent d'Indy ont été publiés en 3 volumes (Paris, Durand, 1900, 1909, 1933). Les deux premiers ont bénéficiés de la collaboration d'Auguste Sérieyx, d'après des notes prises aux classes de composition de la Schola cantorum ; le dernier volume quant à lui a été rédigé par Guy de Lioncourt.
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8) Cet article est paru dans Musique et Liturgie (Revue Internationale de musique religieuse, organe du Centre de pastorale Liturgique), n° 20, mars-avril 1951, pp. 1-3.
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Schola cantorum, Paris : la classe d'orchestre de Vincent d'Indy (debout, au centre) en 1901 ( photo X..., in "La Schola en 1925", Paris, Bloud & Gay, 1927, coll. D.H.M. ) DR |
Paris, Schola Cantorum, 26 février 1917, classe de violon supérieur d’Armand Parent. Assis, de g. à dr. : Armand Parent, Vincent d’Indy, Guy de Lioncourt. Debout, derrière d’Indy : Madeleine Bloy-Souberbielle. Parmi les élèves, debouts derrière le banc, figurent certainement Mlles Marie Boegner et Waser qui obtenaient cette année leur diplôme de violon supérieur. ( coll. Galpérine-Souberbielle ) DR |
Schola cantorum, Paris, la classe de composition de Vincent d'Indy (debout, au centre) vers 1925. ( photo Ribaud, in "La Schola en 1925", Paris, Bloud & Gay, 1927, coll. D.H.M. ) DR |
VINCENT D'INDY
par Paul Dukas (1930)
J'étais encore élève au Conservatoire quand Lamoureux donna la première audition du Chant de la Cloche, couronné au Concours de la Ville de Paris. Mon impression fut grande et dès lors je regardai d'Indy comme un maître.
Nous éprouvions en ce temps là des « emballements » et nourrissions des partis pris bien différents de ceux d'aujourd'hui. Du moins quelques-uns d'entre nous. Le jeu des années, s'il était réversible, opérerait sans doute l'échange de nos intransigeances : que mes plus jeunes confrères veuillent donc se persuader qu'en ces années lointaines, Wagner ne s'était pas encore entièrement discrédité dans l'esprit des musiciens, ni même Berlioz dont le « Coucher de Soleil romantique » empourprait l'horizon... d'un sang, à vrai dire, déjà un peu figé. Faute de mieux — que l'on me pardonne — c'étaient là les Dieux dont nous attendions le Prophète, sans qu'il pût encore nous venir a la pensée que ce dût être un jour celui de Meyerbeer. L'époque le voulait ainsi et nous rend excusables pour beaucoup de raisons, non toutes musicales. Pas un débutant de quelque ouverture d'esprit qui ne cédât à son entraînement. J'y puisais toutes mes convictions. Elles n'ont guère varié, j'en fais l'aveu contrit.
L'éclat de l'œuvre nouvelle, sa maîtrise, l'élévation de ses tendances, en plein accord avec nos impulsions les plus généreuses, plaçaient d'emblée d'Indy à la tête de la jeune musique. Son Wallenstein, Sauge fleurie, la Forêt enchantée déjà l'avaient montré épris de pittoresque expressif, de poésie légendaire et maître de plus d'un secret du mystère orchestral. Ses premières œuvres de musique de chambre avaient achevé de dessiner les traits de sa Muse juvénile, dont l'essor romantique prenait son point d'appui sur l'ordre classique le plus ferme. Et sans doute le temps allait préciser le caractère de cette physionomie première. A peu d'années de là, la Symphonie sur un thème montagnard, le premier Quatuor à cordes devaient l'éclairer d'un jour plus franc, la dégager, effacer les traits d'emprunts ici marqués par la ferveur d'admirations encore noblement soumises et toutes vibrantes de jeune fierté.
Mais ce Chant de la Cloche — où la critique ne voulut entendre que l'écho de voix souveraines — les éveillait avec tant d'aisance, les mêlait à son timbre propre avec une vigueur telle, qu'un témoin clairvoyant ne pouvait se méprendre sur la puissante personnalité qui s'annonçait de la sorte et dont le caractère le plus frappant, dans la mollesse et l'indécision du style alors en faveur, s'imposait ainsi, soudainement, par l'ardeur du parti pris contraire.
Une hardiesse si forte — et combien attendue — enflammait notre admiration avant même que celle-ci se portât sur l'étonnante sûreté du plan de l'ouvrage, sur la richesse et la variété de sa facture, sur le sentiment de grandeur qui tout entier l'animait.
Je sortis de ce concert avec la conviction que d'Indy serait un des plus grands musiciens que la France ait produits.
Aujourd'hui, chose étrange, rappelant mes souvenirs et confrontant le présent au passé, ce magnifique début m'apparaît plus significatif peut-être que je ne le croyais alors. J'y découvre non seulement une sorte de préfiguration de l'œuvre grandiose de d'Indy dans son ampleur et dans sa rectitude, mais, par sa donnée même, cette « légende dramatique » m'apparaît comme une des prophéties les mieux vérifiées qu'un artiste ait jamais prononcées lui-même, sur sa destinée « séculière ».
Car cette cloche, symbolique, animée par le génie du Fondeur, qui se met, seule, en mouvement après la mort du Maître/ et, seule, sonne pour sa gloire, au moment' où la Foule, entraînée par les « Connaisseurs » s'apprête à la détruire, j'y vois à présent l'image même de l'art de d'Indy qui, après les premières fulgurations et l'autorité" du plein éclat, a traversé la zone obscure d'une épaisse Négation...
Toutefois, par bonheur, le rapprochement s'arrête là. Dans la réalité, l'artiste, bien vivant, peut voir se dissiper les ombres, s'apprêter la justice, et, plus heureux que son héros, il entend déjà, avec nous, le son de sa Cloche emplir l'avenir — en dépit de Dietrich de Bâle, hélas immortel, lui aussi.
*
* *« Un des plus grands musiciens que la France ait produits... » Ce jugement de jeunesse, glorieusement confirmé par celui-là même qu'il concernait, je puis non sans émotion, en saluer encore Vincent d'Indy, en lui rendant affectueusement hommage. Mon sentiment n'a pas changé. Il sera demain celui du grand nombre. Il est déjà partagé par tous ceux qui demandent à la musique cette force d'impulsion et cette hauteur de style qui font les œuvres durables. Mais je l'apporte ici que le témoignage d'une admiration dont le temps a multiplié les raisons. Et ces quelques lignes ne peuvent, on le conçoit, entrer dans le détail d'une production aussi vaste, aussi variée que celle-ci. Non plus qu'envisager toutes les faces de l'activité de son auteur comme didacticien, comme biographe, comme professeur, comme chef d'orchestre, comme réviseur d'œuvres anciennes, etc... Le jour où sera entreprise cette tâche considérable — et nécessaire — qui ne sera saisi de respect devant la continuité d'efforts et la prodigieuse dépense d'énergie qu'une telle action aura comportées ? Devant la qualité, aussi, de cette action ? Car elle n'a tendu, dans son élan, le plus généreux, qu'à servir la musique, à la faire aimer davantage en la faisant mieux comprendre, à éclairer son présent par son passé en en retraçant la genèse et l'histoire, à répandre les créations musicales de tous les temps, même les plus éloignées de telles préférences personnelles, pour peu que s'y reflétât quelque lueur d'un feu pur.
Même unité magnifique dans l'œuvre. A l'embrasser d'un seul regard, on la voit s'ouvrir le même espace à travers ses manifestations les plus diverses. Musique de théâtre, musique d'orchestre, musique de chambre gravitent autour de la plus noble tradition des plus grands maîtres. La même attraction les lie au centre de ce puissant foyer qui les féconde et les illumine. Toutes, en même temps, y puisent le principe de leur équilibre propre et se règlent sur cette grande loi de l'art classique qui ordonne le mouvement de la scène dramatique la plus heurtée comme il gouverne le développement d'une symphonie ou d'un quatuor. De sorte que toutes, aussi, se résolvent finalement dans l'expression musicale pure et forment un même grand chœur d'exaltation spirituelle.
Cette haute conception de l'Art, héritée par d'Indy de son maître César Franck et proclamée par son exemple et par sa doctrine, rend tout naturellement compte de la sorte de désaffection dont elle devait à un moment donné être l'objet. Elle invitait à la concentration de la pensée et du sentiment, aux élaborations mûries, à la conquête de la liberté par la règle, à tout ce qui, depuis le temps où d'Indy a commencé d'écrire, a été plus ou moins nié par les Ecoles qui se sont succédé dans la promulgation des théories définitives. Celles-ci devaient obligatoirement reléguer tour à tour au musée des antiques une tradition d'ailleurs laborieuse à suivre et sans écho dans la mode. Et avec elle l'œuvre magistrale qui la représentait et qu'il était pourtant difficile d'ignorer... On s'en tirait en la donnant comme la froide illustration d'une rhétorique périmée. Ou mieux encore, en la passant simplement sous silence. Méthode admirable, en un temps où la gloire se confond avec la publicité.
Il n'y a rien là que de naturel, répétons-le, rien dont on doive s'étonner ou s'irriter. Car cela aussi fait partie de la tradition ! A toute époque, les variations du goût ont fait paraître archaïques les œuvres contemporaines fondées sur un principe de stabilité et arriérés les maîtres travaillant en profondeur parmi les ouvriers de la surface. De tout temps, aussi, les artistes dont l'esprit procède du détail à l'ensemble, à la manière féminine, ont été rebutés par la conception virile qui va de l'ensemble au détail. Ce désaccord organique, joint à l'autre, éclaire bien des malentendus et rend compte de beaucoup d'injustices. Soit dit en passant, il fait aussi ressortir ce fait, peu remarqué, que les talents de la première sorte ne sympathisent jamais que d'une manière très réticente avec ceux de l'autre espèce, en qui, au contraire, ils trouvent souvent des admirateurs chaleureux et compréhensifs.
Cependant, il ne faut parfois que peu d'années pour rajeunir dans l'opinion ce qui, parmi tant d'innovations, dédaignait d'être « à la page ». Et pour recueillir d'un coup les bénéfices de ce dédain, il suffit que la page ait jauni, qu'elle se soit froissée sous les doigts de la mode, ou, simplement, qu'elle ait tourné. Combien, sous nos yeux, de nouveautés subtiles ou fracassantes auront ainsi en peu d'espace, las !, leurs beautés laissé choir, tandis qu'on revenait avec enthousiasme aux « vieilleries » que « la page » condamnait à la relégation, comme si l'Art Musical était une de ces grandes Epiceries dont chaque catalogue annule le précédent !
*
* *L'heure est venue, pour d'Indy, des réparations nécessaires. Elles le replaceront à son rang, parmi les plus grands de son art en France, entre Berlioz et Rameau, tout près de son maître César Franck. En se répandant, son œuvre s'imposera toujours plus fortement au public musical à qui les sommets, déjà, s'en montrent sans nuages. Je n'en veux comme preuve que l'accueil triomphal, et d'une spontanéité si émouvante, qu'a reçu cette année, au Châtelet, cette seconde Symphonie dont Gabriel Pierné s'est fait l'ardent apôtre. Voilà, certes, une œuvre « difficile » et tournée toute vers l'expression transcendante ! Une forme admirable y serre de plus en plus près le sens de données thématiques complexes et déploie ses ressources à les transfigurer sans écarts ni détentes... Et c'est sans doute pourquoi, naguère encore, d'aucuns la déclaraient aride, abstraite, inabordable — inécoutable. (Nous avions là-dessus l'avis motivé de Dietrich de Bâle.) L'auditoire a pourtant acclamé sans fin l'exécution, vraiment inspirée, de cette Symphonie comme si elle eût été de Beethoven en personne. Que s'est-il passé ? Comment aux froideurs de jadis ont pu succéder ces transports ? Rien dans l'ouvrage n'a changé. Il est aujourd'hui ce qu'il fut dès son achèvement : un grand chef-d'œuvre de musique pure, le plus représentatif à coup sûr, dans son ordre, de la musique française depuis un quart de siècle, et la plus complète image du grand musicien qui l'a conçu. Mais il a fallu vingt-cinq ans pour que la grandeur en devînt sensible ! Vingt-cinq années de cheminements obscurs, d'auditions espacées de l'œuvre, depuis la première, mais qui, lentement, l'ont enfin pénétrée jusqu'au plein jaillissement des clartés qu'elle portait en elle. Les voici répandues pour ne plus s'éteindre. Liszt avait raison : il suffit d'endurer pour durer.
C'est, en effet, l'indice irrécusable et le grand signe. Ainsi la patience des uns juge la hâte des autres. Mais encore faut-il que l'endurance des œuvres réponde à celle des hommes. Et bien rares sont ceux qui peuvent ainsi laisser au temps le soin d'assurer leur renommée. Parmi ceux-là, d'Indy aura pu être un des mieux affermis dans l'attente. Son profond amour et sa profonde connaissance de l'Art n'ont pu lui inspirer sur l'avenir du sien que les plus calmes certitudes. Je les ai de tout temps partagées.
Paul Dukas
Vincent d’Indy au prisme de sa généalogie
Par Bruno Moysan
Le double anniversaire de Vincent d’Indy, 90e anniversaire de sa mort et 170e anniversaire de sa naissance, est peut-être l’occasion de revisiter un certain nombre d’éléments de sa pensée et de son action. Il est de bon ton depuis déjà de nombreuses années d’abreuver Vincent d’Indy de quolibets, voire d’en faire un personnage délibérément infréquentable. Il faut dire que bien des passages de son Cours de composition musicale ont vieilli, alors que des musicologues comme Manuela Schwartz et Myriam Chimènes, en mettant en évidence un certain nombre des éléments constitutifs de son idéologie droitière, ont fortement contribué à modifier l’image qu’une tradition hagiographique avait donnée de lui[1]. D’Indy reste à tous égard pourtant difficile à cerner. Cet aristocrate que l’on dit d’ancienne et bonne noblesse est pénétré d’un esprit de sérieux, d’une rigueur dogmatique et d’un goût pour la manipulation des idées abstraites qu’un habitué de la psycho-sociologie de l’aristocratie française peut considérer à tout le moins comme assez surprenants. De même, comment analyser ses propos sur les juifs ? Les travaux de musicologie auxquels nous avons fait allusion ont fait ressortir la composante antisémite de son idéologie. Il n’en reste pas moins que sa descendante directe Marie-Thérèse de Truchis, née d’Indy, m’a toujours dit : « Grand-Père n’était pas antisémite et tout ce qui pouvait compter de musiciens ou d’intellectuels juifs passait à la maison ». Dans le même ordre d’idée, Paul Le Flem, dans le long témoignage qu’il fait à Jacques Chailley en 1978 et que ce dernier cite dans sa Préface de l’ouvrage de Jean et Francine Maillard, affirme par exemple : « Sur le plan politique, Il est bien évident qu’il [Vincent d’Indy] était marqué par son nom à particule, mais il n’appartenait pas à l’Action Française, contrairement à son collaborateur Auguste Sérieyx, rédacteur des premiers volumes de son Cours de composition ; Sérieyx lui en a peut-être fait dire plus qu’il n’en avait dit en réalité »[2].
Un examen de sa généalogie[3] et de son histoire familiale permet peut-être de mieux cerner ce qui peut nous sembler mystérieux ou contradictoire dans ses idées et son comportement, voire même dans l’image qu’il aura contribué à créer lui-même et dont, qui sait, nous sommes encore partiellement prisonniers.
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I – Avant la Révolution
Un nobiliaire classique, tel que le Valette, est assez laconique sur la famille d’Indy : « Originaire du Vivarais, maintenue noble en 1717 ». On connaît des notices plus développées… Le Saint-Simon Séréville n’est guère plus bavard. De son côté, Nicolas Piot, dans Noms dits, écrit : « Vivarais (Annonay) ; anobli en 1624 (maintenu en 1717) ; titre porté : comte. [ANF/J] »[4], ce qui signifie, en langage codé, que le titre de comte porté par la famille d’Indy est un titre de courtoisie. L’entrée wikipedia Liste des familles subsistante de la noblesse française, indique pour sa part : « extraction 1624, maintenue en 1778, Vivarais, ANF-1952 », extraction signifiant une famille dont la filiation noble prouvée remonte au moins un siècle avant la date du jugement de maintenue de noblesse. Enfin, la généalogiste Myriam Provence donne un certain nombre d’éléments supplémentaires dans la notice qu’elle consacre à la famille d’Indy sur son site internet. Elle mentionne : « Le premier ancêtre connu est Jean d'Indy, notaire royal à Annonay en 1490 qui a eu de son épouse Catherine de Rivière au moins quatre enfants dont Thadée d'Indy. Ce dernier qualifié d'écuyer a épousé Alexandrine de Sauzéa dont un fils Jean d'Indy mort en 1582. Qualifié comme son père d'écuyer, Jean d'Indy est lieutenant du bailli en la baronnie d'Annonay en 1563 ; lors des Etats tenus à Privas en 1578, il représente le parti protestant. »[5]
Quoiqu’il en soit, ces différentes notices montrent une famille qui, finalement, n’est pas si ancienne que cela. C’est une famille honorable appartenant à la noblesse provinciale, entre la petite et la moyenne noblesse, comme il y en a tant sous la monarchie absolue, qui vit loin de Paris et des grandes villes, très proche de la robe et dont les membres font au XVIIIe siècle une carrière tout ce qu’il y a de plus classique dans les armées du Roi.
Ainsi, pour la branche de Chabret dont est issue Vincent d’Indy, nous verrons un « Guillaume d'Indy, reçu docteur ès droits, […] avocat et juge de Saint-Barthélémy-le-Pin (Ardèche) lorsqu'il épouse le 2 septembre 1624 Marguerite Dupont, la fille de noble Charles Dupont de Barrès », puis le fils de celui-ci « Charles d'Indy (1630-1691), écuyer, seigneur de Chabret, marié le 21 septembre 1650 à Judith de Praneuf, fille de François, avocat, et de demoiselle Marie de Ville »[6].
C’est le fils de celui-ci, Isaïe d’Indy (1653-1705), qui assure le basculement de la robe vers l’armée au tournant du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle. « Ecuyer, seigneur de Chabret », Isaïe d’Indy entre « à 17 ans au régiment de Castries, nous dit Myriam Provence, et a servi aux mousquetaires gris, puis aux gendarmes de la Maison du roi. Il fit les campagnes de Flandre et de Hollande et entra “ l’un des premiers ” dans Valenciennes, lors de l’assaut de cette ville. […] Marié en premières noces à Marianne Bellin, morte en 1695, fille de Christophe, avocat en Parlement, seigneur de Colombier-le-Jeune, et de Françoise Espelhat de Boze, il épousa en secondes noces Marguerite Madeleine de La Selve de Fayn, fille de noble André Guy et de Marguerite de Meissonnier »[7]. C’est ce même Isaïe d’Indy qui, si nous en croyons toujours Myriam Provence, se convertit avec toute sa famille au catholicisme après la révocation de l’Edit de Nantes.
Les d’Indy du XVIIIe siècle sont classiquement militaires. Le fils d’Isaïe d’Indy, Jacques Isaïe d'Indy (1699-1725), est « écuyer, seigneur de Chabret ». Celui-ci « épous[e] le 28 décembre 1722 Catherine Biousse, morte en 1746, fille de Pierre, conseiller du roi[8], et de Françoise Lanfray. Il en eut : 1° Pierre Isaïe, qui suit ; 2° Guillaume Jacques André, dit le chevalier d’Indy (1725-1807), capitaine au régiment de dragons de La Rochefoucauld, chevalier de Saint-Louis, sans alliance. Pierre Isaïe d’Indy, [son fils], écuyer, seigneur de Chabret (1724-1772), lieutenant au régiment de dragons d’Autichamp, chevalier de Saint-Louis (1771) avait épousé Marie Marguerite Millanais, morte en 1816. »[9]
Ces éléments appellent plusieurs commentaires. Les d’Indy sont au départ des nobles protestants du Vivarais qui font le choix, après la révocation de l’Edit de Nantes, de se convertir au catholicisme et qui passent à peu près au même moment de la robe vers l’armée. C’est un choix lourd de conséquences. Il permet aux d’Indy de conserver leur noblesse mais d’une certaine manière crée ce qu’on pourrait appeler une situation assez complexe, faite de dissonance avec leur environnement socio-culturel protestant et robin d’origine mais aussi de solidarités locales[10]. En effet, on ne peut dissocier les choix religieux, qui restent malgré tout des choix individuels, d’un contexte local fait d’un maillage complexe de familles plus ou moins parentes où bien souvent on est à la fois catholique ou protestant mais aussi cousin, neveu, beau-frère etc…
II – D’une Révolution à l’autre : 1789 – 1848
Le fils de Pierre Isaïe d’Indy, Joseph Isaïe Saint-Ange d’Indy (1769-1831), sera le d’Indy de la période révolutionnaire. Son itinéraire est en définitive assez surprenant… « Admis sur preuves faites en 1779 dans la compagnie des cadets gentilshommes de l’Ecole royale militaire (1785), il devient officier aux dragons de La Rochefoucauld »[11]. Il n’émigre pas et ne semble pas avoir été inquiété même pendant la Terreur. Dès la fin de la Convention Thermidorienne, nous le voyons commencer à prendre des fonctions politiques puisqu’il est, du 10 Brumaire an IV au 29 Nivôse an V, président de l’administration communale du canton de Vernoux. Après une éclipse de dix ans, nous le retrouvons en 1807 membre du conseil général du département de l'Ardèche par brevet du 3 mai 1807, et ce jusqu'au 24 juillet 1811, date à laquelle il est nommé sous-préfet de Bagnères-de-Bigorre. Il est ensuite nommé Préfet de l’Ardèche du 10 juin 1814 au 22 mars 1815, c’est-à-dire pendant la première Restauration. Il perd son poste pendant les Cent-Jours et le retrouve après Waterloo. Il quitte la préfectorale le 1er février 1819. Cette ascension sociale somme toute plutôt rapide appelle plusieurs remarques. D’abord, Joseph-Isaïe d’Indy, pour quelqu’un qui, à la suite de son père et de son grand-père, commence sa carrière dans les armées de la fin de la monarchie absolue, n’émigre pas et ne rejoint pas l’Armée des Princes, pas plus d’ailleurs qu’il ne s’engage dans les armées de la Révolution puis de l’Empire, cela d’un Bonaparte, d’un d’Avout ou d’un de Saix. Joseph-Isaïe d’Indy reste chez lui. Le fait de ne pas émigrer durant la période révolutionnaire indique au moins deux choses. Premièrement, les d’Indy semblent attachés à leur terre et à leur ancrage local. Pas plus qu’au moment de la Révocation de l’Edit de Nantes, les d’Indy n’ont eu envie de partir de chez eux. Deuxièmement, ils se sentent en sécurité. S’ils avaient senti leur vie en danger, ils seraient partis. Or, ce n’est pas le cas. Ensuite, Joseph-Isaïe d’Indy attend 1807 pour prendre des fonctions dans le système politico-administratif du 1er Empire. Il est prudent et attend que l’Empire soit stabilisé pour s’engager vraiment. Enfin, il profite de la politique de conciliation de Louis XVIII pour faire allégeance aux Bourbon dès 1814 et il leur sera fidèle pendant les Cent-Jours. La deuxième observation que l’on peut faire est que d’une certaine manière Joseph-Isaïe d’Indy retourne à la robe au sens large et renoue avec ce qu’étaient les d’Indy avant la Révocation de l’Edit de Nantes et leur conversion au catholicisme. Bien que fils de militaire, le père de Vincent d’Indy, Antonin d’Indy (1822-1904) sera d’ailleurs haut magistrat, puisqu’il finira sa carrière conseiller à la cour de cassation.
Ce retour est facilité par le fait que, du côté des femmes, les d’Indy n’ont jamais véritablement perdu de vue les milieux juridico-administratifs. Plus qu’aux Bertrand de Saint-Ferréol, famille de la femme de Joseph-Isaïe d’Indy, c’est plutôt vers les Chorier et les Chabrol qu’il convient de déplacer maintenant le projecteur. L’alliance Bertrand de Saint-Ferréol est symptomatique de la dynamique intégratrice des d’Indy dans les milieux nobiliaires et militaires du XVIIIe siècle. Si on a peu de renseignements sur les Bertrand de Saint-Ferréol, famille aujourd’hui éteinte, on en a beaucoup plus sur les Seguins de Piegon, famille de la mère de Flore de Bertrand de Saint-Ferréol, épouse, rappelons-le, de Joseph-Isaïe d’Indy. Les Seguin de Piegon sont une des branches de la nombreuse famille Seguin(s) originaire du Comtat-Venaissin. Ce sont des militaires. Depuis au moins Gabriel-Marie de Seguin (1602-?), reçu chevalier de l'Ordre de Malte en 1623, co-seigneur de Piegon, marié en 1631 avec Marguerite de Saint-Martin, on ne compte que des militaires de générations en générations. A partir des enfants de Joseph-Isaïe d’Indy, le système d’alliance des d’Indy va muter partiellement et associer au monde militaire celui des milieux juridiques et des cadres politico-administratifs de la Restauration et de la Monarchie de Juillet.
On trouve deux mariages Chorier chez les d’Indy de la première moitié du XIXe siècle. Les deux fils de Joseph-Isaïe d’Indy, Jean Guillaume Isaïe (1792-1869), sous-préfet de Nyons de 1821 à 1830 et Théodore Isaïe (1793-1853), capitaine au 1er régiment des grenadiers à cheval de la garde, chevalier de la Légion d’honneur, vont en effet épouser Anne et Thérèse Chorier, les deux filles de Laurent Joachim Chorier, docteur en droit, conseiller-maître en la Chambre des comptes du Dauphiné et de Magdeleine Pernety, fille de Jacques, ancien conseiller privé des Finances en Prusse, directeur général des fermes du roi en Dauphiné, et de Françoise Gardel. Les Chorier sont des juristes. D’ascension récente, ils ne sont pas nobles et font partie de cette bourgeoisie juridique ascendante de la fin du XVIIIe siècle, souvent proche de l’accès à la noblesse, qui adhérera aux idées de la Révolution et constituera ensuite le vaste contingent de cette bourgeoisie la plupart du temps libérale qui soutiendra le régime de Juillet puis le Parti de l’ordre. Anoblie ou pas au XIXe siècle, cette bourgeoisie se caractérise aussi et avant tout par une culture et une philosophie de la vie dont des penseurs comme Guizot, des romanciers comme Balzac ou Henri Monnier, l’inventeur du personnage Monsieur Prudhomme, des dramaturges comme Scribe ou des peintres comme Ingres, saisissant presque sous la forme d’un instantané Monsieur Bertin, auront défini et décrit les traits : sens du travail, de l’épargne et des valeurs familiales, utilitarisme, rationalisme, idéologie du Progrès et méfiance envers les exaltations spirituelles et romantiques dans la postérité des Lumières voltairiennes, mépris pour une forme d’esprit mondain aristocratique vite taxé de superficialité, esprit de sérieux… Dans certaines régions comme les Cévennes par exemple ou la Vendée cette bourgeoisie peut être à la fois catholique ou protestante en fonction des branches, ce qui est probablement le cas des Chorier ou des Pernety. Les Chorier, auxquels sont alliés les d’Indy, sont catholiques, puisqu’ils sont parents de Laurent Chorier, chanoine de la Cathédrale de Valence, qui marie en 1756 Antoine Chorier et Anne Gaillard, les grand-parents de l’aïeule de Vincent d’Indy[12], mais il existe aussi des Chorier protestants. Ainsi, Antoine-Laurent Chorier, adjoint au maire de Valence en 1816, puis député de la Drôme, siégeant dans l’opposition libérale de 1824 à 1827 est protestant. En tout état de cause, de même que finalement bien peu de choses séparent jusqu’au début du XXe siècle, au moins jusqu’à la fin du second Empire, un baron d’Empire de son cousin resté roturier, de même bien peu de choses séparent finalement un notable orléaniste catholique de son voisin protestant. Les deux finalement partagent avec Guizot cet idéal de citoyenneté capacitaire qui est aussi un vrai système de valeurs et une éthique de vie.
Même si Vincent d’Indy perd sa mère peu de temps après sa naissance et est, nous y reviendrons, élevé par sa grand-mère (Thérèse) d’Indy, dite Rezia, née Chorier, la famille maternelle du compositeur est elle aussi très révélatrice de l’ancrage politique de la famille d’Indy dans la première moitié du XIXe siècle. Sa mère est en effet née Chabrol de Crouzol. Ici, nous arrivons dans une famille de grands commis de l’Etat de la première moitié du XIXe siècle, dont le membre le plus connu est Chabrol de Volvic. Tous issus de Guillaume-Michel Chabrol (1714-1792), avocat du roi au présidial de Riom, et anobli par Louis XV en 1767, les Chabrol de la première moitié du XIXe siècle qui sont les petits enfants de Guillaume-Michel Chabrol ont tous été réanoblis, à l’exception de Chabrol de Chaméane, sous le premier Empire, ont poursuivi de brillantes carrières sous la Restauration et ont été, sauf exceptions, retitrés par Louis XVIII… Le premier, Guillaume-Michel, comte de Chabrol de Tournoël (1770-1823) est créé baron de l’Empire le 8 avril 1812. Il se rallie à la Restauration et est élu, le 22 août 1815, député du Puy-de-Dôme au collège de département. Le deuxième, Antoine-Joseph, comte de Chabrol de Chaméane (1770-1859) est sous la Restauration maire de Nevers et député de la Nièvre. Il se retire assez tôt de la vie politique, dès 1827. Le troisième, Christophe de Chabrol de Crouzol (1771-1836), le grand-père de Vincent d’Indy, est nommé auditeur au Conseil d’Etat le 25 Thermidor an XI (13 août 1803), puis créé chevalier de l'Empire le 11 août 1808. Il est ensuite nommé maître des requêtes au Conseil d’Etat en 1809. Fait comte de l'Empire le 9 mars 1810, il est nommé président de chambre à la cour impériale de Paris en mars 1811. Rallié aux Bourbon, il est fait pair de France et est ministre de la Marine sous Louis XVIII et Charles X et enfin ministre des finances du gouvernement Polignac en 1829. Le quatrième est Chabrol de Volvic, marié à Dorothée Lebrun, fille du duc de Plaisance. Comment résumer la biographie de Chabrol de Volvic en quelques lignes ? Gilbert Joseph Gaspard, comte de Chabrol de Volvic (1773-1843) est au départ un brillant polytechnicien. Excellent administrateur, il est d’abord sous-préfet de Pontivy en 1803. Il est créé baron de l’Empire en 1810. Après divers postes, il est nommé en 1812 préfet de la Seine, poste qu’il gardera… 18 ans, hormis les Cent-Jours, jusqu’en… 1830 !! Créé comte de Chabrol de Volvic par lettres patentes du 27 janvier 1816, il est également membre de l’Académie des Beaux-Arts dès 1817. En épousant, la petite fille de Chabrol Crouzol, Pauline-Mathilde (1829-1851), Antonin d’Indy, le père de Vincent d’Indy, comme son frère aîné, Saint-Ange Wilfrid d’Indy qui épouse de son côté la sœur aînée de Pauline-Mathilde, Anne-Sophie (1827-1891), entre dans une très puissante dynastie et fait un très, très beau mariage… !!
Endogamie oblige, la mère de Pauline-Mathilde et d’Anne-Sophie de Chabrol-Crouzol, née Le Couteulx de Molay, est issue d’une famille proche des Chabrol en termes de carrière et d’ascension sociale. Les Le Couteulx sont eux aussi issus de la robe et comme les Chabrol feront de brillantes carrières dans le personnel politico-administratif du Premier Empire et de la Restauration. Originaire de Normandie, la famille le Couteulx est elle aussi une véritable dynastie avec de nombreuses branches, à ceci près qu’elle encore plus ancienne et encore mieux implantée sous l’Ancien Régime que les Chabrol. Au titre des personnalités ayant illustré cette famille, on trouve entre-autre un important banquier, Jean-Jacques Le Couteulx du Molay (1740-1823) dont la femme Geneviève-Sophie, née elle-aussi Le Couteulx mais de la Noraye, a été peinte par madame Vigée-Lebrun en 1788. Celui-ci acquiert en 1771 le château de la Malmaison où il reçoit l’Abbé Siéyès et Lavoisier, qu’il revendra en 1799 à Joséphine de Beauharnais. Parmi les enfants de celui-ci, on trouve Pauline Le Couteulx du Molay (1776-1802), épouse du marquis Jules de Noailles et mère de Paul de Noailles, futur 6e duc, et Jacques-Félix Le Couteulx du Molay (1779-1812), auditeur au Conseil d’Etat, préfet de la Côte d'Or en 1809 et fait baron de l’Empire en 1810, époux lui aussi d’une le Couteulx. Celui-ci est le père de Pauline Le Couteulx du Molay (1808-1875) qui épousera François de Chabrol-Crouzol (1798-1883) et qui est donc la grand-mère maternelle de Vincent d’Indy.
L’attitude de Joseph-Isaïe d’Indy pendant la Révolution, le Directoire et l’Empire, puis sa carrière extrêmement rectiligne sous l’Empire et la Restauration, sont parfaitement cohérentes avec celle de ces grands serviteurs de l’Etat de la première moitié du XIXe siècle que sont les différents membres de la famille Chabrol ou encore les Le Couteulx du Molay. Dans ces différents cas, nous affaire à un milieu de robe (Chabrol) ou de banquiers proches de la robe (Le Couteulx) qui, à la fin de l’Ancien Régime, est récemment anobli ou en voie d’anoblissement, surfe sur la Révolution et ensuite traverse tous les régimes en étant loyaux envers chacun d’eux… ! Idéologiquement, ces milieux sont dans la continuité libérale de ces juristes, robins et financiers, éclairés et lettrés de la fin l’Ancien Régime comme en témoignent les réceptions de Jean-Jacques Le Couteulx du Molay à la Malmaison sous le règne de Louis XVI ou encore la culture juridique et l’érudition de ce savant jurisconsulte que fut Guillaume-Michel Chabrol au XVIIIe siècle. Appartenant à une strate inférieure, plus modeste et plus provinciale, les Chorier ne sont pas si éloignés que cela des Chabrol ou des Le Couteulx, que ce soit en termes de culture ou de sensibilité socio-politique. Ils sont juste moins flamboyants et moins intégrés dans les élites parisiennes et probablement un peu plus Louis-Philippards, car moins influencés par la légèreté et l’esprit des salons parisiens du XVIIIe siècle que les Le Couteulx ou les Chabrol. N’est pas en définitive Chabrol de Volvic ou Le Couteulx du Molay qui veut. Idéologiquement encore, les d’Indy et leur parenté élargie n’ont, au moins jusqu’en 1848 si ce n’est jusqu’au second Empire, que bien peu de rapport, voire aucun rapport du tout, avec le légitimisme ou l’ultracisme de la première moitié du XIXe siècle. Ce sont des libéraux, jusqu’au cousin Noailles qui, lui, est le seul dans cette parenté élargie à être issu de la grande noblesse de cour, mais qui n’en reste pas moins libéral politiquement, comme les Broglie ou La Fayette qui, ne l’oublions pas, avait épousé Adrienne de Noailles.
Dernier marqueur attestant d’une sensibilité plutôt libérale dans l’ascendance de Vincent d’Indy : la proximité de son père Antonin avec la Société Saint-Vincent de Paul et Frédéric Ozanam[13]. Le père de Vincent d’Indy est un catholique social. Bien que la famille des catholiques dits sociaux soit assez plurielle dans la mesure où on trouve vers le milieu du siècle des légitimistes, des libéraux et des démocrates-socialistes[14], le père de Vincent d’Indy doit plutôt être situé, si l’on pense à ce que sont politiquement et socialement les d’Indy dans la première moitié du XIXe siècle et du fait de la proximité d’Antonin d’Indy avec Ozanam, du côté des libéraux c’est-à-dire plutôt dans la mouvance de Lacordaire, de Montalembert, de l’expérience prophétique du journal l’Avenir et de Mgr Dupanloup. On voit difficilement Antonin d’Indy dans la postérité de Villeneuve-Bargemont et d’Armand de Melun ou a contrario dans celle de Buchez et de ses disciples. Engagé aux côtés de la Société Saint Vincent de Paul et en même temps haut-magistrat, il est, rappelons-le encore, conseiller à la cour de Cassation, Antonin d’Indy semble probablement aussi loin, sur le plan religieux, du catholicisme intransigeant de Louis Veuillot et de l’Univers qu’il ne l’est, sur le plan politique, de la noblesse légitimiste et plus encore des descendants de l’ultracisme.
III – Vincent d’Indy : un musicien sous la IIIe République
Dans leur livre, Jean et Francine Maillard remarquent qu’au moment où Vincent d’Indy commence à songer à épouser Isabelle de Pampelonne, une des raisons des réticences de son oncle Wilfrid à ce mariage était que : « celui-ci […] avait de hautes visées nobiliaires pour son neveu et rêvait de le voir épouser une duchesse ! »[15] Vrai ou seulement vraisemblable, ce détail montre combien la famille d’Indy au XIXe siècle est dans une forte dynamique ascensionnelle de la province vers Paris. Il y un petit côté Rastignac chez ces nobles vivarois, qui, en deux générations, passent des Chorier aux Chabrol-Crouzol / Le Couteulx de Molay, de Valence à Paris, et force est de dire qu’il ne reste plus aux d’Indy qu’à épouser aux alentours de 1870 des duchesses de Guermantes, c’est-à-dire à s’allier aux descendants de l’ancienne noblesse de cour versaillaise, au parti des ducs et à se stabiliser définitivement dans la société du Faubourg Saint-Germain, pour achever un travail commencé il y trois générations. L’ascension parisienne des d’Indy montre combien la Révolution aura été la seconde chance d’une noblesse provinciale que l’oligarchisation curialo-parlementaire et la calcification progressive des élites de la société absolutiste au long des XVIIe et XVIIIe siècle condamnait à ne jamais pouvoir sortir de ses provinces. Sans la Révolution, Châteaubriand, Villèle, des familles comme les La Rochejaquelein ou les La Bourdonnaye n’auraient jamais eu le destin parisien qu’on leur a connu au XIXe siècle, voire au XXe siècle. Le monde d’indyste est en fait structuré au XIXe siècle autour d’une forte tension province-Paris, visible dans l’opposition entre deux mondes : d’un côté la Drôme et l’Ardèche de la Symphonie cévenole, des Chorier et d’Isabelle de Pampelonne et de l’autre le Paris de la Schola et des Chabrol-Crouzol / Le Couteulx de Molay.
Au XIXe siècle, les d’Indy se partagent entre les carrières militaires, le grand-père de Vincent d’Indy est capitaine dans le 1er régiment de grenadiers et la haute magistrature, Antonin d’Indy, le père cette fois, est conseiller à la cour de Cassation, tandis que l’oncle Wilfrid, estimable compositeur de musique ne semble pas avoir de profession. En choisissant de devenir artiste, d’Indy fait un choix assez transgressif, mais qui a une forme de cohérence si on le rapporte aux bouleversements de la société du XIXe siècle et plus encore de la fin du XIXe siècle. Dans un texte publié en 1901 qui est une conférence donnée à Bruxelles et qui a pour titre « L’artiste moderne », Vincent d’Indy s’en explique d’une manière assez précise :
« Ce qui fait du nom d’artiste un titre sublime, c’est que, en dépit de l’ancienneté des fondations sur lesquelles il bâtit une œuvre nouvelle, l’artiste reste libre, complètement libre.
Regardez autour de vous et dites si, à ce point de vue, il est quelque carrière plus belle que celle de l’artiste conscient de la dignité de sa mission ?
L’armée ? - Le dévouement au pays, conséquemment l’obéissance aux ordres donnés qui exige l’abnégation de soi-même, est sa seule raison d’être.
La magistrature ? - Jadis libre, elle est maintenant asservie aux prescriptions ministérielles.
L’université ? - Elle est, pour son malheur, sous la tutelle du gouvernement.
La politique ? - Une domesticité mal déguisée.
Sans parler de l’administration et du fonctionnarisme à outrance qui sont les plaies honteuses de notre pays.
Partout, obéissance par définition ou asservissement par état.
Un général, un magistrat, un professeur officiel ne peuvent agir librement, risquer un geste personnel sans s’exposer à voir leur carrière brisée ou compromise, mais quel est le gouvernement, quel est le Pape, l’Empereur, le Président de République qui pourrait imposer à un artiste l’obligation de faire telle œuvre si celui-ci ne la veut point faire ou lui défendre de faire telle autre s’il plaît à l’artiste de la composer ? Et la noble et libre carrière n’en reste pas moins largement ouverte devant lui !
La liberté, voilà le vrai bien, le plus précieux apanage de l’artiste.
La liberté de penser - cette liberté que ceux qui s’intitulent pompeusement : libres penseurs, s’efforcent d’enlever à l’homme - et aussi la liberté que personne au monde n’a le pouvoir d’ôter à l’artiste, celle de construire son œuvre selon sa conscience.
Mais cette liberté qu’ont glorieusement pratiquée les vrais artistes de tous les temps, elle a été, elle sera toujours battue en brèche par ceux qui ne veulent point ou ne savent point s’en servir.
C’est ainsi qu’actuellement encore, elle est en butte aux attaques des deux sectes que je signalais tout à l’heure, la secte académique et la secte révolutionnaire, qui ne sont, en somme, malgré leur étiquette dissemblable que deux formes diverses d’une même réaction, qu’on me pardonne d’employer ce vieux cliché du jargon politique, je ne trouve pas de meilleur terme pour cataloguer ces deux tendances rétroactives.
D’un côté, un système officiel où l’enseignement du métier est, je le reconnais, poussé à un degré de perfection rare, mais duquel est bannie toute large conception de l’art, car la sollicitude des distinctions, la lutte pour l’arrivisme ne laisse point de temps au généreux travail de la conscience artistique.
D’un autre côté, un système dit : vériste qui, répudiant toute influence antérieure, veut, faisant, mais seulement jusqu’à un certain point, table-rase, ne voir et n’exprimer que la vie actuelle. »[16]
Dans ce texte tous les mots comptent…
Au premier abord, on pourrait y voir une sorte de manifeste célébrant une forme de liberté aristocratique. Il y a probablement quand même un peu de ça… Dans la liste, très révélatrice, contenue dans la phrase suivante, « mais quel est le gouvernement, quel est le Pape, l’Empereur, le Président de République qui pourrait imposer à un artiste l’obligation de faire telle œuvre si celui-ci ne la veut point faire ou lui défendre de faire telle autre s’il plaît à l’artiste de la composer ? », il manquerait le Pape, l’alliance de liberté aristocratique et de liberté artistique, laquelle prend sa source dans les romantisme des années 1830, serait probablement avérée. La présence du Pape conduit à subtilement infléchir l’interprétation du côté d’une forme de libéralisme qui n’est pas sans rappeler les réticences d’un Montalembert, par exemple, vis-à-vis du dogme de l’infaillibilité pontificale. Le Pape fait partie potentiellement de ceux qui peuvent limiter la liberté, même si, ici, il ne s’agit que de liberté artistique, type de vision qu’on ne trouverait pas chez les catholiques intransigeants et ultramontains de la deuxième moitié du XIXe siècle. Il y a dans la profession de foi de d’Indy une défense sans concession de l’esprit de liberté, pour reprendre l’expression paradigmatique de Tocqueville, qui est symptomatique d’une sensibilité libérale, et plus spécifiquement de la mentalité de la noblesse libérale des deux premiers tiers du XIXe siècle.
Autre marqueur de libéralisme, l’alliance du progressisme et du juste milieu, du centrisme. D’Indy se définit comme progressiste et connote ‘’réaction’’ péjorativement. Assez curieusement, eu égard à l’image qu’on a conventionnellement de lui, et qui est celle d’un compositeur d’extrême-droite, il construit deux refus qui sont deux refus de deux extrêmes, les deux étant aux deux opposés de l’échiquier politique, à droite et à gauche, deux extrêmes qu’il nomme de surcroît réaction. On se croirait presque du côté de la coalition rouge-brun d’une certaine politologie libérale-centriste germanopratine des années 2000… ! D’un côté, il fustige l’académisme et de l’autre la Révolution. Il n’est pas très difficile de voir une sorte de déplacement sur l’art des deux répulsions viscérales des libéraux vis-à-vis du conservatisme droitier et du gauchisme révolutionnaire.
Dernier marqueur de l’héritage des élites libérales d’avant 1848, l’esprit de sérieux et le sens du travail. D’Indy a l’esprit de sérieux d’un Guizot ou d’un membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques des années 1840 ! Ainsi, dans son Discours prononcé lors de l’inauguration de la Schola en 1896, il va être assez sévère avec les ‘’gens du monde’’. « Loin de moi, écrit-il, l’opinion encore répandue chez quelques gens du monde, que l’inspiration suffit à tout et que l’homme inspiré n’a nul besoin d’apprendre la composition ou l’exécution »[17]. Pour Vincent d’Indy, le travail est une valeur. Son horreur viscérale d’un art de divertissement, son exaspération devant la superficialité et la sensualité de l’opéra italien et de l’opéra français de la première moitié du XIXe siècle et son goût pour le sérieux et l’élévation de pensée de la musique allemande sont un marqueur évident de cet esprit de sérieux qui le rapproche bien plus des habitus et du rapport au monde de la bourgeoisie libérale post-révolutionnaire du Moment Guizot[18], sa grand-mère Chorier ?, que de cet art agréable de la perte de temps qui caractérise la mondanité aristocratique…
En définitive, d’Indy donne l’impression d’être d’un libéral proche de la sensibilité politique des grands libéraux de la première moitié du XIXe siècle comme Tocqueville ou Guizot, ce qui serait assez cohérent avec les choix politiques des d’Indy depuis la Révolution et leurs alliances depuis la même époque, mais dont le système aurait d’un côté partiellement muté et de l’autre se serait droitisé, rigidifié, sous l’effet de la violence des conflits du dernier tiers du XIXe siècle : conflit franco-allemand à partir de 1870, conflit des ‘’Deux France’’ après 1880 et encore plus après 1901. Restent à interpréter les propos constamment dénigrants de d’Indy, pour ne pas dire plus, vis-à-vis des protestants et des juifs[19]. Cela n’est pas très cohérent avec le libéralisme politique d’avant 1848. Ainsi, dans ce même discours prononcé lors de l’inauguration de la Schola en 1896, il déclare la : « Guerre au particularisme, ce fruit malsain de la déviation protestante » ! Dans le même texte, on le voit assez peu aimablement vouloir « laiss[er] ce négoce [c’est-à-dire la commercialisation de l’art] aux trop nombreux sémites qui encombrent la musique depuis que celle-ci est susceptible de devenir une affaire »[20]. Un peu plus loin, dans le même texte, parlant des artistes qui veulent faire du neuf pour du neuf, il écrit : « ils sont bien loin de créer, comme ils le croient, un art nouveau et des formes nouvelles, précisément parce que, soit par ignorance, soit par incurie, ils ne savent ou ne veulent pas se rattacher à la chaîne logique du passé - Cette tendance paraît être encore un dernier avatar de l’école judaïque qui retarda la marche de l’art pendant une grande partie du XIXe siècle, les œuvres qui en émanent sont, en général, superficielles comme cette école, et, comme elle, destinée à périr »[21] Il consent toutefois dans son programme d’étude de la Schola à faire étudier des : « notions sommaires des morceaux d’opéra italien du XIXe siècle et des scènes d’opéra français de l’époque judaïque »[22], c’est-à-dire de Meyerbeer et Halévy. Dans la conférence de Bruxelles dont il a été question plus haut, il construit un fourre-tout assez déconcertant où se côtoient : « les académiques, les éclectiques chercheurs de succès, les juifs, les imitateurs plus ou moins doués de talent »[23]. Tous ces propos sont très symptomatiques de la métabolisation idéologique d’un héritage et d’une sensibilité sous l’effet de la bi-polarisation violente de la vie politique française après 1870 et surtout après 1880. Les élites protestantes et juives ayant fortement adhéré aux valeurs de la IIIe République et du radicalisme et en étant les plus forts soutiens, en tout cas beaucoup plus que les élites catholiques, la violente bi-polarisation des luttes politiques du temps fait que chaque côté devient l’ennemi de l’autre sans espoir de réconciliation et de compromis. Dans ce contexte, d’Indy choisit son camp et construit idéologiquement ses ennemis en fonction du camp qu’il choisit jusqu’à la caricature et une forme d’incohérence et de bêtise. Le juif se retrouve ainsi être celui qui empêche le progrès en Art et qui maintient l’art dans une forme de superficialité stérile. Il devient l’agent corrupteur de ces deux traits portant symptomatique de la sensibilité libérale de la première moitié du XIXe siècle : le progrès et l’esprit de sérieux… Quant au protestantisme, il est, chez d’Indy, assez classiquement d’ailleurs, cette déviation destructrice qui, à partir de la Renaissance, parce qu’elle promeut des valeurs individualistes corrompt tout ce que le catholicisme a pu construire patiemment à partir du Moyen-Age en matière de spiritualité, de civilisation et d’amélioration de l’humanité.
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Conclusion
Ce bref survol de la généalogie d’Indy, à partir de quelques sources en ligne et facilement accessibles, et qui de ce fait devra être remanié ultérieurement, appelle plusieurs observations. En premier lieu, Vincent d’Indy apparaît comme étant le couronnement d’une ascension sociale patiente et méthodique de la province vers Paris commencée lors de la conversion d’Isaïe d’Indy après la révocation de l’Edit de Nantes. Vincent d’Indy aurait pu prolonger et achever la trajectoire en épousant la fille d’un duc du Noble Faubourg, ce qu’a fait sa tante Pauline Le Couteulx en épousant un Noailles, et en faisant une carrière de grand serviteur de l’Etat dans l’armée ou la haute-fonction publique. Il n’en a rien été. Plus exactement, il a achevé le travail de sa lignée d’une manière décalée en devenant un artiste, mais un artiste qui, au lieu de diriger un régiment ou d’administrer un département comme préfet, comme son aïeul Joseph-Isaïe d’Indy, ou un ministère, comme son autre aïeul Christophe de Chabrol-Crouzol, a fondé et administré d’une main de maître une grande école d’art, la Schola. Il y a quelque chose de Marcel Landowski, chez Vincent d’Indy, mais un Marcel Landowski qui aurait refusé d’être un grand serviteur de l’Etat et aurait mis ses qualités d’organisation et de commandement au service d’une structure privée.
Au rebours de l’image de psychorigidité idéologique et comportementale que l’on prête souvent à Vincent d’Indy, les ancêtres du grand musicien donnent plutôt une impression de plasticité. Par deux fois, ils n’émigrent pas. Ils se convertissent. Ils restent fidèles à leur ancrage local tout en s’adaptant… La première fois, au moment de la Révocation de l’Edit de Nantes, en se convertissant au catholicisme ; la deuxième fois, ce qui est aussi une forme de conversion, en devenant des serviteurs de l’Etat post-thermidorien puis du Directoire et de l’Empire. Cet engagement après la Terreur aux différents régimes issus de la Révolution est assez difficile à interpréter. Dans l’attente de compléments d’information qui viendraient corroborer ou au contraire l’infirmer, on peut formuler l’hypothèse, certes audacieuse, d’un héritage chez le d’Indy de la Révolution de comportements de type ‘’marranisant’’ qui auraient été plus ou moins ceux des d’Indy dans les décennies qui ont suivi la Révocation de l’Edit de Nantes. L’image de loyauté envers la monarchie absolue et le catholicisme contre-réformé des d’Indy du XVIIIe siècle est peut beaucoup plus ambigüe qu’on ne le pense. Peut-être ont-ils maintenu discrètement des solidarités locales avec leurs parents restés protestants ? Peut-être les d’Indy étaient-ils plus distants vis-à-vis du pouvoir absolutiste qu’ils ne l’ont laissé apparaître ? Peut-être subsistait-il dans leur catholicisme des restes de libre-examen et d’anti-papisme typiquement protestant, une forme d’attachement viscéral à la liberté individuelle, qui aurait souterrainement structuré le libéralisme politique des d’Indy de la première moitié du XIXe siècle et facilité leur adhésion aux différents pouvoirs qui ont suivi la Révolution ?
Enfin, si l’on met en perspective le comportement de Vincent d’Indy à partir de 1870 par rapport au contexte politique de la société d’avant 1848, on a l’impression d’un aristocrate issu du bonaparto-orléanisme libéral, du Juste-Milieu donc, d’avant 1848, orientation politique qu’il partage avec Berlioz[24] par exemple, et qui, obligé de choisir après 1870, et surtout après 1880, entre l’héritage du carlisme ultra et celui de la République, aurait alors nettement choisi son camp. La bi-polarisation violente du paysage politique, et mondain, aux alentours des années 1900 fait que l’aristocratie libérale d’avant 1848 n’a plus d’espace. Elle est contrainte de choisir entre le faubourg Saint-Germain héritier de l’ultracisme, qui, bien que n’ayant plus le pouvoir politique, redevient le leader incontesté de la vie mondaine parisienne, et les Républicains. Comme ses ancêtres, Vincent d’Indy, d’une certaine manière, s’adapte et joue le jeu. Il fait de la Schola une machine de guerre contre le nouveau pouvoir républicain, et les nouvelles élites radicales, notamment juives et protestantes, et, dans le contexte de guerre idéologique et de bataille d’idées qui est celui de la IIIe République, il fabrique de l’idéologie. Il a les qualités pour. Depuis Les Idéologues et Le Globe, la noblesse libérale a toujours eu le goût des idées abstraites. Le juif ou le protestant, dans ce contexte, devient un hostis (un ennemi politique) bien plus qu’il n’est un inimicus (un ennemi personnel)[25], ce qui explique pourquoi d’Indy peut inviter à dîner tel ou tel intellectuel ou musicien juif et être en même temps aussi virulent dans ses écrits. Symétriquement, Emiles Combes entretiendra une correspondance enflammée avec la princesse Jeanne Bibesco, supérieure du carmel d’Alger, tout en expulsant les Congrégations… ! La politique est toujours tragique…
Bruno Moysan
(janvier 2021)
[1] Je tiens à remercier Philippe Gumplowicz qui est directement à l’origine de cet article. Sans nos passionnantes discussions, je ne me serais jamais intéressé à Vincent d’Indy et cet article n’aurait pas vu le jour. Ma reconnaissance va aussi bien évidemment à Eugène de Montalembert qui m’a fait part, comme toujours, de son regard critique et nuancé ainsi qu’au Pasteur Denis Vatinel, Conservateur du Musée de la France Protestante de l’Ouest (Château du Bois-Tiffrais à Monsireigne en Vendée : http://www.bois-tiffrais.org/) pour les éclaircissements qu’il m’a donnés sur la question des « nouveaux convertis » ou « nouveaux catholiques » ou « non catholiques » dans le siècle qui a suivi la révocation de l’Edit de Nantes ainsi que sur l’histoire de la noblesse protestante du Bas-Poitou. Un grand merci enfin à Pauline Genissel, fine exégète de Vincent d’Indy, qui m’a indiqué où chercher dans les nombreux écrits de d’Indy et m’a fait part de ses remarques si constructives et si informées.
[2] Jean et Francine Maiilard, Vincent d’Indy, Paris, Zurfluh, 1994, p. 9-10.
[3] Généalogie dont on peut trouver un certain nombre d’éléments, par exemple, ici : https://mpgenealogie.com/index.php/articles-de-journaux/82-gemagazine-n-222-vincent-d-indy
[4] Nicolas Piot, Noms dits et autres friandises, Paris, Patrice du Puy, 2009, p. 213
[5] Myriam Provence, Vincent d’Indy, disponible en ligne à l’adresse citée plus haut : https://mpgenealogie.com/index.php/articles-de-journaux/82-gemagazine-n-222-vincent-d-indy
[6] Myriam Provence, Vincent d’Indy.
[7] Myriam Provence, Vincent d’Indy.
[8] Les généalogies accessibles comme celle de Marc Gauer, Histoire de la famille Biousse et de ses alliances, Cahiers Ardéchois, 2013, p. 4 ne précisent pas la nature de la charge de conseiller exercée par Pierre Biousse. En revanche, Marc Gauer précise que Pierre Biousse est notaire royal, greffier consulaire et maire perpétuel de Saint-Georges et Saint Marcel.
[9] Myriam Provence, Vincent d’Indy.
[10] Il est intéressant de faire un parallèle avec la noblesse protestante d’une autre région qui est la Vendée ou plutôt le Bas-Poitou, comme on disait à l’époque. Un examen, même bref, des généalogies de trois familles vendéennes les Tinguy, les Majou et les Marchegay, montre des trajectoires étroitement corrélées aux pressions de la monarchie absolue vis-à-vis de la noblesse protestante. Ces trois familles sont toutes trois nobles (incontestablement noble pour les Tinguy) ou vivent noblement (au sens où l’entend Georges Huppert dans Bourgeois et gentilhommes. La réussite sociale en France au XVIe siècle, Paris, Flammarion, 1983), ce qui est probablement plutôt le cas des Majou et des Marchegay, et sont surtout toutes les trois protestantes à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle. Les Tinguy, comme les d’Indy retournent au catholicisme après la Révocation de l’Edit de Nantes (plus précisément en 1687 pour la branche Nesmy et plus probablement dès 1665 pour la branche Vanzay dont sont issus les Tinguy du Pouët et les Tinguy de la Giroulière) et ensuite font carrière, classiquement, dans les armées du roi tout en étant fidèles à leur terre et à leur ancrage rural. Les Majou font globalement le choix de la clandestinité ou de l’émigration après la Révocation de l’Edit de Nantes. Seul un rameau de la branche du Beignon, qui donnera aux XIXe et au XXe siècle les Majou de la Débuterie, retourne au catholicisme au début du XVIIIe siècle, après une séquence de conversion assez complexe avec de probables solidarités avec le monde protestant jusque probablement assez tard dans le XVIIIe siècle. Malgré ce retour au catholicisme, les Majou de la Débuterie garderont des liens avec le monde anglais et le protestantisme, et ce même encore au XXe siècle. Ainsi, Roger Majou de la Débuterie épousera en 1892 une anglaise protestante et son fils Stanhope Majou de la Débuterie, au moment de la 2e guerre mondiale, entrera dans la Résistance, dès février 1941, travaillera en liens étroits avec les services secrets anglais et en sera récompensé par la Military Cross. Les Marchegay, eux, resteront, jusqu’à aujourd’hui, fidèles à la R.P.R et feront la carrière que l’on sait à partir du XIXe siècle. Sur le plan des alliances, si on prend comme marqueur du rapport avec le protestantisme les alliances avec les Marchegay, on constate un axe fort Marchegay-Majou jusque même bien tard dans le XIXe siècle pour les Majou restés protestants (branche des Grois et des Pascaudières), et, a contrario, des alliances plutôt catholiques du côté Tinguy, avec les Buor notamment, cela à partir de la fin du XVIIe siècle. Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle que se structure un réseau fort Tinguy, Majou de la Débuterie, branche catholique des Majou, et Buor. L’examen comparatif de ces trois anciennes familles vendéennes montre que, plus le retour au catholicisme est ancien, plus l’empreinte du protestantisme s’estompe et plus l’intégration dans les cadres mentaux et les schémas de carrière de la noblesse catholique de province fidèle à la politique religieuse du pouvoir central de la monarchie absolue se renforce. Les Tinguy n’ont que peu de rapport avec la robe, voire pas du tout, cela contrairement aux d’Indy. Leur profil, presqu’idéal-typique, est délibérément provincial, rural et militaire, à l’image de ces nombreux aristocrates provinciaux à la fortune modeste qui, au XVIIIe siècle, leur service fait, retournaient dans leurs terres rurales, accrochaient leur croix de Saint-Louis sur le mur de la pièce principale de leur logis ou de leur maison forte et attendaient la mort devant leur cheminée tout en chassant, commerçant agréablement avec leurs voisins de campagne, lesquels étaient en général des cousins et des alliés, et en lisant quelques ouvrages de piété. D’une certaine manière, c’est vers ce modèle que tendent les d’Indy du XVIIIe siècle après leur conversion, tout en partageant certains traits avec les Majou, qui, eux, ne quittent le protestantisme que beaucoup plus tard, voire pas du tout, et se coulent dans le cahier des charges de l’absolutisme catholique plutôt vers la fin du XVIIIe siècle voire même au XIXe siècle pour la branche des Majou de la Débuterie. Comme les Majou, les d’Indy gardent des liens d’une part avec la robe tout en étant proche de la ruralité et d’autre part ne semblent pas rompre si franchement que cela avec les milieux protestants locaux même si le choix du catholicisme crée une évidente distanciation. Je tiens à remercier Christian de Tinguy de la Giroulière ainsi qu’Anne et Foucauld de Tinguy du Pouët pour l’aide qu’ils m’ont apportée dans la rédaction de cette note.
[11] Myriam Provence, Vincent d’Indy.
[12] Myriam Provence, Vincent d’Indy.
[13] Sur les relations d’Antonin d’Indy avec la Société Saint Vincent de Paul consulter, entre autres, Matthieu Bréjon de Lavergnée, La Société de Saint-Vincent-de-Paul au XIXe siècle (1833-1871). Un fleuron du catholicisme social, Paris, Editions du Cerf, 2008, 713 p., Robert Ferrier (abbé), « Antonin d’Indy, président de la conférence de Saint-Vincent-de-Paul de Valence (1886-1889) », dans Revue drômoise. Archéologie, histoire, géographie, n°421, octobre 1981, pp.417-422 et André Coront-Ducluzeau (abbé), « Nouvel essor du diocèse (1823-1876) », dans Jean Charay (abbé) [dir.], Petite histoire de l’Eglise diocésaine de Viviers, Aubenas, Imprimerie Lienhart, 1977, pp.233-234. Et enfin Société de Saint-Vincent-de-Paul de Valence, 1843-196519 S 1-137. Répertoire numérique détaillé établi par Julien Mathieu, attaché de conservation du patrimoine. Archives municipales de Valence, 2013-2015 disponible en ligne : 019S_Société de Saint-Vincent-de-Paul_ch.pdf
[14] Sur cette question se reporter notamment à Jean-Baptiste Duroselle, Les débuts du catholicisme social en France (1822-1872), Paris, PUF, 1951.
[15] Jean et Francine Maillard, D’Indy, p. 43.
[16] Vincent d’Indy, « L’artiste moderne », dans L’Occident - décembre 1901, p. 8-16 [+ adjonctions de L’Art moderne et Revue musicale de Lyon] disponible dans Gilles Saint-Arroman, Les écrits de Vincent d’Indy. D’une pensée à sa mise en acte, thèse soutenue le 7 décembre 2010, Université de Paris-Sorbonne, Vol. 2, Annexes, p. 144-148. Je remercie Pauline Genissel qui m’a indiqué ce texte assez peu connu.
[17] Vincent d’Indy, Une École de musique répondant aux besoins modernes / Discours d’inauguration / de / l’École de Chant liturgique et de Musique religieuse et classique / fondée par la « Schola Cantorum » en 1896 / agrandie et transférée / rue Saint-Jacques, 269, Paris / le 2 novembre 1900 / Paris, aux bureaux d’édition de la « Schola », 269, rue Saint-Jacques, s. d., 12 p. disponible dans Gilles Saint-Arroman, Les écrits de Vincent d’Indy., vol. 2, p. 131.
[18] Pierre Rosanvallon, Le moment Guizot, Paris, Gallimard, 1985
[19] Cette question complexe, qui ne peut être développée ici, fera l’objet d’une contribution ultérieure. Qu’il me soit permis d’esquisser toutefois quelques intuitions qui sont, avant tout, celles d’un non-spécialiste de d’Indy et dont, de surcroît, le champ principal de recherche est la première moitié du XIXe siècle. C’est probablement la bipolarisation outrancière propre à l’Affaire Dreyfus et l’adhésion de Vincent d’Indy à la Ligue de la Patrie Française, et ce dès son début, qui est à l’origine de la dérive vers la droite du compositeur. Cette dérive est aussi la dérive de tout un milieu comme le montrent ne seraient-ce que les fondateurs de la Ligue de la Patrie Française. C’est bien à un certain personnel libéral-centriste de la première moitié du XIXe siècle que nous avons affaire, plus bonapartiste que véritablement orléaniste et parfois même carrément Républicain au sens 48ard du terme, personnel qui n’a rien à voir avec le légitimisme des années 1830-1848 et finalement pas tellement plus avec le catholicisme. Nous sommes avant tout dans la continuité de la Révolution française et des Lumières de la deuxième moitié du XVIIIe siècle dans la mesure où la Révolution continue les Lumières tout en les faisant muter. Pour ne s’occuper que des adhérents de la première heure de la Ligue de la Patrie Française, ceux du Comité du 19 janvier 1899, nés avec un capital social certain ou au moins un certain capital social... Barrès vient d’une famille bonapartiste. Brunetière est le fils d’un Inspecteur général de la marine de la Monarchie de Juillet et loin des milieux catholiques puisqu’il ne se convertira au catholicisme qu’en 1900. Godefroy Cavaignac est le petit-fils du Conventionnel régicide bien connu et le fils du Républicain 48ard lui-aussi bien connu. Detaille est le petit-fils d’un intendant de la Grande-Armée. Heredia est assez difficile à situer mais il n’a guère d’affinités avec les milieux légitimistes ou avec le catholicisme ultramontain d’un Louis Veuillot. Vincent d’Indy descend intégralement du personnel militaro-administratif post-révolutionnaire rallié à Louis XVIII. Frédéric Plessis est le fils d’un médecin de marine breton de la même sensibilité. Alfred-Nicolas Rambaud est carrément radical puisqu’il a été Ministre de l’Instruction publique de 1896 à 1898. Henri Vaugeois descend d’un Conventionnel régicide par ailleurs prêtre jureur et défroqué. La Ligue de la Patrie française était nationaliste mais n’était pas vraiment antisémite en tout cas certainement pas dans les proportions de la Ligue antisémitique de France de Drumont. Comment d’Indy a-t-il pu en arriver à de tels propos sur les juifs ? Seule une étude approfondie permettra de le déterminer. Quelques hypothèses en forme de questions…
1°) L’influence wagnérienne ?
2°) Une conception de la Nation d’infrastructure unitaire et holistique, et qui, donc, ne peut penser, au contraire du libéralisme, le pluralisme et qui, par le fait même, peut avoir une propension assez forte à inventer à l’intérieur du corps social des ‘’corps étrangers ennemis de la Nation’’ (le Vendéen de 1793 ? le Juif de 1893 ?), conception unitaire et transparente du lien social, autoritaire aussi, qui puiserait à plusieurs sources : a) le Jacobinisme de 93 et le bonapartisme du Ier Empire y compris dans la façon propre au bonapartisme, mais plutôt au bonapartisme de Napoléon III cette fois, d’associer à un chef charismatique le suffrage universel, symbole de l’unité du corps social, b) un fantasme moyenâgeux dans la lignée aussi bien d’Auguste Comte (le Moyen-Age est conçu par Comte comme une époque organique holistique) que du renouveau néo-catholique de la première moitié du XIXe siècle (voir Paul Bénichou, Le temps des prophètes, Paris Gallimard, 1977, p. 174-220) mais qui viendrait s’hybrider, c) avec le monarchisme théocratique très rationnel de Bonald (et à ce titre il est possible que Bonald soit plus important, consciemment ou inconsciemment, que Joseph de Maistre dans la mécanique idéologique d’Indyste) ?
3°) La bipolarisation outrancière des années 1880-1914 qui structure une pensée politique, et un comportement, de type ami/ennemi ?
[20] D’Indy, Une école de musique répondant aux besoins modernes dans Saint-Arroman, p. 131.
[21] D’Indy, Une école de musique répondant aux besoins modernes dans Saint-Arroman, p. 138.
[22] D’Indy, Une école de musique répondant aux besoins modernes dans Saint-Arroman, p. 132.
[23] D’Indy, « L’artiste moderne » dans Saint-Arroman, p. 146.
[24] La place manque pour traiter des relations entre d’Indy et Berlioz… Comme Berlioz, d’Indy fait le choix, sérieux, de la musique allemande. Rezia d’Indy, née Chorier, qui a quand même élevé d’Indy, appartient à peu près au même milieu social et idéologique que le père de Berlioz, strate de la société de l’Ancien Régime qui évoluera ensuite sous la forme de la bourgeoisie dite Juste Milieu, ce qui n’empêche pas Berlioz d’être esthétiquement et caractérologiquement un romantique extrême, mais c’est un autre débat…
[25] Sur l’opposition hostis / inimicus se reporter à Julien Freund, L’essence du politique, postface de Pierre-André Taguieff, Paris Dalloz, 2004, p. 442-444.
ŒUVRES DE VINCENT D’INDY
La source principale utilisée pour dresser ce catalogue est une liste publiée dans les bulletins mensuels n° 10 (15 décembre 1929) et 11 (15 janvier 1930) " Le Chant de la cloche ", organe de l’Association des Anciens Elèves de la Schola Cantorum (Présidents d’honneur : Vincent d’Indy et Marcel Labey, Président : Louis Morand, Vice-Président : Jean Canteloube). Un catalogue complet peut également être consulté dans le remarquable ouvrage de Léon Vallas " Vincent d’Indy ",2 vol., Paris, Albin Michel, 1946-50. Quelques œuvres figurant ici sont inédites, mais la plupart sont éditées chez Durand, Heugel, Hamelle, Leduc, Rouart-Lerolle, Colombier, Loret, Schola Cantorum, Michaelis, Art catholique, Le Pigeonnier, Billaudot, Bruneau, Sénart, Enoch, Sim, Baudout.
D.H.M.
1870
Trois romances sans paroles, pour piano
La chanson des Aventuriers de la mer, baryton et chœur
1872
Attente, chant et piano
Madrigal, chant et piano
1874-75
Jean Hunyade (symphonie), orchestre
1876
Antoine et Cléopâtre (ouverture), orchestre
1878-88
Quatuor en la mineur, piano et cordes
1878
La forêt enchantée, légende-symphonie d’après une ballade de Uhland
1880
Petite Sonate, piano
Plainte de Thécla, chant et piano
1879
La Chevauchée du Cid, baryton, chœur et orchestre
1873-81
Wallenstein trilogie, orchestre, ouvertures d’après l’œuvre de Schiller : Le camp de Wallenstein,
Max et Thécla, La mort de Wallenstein
1872-81
Clair de Lune (étude dramatique}, soprano et orchestre
1876-82
Attendez-moi sous l'orme (opéra-comique), opéra-comique
1882
Poèmes des montagnes, piano
Quatre pièces, piano
Helvetia (3 valses : Aarau, Schinznach, Laufenburg), piano
1879-83
Le chant de la Cloche, (légende dramatique), soli, double chœur, orchestre. (Couronné au Concours
musical de la Ville de Paris en 1885)
1884
Lied, violoncelle et orchestre
L'amour et le crâne, chant et piano
Sauge fleurie, légende pour orchestre d’après un conte de Robert de Bonnières
Cantate Domino (cantique), 3 voix et orgue
1885
Signature autographe de Vincent d'Indy, 19 septembre 1885
( Coll. J.H.M. )
Sainte Marie - Madeleine ( cantate) , soprano, chœur de femmes, piano ou harmonium
1886
Suite en ré dans le style ancien, trompettes, 2 flûtes et quatuor
Symphonie sur un chant montagnard français, piano et orchestre
Nocturne, pour piano
1887
Promenade, pour piano
Sérénade et Valse, pour petit orchestre, extraites des op. 16 et 17
Trio pour piano, clarinette et violoncelle
Schumanniana, trois pièces pour piano
1888
Fantaisie, pour hautbois principal et orchestre, sur des thèmes populaires français
Sur la mer, chœur pour voix de femmes
1889
Tableaux de voyage, 13 pièces pour piano (Le lac vert, La poste, En marche...)
1890
Karadec, musique de scène pour un drame d’André Alexandre, orchestre
1er Quatuor à cordes en ré
1891
Tableaux de voyage, suite pour orchestre, en 6 parties, extraite de l'op. 33 de 1889
1893
Pour l'inauguration d'une statue, cantate pour baryton, chœur et orchestre
Prélude et petit Canon, pour orgue
1894
L'Art et le Peuple, chœur à 4 voix d'hommes sans accompagnement
1889-95 Fervaal, action musicale en un prologue et 3 actes (créé le 12 mars 1897 au Théâtre de la Monnaie,
Bruxelles)
Vincent d'Indy en 1896
( Photo Blain frères, à Valence, in Le petit Poucet, n° 20 du 23 juin 1896 )
1896
Deus Israël, motet à 4 voix mixtes
Istar, variations symphoniques pour orchestre
Lied maritime, pour chant et piano
1897
Ode à Valence, couplets pour soprano et chœurs
2ème Quatuor à cordes en mi
1898
Les Noces d'or du Sacerdoce, cantique.
Médée, musique de scène pour la tragédie de Catulle Mendès, interprétée par Sarah Bernhardt
La première dent, berceuse enfantine pour chant et piano
Sancta Maria, succure miseris, motet pour 2 voix égales
Chansons et Danses, divertissement pour instruments à vent
1899
Vêpres du Commun d'un martyr, 8 antiennes pour orgue
1900
Chansons populaires du Vivarais, transcriptions et harmonisations pour chant et piano
1898-1901
L’Etranger, action musicale en 2 actes (crée le 7 janvier 1903 au Théâtre de la Monnaie, Bruxelles)
1903
Marche du 76e Régiment d’Infanterie
Choral varié, pour saxophone et orchestre
Mirage, pour chant et piano
1902-03
2e Symphonie, en si bémol
1904
Les Yeux de l'Aimée, pour chant et piano
1903-04
Sonate en ut, pour violon et piano
1904
Petite Chanson grégorienne, pour piano à 4 mains
1905
Jour d'été à la montagne, 3 pièces pour orchestre
1906
Souvenirs, poème pour orchestre (en souvenir de son épouse Isabelle, décédée le 29 décembre 1905)
1907
Sonate en mi, pour piano
Vocalise pour chant et piano, collection Hettich
1909
Menuet sur le nom d'Haydn, pour piano
O gai soleil, chœur et canon à 2 voix
1911
Pièce en mi bémol mineur, pour orgue
1908-15
La Légende de Saint-Christophe, drame sacré en 2 actes (créé le 9 juin 1920 à l’Opéra, Paris)
Treize Pièces brèves, pour piano (épreuves de lecture des examens de la Schola)
Douze petites Pièces faciles, pour piano (mêmes épreuves, cours élémentaires)
1916-18
Sinfonia brevis (de Bello Gallico), symphonie guerrière
1907-18
100 thèmes d'harmonie : basses et chants donnés, réalisations des basses et chants
donnés (épreuves d’examens des cours d’harmonie de la Schola cantorum, 1907-1918, composés et
ordonnés progressivement par Vincent d’Indy))
1918
Sarabande et Menuet, pour flûte, hautbois, clarinette, cor, basson et piano, transcrits de la Suite op. 24
Sept Chants de terroir pour piano à 4 mains
1919
Pour les enfants de tout âge, 3 albums de pièces pour piano
Pentecosten, 24 cantiques populaires grégoriens
1920
Veronica, musique de scène
1919-21 Poème des rivages, suite symphonique en 4 parties
1921
2 Scholar's Songs, for 2 voices
1922
Ave Regina coelorum, motet à 4 voix mixtes
1922-23 Le Rêve de Cynras, comédie lyrique en 3 actes et 5 tableaux
1924
Quintette, pour piano, 2 violons, alto et violoncelle
Trois Chansons populaires françaises : Querelle d'amour, Histoire du jeune soldat, Lisette, pour chœur sans accompagnement
1925
Deux Motets en l'honneur de la canonisation de saint Jean Eudes
1924-25 Sonate en ré, pour violoncelle et piano
1925
Thème varié, fugue et chanson, pour piano
Contes de fée, suite pour piano
1925-26 Diptyque méditerranéen, pour orchestre
Cinq cents exercices de lecture pour violoncelle (4 fascicules)
1926
O Domina mea, motet à 2 voix égales
Concert pour flûte, violoncelle et orchestre à cordes
Ronde des villageois pour piano
1927
Six chants populaires français, pour chœur sans accompagnement
Suite pour flûte, violon, alto, violoncelle et harpe
1928
Sextuor pour 2 violons, 2 altos et 2 violoncelles
Le bouquet de printemps, chanson à 3 voix égales, sans accompagnement
Madrigal à 2 voix, pour soprano et violoncelle
Six Paraphrases pour piano sur des chansons enfantines de France
1928-29
3e Quatuor à cordes en ré bémol
1929
Les trois fileuses, chœur pour 3 voix égales sans accompagnement
Trio en sol, pour piano, violon et violoncelle
1930
Fantaisie, pour piano sur un vieil air de ronde française
Six chants populaires français
Chansons populaires du Vivarais, 2e recueil
Chanson en forme de canon
1931
Chant de Nourrice
Le Forgeron
La vengeance du mari
Quatrième Quatuor (inachevé)
RESTITUTION DE MUSIQUES ANCIENNES
* L’Orfeo, Monterverdi (Paris, Schola, s.d.)
* Le couronnement de Poppée, Monteverdi (Paris, Schola, s.d.)
* Le retour d’Ulysse, Monteverdi (inédit)
* Eléments, Destouches
* Bayadères, Catel
Participation à l’édition des œuvres complètes de Rameau : Dardanus, Hippolyte et Aricie, Zaïs, etc...
ECRITS
* Cours de composition musicale (3 vol., Paris, Durand, 1900, 1909, 1933)
* César Franck (Paris, F. Alcan, 1906)
* Beethoven, biographie critique (Paris, " Les Musiciens célèbres ", 1911)
* La Schola cantorum en 1925 (ouvrage collectif, Paris, Librairie Bloud et Gay, 1927)
* Richard Wagner et son influence sur l’art musical français (Paris, Delagrave, 1930)
* Introduction à l’étude de Parsifal (Paris, 1937)