Félix MOREAU
Compositeur
(1922-2019)
Organiste titulaire du Grand Orgue de la cathédrale de Nantes
Félix Moreau au grand orgue de la cathédrale de Nantes, mai 2002
( coll. Association Hymnal )
Aigrefeuille-sur-Maine, petite commune rurale du département de la Loire-atlantique, proche de la Vendée ; c’est là que débute la vie de Félix Moreau. Pour bien comprendre son parcours, il faut revenir au XIXème siècle. Aigrefeuille vivait alors comme n’importe quel autre bourg rural ; il y avait, bien sûr, l’agriculture mais aussi le travail du lin – les moulins qui suivent le cours de La Maine, la rivière qui passe à proximité sont là pour en témoigner – l’agriculture et la viticulture. Le bourg lui-même se concentre autour de l’église Notre-Dame de l’Assomption. A la sortie du bourg, se trouve la forge où sont fabriqués les outils et cerclées les roues de charrettes. A l’époque qui nous intéresse, le forgeron est l’arrière grand père paternel de Félix.
A côté de la forge familiale, se trouvait une maison bourgeoise occupée par la famille Trochon. Le jeune Emilien Moreau - grand-père de Félix - jouait souvent avec la fille unique de cette famille. Monsieur Trochon, ayant remarqué l’amitié qui liait les deux enfants, décida de faire partager à Emilien les leçons de solfège, de dessin et de piano que des professeurs nantais venaient dispenser à sa fille chaque semaine.
La paroisse est au centre de la vie du bourg. A 11 ans, Emilien est enfant de chœur. C’est la nuit de Noël et chacun s’apprête à fêter la naissance du Divin Enfant lorsque, au lieu des cantiques habituels, l’église se met soudain à résonner de chansons lestes. Las ! c’est l’organiste qui a anticipé sur le réveillon et offre aux paroissiens un répertoire peu catholique. Fureur du Curé de la paroisse, qui renvoie le chantre improvisé terminer la fête ailleurs, puis se tourne vers le jeune Emilien, dont il connaissait les capacités musicales et lui déclare : " désormais, ce sera toi l’organiste …tu commences dimanche …" Dure responsabilité ! Emilien prend alors des leçons d’orgue à Nantes avec Monsieur Bazoches organiste de la Basilique Saint-Donatien.
Le temps passe et Emilien est en âge de travailler ; il aide son père à la forge tout en continuant son service d’organiste. Il se marie et a une fille ainsi que deux fils. Ceux-ci assistent leur père aux offices et, bien évidemment, il les initie à l’orgue. Son fils aîné, Joseph sera aussi organiste ; il deviendra, bien plus tard, curé de l’église Sainte-Madeleine de Nantes.
Le cadet, prénommé aussi Emilien - qui sera le père de Félix - travaille l’orgue avec l’Abbé Courtonne, alors titulaire de l’orgue de chœur de la cathédrale de Nantes (il sera nommé titulaire du grand orgue en 1922) et reprend aussi le métier de forgeron-ferronier. Exerçant ses fonctions d'organiste d'Aigrefeuille-sur-Maine jusqu'à son dernier souffle en 1979, il fut ainsi titulaire de cet instrument durant 77 ans, ayant succédé à son père à l'âge de 10 ans en 1902!
Félix Moreau naît le 8 septembre 1922 à Aigrefeuille-sur-Maine. Le jeune enfant accompagne son père aux offices, l’écoute jouer et accompagner les chants. Il reproduit d’oreille ce qu’il entend. Son père l’initie au solfège et à l’harmonium puis à l’orgue. Il est aussi enfant de chœur. A 11 ans, il fait ses débuts d’organiste en jouant une Elévation d’Edwidge Chrétien à la Grand'Messe du Lundi de Pâques.
En 1935, il part au petit séminaire de Guérande. L’ambiance n’est pas particulièrement accueillante pour un enfant qui vient de quitter sa famille et les conditions de vie ressemblent plus à celles d’une " geôle de jeunesse captive " que d’un pensionnat . On y étudie le latin, le grec, les mathématiques, l’histoire-géographie…, mais aussi le chant grégorien et la polyphonie. Malheureusement, il n’y a droit qu’à 20 minutes d’harmonium par semaine et Félix devra au Père Averty, son professeur, qui le prend en amitié – il est lui-même très bon musicien, élève d’Henri Potiron et de Marcel Courtonne - d’avoir droit à du temps supplémentaire pour l’instrument. Il se lance alors avec passion dans la musique.
En octobre 1937, il entre au petit séminaire des Couëts, où le Père Pierre Jourdon sera son professeur d’orgue. Il commence à travailler avec le Chanoine Courtonne vers 1939 puis entre au grand séminaire en 1941. C’est dans cette période qu’il écrit la Fuguette (1945) qui sera publiée dans la revue " L’Organiste " fondée par le Chanoine Courtonne puis, en 1947, Sur un vieux Noël vendéen qu’il dédie à son père, Emilien Moreau, et qui sera aussi publiée dans la même revue l’année suivante.
Il est ordonné prêtre en septembre 1948 ; le mois suivant, il part poursuivre ses études musicales à Paris, à l’initiative de Marcel Courtonne qui, ayant reconnu ses capacités, convainc le supérieur du Grand Séminaire, Augustin Pineau, ainsi que l’Evêque de Nantes, Monseigneur Villepelet, de la nécessité de lui faire poursuivre sa formation musicale.
Félix Moreau travaille alors avec André Fleury pendant un peu plus d’un an - surtout l’écriture et l’interprétation – mais aussi l’harmonie, le contrepoint et l’improvisation. André Fleury, gravement malade depuis la guerre et devant faire face aux nécessités de ses soins partira à Dijon où il sera organiste à la cathédrale Saint Bénigne et professeur de piano puis d’orgue au conservatoire de cette ville. Par la suite, André Fleury reviendra à Paris – il sera nommé co-titulaire à Saint-Eustache et professeur à la Schola Cantorum en 1971 puis co-titulaire à la cathédrale Saint-Louis de Versailles en 1978. Il viendra donner plusieurs récitals au grand orgue de la Cathédrale de Nantes et sera Président d’honneur des Amis de l’Orgue de Nantes jusqu’à son décès.
Il travaille aussi avec Marcel Dupré – surtout la fugue aux règles très strictes. Très attaché à la technique et à la forme ; l’enseignement de Marcel Dupré est essentiellement magistral.
Mais celui qui le marquera sans doute le plus reste Maurice Duruflé. Enseignant très exigeant – autant avec ses élèves qu’avec lui-même - Maurice Duruflé pouvait passer un temps énorme sur un enchaînement qui ne satisfaisait pas jusqu’à ce qu’il trouve la solution, allant jusqu’à corriger ses propres réalisations s’il en trouvait une autre meilleure, même si la précédente était déjà imprimée.…C’était la recherche de la perfection absolue. Et Félix Moreau se souvient de l’atmosphère des cours de Maurice Duruflé :
" Le bureau de Duruflé se trouvait sous les toits de l’immeuble où il habitait, 6 place du Panthéon, actuellement siège de l'Association " Maurice et Marie-Madeleine Duruflé " Il y avait une vue magnifique sur Paris…On sonnait à la porte de l’immeuble. Duruflé venait, souvent accompagné de son chat et vous accueillait d’un " Bonjour cher ami ". Il fallait prendre le monte-charge jusqu’au 7ème étage où il demeurait.. Duruflé s'asseyait au piano et déchiffrait le travail de la semaine. Quand, par hasard, cela plaisait au Maître, il ne faisait aucun commentaire, seulement un raclement de gorge de satisfaction. Parfois, face à une" résolution " dont il n’était pas satisfait, Maurice Duruflé allait chercher ses propres devoirs (du temps où il travaillait la fugue avec Caussade) et regardait la solution que celui-ci avait proposé … et il lui est arrivé de " corriger " Caussade !
Les leçons d’orgue avaient lieu à l’orgue de chœur de Saint Etienne du Mont, le Grand Orgue n’étant pas encore remonté.
Pour l’interprétation, Maurice Duruflé tenait au respect de la stricte valeur des notes , sans beaucoup d’accents Pour Franck et les Romantiques, il était plus lyrique. En revanche, la registration, le style et la " couleur " musicale étaient son grand souci "
L’héritage de Maurice Duruflé est encore bien présent dans les œuvres écrites par Félix Moreau mais aussi dans ses interprétations bien qu’il ait beaucoup évolué surtout dans la musique baroque.
La vie à Paris ne se résume pas à prendre des leçons, loin de là et n’est certainement pas exempte de difficultés …
Il est d’abord logé rue du Bac, aux Missions Etrangères. Là, il n’a pas d’instrument à sa disposition et doit travailler sur le piano de l’Abbé Aubeux, organiste de la cathédrale d’Angers. La cohabitation avec des Missionnaires n’est pas de tout repos, car la plupart a perdu l’habitude du monde occidental – et surtout de sa cuisine. Peu après, Félix trouve une place à Saint-Louis de Vincennes, où il aura un orgue à sa disposition mais sera logé dans le même bâtiment que le sacristain. Il doit aussi assurer un service liturgique (confessions, présence à l’église…). Les prêtres de la paroisse habitant en ville, c’est à lui que l’on fait appel pour donner l’Extrême-onction et, bien souvent il est forcé de faire des kilomètres à pied, de nuit, et seul dans les rues de Paris!
Monseigneur Chapoulie (qui était alors Evêque responsable du clergé de Paris et qui, par la suite sera Evêque d’Angers) lui trouve un poste à Saint Ferdinand des Ternes où il aura la charge d’une chorale. L’organiste en titre est Georges Jacob et il lui laisse l’accès aux trois instruments que possède la paroisse (dont un petit Mutin dans la crypte et un Cavaillé-Coll de 3 claviers/pédalier dans l’église principale), et s’il a toujours un service liturgique à assurer, il peut travailler dans de meilleures conditions.
Le grand orgue de la cathédrale de Nantes en 1991
( photo B. Winkel )
Autres photosFélix Moreau revient définitivement à Nantes en 1953 où il devient le suppléant du Chanoine Courtonne déjà très fatigué ; toutefois, il continue à aller à Paris tous les mois pour travailler avec Maurice Duruflé.
De plus en plus affaibli, Marcel Courtonne luttera jusqu’à l’extrême limite de ses forces pour continuer sa fonction d’organiste liturgique qui a été l’essentiel de sa vie - l’Ecole César Franck qu’il avait fondée en 1937 formera de nombreux élèves et non des moindres - et à son décès en 1954, le grand orgue passera dans les mains de celui qu’il a jugé digne de lui succéder.
Félix Moreau au grand orgue de la cathédrale de Nantes,
lors de sa nomination en 1954
( coll. Association Hymnal )Cette Ecole César Franck, à ne pas confondre avec l'école du même nom fondée à la même époque à Paris, était située 10 rue des Martyrs, derrière la place Canclaux, au domicile du chanoine Courtonne. Il y avait une salle, avec une tribune située juste au-dessus de l'orgue, ce qui permettait d'observer l'organiste toucher le petit Mutin/Cavaillé-Coll installé dans un buffet Louis XVI. Marcel Courtonne y avait fait rajouter un jeu de tierce, ce qui portait l'instrument à une douzaine de jeux. La salle contenait également un piano à queue ainsi qu'une superbe collection de statues, certaines de taille humaine. Cet orgue se trouve actuellement à la chapelle de l'Aumônerie militaire, rue Gaston Turpin à Nantes.
A cette époque, les cérémonies donnaient une place beaucoup plus importante à la musique ; que ce soit l’orgue ou le chant, tous les mouvements des célébrants étaient accompagnés de musique. On utilisait la Liturgie de Saint Pie V, donc le chant grégorien et la polyphonie.
Un office pontifical durait au moins trois heures. Il commençait par une entrée jouée au grand orgue, puis, venait la procession : partant de la sacristie, l’Evêque et sa suite (soit à peu près 300 personnes) faisaient le tour de la cathédrale et remontaient la nef jusqu’au chœur au chant des hymnes dont les versets étaient chantés en alternance avec le grand-orgue. Puis venait le Chant de Tierce, tiré des Petites Heures du rituel liturgique et d’origine monastique, à la fin duquel l’Evêque, jusqu’alors en habit de chœur, revêtait les habits réservés pour la célébration de la Messe. Pendant ce temps, le grand-orgue jouait, amenant l’Introït qui débutait la Grand Messe (au cours de laquelle on chantait des Messes écrites par des compositeurs tels que Potiron , Vierne, Widor, etc …)
Tous les mouvements du célébrant et des prêtres présents étaient accompagnés à l’orgue, de même que les déplacements des prélats, des chanoines et autres ecclésiastiques de la cathédrale qui se rendaient au banc d’œuvre pour entendre le sermon, proclamé depuis la chaire, et qui ensuite retournaient à leur place initiale toujours au son de l’instrument. Il est évident que le rôle de l’organiste était capital et ne se limitait pas aux seules " prouesses " musicales mais aussi nécessitait de bonnes connaissances théologiques et liturgiques.
Pour Félix Moreau, l’organiste liturgique a une fonction d’église à remplir :
L’organiste doit s’intégrer au service de la Liturgie. Il a un double rôle : en tant que soliste, il doit choisir et jouer des pièces adaptées ; en tant qu’accompagnateur, il doit soutenir le chœur, les solistes et les animateurs, réaliser les " transitions " musicales nécessaires dans les chants.
Il y a une différence fondamentale entre l’Eglise luthérienne et l’Eglise romaine. Dans le culte catholique, l’orgue dialogue avec le chœur (à l’époque classique, un verset était chanté par la schola puis l’orgue répondait par un autre verset pendant lequel le chœur et les chantres récitaient, à voix basse le texte de ce verset) ;
Dans le culte luthérien au contraire, l’orgue est un acteur à part entière de la Liturgie.
Dans les pays " réformés ", le chant de l’assemblée et du chœur est essentiellement constitué par le " Choral". Nombre de ces chorals – choisis, répertoriés, composés même par Martin Luther – sont issus du Chant Grégorien, du Plain-chant ou d’Hymnes " ambrosiennes ". Le rôle essentiel de l’orgue est alors, bien sûr, de soutenir le chant choral chanté à 4 voix mixtes, mais surtout de l’introduire par un Prélude, parfois assez long, pour préparer l’assemblée à la spiritualité et à l’esprit du chant. C’est une véritable prédication musicale… même si , actuellement, des chants récents sont introduits dans les Offices.
Dans la Liturgie catholique romaine, l’orgue trouve sa place dans un rôle d’alternance dans la Messe ou pour " encadrer " les célébrations ; l’orgue est là pour aider les fidèles à " s’imprégner " le mieux possible de la spiritualité du temps liturgique en cours "
En 1954, Félix Moreau est lauréat du " Prix Laffont ", qui récompense les jeunes artistes nantais. A cette occasion, il présentera une fugue d’école ainsi que ses Trois Motets : Ave Maria, O Sacrum convivium et Tantum ergo qui seront chantés au Conservatoire de Nantes, situé à cette époque rue Harroüys.
Félix Moreau à la console Gloton-Debierre de 1933 du grand orgue de la cathédrale de Nantes, improvisant un verset d'un Psaume de Vêpres (le Paroissien sur le pupitre appartenait au Chanoine Courtonne). Photo prise par son ancien élève Daniel Hameline lors des Vêpres de l'Épiphanie 1956
( coll. Association Hymnal )En 1956, il reçoit le Premier Prix national de musique sacrée au concours organisé par la revue " Musique sacrée ".
Félix Moreau a toujours attaché beaucoup d’importance à la formation des organistes liturgiques et c’est ce qui le conduira à développer des stages d’orgue liturgique, destinés aux enfants comme aux adultes, un peu partout en France et, plus tard au Canada.
C’est en 1959 que l’ère des " stages " pour les organistes débute, organisés au départ à Besançon par le Père Gabet, puis sous la houlette de l’Abbé Legrand, à Saint-Briac en Bretagne. A l’époque, il s’agissait plus de " camps musicaux " que de stages tels que nous les connaissons aujourd’hui, mais c’était déjà bien car les classes d’orgue ne répondaient pas à ce type de demande et les organistes avaient souvent de la peine à s'y former. La partie liturgie n’était pas enseignée dans les conservatoires – exception faite de celui de Paris où il y avait une épreuve de grégorien qui comportait une harmonisation dans le style du plain-chant sur un thème grégorien puis une improvisation en contrepoint sur ce même thème. A Rennes, le Père Legrand, organiste de la cathédrale, décide de réunir plusieurs jeunes organistes et d’essayer de leur offrir une pédagogie adaptée à leurs besoins. La même chose se passe en Vendée avec l’Abbé Abel Gaborit et Félix Moreau.
Tous se tournent vers Jean Bonfils (élève de Marcel Dupré et suppléant d’Olivier Messiaen à l'église de La Trinité à Paris) et Noëlie Pierront (elle aussi élève de Dupré mais également d’Eugène Gigout et d’André Marchal, et organiste à Saint-Pierre du Gros Caillou), pour donner le jour à un outil de travail efficace : une méthode de clavier puis une méthode d’orgue qui seront utilisées dans les stages mais qui aussi permettent aux jeunes organistes de progresser toute l’année à leur rythme. Il y aura 6 volumes au total : 4 pour l’étude du clavier et 2 pour celle de l’orgue.
En Vendée, les stages ont d’abord lieu au château de La Flocelière, qui était alors un séminaire pour vocations tardives. Les élèves viennent de tous les coins de la région et de plus en plus d’organistes s’intéressent aux stages – les Abbés Pierre Podevin et Mesmacques viendront même d’Arras pour observer le déroulement de ces stages et les importer dans le nord de la France. C’est à cette époque qu’est crée l’A.N.F.O.L. (Association Nationale pour la Formation des Organistes Liturgiques) ; Félix Moreau en sera le premier président élu.
Claude Tessier, président de l’Action Musicale Liturgique (A.M.L.) au Canada fera aussi le déplacement à La Flocelière, ce qui deviendra une collaboration fructueuse puisque, mandaté par l'A.N.F.O.L., Félix Moreau se rendra pendant six années successives au Québec pour organiser des stages d’orgue (Sainte Anne de la Pocatière, Cap Rouge, Rigaud, Sherbrooke…). Il donnera aussi plusieurs récitals : à la Basilique des Saints-Martyrs de Québec, à l’Oratoire Saint-Joseph de Montréal sur le gigantesque orgue Von Beckerat de cette église, à Saint Pascal de Kamouraska, à l'Immaculé Conception de Montréal et dans bien d’autres endroits.
Lorsque le château de la Flocelière est mis en vente par l’Evêché, il devient nécessaire de trouver d’autres lieux d’accueil pour les stagiaires ; ce seront successivement le Grand Séminaire de Luçon, puis le Séminaire Jean XXIII des Herbiers et enfin l’Internat Sainte-Marie de Chavagnes-en-Paillers où les stages se déroulent encore à ce jour pour la Vendée.
Egalement, Félix Moreau enseignera l’orgue et l’écriture au C.N.R. d’Angers (49). Il sera encore, avec Marie-Thérèse Jehan, son élève, professeur d’orgue et d'écriture à l’E.N.M. de Saint-Nazaire (44), de même qu'au Centre de Musique sacrée de Rennes.
En tant que concertiste, il donnera de nombreux récitals, tant en France qu’à l’étranger : Angleterre, Allemagne, Amérique du nord, Suisse… et il participera à des festivals importants.
En 1979, Félix Moreau était nommé Chevalier des Arts et Lettres, en même temps que son père, qui, à l’âge de 87 ans, assurait toujours sa fonction d’organiste à Aigrefeuille-sur-Maine, et deux années plus tard il fut élevé au grade d’Officier.
Remise de la Médaille de la Ville de Nantes à Félix Moreau en 1983
( coll. Association Hymnal )En 2012, avec une ancienneté de 58 années à la tribune de la cathédrale de Nantes, l'abbé Félix Moreau a pris sa retraite. Il est décédé le 24 février 2019 à Nantes, dans sa 97ème année.
Le compositeur
Les créations de Félix Moreau, tant instrumentales que vocales, se déroulent sur plusieurs années, suivant son évolution musicale. Voici un catalogue chronologique de ses principales oeuvres :
- Fuguette, pour orgue, écrite en 1945, alors qu’il était encore étudiant au grand séminaire. C'est une œuvre spontanée. En la majeur, elle est dédiée " à mon bien cher Maître, le Chanoine Marcel Courtonne ", c’est un essai d’écriture contrapuntique à 3 voix, quasi scherzando. Elle sera publiée en janvier 1947 dans la revue " L’Organiste ", fondée par le Chanoine Courtonne en 1934. ( Document sonore : enregistré en novembre 2000 par Marie-Thérèse Jehan au grand orgue de la cathédrale de Nantes)
- La Légende d’Herbauges, écrite vers 1946, est une musique de scène, pour chant, violon et piano destinée à une représentation théâtrale du patronage de Saint-Philbert de Grand-Lieu . L’histoire est tirée d’une légende locale : " Au VIème siècle, Herbauges est une cité où règne la débauche. L’Evêque Saint Martin décide un jour d’évangéliser ses habitants qui se mettent alors à le lapider. Sous les coups, Saint Martin perd connaissance et est recueilli par un des habitants, Romain et son épouse. Il se rétablit grâce à leurs soins et parvient à les convertir. Mais le peuple d’Herbauges a provoqué la colère divine. Saint Martin est averti par une voix de fuir sans se retourner, ce qu’il fait avec ses hôtes. Lorsqu’il sorte de l’enceinte de la cité, ils entendent un terrible fracas. Le lendemain, Saint Martin et Romain retrouvent la femme transformée en pierre, sa curiosité l’avait pousser à se retourner pour observer la ville d’Herbauges disparaissant sous les eaux. La légende dit aussi que "Lorsqu’un soir de Noël les cloches d’Herbauges sonneront, Herbauges, la grande ville, sur les eaux reparaîtra, Nantes, la vieille sibylle, de ses bords disparaîtra ". A l’heure actuelle, le manuscrit de cette pièce est perdu.
- Noël vendéen, pour orgue, écrit en 1947, a été inspirée par une mélodie folklorique chantée par les Petits Chanteurs de Lyon. En ré mineur, cette pièce est dédiée " à mon cher papa, organiste à Aigrefeuille-sur-Maine ", fut publiée dans la revue " L’Organiste " en Janvier 1948. Le Chanoine Courtonne en salua " la belle venue des harmonies, l’aisance des écritures où apparaissent les imitations canoniques et tous les artifices qui l’enrichissent "
- Berceuse à Bénédicte pour piano, dédiée à la fille d’un ami.
- Messe en l’honneur de Sainte Madeleine écrite pour la Maîtrise de l’église Sainte-Madeleine de Nantes, pour 3 voix mixtes et orgue. Le manuscrit est aussi égaré.
- Trois motets, composés entre 1952 et 1955, présentés au concours organisé par la revue Musique Sacrée à Paris en 1956 et couronnés par le 1er Prix National :
1) O sacrum convivium pour chœur à 4 voix mixtes et orgue. Cette pièce, qui célèbre la Sainte Cène, était très prisée par Joseph Noyon pour " l’excellente facture ". Il la commentait ainsi : " Débutant par une sorte de choral pour s’achever dans un stretto d’Alleluias, il est puissant, largement écrit (…) Conçu dans la tonalité grave, recueillie et veloutée de mi bémol majeur, il se déroule fort simplement en valeurs de blanches et de noires, donc très aéré, avec de fréquentes cadences qui ajoutent à la grandeur de l’exécution ".
2) Ecrit pour soprano solo, chœur à 4 voix mixtes et orgue, l’Ave Maria remonte à l’époque où son auteur travaillait encore avec Maurice Duruflé, qui le jugea " d’écriture raffinée et d’un très beau sentiment ". La salutation angélique est annoncée par le chant du soprano solo, auquel répond le quatuor vocal. L’intonation reprend l’incipit du célèbre Ave Maria d’Arcadelt.
3) Dédié quant à lui au chanoine Henri Carol, ancien maître de chapelle de la cathédrale de Monaco, le Tantum ergo pour chœur à 4 voix mixtes et orgue se veut une prière intérieure de supplication et d’adoration. Dans la revue " Musique sacrée ", Joachim Havard de la Montagne l’a commentée ainsi : " sobre choral dont le modernisme accroche tout de suite ; l’harmonie serrée apporte un " fondu " à l’ensemble qu’il sera bon de respecter dans l’exécution de cette page attachante. " ( Document sonore: enregistré en novembre 2000 à la cathédrale de Nantes)
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- Messe du Christ Rédempteur à 4 voix d’hommes et orgue, écrite en 1955 pour le Grand Séminaire de Nantes et dédiée au chanoine Pineau, son Supérieur. La chapelle de cet établissement est placé sous le vocable du " Christ Rédempteur ".
- Pueri Hebraeorum, polyphonie pour 3 voix mixtes a capella a été écrite en 1956 à la demande de l’Abbé Pierre Jourdon, maître de chapelle au Petit Séminaire de Legé (44), pour alterner avec le chant grégorien de l’antienne et du psaume pendant la procession du dimanche des Rameaux. Elle exprime la joie des Hébreux, porteurs de rameaux d’olivier et acclamant le Seigneur. ( Document sonore: enregistré en novembre 2000 à la cathédrale de Nantes par Le Choeur grégorien de Nantes, sous la direction de Maurice Tillie)
- Suite modale, écrite en 1957 et dédiée à Gaston Litaize. Elle fut d’abord conçue comme une " Messe basse " et est toute entière construite sur l’incise du 1er mode grégorien (ré, fa, mi, do, ré), comportant cinq mouvements :
1) Prélude, constituant l’Entrée où est exposé le thème modal.
2 ) Fugue (Offertoire) en trois parties : une exposition classique, à 4 voix s’enchaînant à une seconde fugue (sujet transformé, sur un rythme plus alerte en 6/8) ; enfin, un motif de toccata dérivé du premier sujet qui revient en valeur augmentées sur les jeux d’anches de la pédale.
3) Chaconne (Elévation) où le thème modal, sobrement harmonisé, sert de basse à cinq courtes variations d’atmosphère impressionniste, d’un lyrisme recueilli, d’une verticalité affirmée, aux harmonies modulantes. ( Document sonore: enregistré en novembre 2002 par Marie-Thérèse Jehan au grand orgue de la cathédrale de Nantes)
4) Choral (Communion) qui se développe comme un processionnal sur les jeux de fonds, crescendo puis decrescendo. La seconde partie consiste en un récitatif lyrique qui déroule ses arabesques sur le cromorne.
5) Postlude (Sortie) qui est une fugue à deux voix, d’une écriture très cursive, sur un nouveau motif carillonnant, dont le contre-sujet n’est autre que le thème modal (l’incise du 1er mode). Après le renversement de ce motif sur un plan secondaire, le sujet reprend au grand clavier en forme droite. Une conclusion virtuose, brillante et monodique, passe des mains à la pédale en un carillon obstiné avant de conclure sur une brève cadence.
- Plusieurs pièces faciles écrites pour les stages des jeunes organistes : Poitiers, Saintes, Chavagnes-en-Paillers et le Québec.
- Incarnation, écrit en 1961 et dédié " à mon Maître Maurice Duruflé ". C'est une méditation sur l’antienne du jour de Noël " Hodie Christus Natus est ". L’œuvre se subdivise en quatre phrases, quatre séquences précédées chacune d’une introduction lourde d’attente et d’espérance (pédales d’accords) évoquant les " Hodie " de l’antienne :
1) Evocation de la naissance du Seigneur " dans le mystère et l’humilité " : canon à la 7ème sur contrepoint chromatique.
2) Evocation de la venue du Seigneur apportant " le salut dans l’amour " : récitatif lyrique qui se termine dans un climat de grande tendresse.
3) Evocation de la " Joie des Esprits " : monodie et contrepoint à deux.
4) Evocation de la " Joie de l’Eglise toute entière " : toccata finale ; c’est tout l’univers qui tressaille de joie.
Le langage résulte de la fusion de deux matériaux hétérogènes : le 2ème mode, à transposition limitée, pour le thème présenté différemment dans chaque séquence, et la série (mais il ne s’agit pas ainsi de technique ni d’esprits sériels intégraux : l’œuvre reste thématique). On notera enfin un large recours à la rythmique irrationnelle, essentiellement libre et souple, avec emploi de valeurs agrandies ou diminuées. Destinée à un orgue important, l’œuvre exige une riche palette sonore. Les timbres, très différenciés, sont traités uniquement par plans opposés, successifs ou simultanés.
- Psaume "In Te Domine speravi", écrit pour chœur à 4 voix mixtes, orgue, 2 trompettes et 2 trombones, dédié à Mgr Besnier pour son jubilé de maître de chapelle à la cathédrale de Nantes en 1962. Joseph Noyon disait que " C’est une page glorieuse et magnifique (...) D’allure haendélienne, puissante, colorée, utilisant tantôt l’écriture verticale, tantôt l’écriture contrapuntique, elle prend son élan sur les premières notes du Te Deum laudamus. J’en aime infiniment les modulations qui, chaque fois, ouvrent des horizons nouveaux, de couleurs différentes, sans jamais rompre l’unité de l’ensemble ".
- Pour guider nos pas, chant solennel destiné à accompagner un processionnal de la Liturgie pascale. Il associe un chœur à 4 voix mixtes, l'assemblée, l'orgue et 2 trompettes, sur un texte de Michel Scouarnec (1968).
Le Pain du Ciel nous est donné, écrit sur un texte de René Hillereau (1969), est un chant de communion destiné à un chœur à 4 voix mixtes et orgue et incluant trois interludes instrumentaux. Félix Moreau avait d’abord composé la musique sur le texte proposé à l’occasion d’une messe de Première Communion. C’est Abel Gaborit, organiste de la cathédrale de Luçon, directeur des stages d’orgue en Vendée et ancien élève de Félix Moreau qui lui demandera, par la suite, d’écrire les interludes pour servir de Prélude (fugato), Interlude (choral orné) et Postlude (méditation) à ce chant. Il en sera le dédicataire.
- Petite pastorale de printemps, écrite en 1972 pour les stages que dirigeait Félix Moreau au Québec. Cette œuvre, pour deux flûtes à bec et clavier, est dédiée à Melle Myrel Dumas, professeur à ces stages. De forme A-B-A, elle évoque le bonheur simple et la joie pure qui envahit les cœurs quand le printemps jaillit après le long hiver canadien.
- Genèse pour orgue, écrite en 1973 et dédiée à Marie-Thérèse Jehan. C'est une libre évocation du poème biblique de la Genèse, ce " Poème des Origines ". Cette œuvre porte en exergue : " L’esprit de Dieu planait sur les eaux " (Genèse, chapitre I). C’est bien le souffle créateur et l’épanouissement progressif de l’Univers que, dans son extrême liberté d’écriture, elle entend exalter. Du double point de vue du langage et de la forme, il s’agit d’une musique de type " évolutif ". Le langage est atonal et sériel dans son esprit. Il n’y a pas, à proprement parler, de thème mais une cellule génératrice initiale, présentée dès le début en un trait fulgurant comme l’étincelle créatrice, et dont se déduisent les cellules qui animent l’œuvre. Ces cellules s’organisent, se ramifient et se diversifient à l’extrême, tenant lieu d’assise contrapuntique avec leurs formes augmentées, renversées, rétrogradées, etc … Musique évolutive aussi dans la forme : les principales séquences qui constituent l’œuvre se trouvent déduites les unes des autres par le jeu même de l’évolution des cellules thématiques, s’attachant à suivre toujours le fil du poème. Jaillis de l’Acte créateur, les éléments chaotiques s’organisent sous la poussée qui donne l’Être. Peu à peu, sourdement, la Vie monte avec ses retombées, ses échecs, ses réussites. D’abord primitive et animale, elle devient sensible, intelligente, spirituelle. Et voici que dans un mouvement d’une particulière douceur, d’une grande tendresse, l’Homme paraît – issu de cet Univers en recherche. Fils de Dieu, Couronnement de la Création, l’Homme est symbolisé par un trio au contrepoint très élaboré, à la rythmique complexe. Mais l’histoire humaine est elle-même en évolution permanente et souvent dramatique. L’Humanité cherche son organisation, son unité interne ; elle aspire à une difficile fraternité : de lourds accords angoissés aboutissent à une pathétique imploration. Cependant, la marche du monde ne s’arrête pas : les éléments essentiels progressent pour s’épanouir enfin en rayonnant sous de longs trilles qui irradient toute la conclusion jusqu’à l’ultime éclatement du cluster final. C’est, dans la splendeur divine, le premier matin du monde, l’Alpha contenant déjà l’Oméga. " Il y eut un soir et il y eut un matin, et Dieu vit que cela était bon ". ( Document sonore: enregistré en novembre 2002 par Marie-Thérèse Jehan au grand orgue de la cathédrale de Nantes, fragment)
- Fantaisie-Paraphrase pour la Fête de tous les Saints pour orgue, en mode de sol, dédiée " à la mémoire du Chanoine Marcel Courtonne, organiste du Grand Orgue de la Cathédrale de Nantes de 1922 à 1954 ". Cette oeuvre a été écrite en 1974 à la demande du chanoine Henry Doyen, organiste de la cathédrale de Soissons, pour les Noces de rubis de la revue L’Organiste. Accédant au vœu du chanoine Courtonne, Henry Doyen avait en effet reprit la publication de cette revue en 1952, qu’il associa à la revue Musique Sacrée dont il assurait à l'époque la direction. On retrouvera dans cette oeuvre deux thèmes de la Fête de la Toussaint : ceux de la 1ère Antienne des Vêpres Vidi turbam magnam et de l’Hymne Placare Christe servulis .
- Messe pour les Saints Evêques de Nantes, composée en 1975 à la demande de Monseigneur Besnier. Ne comportant ni Gloria ni Credo, cette messe en français pour Assemblée, 4 voix mixtes, 2 orgues et quatuor de cuivres, célèbre les Saints Evêques de Nantes ( Saints Clair, Similien, Pasquier, Félix, Emilien et Gohard).
- Psaume LXXXIII "Quam dilecta tabernacula tua" pour chœur à 4 voix mixtes, soli et 2 orgues, dédié à Mgr Marcus à l’occasion de la réouverture solennelle de la cathédrale de Nantes en mai-juin 1985, après l’incendie du 28 janvier 1972. S’inspirant de la 1ère antienne des Vêpres de la Dédicace " Domum tuam, Domine ", il exalte le bonheur d’habiter la Maison du Seigneur, jusqu’à la conclusion où les chœurs et les orgues fusionnent en motifs jubilants et carillonnants. Inspiré de la traduction de ce psaume, le texte est dû au poète nantais Yves Cosson :
De quel Amour j’aime Ta Demeure, O Seigneur Sabaoth !
Mon âme languit de désir pour les parvis du Seigneur.
Mon cœur et ma chair crient de joie
Vers Toi Seigneur, O Dieu vivant.
Heureux ceux qui demeurent en Ta Maison
Ils te loueront encore et à jamais.
Heureux ceux qui en Toi puisent leurs forces !
Des chemins s’ouvrent dans leur cœur.
Un jour en Tes parvis vaut mieux que mille en ma maison.
Oui, j’ai choisi de me tenir auprès du seuil de ta Maison
Plutôt que d’habiter parmi les infidèles.
Le Seigneur Dieu est un soleil
Il est rempart et bouclier.
Le seigneur Dieu donne la Grâce
Il comble l’homme de Sa gloire.
A ceux qui marchent sans reproche, Il ne refuse le bonheur.
O Seigneur Sabaoth !
Heureux qui vit pour Toi.
- L'Hymne à la Parole, chant pour ténor, chœur à 4 voix mixtes et orgue, sur un texte de Jean-Yves et Daniel Hameline, fut écrit en 1986 pour le rassemblement ANCOLI ,qui réunissait les chorales liturgiques de France à Lourdes.. Il évoque le temps pascal et, plus précisément, la rencontre des pèlerins d’Emmaüs avec le Christ ressuscité. Les paroles du " refrain-choral " expriment l’espérance des Chrétiens dans le salut de l’humanité :
Ta volonté, Seigneur, nous a donné naissance
En ta Parole est notre vérité.
Un fils mort est ressuscité
Pour que, dans notre vie, commence
L’avenir du monde sauvé
- Hymnal composé en 1988 et dédié au Chanoine Jean Liberge, curé de la Cathédrale de Nantes. C'est une commande du Ministère des Affaires culturelles, écrite pour célébrer le 25ème anniversaire de l’Association des " Amis de l’orgue " de Nantes et Région. ( Document sonore: enregistré en novembre 2002 par Marie-Thérèse Jehan au grand orgue de la cathédrale de Nantes, extrait : séquence 3)
De caractère essentiellement modal, cette œuvre évolue dans l’ambiance très caractéristique du mode de mi, l’antique mode dorien, vivifié par les mélodies grégoriennes des 3ème et 4ème modes – modes évoquant aussi bien l’intériorité, le recueillement et le mystère que la louange solennelle, du moins pour le 3ème (Introïts Dignus est agnus, Vocem jucudidatis, Omnia quae fecisti nobis, ainsi que l’hymne d’action de grâces par excellence qu’est le Te Deum). Les deux hymnes illustrées ici sont du 4ème mode. Il s’agit de l’hymne pour la Fête du Saint-Sacrement Sacris solemniis (" Que du fond du cœur résonne la louange ; (…) que tout soit nouveau : les cœurs, les voix , les œuvres … ") et de celui pour la Fête de l’Ascension Salutis humanae Sator (" Auteur du salut des hommes, Jésus, délice des cœurs ; Vous qui rachetez le Monde après l’avoir crée, donnant à qui Vous aime votre part de clarté "). A partir de ces deux hymnes, l’élément de base qui circule à travers toute l’œuvre et lui donne vie est une cellule qui se développe et s’agrandit progressivement en éventail, en commençant au demi-ton conclusif propre au mode de mi. Cette cellule s’énonce dès le début dans le grave des timbres mystérieux et poétiques du grand orgue. Quant à la forme, Hymnal se présente comme un ensemble de neuf séquences de durées variables et de climats divers où le grand orgue et l’orgue de chœur dialoguent, s’unissent, se dédoublent. Il ne s’agit pas là d’une œuvre de type " poème symphonique " non plus que d’une méditation musicale à proprement parler, mais bien plutôt d’une illustration décorative et coloriste des deux œuvres choisies. La conception de ces séquences pourrait se comparer à l’art du vitrail. Par analogie, les neuf séquences d’Hymnal feraient songer en effet à un ensemble de vitraux dont la lumière varie selon les jeux du soleil et des nuages comme des heures du jour, incitant à la prière, à la contemplation, à la louange, à la joie, à la jubilation. Comme dans un vitrail où l’image et la scène évoquées, hiératiques, quelques peu figées et naïves, sont enchâssées au centre d’arabesques, de volutes, de rinceaux luxuriants, illuminés par les bleus, les rouges, les ors qui exaltent le tableau, ainsi Hymnal expose (surtout dans les premières séquences) les phases du Salutis humanae Sator et du Sacris solemniis respectées dans leur intégralité mélodique et leur souplesse rythmique, au cœur d’une harmonie modale peuplées de souples et exubérants motifs d’une jubilante fantaisie ou d’une extatique sérénité. Au fil de l’œuvre, le dialogue se déroule dans l’espace entre les deux orgues, tantôt apaisé, tantôt éclaté, puissant et solennel comme un rai de soleil illuminant un vitrail, éclaboussant la nef en arcs-en-ciel de coloris irisés. Peu à peu, le dialogue se resserre, les deux orgues se répondent en échos de plus en plus rapprochés jusqu’à se confondre en un puissant tutti. Une percutante toccata prolongée de longs trilles prépare le silence qui annonce le retour au mystère initial. Dans un calme retrouvé, le grand orgue énonce sur un chaud cornet l’incipit du Salutis humanae Sator que l’orgue de chœur prolonge en une longue phrase apaisée, dans la simplicité monastique de quintes qui se dissolvent peu à peu au travers de mélismes dépouillés et comme désincarnés jusqu’à l’unisson final sur la corde de mi. Toute l’œuvre tente ainsi de renouer avec la mystique médiévale qui a inspiré nos sanctuaires et nos cathédrales.
- Dans les années 1990, Félix Moreau a aussi écrit le commentaire musical d’un diaporama orgue et récitant, réalisé par la DRAC sur la Cathédrale de Nantes. Une cassette vidéo a été produite à partir de ces improvisations sur les images, qu’il a fallu noter afin de procéder à un réenregistrement par la suite.
Toccata "Cri d'espoir", manuscrit autographe, 1ère page
( coll. Félix Moreau )- Toccata "Cri d’espoir", écrite en avril 1992, et reprenant certaines des improvisations faite pour la vidéo sur la cathédrale de Nantes. Dédiée à Jean Guillou, elle se propose de commenter musicalement certains versets particulièrement représentatifs du Psaume 40 qui est tout à la fois une prière angoissée d’appel au secours, de confiance et d’espérance, d’humilité et d’action de grâces. Voici les temps forts de ce Psaume 40 que la musique de cette pièce se propose d’exprimer : ( Document sonore: enregistré en mars 2004 par l'auteur lui-même au grand-orgue de la cathédrale de Nantes, fragment)
J’espérais Yahvé d’un grand espoir.
Il s’est penché vers moi,
Il écouta mon cri.
Il m’a tiré de la fosse fatale,
De la vase du bourbier.
Il a dressé mes pieds sur le roc.
En ma bouche, Il mit un chant nouveau.
Toi, Yahvé, ne ferme pas
Pour moi tes tendresses !
Qu’ils soient stupéfaits de honte
Ceux qui me disent : Haha !
Joie en Toi et réjouissance
A tous ceux qui Te cherchent !
Seigneur, viens vite !
Toi, mon secours et mon sauveur,
Mon Dieu, ne tarde pas !
Musicalement, le langage est ici très libre, ne se rattachant à aucun système. Une brève cellule de quinte augmentée constitue le noyau de ce langage axé sur la teneur " ré ". Dérivé du répons grégorien pour le Carême Attende Domine un motif est énoncé à trois reprises : " Ecoutes Seigneur, et aies pitié, car nous avons péché contre Toi ". Quant à la forme, cette pièce s’inspire de la toccata buxtehudienne de l’Allemagne du Nord, affectant l’allure d’une rhapsodie libre et fantaisiste, avec traits virtuoses et récitatifs.
- Prélude à l’Introït pour la fête de la Pentecôte pour orgue, en mode de sol. Cette courte pièce écrite en 1994 pour le Chœur grégorien de Nantes est dédiée à son directeur Maurice Tillie. C’est une paraphrase destinée à servir d’introduction à l’admirable Introït de la Pentecôte Spiritus Domini.
Félix Moreau au grand orgue de la cathédrale de Nantes, 1995
( cl. A. Le Bot )- Eglise de ce temps, chant composé en 1995 pour chœur à 4 voix mixtes et orgue, avec des interludes instrumentaux, pour le temps de la Pentecôte. Il a été écrit pour la Maîtrise de la cathédrale de Nantes, sur un texte de Didier Rimaud.
- Trois pièces faciles en l'honneur du Très saint Sacrement : Ave Verum, Adorote et Ubi Caritas. Ecrites en 2001, elle sont dédiées à Sœur Marie-Claire, religieuse à Nantes.
- Ubi Caritas a capella, pour chœur à 4 voix mixtes, dédié à Jo Mollat, chef de chœur à la Basilique Saint-Donatien de Nantes.
- Stèle pour le Tombeau de Duruflé dédiée " à la mémoire de mon maître Maurice Duruflé ". Commencée l’été 2003 dans les Cévennes, cette pièce fut terminée à Nantes le 6 janvier 2004, fête de l’Epiphanie. L’œuvre est construite sur l’Antienne grégorienne de l’Office des défunts " exultabunt Domino, ossa humiliata " que le prêtre devait entonner " d’une voix grave " précise la rubrique du " Paroissien Romain " : " Ils tressailliront d’allégresse dans le Seigneur, les os humiliés. " La structure de cette œuvre s’articule en trois sections. D’abord, sur les jeux de fonds, dans l’ambiance d’un si mineur modal, lent et grave, au rythme ternaire, avec appui sur le 1er temps, la Stèle s’élève peu à peu " lento e doloroso ". Après une introduction grave et très modulante, le thème de l’Antienne s’énonce comme un Choral à double pédale en fa dièse mineur enserré dans un contrepoint âpre et douloureux, s’éclairant au travers de modulations en mi bémol majeur et fa dièse majeur annonçant le Chant de l’Antienne déclamé puissamment " recitativo " sous de tragiques accords suspensifs. La 2ème partie se présente comme une fileuse au rythme alerte et souple (rythmique irrationnelle). Sous cette trame rapide, le Chant de l’Antienne reparaît fragmenté, à la pédale . Peu à peu, la fileuse se développe " crescendo " et se transforme en une puissante toccata, ramenant le thème de l’Antienne en canon à l’octave, à la pédale sur le tutti. Très vite, les éléments se calment pour revenir au climat initial en si mineur, mais plus apaisé. C’est la 3ème partie qui amorce la Conclusion. Mais voici que, sur un accord consonant et statique, lisse comme le marbre, s’inscrit le nom de Duruflé (ré, sol, ré, sol, fa, mi, ré) qui chante sur le jeu de clarinette (ou de cromorne) s’enchaînant à l’Antienne " Exultabunt Domino… " et se poursuit en une lente berceuse ponctuée de lourds accords avec les voix célestes. La pièce s’achève sur un lumineux accord de si majeur, nimbé de résonances extatiques, évoquant une dernière fois le nom de Duruflé.
Pascale Winkel (janvier 2005)
Association "Hymnal"
De l'improvisation à l'orgue
par Félix Moreau
titulaire du grand orgue de la cathédrale de Nantes
Félix Moreau au grand orgue de la cathédrale de Nantes, 2004
( coll. Association Hymnal )
A la vérité, j'ai toujours aimé improviser, par goût et par nécessité, surtout dans le cadre des Offices. Un organiste qui se veut avant tout liturgique est nécessairement obligé de pratiquer cet Art. Art essentiellement de spontanéité qui se doit de souligner l'esprit et le " climat " de la Célébration.
Les sujets et thèmes que j'emploie sont principalement inspirés par le Grégorien ou des formules modales, sans aucune exclusive cependant. Il faut reconnaître qu'il y a dans le Chant grégorien une veine quasiment inépuisable pour l'organiste liturgique-improvisateur, à la différences des chants "liturgiques" imposés actuellement qui, dans leur grande majorité, n'inspirent ni l'improvisateur ni le compositeur.
L'improvisation étant, pour moi, spontanée, la forme que j'utilise n'ait de l'idée et du thème choisis et se structure au fur et à mesure du développement musical, comme une fleur qui s'ouvre et s'épanouit peu à peu. Ce qui implique toutefois une grande connaissance de toutes les formes musicales, une pratique assidue de l'harmonie, du contrepoint, de la fugue et de la composition. Ce qui implique aussi de bien connaître la musique d'aujourd'hui et son évolution.
Musique de l'instant et de l'instinct, le moteur de l'improvisation est avant tout l'imagination, mais une imagination contrôlée, canalisée dans une forme choisie et déterminée : choral, fugato, fantaisie, fileuse, toccata, paraphrase, andante ou scherzo symphoniques, etc ...
Pour l'improvisation brève ou développée, les paramètres suivants me paraissent essentiels :
1) Le thème ou la mélodie, quel qu'en soit le caractère, doit toujours être parfaitement perceptible.
2) Le rythme qui charpente et donne vie au thème. Ce rythme doit toujours être très caractérisé : binaire, ternaire, régulier, irrationnel, pointé " à la française ", en forme de carillon, d'ostinato, etc
3) Le langage harmonique . Pour ma part, il est souvent modal et " grégorianisant ", parfois tonal, voire atonal, très modulant et cursif, il y a quelquefois mélange de styles modal-tonal.
4) Enfin, d'une importance extrême, le timbre, c'est à dire pour l'orgue, la registration qui est l'art de choisir les jeux et de les mélanger. Il arrive souvent que le choix de ces jeux conditionne la forme. La registration, comme les idées, engendre cette forme où se développe le thème choisi.
Cette recherche des timbres, des " couleurs " est primordiale. Selon les cas, j'utilise des jeux de détails (cornets, cromorne ...) ou des mélanges (parfois insolites). Souvent, une pédale , basée sur les 4 pieds, exprime le thème.
Aux Grand'Messes (qui heureusement existent encore à la cathédrale de Nantes), j'improvise presque toujours l'entrée sur l'Introït du jour. Sorte de fresque aux formes très variées, très libres, commençant quelquefois " pianissimo ", se développant crescendo pour conclure " pianissimo ". Ce n'est qu'un exemple . Inutile de dire que dans ces entrées, j'essaie de créer l'atmosphère propre au Temps liturgique et à la célébration.
Et puis, chaque organiste a un peu ses habitudes, ses formules, son "style", j'allais dire ses "tics".
M'attachant surtout à l'improvisation liturgique, j'accepte rarement d'improviser en fin de concert. A vrai dire, ces feux d'artifices de l'illusion m'intéressent peu, reconnaissant qu'il est bien difficile d'atteindre le génie d'un Tournemire, d'un Cochereau ou l'organisation cérébrale d'un Dupré. Comme mon Maître Maurice Duruflé qui n'improvisait presque jamais en concert, par " respect " pour les chefs-d'oeuvre qu'il venait d'interpréter. D'ailleurs, il faut honnêtement reconnaître que l'inspiration n'est pas toujours au rendez-vous en ces moments-là !
Pour moi, l'improvisation est avant tout un Acte liturgique et religieux, s'insérant dans la spiritualité de la célébration, " très strictement fondu avec la Liturgie ", comme le disait Tournemire. Acte d'humilité aussi, l'improvisation devant d'abord servir la Liturgie. La Gloire revenant à Dieu seul : "Soli Deo Gloria" selon la devise et l'idéal du plus grand organiste de tous les temps J.S Bach.
(janvier 2005)
Discographie
Au Grand-Orgue de la Cathédrale de Nantes :
Noëls Français, Editions Art et Musique, AM 8302 (1983)
Musique Française d’Orgue du 17ème et 18ème siècle, Editions Forlane, UCD 16716 (1993)
A l’orgue Cavaillé-Coll de la Cathédrale de Luçon :
André Raison, extraits de la Messe du 1er ton
César Franck, Cantabile et trois Chorals
Œuvres de Félix Moreau:
Œuvres vocales et instrumentales, par Marie-Thérèse Jehan à l'orgue de chœur, le chef Jénö Jéhak et l'auteur au grand orgue, Editions Solstice, SOCD 189 (2001)
Œuvres pour orgue, par Marie-Thérèse Jehan au grand-orgue de la cathédrale de Nantes, Editions Solstice, SOCD 209 (2002)
CD, dernière parution
Noël aux Grandes Orgues de la Cathédrale de Nantes
Félix Moreau & Marie-Thérèse Jehan
I – Noëls français (Félix Moreau) :
Louis-Claude Daquin, Noëls n° VI en ré mineur, n° VII en ré mineur, n° VIII en sol majeur
Claude Balbastre, Joseph est bien né, Noël bourguignon
Eugène Gigout, Rhapsodie sur des Noëls
Jean Huré, Communion sur un Noël
Olivier Messiaen, Les Bergers (extrait de La Nativité)
Félix Moreau, Incarnation (Méditation pour le temps de Noël)
II –Concerts de Noël 2003 & 2004 (Félix Moreau, Marie-Thérèse Jehan)
Charles-Marie Widor, Allegro final de la Symphonie n° 9 op. 70, dite "Gothique"
Adolphe Marty, Pour la fête de Noël (Sortie sur un Noël ancien)
Alexandre Guilmant, Nuit sombre, ton ombre vaut les plus beaux jours
Joseph Bonnet, Rhapsodie Catalane
Enregistrements : Noëls Français réalisé en 1983 par Art et Musique,
Concerts de Noël 2003 & 2004 par Christian Villain
AM/CD 107/38302 (parution : 2005)
Diffusion : Association Hymnal, 98 rue du Commandant Gâté, 44600 Saint-Nazaire
Tél. : 02 40 70 07 54 ou e-mail : hymnal.orgue@tele2.fr
site Internet : www.hymnal-orgue.org/
ASSOCIATION HYMNAL
26 rue Claude Lorrain - 44100 NANTES
Tel : 02 40 70 07 54
E-mail : hymnal.orgue@tele2.fr
Créée au printemps 2000 dans le but de mieux faire connaître et diffuser les œuvres du compositeur et organiste nantais Félix Moreau, l'Association Hymnal organise des manifestations musicales et culturelles (récitals d'orgue, concerts, auditions, conférences, expositions …) et s'efforce de mettre en valeur le grand orgue de la cathédrale de Nantes, chef d’œuvre de la facture française et fleuron du patrimoine nantais et national.
Présidente : Mlle Marie-Thérèse Jehan, organiste,
co-titulaire du grand orgue de la cathédrale de Nantes.
Secrétaire : M. Daniel Le Pollotec
Secrétaire adjointe : Danièle Hérault
Membres d’Honneur :
Mgr Georges Soubrier, évêque de Nantes
Mgr Jehan Revert, maître de chapelle honoraire de la cathédrale Notre-Dame de Paris
M. Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes
Mr Henry-Claude Cousseau,
directeur de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris
M. Yves Lebas, Paris
M. Jacques Monestier
M. Orhel, conseiller d’Etat, Paris