Le Panthéon des musiciens
De janvier 2009 à juin 2009
Christiane DE LISLE - Jacques LANCELOT - Pierre BÉGUIGNÉ - Maurice JARRE - Paulette MERVAL
Le 24 janvier 2009 à Courbevoie (Hauts-de-Seine), est décédée Christiane de LISLE à l'âge de 95 ans. Elle avait fêté ses 60 ans d'organiste en 1986 avant de prendre sa retraite quelques années plus tard. Son Salon de musique parisien, qu'elle tint avec son mari Melchior durant trois décennies, à l'image de celui de Wunnaretta de Polignac, était couru et vit défiler bon nombre d'artistes réputés, entre autres Messiaen, Rigutto et Cziffra. En 1957, elle avait enregistré en première mondiale (salle Gaveau à Paris) les 17 Sonates d'église de Mozart avec l'Ensemble instrumental Sinfonia de Jean Vitold (disque Véga, réédition partielle en 1990 par Adès dans un coffret de 5 CDs consacré à Mozart, ADE 694).
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Christiane de Lisle, années 1950 ( photo A.R. de Certeau, Manosque, coll. Chantal de Lisle ) DR Autres photos
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Née le 14 juillet 1913 à Haguenau (Bas-Rhin), Christiane Frommer baigne très tôt dans la musique. Son père, Albert Frommer (1875-1952), ancien élève de l'Ecole de musique classique et religieuse (Ecole Niedermeyer), est alors titulaire de l'orgue de l'église Notre-Dame de Bon Voyage à Cannes (Alpes-Martimes) depuis 1896 et directeur de l'Union chorale fondée par ses soins en 1898. C'est lui qui lui enseigne la musique et l'initie à l'orgue : durant huit années et dès l'âge de 12 ans, elle supplée son père à la tribune de Notre-Dame de Bon Voyage (1925-1933). Parallèlement, elle se perfectionne à Paris, auprès de Paul Fauchet pour l'harmonie et le contrepoint (1928-31) comme auditrice libre de sa classe au Conservatoire, et pour l'orgue en cours privés avec Louis Vierne et Marcel Dupré (1930-33). En 1933, à l'âge de 20 ans, elle épouse Melchior de Lisle (1908-1977), issu d'une vieille famille bretonne, ingénieur des Ponts et Chaussées et passionné de musique, d'orgue et d'entomologie. Après la naissance d'un premier enfant à Saint-Nazaire et la nomination de Melchior de Lisle directeur des Travaux Publics à Douala (Cameroun français), en 1935 la famille s'installe dans cette ville où vont naître 3 autres enfants et où Christiane de Lisle fait suivre son harmonium pédalier. En 1948, elle regagne la France et l'année suivante est nommée à l'orgue Cavaillé-Coll du Val-de-Grâce, poste qu'elle tient jusqu'en 1965, année où elle part recueillir la succession d'Amédée de Vallombrosa à l'orgue de chœur de Saint-Eustache (Merklin/Roethinger, 2 claviers, 16 jeux). Parallèlement, elle est l'assistante d'Olivier Messiaen au grand-orgue de la Trinité (1951-1961) et, à partir de 1960, organiste de chœur (bénévole) du Suret (1855) de l'église Saint-Leu-Saint-Gilles de la rue Saint-Denis (1er arrondissement). A son départ, en 1983, cet instrument (2 claviers, 9 jeux), placé derrière l'autel est devenu injouable et après une restauration effectuée en 1990 par les Ets Dargassies-Gonzalez, il ne sera plus touché que par des organistes amateurs parmi les fidèles.
Bien qu'ayant cédé à Gilles Weber ses claviers de l'orgue de chœur de Saint-Eustache en 1982, sur lequel elle avait joué sa dernière messe le 4 juillet, c'est là, quatre ans plus tard, que Christiane de Lisle fête son soixantième anniversaire d'organiste. Elle y jouera également son dernier concert en tant qu'organiste (centième anniversaire de la mort de Liszt) sous la direction du R.P. Emile Martin, alors maître de chapelle et directeur de la Société des "Chanteurs de Saint-Eustache". Néanmoins, jusqu'au 17 décembre 1990, elle reste attachée à Saint-Eustache en continuant à accompagner au piano les répétitions de la Société des Chanteurs, dirigée par le successeur du R.P. Martin, André Duchesne. L'ultime concert, auquel elle participe avec cette formation est le Requiem de Verdi, dirigé par Daniel-René Pacitti (8 octobre 1990). Puis, elle rejoint l'orchestre du "Musici Europae" avec lequel elle se produit encore durant quelques années.
Entre 1956 et 1987, Christiane de Lisle, tout d'abord aidée par son mari jusqu'à son décès en 1977, directeur d'une école d'ingénieurs à Paris à son retour du Cameroun et mélomane éclairé se mettant volontiers au piano pour y interpréter Bach et Chopin, tient un salon de musique renommé dans son appartement du 29 boulevard Raspail (Paris Ve), puis (1977) dans celui de la rue Saint-Denis (Paris Ier). Ainsi durant 31 ans (jusqu'en 1987), elle y accueille maints interprètes célèbres dans lequel sont installés deux pianos à queue et l'harmomiun pédalier rapatrié de Douala. Citons parmi eux les pianistes Liv Glaser, Liv Christiensen, Victor Gille, Jean-Paul Sevilla, Jacques Brunschwig, Suzanne Joly, Yvonne Loriod, Jacques Charpentier, Alain Motard, John Macgrew, Thérèse Castaing, Yoshiya Iwamato, Bruno Rigutto, Jean-Rodolpe Kars, Florence Delaage, Brigitte Engerer, Alice Ader, Daniel Wayenberg, Cyprien Katsaris, Georges Cziffra, Minka Roustcheva, Daniel Blumenthal, Yuri Boukoff, Eric Davoust, Paul Badura Skoda, Cécile Hugonnard-Roche, Igor Lazsko, Bernard d'Ascoli, Emil Ludmer, François-Joël Thiollier, Elisabeth Allan, Gaby Torma, Véronique Moureau, Marc Robson, Stéphane Collins et Jean-Marc Luisada ; les organistes Olivier Messiaen, Daniel Roth et Jean Guillou ; les violonistes Gil Graven, Augustin Dumay, Vladimir Spivakov, Kuniko Nagata et Claire-Uzé Natrop ; les violoncellistes André Gonnet, Marc Varchavsky et Christine Lacosta ; les flûtistes Michel Debost et Gaby Van Rieth ; le bassoniste Armand Brunschwig ; le guitariste Yves Storms ; la harpiste Elena Polonska ; les chanteuses et chanteur Maria Ferres, Blandine de Saint-Sauveur, Justine Schaeffer (petite-fille de Christiane de Lisle) et Peter de Smet, et l'accordéoniste classique Max Bonnay. L'inauguration avait eu lieu le 29 juin 1956 avec Robert Soetens (violon), Suzanne Roche (piano) et Christiane de Lisle (orgue), et le dernier concert le 28 mars 1987 avec le pianiste taiwanais Chang Chen et le bassoniste américain Gregory-Thomas Cukro.
Organiste liturgique et concertiste, organisatrice de concerts de chambre, Christiane de Lisle exerçait également de nombreuses autres activités musicales : membre de la Société Française de Musicologie (1950-1955), critique musical au Guide du Concert (1963-1975), auteur d'écrits dans la revue L'Orgue : "Concours international de Haarlem, 2 juillet 1963" (n° 108), "Le Concours d'orgue au Conservatoire de Paris, 26 mai 1964" (n° 112), "Le Concours de composition des Amis de l'Orgue, 15 mars 1965" (n° 114), "Le Concours de haute exécution et d'improvisation des Amis de l'Orgue" en 1966 (n° 120), traductrice de plusieurs ouvrages chez Buchet-Chastel : L'Art de jouer du violon de Yehudi Ménuhin (1973), Les Strauss, rois de la valse et la Vienne romantique de leur époque de Hans Fantel (1973), avec son mari Melchior de Lisle L'Art de jouer Mozart de Paul Badura-Skoda (1974), Le style et l'idée d'Arnold Schönberg (1977), Ma vie de Richard Wagner (textes français et notes de Martial Hulot avec la collaboration de Christiane et Melchior de Lisle, 1978). On lui doit aussi plusieurs enregistrements sonores. En dehors des 17 Sonates d'église déjà mentionnées, citons plus particulièrement : la Fugue en si mineur de Bach sur un thème d'Albinoni et le célèbre Adagio d'Albinoni avec l'Ensemble instrumental Sinfonia de Jean Vitold (1957, Vogue EXTP 1005), deux Concertos de Haendel avec l'Orchestre de chambre Louis de Froment (disque Allegro), le Te Deum de Dettingen et l'Alleluia du Messie du même compositeur, avec les Chanteurs de Saint-Eustache et l'Orchestre Lyrique de l'O.R.T.F conduits par le R.P. Martin (Les Chantiers du Cardinal, CDC1), la Messe du sacre des rois de France (Missa sacri regum Francorum) pour ténor solo, chœur, 3 trompettes, 2 trombones et 2 orgues, du R.P. Martin avec André Meurant (ténor), Jean-Paul Imbert (orgue), la Société des Chanteurs de Saint-Eustache, la Maîtrise de Notre-Dame et l'Orchestre de la Radio (1974, Philips 6537025), la Messe pour l'Epiphanie "Surge et illuminare" de Pierre de Manchicourt et la Messe du VIIIe ton à 4 voix de Roland de Lassus, avec la Société des Chanteurs de Saint-Eustache (et Gérard Friedmann, ténor) dirigés par le R.P. Martin (Trésors classiques, Philips 6504076). Pour la radio, elle a enregistré les Concertos pour orgue et orchestre de Poulenc et de Hindemith (1er audition à la radio) en 1958, les Corpo glorieux pour orgue seul d'Olivier Messiaen sur l'orgue de Bruckner (à St Florian) pour la Radio-diffusion autrichienne (1960), ainsi que plusieurs autres œuvres modernes pour la Sudwestfunk de Baden-Baden (Allemagne). Mentionnons encore la gravure en 1962, avec Jane Rhodes, de l'Alleluia de Mozart et des Ave Maria de Schubert, Haendel et Gounod (Véga, C37S185, coll. L'art du chant, vol. 1).
Retirée dans une maison de retraite de la banlieue parisienne (Courbevoie), c'est là qu'elle s'est éteinte. Une messe de requiem a été célébrée à son intention le 7 mars à Saint-Eustache avec les Choeurs de Saint-Eustache et Jean Guillou au grand-orgue. Sa fille aînée, Jacqueline, a été mariée au compositeur Pierre Schaeffer (1910-1995), l'inventeur de la musique concrète, et la benjamine, Chantal, créatrice de bijoux et peintre, au pianiste Alain Motard (né en 1928), ancien élève de Marguerite Long et de Jacques Février, qui a mené une carrière internationale.
Denis Havard de la Montagne
Le 7 février 2009 à Rouen (Seine-Maritime) s'est éteint le clarinettiste Jacques LANCELOT à l'âge de 88 ans. Considéré comme l'un des meilleurs représentants de l'Ecole française de clarinette, il a largement contribué à mieux faire connaître son instrument auprès du grand public, tout comme le fit Maurice André pour la trompette, Jean-Pierre Rampal pour la flûte traversière ou encore Pierre Pierlot pour le hautbois. Membre dès sa fondation du Quintette à Vent Français, aux côtés de ces deux derniers et de Gilbert Coursier (cor) et Paul Hongne (basson), il se produira longtemps avec cette formation à laquelle l'on doit la création de bon nombre d'œuvres, entre autres de Georges Migot, Jean-Michel Damase, Claude Arrieu et Marcel Bitsch. Soliste de plusieurs orchestres, on lui doit notamment en juillet 1968, au Monastère de Cimiez (Nice), la première du Concerto de Jean Françaix avec l'Orchestre des Concerts symphoniques de chambre de Paris dirigé par Louis Fourestier. Mais s'il a suscité et créé de nombreuses oeuvres, il a également permis la redécouverte d'un répertoire ancien quelque peu oublié, telles les Variations de Rossini ou les Sonates de Devienne.
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Jacques Lancelot ( photo X... ) DR
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C'est en Normandie, à Rouen, le 24 avril 1920 que voit le jour Jacques Lancelot, et au Conservatoire de Caen (Calvados) qu'il effectue ses études musicales auprès de Fernand Blachet (1933-1938), avant de rejoindre le Conservatoire de Paris. Dans cet établissement, dès sa première année dans la classe d'Auguste Périer, il remporte le 1er Prix de clarinette en 1939. Intégré à l'Orchestre des Cadets du Conservatoire, créée au début de la guerre par Claude Delvincourt, il entre en 1942 dans la classe de musique de chambre de Fernand Oubradous. Parallèlement, à partir de 1941 et jusqu'en 1950, il joue en soliste dans l'Orchestre Lamoureux, alors dirigé par Eugène Bigot. A la même époque, il fait également partie de l'Orchestre de Radio-Paris, conduit par Jean Fournet, de l'Orchestre de chambre Marius-François Gaillard et un temps, de la Société des Instruments à Vent dirigée par Oubradous. En 1945-46 on le trouve encore à l'Orchestre de la Garde républicaine, dans les années 1950 à celui du Festival d'Aix-en-Provence, et durant les étés 1947 à 1955 à l'Orchestre du Casino de Vichy. C'est là qu'il jinterprète à plusieurs reprises le Concerto de Tomasi, la Tarentelle de Saint-Saëns et la Sinfonia Concertante de Mozart qui lui valent de remporter un vif succès en tant que soliste. Sa carrière prend rapidement de l'essor et c'est ainsi qu'il crée des partitions de Noël Gallon, Jean Françaix, Roger Calmel, Jean Rivier, Jean-Claude Amiot, Nicole Philida et Jean-Pierre Beugniot. Le Quintette à Vent Français, fondé en 1945 aux côtés de Jean-Pierre Rampal (puis Maxence Larrieu à partir de 1965), Pierre Pierlot, Manen (puis Xavier Delwarde en 1946 et Gilbert Coursier en 1948) et Maurice Allard (puis Paul Hongne en 1948), qui se produit régulièrement jusqu'en 1968, remporte un grand succès, tant à Paris et en province, qu'à travers l'Europe, l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l'Afrique du Sud. Avec le Quintette à Vent de Paris (Roger Cortet, Louis Grommer, André Vacellier, René Reumont et Gabriel Grandmaison), créée en 1929, et l'Ensemble Instrumental à Vent de Paris (Jacques Castagner, Robert Casier, André Boutard, Michel Bergès et Gérard Faisansier), fondé en 1944, le Quintette à Vent Français est alors l'une des meilleures formations de musique de chambre de l'époque.
Musicien d'orchestre, soliste, chambriste, Jacques Lancelot s'est également beaucoup investi dans l'enseignement : au Conservatoire National de Région de Rouen de 1947 à 1988, au Conservatoire National Supérieur de Lyon de 1980 à 1984, ainsi qu'à l'Académie Internationale d'été de Nice de 1960 à 1975, sans omettre six tournées de masterclass au Japon. On lui doit de nombreux ouvrages pédagogiques qui font autorité dans leur domaine, notamment : 15 Etudes pour clarinette, d'après Berbiguier, Cramer, Kayser (Editions Musicales Transatlantiques, 1964), La Clarinette classique, collection en quatre volumes gradués pour clarinette et piano : choix, transcriptions et harmonisations par Jacques Lancelot et Henri Classens (L. Philippo et M. Combre, 1965-1967), 26 Etudes élémentaires pour clarinette, d'après Dancla, Wohlfart (E.M.T., 1967), 25 Études, faciles et progressives pour clarinette, d'après Grünwald, Kayser, Hermann (E.M.T., 1969), Les arpèges du jeune clarinettiste (Billaudot, 1973), 33 Etudes assez facile pour clarinette (E.M.T., 1973), 22 Etudes faciles pour clarinette (Billaudot, 1975), Ecole préparatoire de la technique : enseignement de la clarinette (E.M.T., 1975), 20 Duos classiques faciles et progressifs (E.M.T., 1979), 23 Etudes, préparation au degré supérieur, pour clarinette (Billaudot, 1981), 12 Petites pièces classiques en trio pour 3 clarinettes si bémol (E.M.T., 1982), Gammes et exercices pour clarinette, degrés élémentaire et moyen (E.M.T., 1982), 18 Duos classiques, degrés élémentaire et moyen (Billaudot, 1983), L'école du mécanisme pour clarinette (Billaudot, 1983), 26 Duos classiques pour clarinette, degré préparatoire-élémentaire (Billaudot, 1985), Exercices de vélocité pour clarinette (Billaudot, 1986), Mini-technique pour clarinette, degrés préparatoire et élémentaire (E.M.T., 1988), Mini-mélo, 15 exercices complétés par 3 études pour clarinette, fin d'études-supérieur (Billaudot, 1990), 40 Etudes choisies dans des oeuvres de Dancla, Kreutzer, Maeas, Ries et Schubert (Billaudot, 1995)...
Mais surtout, il a mis à disposition de ses élèves et de tous les clarinettistes un vaste catalogue classique, évitant ainsi de les cantonner dans un répertoire étroit et parfois peu attrayant. Pour se faire, il publie aux Editions Musicales Transatlantiques ou chez Billaudot un nombre impressionnant d'œuvres anciennes qu'il révise, annote et parfois transcrit :
- François Devienne : 1ère Sonate pour clarinette si bémol et piano-forte, réalisation de Jean-Pierre Dautel (E.M.T., 1962) et 2ème Sonate, pour clarinette si bémol et piano-forte, réalisation de Laurence Boulay (E.M.T., 1972)
- Joseph Pranzer : 6 Duos concertants pour 2 clarinettes (E.M.T., 1966, 1971, 1974, 1976)
- Rossini : Variations, pour clarinette et petit orchestre, arrangement de J.-P. Dautel, révision et annotations de J. Lancelot, réduction pour clarinette et piano (E.M.T. 1970)
- Carl Maria von Weber, Grand Duo concertant, op. 48, pour clarinette et piano (Billaudot, 1970), 1er Concerto, en fa mineur, op. 73, pour clarinette et orchestre (Billaudot, 1970), 2e Concerto en mi bémol, op. 74, pour clarinette si bémol et orchestre, réduction pour clarinette et piano (Billaudot, 1981), Variations concertantes, op. 38, pour clarinette si bémol et piano (Billaudot, 1984), Petite fantaisie sur Oberon, transcription et adaptation pour quatuor de clarinettes en si bémol du choeur final du 2e acte (Billaudot, 1998)
- Johann Sebastian Bach : arrangement pour clarinette seule ou ensemble de clarinettes à l'unisson des Préludes, allemandes et courantes, des 4 sonates BWV 1007-1010 extraits des 6 suites pour violoncelle BWV 1007-1012, transcription et adaptation de Georges Corroyez, révision de Jacques Lancelot (Billaudot, 1971)
- Kaspar Kummer : Deux Duos concertants, op. 46 pour flûte et clarinette (Billaudot, 1971)
- Schubert Le Pâtre sur la montagne (der Hirt auf dem Felsen), op. 129, pour chant avec accompagnement de clarinette et piano ou pour deux clarinettes et piano, adaptation de la partie de chant pour la deuxième clarinette (Billaudot,1971) et L'Abeille, op. 13, n° 9, pour clarinette si bémol et piano
(E.M.T., 1983)
- Wagner : Adagio, pour clarinette et cordes, réduction pour clarinette et piano, révision par Fernand Oubradous (E.M.T.,1971)
- Frédéric Geispieler : Dix Grandes Etudes pour la clarinette (E.M.T., 1972)
- Schumann : 3 Pièces de Fantaisie (Fantasiestücke), op. 73 et 3 Romances pour clarinette si bémol et piano, op. 94 (Billaudot, 1972, 1976)
- Friedrich Berr : 20 Petits Duos pour 2 clarinettes si bémol (Billaudot, 1975)
- Brahms : Sonate n° 2, op. 20 et Sonate n° 1, op. 120 n° 1, pour clarinette et piano (Billaudot, 1975, 1981)
- Corelli : Sonate n° 10, Sonate n° 7, Sonate n° 9 pour clarinette et piano, réalisation : Laurence Boulay (E.M.T., 1975, 1977, 1978)
- Haendel : Sonate en sol mineur, transcription pour clarinette et piano par J. Lancelot réalisation : Robert Veyron-Lacroix (Billaudot, 1975)
- Fritz Kroepsch : 416 Etudes progressives pour clarinette (Billaudot, 1975)
- F.A. Böhm : 12 Petits Duos pour 2 clarinettes, op. 5 (Billaudot, 1976)
- Jean-Xavier Lefèvre : 6 Duos pour 2 clarinettes si bémol (Billaudot, 1976)
- F. Burgmüller : 20 Petites Etudes (Billaudot, 1977)
- Vincent Gambaro : 21 Caprices pour la clarinette (Billaudot, 1977)
- Rossini : Fantaisie pour piano et clarinette si bémol (E.M.T., 1978)
- Karl Ditters von Dittersdorf : Partita pour 4 clarinettes ou ensemble de clarinettes, et Andante pour quatuor de clarinettes (E.M.T., 1979, 1981) (Billaudot, 2004)
- Mozart : Duo n° 1, K. 423, pour violon et alto, adaptation pour clarinette en si bémol et cor de basset ou 2 clarinettes en si bémol (E.M.T., 1980), Quintette en ut mineur, K. 406, arrangement pour 3 clarinettes si bémol, clarinette solo (fa ou mi bémol) et clarinette basse (E.M.T., 1981), Petite musique de nuit, KV. 525, transcription pour quatuor de clarinettes ou ensemble de clarinettes (Billaudot, 1988), La Flûte enchantée, KV. 620, extraits d'airs des actes 1 et 2, adaptation pour quatuor de clarinettes ou ensemble de clarinettes (Billaudot, 1992), Sonate pour violon et piano KV. 547, transcription pour 2 clarinettes en si bémol et clarinette basse ou basson : Andante à trois (Billaudot, 2000)
- Vivaldi : Quatuor pour 3 clarinettes si bémol et clarinette basse ou 4 clarinettes si bémol ou ensemble de clarinettes, adaptation du Concerto grosso op. 3, n° 11, RV 565 pour 2 violons et 2 violoncelles (E.M.T., 1979)
- Jean-Chrétien Bach : Quatuor n° 2 en si bémol majeur (E.M.T., 1980)
- Johann Stamitz : Concerto en si bémol majeur pour clarinette et orchestre, réduction pour clarinette et piano de Philippe Rougeron (Billaudot, 1982)
- Carl Stamitz : Quatuor en ré majeur, op. 8/1, pour 2 clarinettes en si bémol, clarinette alto fa (ou 3e clarinette si bémol) et clarinette basse si bémol (E.M.T., 1985)
- Bizet : Entr'acte : suite n° 1 de l'Arlésienne, adaptation pour quatuor ou ensemble de clarinettes, quatuor de saxophones ou diverses instrumentations (E.M.T., 1988)
- Johann Strauss : Radetzky Marsch, op. 228, et Pizzicato polka, original pour cordes pincées, adaptation pour quatuor de clarinettes ou ensemble de clarinettes (Billaudot, 1991)
- Telemann : Sonate en la mineur pour hautbois et basse continue, transcription pour clarinette en si bémol ou en la et piano, réalisation : Robert Veyron-Lacroix (Billaudot, 1991)
- Francesco-Antonio Bontorpi : Sonate à trois, original pour 2 violons et basse, adaptation pour 2 clarinettes en si bémol et clarinette basse ou basson (Billaudot, 1992)
- Michel Yost : 6 Quatuors pour clarinette en si bémol et trio à cordes (Billaudot, 1994)
- François Francoeur : Aria pour piano, transcription pour 4 clarinettes en si bémol (Billaudot, 1998)
- Pergolèse : Trio n° 2 en si bémol majeur, pour 2 violons et violoncelle, transcription pour 2 clarinettes en si bémol et clarinette basse (Billaudot, 1999)
Jacques Lancelot conserva toute sa vie une attirance particulière pour le Concerto KV. 622, en la majeur, de Mozart qu'il eut l'occasion de jouer à de nombreuses reprises. Son enregistrement, sous la direction de Jean-François Paillard, maintes fois réédité, reste encore à ce jour "la référence" ; l'Adagio deviendra plus tard le leitmotiv du film "Out ou Africa" de Sydney Pollack (1985). Mais au sein de sa nombreuse discographie, on se doit également de mentionner le Concerto de Jean Françaix, enregistré avec l'Orchestre de chambre de Nice dirigé par Pol Mule (Barclay 995019), celui de C.M. von Weber (Erato STU70517) avec l'Orchestre symphonique de Bamberg (dir. : Théodore Guschlbauer), le Quintette pour clarinette et quatuor à cordes en si mineur, op. 115, de Brahms, avec l'Amadeus Quartet (Erato LDE 3388), les Variations pour clarinette et petit orchestre de Rossini, avec l'ensemble I Solisti Veneti, conduit par Claudio Scimone (Erato STU70490), la 1ère Rhapsodie pour clarinette et piano de Debussy, avec Robert Veyron-Lacroix (BAM LD034) et bien d'autres encore. Les Japonais, qui comptent parmi ses meilleurs élèves, notamment Kazuko Ninomiya (directrice de la Japan Clarinet Association et professeur de musique au Lycée Franco-japonais) et son époux Koïchi Hamanaka (clarinette solo de l'Orchestre de la NHK) ont édité en 1994 l'intégral des enregistrements de Jacques Lancelot pour Erato dans un coffret de 7 disques compacts (Warner Music, Erato WPCC41517)...
Courtois, modeste, bienveillant, ce qui ne l'empêchait pas de faire preuve d'exigence envers ses élèves quant à l'interprétation et la musicalité, Jacques Lancelot, ce "Grand Monsieur" de la clarinette est décédé dans sa quatre-vingt-neuvième année. Ses obsèques ont été célébrées à Paris le 16 février en l'église Saint-Roch, suivies de son inhumation au cimetière du Montparnasse. Son fils Eric est contrebassiste soliste à l'Orchestre Pasdeloup et professeur aux Conservatoires des 13e et 15e arrondissements parisiens.
Denis Havard de la Montagne
Le 1er mars 2009 à Versailles (Yvelines) est mort Pierre BÉGUIGNÉ, maître de chapelle, chef de choeur, organiste, l'un des derniers anciens élèves de la célèbre "Ecole de musique classique et religieuse", plus connue sous le nom d'Ecole Niedermeyer, à laquelle on doit la résurrection des Maîtrises dès le milieu du XIXe siècle. Fondateur de la Manécanterie des Petits Chanteurs de Versailles, il enregistra avec elle, en 1957 Nicolas de Flue d'Arthur Honegger, en compagnie des Chœurs Elisabeth Brasseur et de l'Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, sous la direction de Georges Tzipine (Festival FLD50), à deux reprises Une cantate de Noël du même compositeur : en 1955 (sous la direction du même chef, avec Pierre Mollet, baryton et Maurice Duruflé à l'orgue) et en 1956 (sous la conduite de Paul Sacher, avec Michel Roux, baryton, et également Maurice Duruflé) (Columbia FCX336 et Philips N00749R), en 1960 Carmen de Bizet sous la direction de Sir Thomas Beecham avec Victoria de Los Angeles dans le rôle-titre (La Voix de son Maître FALP 618-620 et Emi Pathé Marconi/Angel CDS7490402 : PM 664), ainsi que plusieurs disques de Noëls : l'un chez Pathé Marconi/Trianon (5419TRS), un second chez La Voix de son Maître (151 EMF 150) et un autre en compagnie de Camille Maurane, avec René Challan à la tête de l'orchestre (MFP 5079). Il effectuera également avec ses Petits Chanteurs de nombreuses tournées de concerts tant en France qu'à l'étranger (Allemagne, Autriche, Belgique, Hollande, Espagne, Italie, Portugal...) et participa à la création en France de Wozzeck d'Alban Berg.
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Pierre Béguigné ( coll. famille Béguigné ) DR Autres photos sur une page spécifique.
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Bien que né le 4 février 1908 à Paris XVIIe (rue des Acacias), Pierre Alexandre Béguigné s'est toujours senti l'âme d'un provincial, sa famille étant originaire de Bourgogne, de Vincelles (arrondissement d'Auxerre, Yonne). Encore très jeune, ses parents lui font débuter le violon et pour des raisons professionnelles s'installent en banlieue, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), où, à l'âge de sept ans, il entre à la Maîtrise de l'église Saint-Clodoald. Il va bientôt abandonner le violon pour se mettre au piano et à l'orgue. A cette époque, Louis Frade tient le grand orgue et le jeune Béguigné sympathise rapidement avec lui, au point de rester ensuite longtemps en relation ; il est émerveillé par les anecdotes que celui-ci lui raconte à propos de Saint-Saëns qu'il connaît. Ancien élève de l'Ecole Niedermeyer, Louis Frade est sans doute à l'origine de l'entrée (en 1922) de Pierre Béguigné dans cet établissement, alors tout juste déménagé à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Là, il reçoit durant 4 années l'enseignement de Jean Courbin (piano), Henri Defosse (harmonie) et Henri Mulet (orgue). En 1926, alors auditeur de la classe de Marcel Dupré au Conservatoire de Paris, il est nommé à l'orgue de l'église Notre-Dame de l'Assomption de Bougival (Yvelines). C'est Théodore Besset, également auditeur de la classe de Dupré, qui lui succédera. A cette même époque, il supplée de temps à autre le maître de chapelle du Sacré-Coeur de Montmartre, Henri Potiron, professeur à l'Institut grégorien de Paris, et a plusieurs fois l'occasion de remplacer Abel Decaux, titulaire du grand-orgue, lors de ses séjours aux Etats-Unis (à l'Eastman School of music de Rochester où il enseignait.) En 1930, Pierre Béguigné est appelé comme organiste et maître de chapelle de l'église Saint-Romain de Sèvres (Hauts-de-Seine), poste qu'il va occuper durant douze années, avec une interruption au début de la guerre. C'est là qu'il fait la connaissance d'Elise Sprecher, une jeune alto de la chorale, qu'il épouse. Elle lui donnera neuf enfants. En 1942, c'est à l'église Notre-Dame de Versailles qu'il poursuit son métier de maître de chapelle et organiste accompagnateur, en recueillant la succession de René Quignard, parti prendre la direction du Conservatoire de Saint-Brieuc (Finistère). A Sévres, il est remplacé par l'abbé Gaston Roussel, qu'il va retrouver quelques années plus tard à Versailles. Cette nouvelle nomination va prendre un tournant décisif dans sa carrière de musicien : "Là, j'ai pu réaliser mon rêve, fonder une maîtrise" et c'est ainsi que naît bientôt (1946) la "Manécanterie des Petits Chanteurs de Versailles", membre des Fédérations nationales et internationales des "Pueri cantores" (fondées par Mgr Maillet), qui va lui réclamer beaucoup de temps : "Ce n'est pas rien, faire chanter la polyphonie sacrée par des enfants du quartier qui n'ont aucune connaissance musicale. Mais le plus étonnant, et merveilleux, de ce métier, c'est de voir ce que l'on peut obtenir de tels gamins. Quelle récompense, un Ave verum ou un Cantique de Racine quand cela chante par des voix d'enfants ! Mais quel travail..." Cette formation, qui participe grandement à la liturgie des offices, acquiert très vite une renommée dépassant largement le diocèse, grâce à un vaste répertoire aussi bien religieux que profane, qui va la mener jusqu'aux Antilles, où en 1973 elle effectue une tournée triomphale. Durant ses presque quarante années passées à Notre-Dame de Versailles, Pierre Béguigné a fait découvrir à de nombreux "Petits Chanteurs" le grégorien, la musique palestrinienne, la polyphonie de la Renaissance, les chef-d'œuvres de Bach, les pages sublimes de Gabriel Fauré pour lequel d'ailleurs il avait une prédilection toute particulière, ainsi que les contemporains comme Poulenc et Honegger. Parmi ceux-ci, citons Dominique Vellard, fondateur en 1979 de l’"Ensemble Gilles Binchois", Bernard Lablaude, chef de choeur de l’"Ensemble Vocal Catovi Cantores" de Chatou, et directeur du "Vocal Jazz Ensemble" (jazz vocal polyphonique) et le romancier et essayiste Pierre-Robert Leclercq. Comme bon nombre de musiciens d'église, il avait été profondément affecté par les réformes liturgiques mal appliquées, survenues à la suite de Vatican II, regrettant amèrement l'époque ou la messe était "un concert de prières, de louanges..." ajoutant que "si la musique l'embellit, ce ne doit pas être plus désagréable à Dieu qu'aux fidèles... qui n'ont pas le mauvais goût qu'on leur prête... et leur impose si souvent!" Cependant, il n'était nullement contre l'évolution, estimant, à juste titre "Ce que je réprouve, ce n'est pas le changement — il faut toujours évoluer — c'est l'incompétence trop fréquente de ceux qui changent pour le plaisir de changer. Le maître de chapelle, formé pour l'être comme un menuisier pour faire de la menuiserie, n'était pas forcément un stérile conservateur. Au contraire ! D'ailleurs la musique doit beaucoup aux musiciens d'église. Voyez le Requiem de Duruflé. Et, pareillement, l'église doit à des musiciens qui ne lui étaient pas attachés. Reportez-vous à l'inspiration mystique d'un Poulenc. Et puis... tous les maîtres de chapelle n'ont pas écrit la Basoche et Véronique, mais Messager les aurait-il écrits s'il n'était passé par l'école des maîtres de chapelle ?" En 1980, après plus d'un demi-siècle passé au service de la musique, bien souvent dans l'ombre des tribunes, dans la discrétion et surtout avec un dévouement sans limite, Pierre Béguigné prenait sa retraite laissant sa baguette de direction des "Petits Chanteurs" et de maître de chapelle à Jean-François Frémont, toujours en poste de nos jours. Dix années plus tard, il était reçu chevalier dans l'ordre de Saint-Grégoire-le-Grand.
Longtemps domicilié rue Carnot à Versailles, Pierre Béguigné, amoureux de la nature et mycologue averti, fêtait ses 101 ans à la Maison de retraite de Saint-Louis où il s'était retiré. Trois semaines plus tard, il s'est éteint et ses obsèques ont été célébrées le 6 mars en cette église Notre-Dame qu'il avait si bien servie durant tant d'années. A cette occasion "ses" Petits Chanteurs ont notamment interprété avec beaucoup de ferveur le Pie Jesu et le Libera me extraits du Requiem de son cher Fauré, ainsi que le Salve Regina du même auteur, le Sicut cervus desiderat de Palestrina et le choral final de la Passion selon Saint Jean de Bach. Gageons que le vœu qu'il avait exprimé voilà près de trente ans : "Ce que je demande, au Ciel, c'est une petite place sur le banc d'orgue du père Bach... et être son tourneur de pages" a bien été exaucé!
Son cousin par alliance, Henri Chesnais, avocat et élève d'orgue d'André Isoir, est organiste titulaire de la cathédrale Saint-Vincent de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), depuis 1980.
Denis Havard de la Montagne
(Les citations en italique sont extraites d'un entretien avec le musicien réalisé par Pierre-Robert Leclercq et paru dans Le Monde du 18 janvier 1981. Nous le remercions de nous avoir autorisé à en faire usage ici. Notre gratitude va également à Mme Elisabeth Audier-Béguigné, pour avoir mis à notre disposition sa documentation familiale)
Compositeur de musiques de films, triplement oscarisé, Maurice JARRE nous a quittés le 29 mars 2009 à Los Angeles, à l'âge de 84 ans. Son nom restera à jamais attaché à quelques grands chefs-d'œuvre du 7e art : Lawrence d'Arabie (1962), Le Jour le plus long (1962), Le Docteur Jivago (1965), Paris brûle-t-il (1965), Le Cercle des poètes disparus (1989) et ses quelques 200 musiques de films écrites pour le cinéma ou la télévision au cours de sa longue carrière lui vaudront une célébrité mondiale. Tout le monde connaît la "chanson de Lara" du Docteur Jivago qui remporta à l'époque un énorme succès commercial! Installé en Suisse puis aux Etats-Unis dès le milieu des années soixante, il avait auparavant longuement collaboré avec Jean Vilar comme directeur musical du Théâtre National Populaire (T.N.P.) Pour lui dans une bonne musique ce qui comptait en premier lieu était "Les trois premières notes d'une mélodie, puis le rythme et l'harmonie. Après, tout est question d'équilibre, de liant comme en cuisine, de fluidité comme chez Mozart", ajoutant : "Je ne crois pas à l'improvisation. On ne se lève pas comme ça le matin avec toute une partition dans la tête. Stravinski disait : 'Un musicien est comme un bureaucrate qui doit se lever tôt le matin pour travailler.' L'inspiration vient ensuite." [cité in Le Figaro, 30 mars 2009]
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Maurice Jarre ( photo A. Choura, in Musica, février 1957 ) DR
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Né à Lyon (Rhône) le 13 septembre 1924, d'un père (André Jarre) ingénieur électricien, directeur technique à Radio-Lyon - auquel on doit l'invention du célèbre électrophone Topaz -, originaire de Chambéry (Savoie) et d'une mère lyonnaise (Gabrielle Boullu), Maurice, Antoine, Alexis Jarre commence par recevoir une formation d'ingénieur électricien, tout comme son père. Lui-même raconte que son attirance pour la musique était née, alors qu'il était enfant, à l'écoute d'un enregistrement de la 2ème Rhapsodie hongroise de Liszt par Léopold Stokowski. Mais, ce n'est qu'à l'âge de 18 ans qu'il débute sérieusement son apprentissage en intégrant en 1943 le Conservatoire de Paris. Là, il fréquente notamment les classes de Jacques de La Presle (harmonie), de Louis Aubert (orchestration) et de Félix Passerone (percussions). Il sera également un temps élève d'Arthur Honegger qui l'initie à la musique de films. On doit en effet à ce dernier de nombreuses musiques de films, composées dès 1922, notamment celles des Misérables de Raymond Bernard (1934), de Regain de Marcel Pagnol (1937) et du Capitaine Fracasse d'Abel Gance (1943). Plus tard, à la mort de son maître (1955), Maurice Jarre écrira une Passacaille à la mémoire d'Arthur Honegger pour orchestre (Festival de Strasbourg, 15 juin 1956). De 1946 à 1950, Maurice Jarre travaille aux côtés de Pierre Boulez pour la "Compagnie théâtrale Jean-Louis Barraud – Madeleine Renaud". En 1951, le metteur en scène Jean Vilar, fondateur et directeur du Festival d'Avignon, le demande pour son T.N.P. Cette collaboration va durer jusqu'en 1963 et au cours de cette période il remporte à deux reprises (1955 et 1962) le Prix Italia, ainsi que le Prix de la Société internationale de musique contemporaine (1962). Après sa première musique de scène pour la pièce de Franz Kafka (Le Gardien au Tombeau, 1948), il en compose de nombreuses autres pour le T.N.P., entre autres pour Lorenzaccio et Les Caprices de Marianne (Musset) , Don Juan, L'Avare, l'Impromptu de Versailles et L'Ecole des femmes (Molière), Macbeth (Shakespeare), Nucléa (Henri Pichette), Oedipe (Gide), Meurtre dans la cathédrale (Beckett), Marie Tudor (Hugo), La nouvelle Mandragore (Jean Vauthier), Le Carrosse du Saint-Sacrement (Mérimée), Le Mariage de Figaro (Beaumarchais), la Ville (Claudel)...., au total une quarantaine de musiques pour le théâtre. Dans les années cinquante, il écrit également des musiques de films, au début pour des courts métrages de Georges Franju, Georges Régnier, Alain Resnais, Guy Blanc notamment, puis pour des films avec La Bête à l'affût de Pierre Chenal et La Tête contre les murs de Georges Franju (1958). Dès l'année suivante, il est demandé pour une dizaine de films, parmi lesquels Les Drageurs de Jean-Pierre Mocky et La Main chaude de Gérard Oury. En 1960, le cinéma américain lui ouvre ses portes avec Drame dans un miroir (Crack in the mirror) de Richard Fleisher, mais la musique de Cybèle ou les dimanches de Ville d'Avray de Serge Bourguignon (1962) lui vaut d'être remarqué par le cinéaste britannique David Lean qui lui demande la même année d'écrire celle de Lawrence d'Arabie. Dès lors son succès va croissant et, après d'autres films avec Lean, les plus grands cinéastes le réclament : Darryl Zanuck (Le Jour le plus long, 1962), Fred Zinnerman (Et vint le jour de la vengeance, 1963), John Frankenheimer (Le Train,1963 ; Grand Prix, 1966 ; L'Homme de Kiev, 1968), Richard Brooks (Les Professionnels, 1966), Henry Hathaway (Cinq cartes à abattre, 1968), Alfred Hitchcock (L'Etau, 1969), Terence Young (Soleil rouge, 1971), John Huston (Juge et Hors-la-loi, 1972 ; Le Piège, 1973 ; L'Homme qui voulait être roi, 1975), Robert Stevenson (L'Ile sur le toit du monde, 1974), Elia Kazab (Le Dernier Nabab, 1976), Clint Eastwood (Firefox, 1982)...Installé aux Etats-Unis au cours des années soixante, après un séjour en Suisse il est revenu vivre définitivement à Los Angeles tout en continuant de signer de nombreuses autres musiques de films, notamment Witness de Peter Weir (1985), Ghost de Jerry Zucker (1990), L'Echelle de Jacob d'Adrian Lyne (1990), Le Jour et la nuit de Bernard-Henry Lévy (1996), Sunshine d'Istvan Szabo (1999), Je Rêvais de l'Afrique d'Hugh Hudson (2000). A trois reprises, il remporte l'oscar de la meilleure musique de film (Lawrence d'Arabie, Docteur Jivago, La Route des Indes), ainsi que quatre Golden Globe (Docteur Jivago, La Route des Indes, Gorilles dans la brume, Les Vendanges de feu). On lui doit également des musiques pour la télévision, entre autres la série télé Shogun de Jerry London (1979).
Si Maurice Jarre est connu pour ses musiques de films, pour lesquelles il possède à merveille "l'art du décor sonore", il a néanmoins composé des oeuvres majeures destinées au concert. Parmi celles-ci, notons plus particulièrement des ballets : Armida, Fâcheuse rencontre, Le Poète assassiné, Maldoror, Notre-Dame de Paris ; de la musique concertante : Concertino pour percussion (d'après le Divertissement n° 11 de Mozart), Mobiles pour violon et orchestre, Polyphonies concertantes pour piano, trompette, percussion et orchestre ; de la musique de chambre : Suite ancienne pour 4 timbales et piano, Couleurs du Temps pour 5 cuivres et percussion, Danses pour ondes Martenot et percussion ; une Cantate pour une Démente pour alto, choeur mixte et orchestre, et une comédie musicale : Loin de Rueil. En 2006, il avait fêté ses 50 années de carrière dans sa ville natale, à Lyon, avec un concert retraçant ses oeuvres les plus importantes et en 2009, année de sa dernière apparition publique en Europe, il recevait à Berlin un Ours d'Or pour l'ensemble de sa carrière.
Marié à Lyon en 1965 à Danielle Péjot, puis en 1965 dans le Nevada à la comédienne Dany Saval (de son vrai nom Danielle Savalle), Maurice Jarre laisse 3 enfants : le compositeur Jean-Michel Jarre, l'un des précurseurs de la musique électronique, Stéfanie Jarre, décoratrice, et Kévin Jarre, scénariste américain auquel on doit notamment Rambo II (1985) et La Momie (1999).
Denis Havard de la Montagne
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Marcel Merkès et Paulette Merval en 1955 dans Les Amants de Venise au Théâtre Mogador ( D.R. )
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Le 21 juin 2009 à Bordeaux, est décédée la soprano chanteuse d'opérettes, Paulette MERVAL, dans sa quatre vingt neuvième année. Avec son époux, Marcel Merkès, disparu en 2007, ils ont longtemps formé le "couple d'opérettes authentique" et ont donné, durant leur longue carrière, 11 000 représentations ensemble à travers la France entière, se produisant en moyenne une fois par jour au cours des années cinquante, période la plus glorieuse. Parmi leurs plus grands succès, notons Violettes impériales (Vincent Scotto), Les Amants de Venise (Paulette Zévaco, Vincent Scotto), Les Amours de Don Juan (Juan Morata), Vienne chante et danse (Jack Ledru, Johann Strauss), La Veuve Joyeuse (Franz Lehar)... En 1980 le couple Marcel Merkès-Paulette Merval effectuait une dernière tournée avec une nouvelle version de la très populaire opérette viennoise la Princesse Czardas du compositeur américain d'origine hongroise Emmerich Kalman (1882-1953).
Née le 3 novembre 1920 à La Roche-Chalais, aux confins de la Dordogne, de la Gironde, de la Charente-Maritime et de la Charente, Paulette Riffaud (Paulette Merval de son nom de scène), passe sa jeunesse à Aubeterre-sur-Dronne (Charente) et effectue ses études musicales au Conservatoire de Bordeaux, où elle suit les cours de violon et de chant. Sa sœur, Rolande Riffaud, fréquente également les classes de chant de ce même établissement, où elle obtient un prix d'opérette avant de faire une carrière parisienne au Théâtre Mogador. Mariée au baryton, metteur en scène de théâtre lyrique et directeur artistique du Grand Théâtre de Bordeaux (1970 à 1990) Gérard Boireau, elle abandonnera sa carrière au cours des années soixante. C'est dans ce conservatoire que Paulette Riffaud fait la connaissance de Marcel Merkès qu'elle épouse en 1939, à l'âge de 19 ans. En 1944, son prix d'opérette en poche, elle débute sa carrière à Bordeaux dans Rose-Marie, puis accompagne son mari à Paris, au Théâtre Mogador où ils sont tous deux engagés en 1947 pour une reprise de Rêve de Valse. Ce sera ensuite un succès considérable durant plusieurs décennies. Après la disparition d'Henri Varna (1969), directeur du Théâtre Mogador, le couple effectue maintes tournées en France, puis une dernière fois en 1973, monte sur les planches de Mogador pour la création parisienne de l'opérette Douchka de Charles Aznavour et Georges Garvarentz. A partir de 1979 et durant quatre années, c'est l'ultime tournée dans une quarantaine de villes avec la Princesse Czardas, puis, en 1986, un dernier spectacle de récital intitulé Nos Amours d'opérettes, offert (notamment à l'Olympia) par les deux artistes à leurs nombreux admirateurs restés fidèles durant toute leur longue carrière. En 1994, Paulette Merval et Marcel Merkès se retirent définitivement dans leur maison de la région bordelaise à Pessac.
On doit à Paulette Merval de nombreux enregistrements, la plupart du temps effectué en compagnie de son mari, parmi lesquels Monsieur Beaucaire, Michel Strogoff, Violettes impériales, No, No, Nanette, Les Cloches de Corneville, Les Amants de Venise, L'Auberge du cheval blanc, Princesse Czardas, Véronique, La Veuve joyeuse, Les Amours de don Juan, Au soleil du Mexique, La Danseuse aux étoiles, La Fille de Madame Angot...
Commandeur des Arts et des Lettres, chevalier de la Légion d'Honneur, Paulette Merval s'est éteinte dans la nuit des suites d'une longue maladie, deux années après la disparition de son mari. Ce couple mythique a assurément marqué de son empreinte l'histoire de l'opérette française.
Denis Havard de la Montagne
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