Le Panthéon des musiciens
De janvier 2015 à décembre 2015
Aldo CICCOLINI - Désiré DONDEYNE - Gérard CALVI - Paul PAREILLE - Lucienne DELVAUX - Franck FERRARI - Françoise PETIT - Serge COLLOT - Pierre CORTELLEZZI
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Aldo Ciccolini, vers 1954 ( DR. )
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Le
pianiste Aldo CICCOLINI s'est éteint le 1er février
2015 en région parisienne, dans sa maison d'Asnières-sur-Seine
(Hauts-de-Seine), à l'âge de 89 ans. Italien de par ses
origines, naturalisé Français en 1971 et installé
à Paris depuis 1949, il était devenu un ardent
défenseur de la musique de son pays d'adoption, sa deuxième
patrie, jouant les compositeurs les plus connus (Saint-Saëns,
Ravel, Debussy, Satie) mais aussi ceux injustement oubliés
(Alkan, Chabrier, de Castillon, de Séverac). Egalement
admirable interprète de Beethoven et de Liszt, soliste de
plusieurs grands orchestres symphoniques à travers le monde,
il s'était produit avec toute une pléiade de chefs
renommés, de Furtwängler à Zubin metha, en passant
par Giulini, Munch et Cluytens. Néanmoins il sut toujours
rester indifférent aux effets de mode et aux médias,
estimant que « l'artiste doit se faire oublier comme
entité physiologique ».
Né
à Naples (Italie), le 15 août 1925, Aldo Ciccolini
manifeste très tôt d'exceptionnelles aptitudes pour la
musique. Issu d'une noble lignée, les Ciccolini de Macerata,
son grand-père, le marquis Edoardo Ciccolini, lui enseigne
très tôt le respect des autres et la générosité,
ce dont il fera preuve toute sa vie durant. Son père,
typographe, passionné de musique et pianiste amateur de bon
niveau, lui fait prendre des leçons de piano dès l'âge
de cinq ans auprès de Maria Vigliarolo d'Ovidio.
« Merveilleuse pédagogue », c'est une
ancienne élève de Beniamino Cesi (1845-1905), lui-même
disciple de Thalberg. Elle lui fait notamment travailler la Valse
en la mineur, op. 34 n° 2, de Chopin, première valse
qu'il joue de sa vie et qui figurera parmi ses tout premiers
enregistrements en 1957. C'est d'ailleurs cette œuvre qu'il
interprète à 8 ans lors d'un récital donné
à Naples par l'Union de la Presse. A l'âge de 9 ans, en
1934, il entre au Conservatoire de Naples grâce à une
dispense d'âge obtenue par le directeur Francisco Cilea, le
compositeur d'Adrienne Lecouvreur. Il est admis dans la classe
de piano de Paolo Denza, disciple de Ferrucio Busoni et remarquable
interprète de Liszt, et travaille aussi l'harmonie, la fugue,
le contrepoint et l’orchestration avec Achille Longo. 1er prix
de piano en 1940 et de composition en 1943, il fait ses réels
débuts publics en 1941 au Théâtre San Carlo de
cette ville avec le Concerto en fa de Chopin, mais la guerre
stoppe pour un temps son cheminement et il s'engage dans les rangs
de la Croix-Rouge internationale. Au lendemain des hostilités,
afin de nourrir sa famille, il joue durant quelque temps dans des
bars, puis se voit confier en 1947 une classe au Conservatoire de
Naples, avant de se rendre à Paris en 1949. Dans la capitale
il perfectionne son art auprès de Marguerite Long, Alfred
Cortot et Yves Nat, et, sur les conseils de sa mère, s'inscrit
au Concours Marguerite Long-Jacques Thibaud. A son grand étonnement,
ce qu'il avouera lui-même plus tard, le 1er grand
prix lui est décerné avec l'interprétation
magistrale du premier Concerto de Tchaïkovsky, aux côtés
de Ventsislav Yankoff (ex aequo), Daniel Wayenberg (2ème
grand prix), Paul Badura-Skoda 3ème grand prix,
Youri Boukoff 4ème, Pierre Barbizet 5ème
et la pianiste française Monique Mercier, future professeur à
l'Ecole Normale de Musique de Paris, 6ème. Alors
inconnu en France à cette époque, encensé par la
critique, Aldo Ciccolini accède immédiatement au
succès. Bernard Gavoty, dans Le Figaro du 13 juillet
1949, écrit : « C'est une chose bien
émouvante que le début d'un jeune artiste. Et non pas
tant, peut-être, pour lui, qui commence, que pour d'autres qui
finissent. Si, l'autre soir, Asmodée avait soulevé le
toit de la salle Gaveau, à l'abri duquel douze cents mélomanes
suffoquaient, il aurait, certes, distingué beaucoup
d'enthousiasme. Mais il aurait aperçu aussi des visages que le
dépit enflammait : rivaux et rivales, jeunes et, surtout,
moins jeunes, qu'un succès aussi foudroyant élimine ou
menace, ils épiaient le phénomène, ils
considéraient dans le miroir d'une réussite le spectre
de leur déclin ou l'image de leur échec. Dieu, que la
nouvelle du talent se répand vite à Paris ! Absolument
inconnu il y a quinze jours, Aldo Ciccolini triomphe à un
concours de piano, et le voilà célèbre,
d'emblée. Qu'il se soit trouvé, un soir de juillet, une
foule pour acclamer ce jeune homme, c'est, par parenthèses, la
preuve que le concours Marguerite Long-Jacques Thibaud a, sur le plan
national et international, un retentissement considérable
[...] »
Commence
alors pour lui une carrière internationale qualifiée
d'éblouissante par d'aucuns. Dès l'obtention de son
prix,il part pour une tournée de huit mois, tout d'abord en
Amérique du Sud, où on l'acclame à Rio de
Janeiro, Buenos-Aires et Montevideo, puis aux Etats-Unis, où
il débute (1950) au Carnegie Hall avec l'Orchestre
philharmonique de New York dirigé par Dimitri Mitropoulos,
avant de jouer avec le Boston Symphony sous la direction de Charles
Munch à Cincinnati et à Chicago. Revenu en Europe pour
un séjour de 6 mois, il repart à nouveau pour les
Etats-Unis... En 1955, il donne son premier concert à la Scala
de Milan avec Lorin Maazel. Durant plusieurs années, à
chaque déplacement tant en Europe qu'à travers le monde
ce sera toujours un franc succès et de multiples ovations par
un public fidèle. Interprète des œuvres pour
piano de compositeurs français, il diffuse leur musique, la
faisant découvrir à bon nombre de mélomanes
étrangers. Le Prix de l'Académie Charles Cros lui est
remis en 1976 pour ses concerts Ravel. En 1971, il avait succédé
à Monique Haas dans sa classe de piano au Conservatoire
National Supérieur de Musique de Paris où il formera,
jusqu'en 1988, toute une génération d'artistes, parmi
lesquels on peut citer Jean-Marc Savelli, Yves Thibaudet,
Marie-Josèphe Jude, Nicholas Angelich. Contre « l'enseignement
qui a tendance à cloner les élèves, un chef
d'oeuvre peut supporter un nombre interminable de lectures »,
comme il l'avait déclaré lui-même à
Frédéric Menu lors d'un entretien en 2013, il voulait
« créer un rapport entre père et fils, entre
père et filles » avec ses élèves, ne
supportant pas l’appellation de « maître »,
préférant être appelé tout simplement
Aldo.
Avec
plus de cent enregistrements, Aldo Ciccolini laisse une imposante
discographie qui lui a valut plusieurs prix, dont celui de l'Académie
du disque français en 1972. Il a ainsi largement contribué
à mieux diffuser la musique française, avec notamment
une intégrale (1977, EMI) de Déodat de Séverac
pour lequel il avait une affection toute particulière au point
de vouloir reposer dans le cimetière de Saint-Félix-Lauragais,
à quelques mètres de sa tombe. Son vœux sera
exaucé. Il considérait Saint-Saëns comme « un
virtuose exceptionnel […], une sorte de Berlioz du piano »
(avril 2014, entretien avec Stéphane Friédérich).
Mais n'oublions pas qu'il jouait aussi Lizst, Mozart, Chopin ou
Debussy avec une extrême sensibilité et une technique
stupéfiante, allant « jusqu'à l'âme de
la musique » (Gavoty). Cela, en dehors du concert, se
perçoit aussi souvent dans ses enregistrements. Le label EMI a
sorti en 2009 un coffret de 56 CD regroupant tous ses enregistrements
pour cette maison de disques durant 40 ans de carrière, et ce,
pour un prix défiant toute concurrence (quelques dizaines
d'euros) ! Cette magnifique compilation permet de réécouter
le légendaire pianiste dans des genres bien différents.
On découvre ici des interprétations admirables que seul
Ciccolini était capable de nous donner. Aux côtés
des intégrales de Debussy, Massenet, Satie et de Séverac,
figurent des œuvres de Liszt (dont ses brillantes Harmonies
poétiques et religieuses, les Années de
pèlerinage et la Suite bergamasque), Ravel
(Concertos), Tchaïkovsky (Concerto n° 1, op.
23), César Franck (Les Djinns, Variations
symphoniques), d'Indy (Sur un chant montagnard), de Falla
(Nuits dans les jardins d'Espagne), Rameau, Couperin, de
Castillon, Chabrier, Fauré, Hahn, Mompou, Poulenc,
Saint-Saëns, Bach, Beethoven, Brahms, Mozart, Mendelssohn,
Schumann, Albéniz, Granados, Stravinski, Moussorgski,
Rachmaninov, Borodine, etc... En 2013, alors âgé de 88
ans, il avait effectué son ultime enregistrement pour le label
La Dolce Volta (distribué par Harmonia mundi) avec « 13
Valses » (Chabrier, Chopin, Pierné, Grieg, Satie,
de Séverac, Schubert, Debussy, Massenet , Sibelius,
Fauré, Brahms, Tailleferre) et se produisait encore en récital
(Amsterdam et Lerida en Espagne, puis en juin 2014 tournée au
Japon avec le Concerto « L'Egyptien » de
Saint-Saëns à Ozaka). Encore quelques semaines avant sa
mort, Aldo Ciccolini travaillait inlassablement son piano : « Tous
les jours, je travaille, et parfois même la nuit. J'ai la
chance énorme, horrible, d'être insomniaque, pour moi le
sommeil est une vue de l'esprit. J'attends le sommeil éternel
et, profitant de l'instant, je préfère travailler. »
(novembre 2014, entretien avec Philippe Cassard). Il avait mis un
point d'honneur à transmettre son art à son neveu et
élève le pianiste italien Antonio Di Palma, professeur
et directeur adjoint du conservatoire Domenico Cimarosa d'Avellino
(Italie). Ses obsèques ont eu lieu le 6 février 2015 en
l'église de La Madeleine, à Paris 8e, là
même où Saint-Saëns, qu'il vénérait
tant, avait autrefois touché le grand-orgue.
Denis
Havard de la Montagne
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Désiré Dondeyne en 1985 ( photo collection Vandoren-Paris, avec leur aimable autorisation ) DR
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Le 12
février 2015 à l'hôpital Percy de Clamart
(Hauts-de-Seine) est décédé le chef d'orchestre,
compositeur et clarinettiste Désiré DONDEYNE
dans sa quatre-vingt-quatorzième année. « Véritable
monument dans le monde des orchestres à vents »,
comme l’écrivait Francis Pieters en 2002, notamment de
par ses nombreux enregistrements avec la Musique des Gardiens de la
Paix, édités et réédites dans plusieurs
pays, il est considéré comme un pionnier de la musique
pour orchestre d'harmonie en France, dont il rénove le
répertoire. Il avait d'ailleurs écrit spécialement
à l'intention de ces formations un Nouveau Traité
d’orchestration à l'usage des harmonies, fanfares
et musiques militaires, pour faire suite au Traité
d'instrumentation et d'orchestration de Gabriel Parès (en
collaboration avec Frédéric Robert, 1969, Lemoine,
réédité en 1992 et en 1999 par les Éditions
Robert Martin), qui est rapidement devenu une référence
pour les compositeurs et chefs d'orchestre d'harmonie. Très
préoccupé par l’élargissement de la
culture musicale auprès des jeunes et des moins jeunes, il
avait écrit ou réécrit un grand nombre de
transcriptions de qualité dans le but de leur faire découvrir
les œuvres faisant partie du patrimoine musical (Bach,
Delalande, Haendel, Mozart, Schubert, Brahms, Berlioz, Wagner,
Rimsky-Korsakov, Chabrier, Tailleferre, Boisvallée, Tomasi,
Calvi...), évitant ainsi aux orchestres d'harmonie de se
cantonner dans un répertoire uniquement écrit pour leur
formation. Contrairement à certaines transcriptions dont la
qualité laisse parfois à désirer, il se faisait
un devoir de ne pas « défigurer la musique de
nos grands Maîtres », comme lui-même l'avait
déclaré un jour à Guy Dangin (in Journal de
la CMF, n° 5245, août 2006). Président de
l'Union des Fanfares de France, Conseiller technique et culturel à
la Confédération Musicale de France (CMF), il laisse un
vaste catalogue d’œuvres principalement destinées
aux orchestres d'harmonie, avec des incursions plus classiques dans
la musique de chambre.
C'est à
Laon (Aisne) que Désiré Dondeyne voit le jour le 21
juillet 1921. Son père, Charles Dondeyne, est alors aiguilleur
au dépôt de Lens (Pas-de-Calais) et la famille habite
dans la Cité des cheminots des Chemins de fer du Nord à
Avion. Dès l'âge de 7 ans, il est initié à
la musique par M. Dantin à la petite école des chemins
de fer qui lui apprend le solfège et la clarinette.
Visiblement doué et dépassant rapidement son maître,
il est envoyé au Conservatoire de Lille, où il obtient
en 1936 un 1er prix de clarinette dans la classe de Ferdinand Capelle
(1883-1942), un ancien élève d'Henri Lefèbvre
(1867-1923, soliste à l'Opéra de Paris) et excellent
professeur qui enseignait également dans les conservatoires de
Roubaix et de Genève (Suisse), tout en dirigeant l'Harmonie et
la Chorale municipales de Lille. A cette époque, il fait la
connaissance d'une certaine Micheline Clarisse qui tient l'harmonium
de la petite église Saint-Eloi construite dans la Cité
des cheminots ; il l'épousera plus tard, en 1943 à
Avion. Entre temps, en octobre 1938 il entre au Conservatoire
National Supérieur de Musique de Paris et en 1939 il est admis
comme clarinette solo à la Musique de l'Air créée
quelques années auparavant. Mais, cette même année
voit la déclaration de guerre et, durant les hostilités,
il est obligé de se replier à Toulouse avec cet
orchestre. Il restera dans cette formation militaire jusqu'en 1954. A
la Libération, la Musique de l'Air ayant réintégré
la capitale, il peut reprendre ses études musicales au
Conservatoire et, entre 1945 et 1951, il décoche 7 premiers
prix : solfège, clarinette (classe d'Auguste Perrier) et
musique de chambre (classe de Fernand Oubradous) en 1945, harmonie
(classe de Tony Aubin) en 1947, contrepoint (classe de Jean Gallon)
en 1948, fugue (classe de Noël Gallon) en 1950 et composition
(classe de Darius Milhaud) en 1951. De ces années date sa
longue amitié avec le compositeur et lauréat du Prix de
Rome Serge Lancen (1922-2005), son condisciple dans la classe de Tony
Aubin : il lui fera découvrir la musique d’harmonie
pour laquelle il se consacrera pleinement au début des années
soixante et écrira par la suite bon nombre d'oeuvres destinées
à ce genre musical. A la mort de son condisciple, Désiré
Dondeyne lui rendra un ultime hommage en composant en 2006 un Hommage
à Serge Lancen écrit pour orchestre d'harmonie. En
1985 Serge Lancen avait été élu membre du bureau
directeur de la World Association for Symphonic Bands and Ensembles
(WASBE) alors que Désiré Dondeyne en était de
son côté membre d'honneur et président de la
section française.
Après
le Conservatoire, Désiré Dondeyne fréquente
quelque temps la classe de Jean Fournet à l'Ecole Nationale de
Musique (ENM) afin de se perfectionner dans la direction d'orchestre
et, en 1954, il succède à Félix Coulibeuf à
la tête de la Musique des Gardiens de la Paix, prestigieuse
formation qu'il dirigera durant un quart de siècle (1979)
avant de laisser la baguette à Claude Pichaureau. Grâce
à lui, cette formation conquiert rapidement une renommée
internationale et elle enregistre plusieurs disques au fil des années
pour les labels Fontana, Erato, Philips, Chappel, Decca, Colisée
et Arion, parmi lesquels on découvre, entre autres, une
intégrale des œuvres pour harmonie de chambre (1979, ARN
336019), des grandes marches militaires (1971, Colisée
6450008), Paris en 1900 (1966, Decca SKL 30182 et 30183) et la Grande
symphonie funèbre et triomphale de Berlioz (1958, Erato LDE
3078). Elle ne se cantonne plus aux cérémonies et
réceptions officielles parisiennes, se produisant aussi un peu
partout en concert, même à l'Olympia. Plus tard, le 17
février 2002, la Musique des Gardiens de la Paix, sous la
direction de son nouveau chef Philippe Ferro, pour fêter le
jubilé de leur ancien chef lui rendront hommage en exécutant
en première mondiale sa 4e Symphonie et son Concerto
pour trompette (avec Pierre Dutot), ainsi que son Concerto
lyrique pour saxophone alto (avec Daniel Gremelle), sa pièce
musicale pour clairon, trompette de cavalerie et batterie-fanfare
Iolades et son orchestration d'Un Américain à
Paris de Gershwin. En 1980, Désiré Dondeyne est
nommé directeur du Conservatoire d'Issy-les-Moulineaux
(Hauts-de-Seine) qu'il va diriger jusqu'en 1986 et auquel il fera don
en 2011 de son fonds musical (10 mètres linéaires
d'archives). Pour le remercier d'avoir largement contribué au
développement de son Conservatoire, la Ville baptisera de son
nom la bibliothèque construite lors de l'extension de cette
institution (2012) où notamment la pratique de l'orchestre
d'harmonie est maintenant enseignée.
Désiré
Dondeyne tient une place importante dans l'histoire de la musique
pour orchestre d'harmonie-fanfare d'après guerre pour laquelle
il a écrit un nombre d'oeuvres impressionnant. Son catalogue,
fort riche avec près de 300 opus (dont la moitié sont
des arrangements) composées durant plus d'un demi-siècle,
comporte également des pages pour des formations plus
classiques, notamment de la musique de chambre : Cantabile
et Capricio pour
trombone et piano (Leduc), Uranus
pour trombone et piano (R. Martin), Suite
pour 4 trombones (Reift), 5 Pièces
courtes pour jeunes tubistes
pour tuba et piano (Billaudot), Terre
pour tuba et piano (R. Martin), Pour
se divertir et Pour
se distraire pour 4
bassons (Billaudot), Chanson
espagnole pour
hautbois et piano (Editions Musicales Transatlantiques), Io
pour la même formation (R. Martin), Jupiter
pour trompette et piano (R. Martin), Lune
(id.), Mars
(id.), Mercure
pour saxophone et piano (R. Martin), Pluton
(id.), Saturne
(id.), Pallas
pour cor et piano (R. Martin), Sonatine
pour saxhorn et piano (EMT), Symphonie
concertante pour
saxhorn et orchestre (Chappell), Concertino
pour clarinette et piano (Leduc), Ritournelle
pour clarinette et piano (Billaudot), Suite
tocellane (id.),
Neptune
pour clarinette et piano (R. Martin), Vénus
(id.), Vesta
(id.), Sonatina
pour clarinette et piano (Combre), Petite
suite pastorale
pour 5 clarinettes (Billaudot), Pièces
brèves pour
2 clarinettes (EMT), 9
Grands duos
concertants pour
deux clarinettes (EMT), Quintette
pour clarinette et quatuor à cordes (Billaudot), Symphonie
n° 2 pour 6 clarinettes (Billaudot), Triptyque
pour clarinette et orchestre à cordes (EMT), Légendes
pour 2 flûtes (EMT), Concerto
pour harpe et quatuor à cordes
(inédit), Prélude
pour violoncelle et
piano (R. Martin), 10 Voyages
imaginaires pour
saxophone alto, 2 violons, harpe, violoncelle et orchestre à
cordes (Combre). Quant aux pièces pour orchestres d'harmonie
et fanfares, elles touchent divers genres : musique
orchestrale (dont de nombreux arrangements), musique concertante,
ensembles instrumentaux ainsi que des choeurs. Pour la liste complète
et détaillée de ces œuvres nous renvoyons nos
lecteurs au livre que Francis Pieters consacre à Désiré
Dondeyne (2008, Editions Musikverlag Kliment, Vienne, disponible aux
Editions Robert Martin à Charnay-les-Mâcon,
www.edrmartin.com).
Cet ouvrage de 252 pages présente aussi sa discographie,
là-encore très abondante depuis les années
cinquante. Mentionnons ici la parution en 2008 d'un double CD
considéré comme un événement pour la
musique d'harmonie en France : Masterpieces
by Désiré Dondeyne,
par la Musique des gardiens de la Paix placée sous la
direction de Philippe Ferro (CD Molenaar MCB 31.109572,
www.molenaar.com).
Cet album comprend : Deux
Danses :
Sarabande,
Pantomime
(1959), Ouverture
pour un festival
(1962), Ballade
pour une fête populaire
(1967), Symphonie n°
4 (1968-2000), In
memoriam : Stravinsky
(1971), Ouverture
Ballet (1979),
Trois pièces
caractéristiques
(1984), Hommage à
Serge Lancen (2006)
et une interview du compositeur. Ajoutons enfin qu'on lui doit
également, en plus de son Traité
d’orchestration,
d'autres ouvrages pédagogiques avec des livres de Déchiffrages
pour tous instruments (9 niveau préparatoire, 13 niveau moyen
et 12 niveau supérieur) parus chez Billaudot, et chez le même
éditeur une série de 11 volumes de Pédagogie
des ensembles de clarinettes.
Pour l'ensemble de son œuvre désiré Dondeyne
recevra plusieurs récompenses, parmi lesquelles le Prix
Gabriel Parès de la Sacem, le Prix de la Musique symphonique
légère de la Sacem et le Prix de composition au
Festival de Toulon.
Président
de l'Union des Fanfares de France, membre du comité d'honneur
de l'Ordre National des Musiciens, chevalier de la Légion
d'honneur, officier des Arts et des Lettres ainsi que des Palmes
Académiques, Médaille militaire, Désiré
Dondeyne laisse six enfants, dont Marc Dondeyne, chef d'orchestre,
qui enseigne sa discipline au Conservatoire Gabriel Fauré des
Lilas (Seine-Saint-Denis). Ses obsèques ont été
célébrées le 19 février en l'église
Saint-Etienne d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), ville où
il résidait depuis l'après guerre, avec la
participation de la Musique des Gardiens de la Paix qui ont
interprété une de ses œuvres ainsi qu'un extrait
du Requiem de Mozart qu'il avait arrangé lui-même
pour choeur et orchestre d'harmonie (R. Martin).
Autres enregistrements disponibles.
Denis
Havard de la Montagne
Gérard CALVI (1922-2015)
Article et illustrations sur cette page de la section des Prix de Rome.
Le
saxophoniste Paul PAREILLE s'est éteint le 28 avril
2015 à Nice, dans sa 89ème année. Ancien
président de l'Association Internationale pour l'Essor du
Saxophone (A.P.E.S.), professeur de saxophone, directeur de
conservatoire, il avait fondé le « Quatuor d'anches
français », une formation unique et originale
composée de son instrument et des trois instruments à
anches de l'orchestre (hautbois, clarinette et basson). Celle-ci, qui
avait rapidement recueilli l'enthousiasme du public et de la
critique, a été à l'origine de bon nombre de
créations d’œuvres spécialement écrites
à son intention. Son ensemble instrumental (12 cordes), créé
plus tard, obtiendra aussi un réel succès avec plus de
200 concerts et animations. Mais, si Paul Pareille s'était
spécialisé dans le répertoire classique, ses
connaissances musicales et son goût pour les découvertes
le poussèrent également à faire des incursions
dans la musique de jazz, qu'il enseignera, et dans la variété.
C'est ainsi qu'il eut l'occasion de jouer notamment avec l'orchestre
de musique latine américain Benny Bennet, l'orchestre tropical
de Henri Rossotti et celui d'Eddy Warner, ou encore de se produire au
sein d'orchestres au Lido, à l'Olympia, au Moulin Rouge, au
Gaumont Palace, au Casino de Paris pour accompagner, entre autres
vedettes, Gilbert Bécaud, Charles Aznavour, Pierre Perret,
Enrico Macias et Johnny Hallyday. En juin 1964, il avait effectué
une tournée en Suède avec Marlène Dietrich.
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Paul Pareille
( Fragment photo Studio Théo Phil, 1974 ) DR
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Né
le 4 mai 1926 à Tannay, dans le département de la
Nièvre, Paul Pareille, attiré dans son adolescence par
le saxophone, l'étudie sérieusement à partir de
1947 auprès de Marcel Josse, enseignant alors au Conservatoire
de Versailles et membre depuis 1945 (alto) du « Quatuor de
saxophones Marcel Mule ». Entré au début des
années cinquante dans la classe de ce dernier au Conservatoire
de Paris, il en ressort en 1952 avec un 1er prix (avec Guy Lacour),
ainsi qu'une 1ère médaille de musique de chambre
obtenue dans la classe de Fernand Oubradous. C'est dès cette
époque que commence sa longue carrière d'enseignant,
menée parallèlement à ses activités
d'interprète, avec sa nomination sur concours de professeur de
saxophone au Conservatoire d'Amiens, alors dirigé par Charles
Jay. En 1963, sur sa demande sera créée dans cet
établissement une classe de jazz, et en 1969 il quitte Amiens
pour fonder et prendre la direction du Conservatoire municipal de
musique, de danse et d'art dramatique de Chatou, en banlieue
parisienne, où il dirige également la Société
de musique. Afin d'approfondir ses connaissances pédagogiques,
il obtient en 1971 le certificat d'aptitude de musique de chambre
pour les Conservatoires nationaux de région. En 1985 il est
nommé directeur des études au CNR de Nice, adjoint du
directeur André Peyrègne.
Comme
interprète, sa carrière débute en 1953 lorsqu'il
est reçu premier sur concours à la Musique de l'Air de
Paris, unité de prestige créée en 1936 réclamant
un haut niveau de technicité, alors dirigée par Robert
Clérisse. Il restera longtemps dans cet orchestre au sein
duquel, succédant à Lucien Corbière (baryton),
il joue durant quelque temps avec le « Sax Quartet de
Paris », en compagnie de Robert Letellier (soprano), son
fondateur et directeur, Rémy Violeau (alto) et Gaston Lavoye
(ténor), tous 1er prix du Conservatoire de Paris, qui se
produisent aussi en concerts à la radio, ainsi qu'en tournées
en France, Hollande, Belgique, Suisse et Allemagne. Avec cette
formation il enregistre au début des années soixante un
disque d'airs célèbres de la musique de genre (45
tours, Teppaz 45.589 S.), sous le titre de « 4 Saxophones
s'amusent... » comportant 4 œuvres : Danse du
sabre (Katchaturian), Danse des violons (Maurice et
Faustin Jeanjean), Polka valaisane (Robert Clérisse) et
Menuet (Boccherini). A partir de 1964, il est aussi parfois
réclamé pour effectuer des tournées tant en
France qu'à l'étranger avec le Quatuor de saxophones
Marcel Mule, mais c'est quatre ans plus tard, avec la création
de son « Quatuor d'anches français »
qu'il va pouvoir donner pleinement toute sa mesure (à ne pas
confondre avec le « Quatuor d'anches de Paris »,
formé et dirigé à la même époque
par André Beun, saxophone alto, avec Alain Prottin, hautbois,
Gilbert Monier, clarinette et Michel Aucante, basson). Composé
de Jacques Vandeville (hautbois), Jean-Claude Brion (clarinette),
Daniel Neuranter (basson) et lui-même au saxophone, cette
formation a « pour but de pouvoir incorporer son
instrument dans un ensemble de musique de chambre autre que le
quatuor de saxophones classique. » Près de 200
concerts, dont certains diffusés à la radio, vont être
donnés par cet ensemble, devenu rapidement soliste à
l'O.R.T.F., qui reçoit en 1969 le Grand Prix d'Honneur au
Concours international de musique de chambre de Colmar. Une vingtaine
d’œuvres originales sont écrites à son
intention et créées par ses soins, parmi lesquelles on
peut citer :
Trois
mouvements pour quatuor d'anches
de Denise Roger (Ed. EFM-Technisonor, 1974), Dialogue
d’anches
de Jacques Bernard (Ed. EFM-Technisonor, distribution Billaudot,
1974), Silences
de Monic Cecconi-Bottela (1972), créé en mars 1973 à
La Garenne-Colombes, [du même compositeur : création
de Hommage
à...,
pour 2 quatuors à cordes et un quatuor d'anches (Ed.
EFM-Technisonor) le 13 mai 1974 avec l'ensemble «
L'Itinéraire », sous la direction de Boris de
Vinogradov], Les
Trois Mousquetaires
de Pierre Max Dubois (Leduc, 1966) [pour la circonstance le « Quatuor
d'anches français » est alors composé de
Paul Pareille, Yves Pruède, hautbois, Jacques Niopel
clarinette et André Blandinière, basson], Hevel
II de
Marcel Goldmann (Ed. EFM-Technisonor, distribution Billaudot, 1974),
Nocturne,
op. 10
(1970) d'Aubert Lemeland, brève composition en un mouvement :
Lento molto espressivo, (première audition en juin 1971 au
Festival d’Epernay, pour Radio France), Cinq
Portraits et une Image
(1974) d'Alain Louvier, création au IVe Congrès mondial
de saxophone à Bordeaux le 6 juillet 1974 (Leduc). Lors de ce
congrès le « Quatuor d'anches français »
interprète également à nouveau Silences
de Monic Cecconi et Kuklos
(trois
parties : Yin,
Yang,
Fécondation)
de Daniel Meier (Ed.
EFM-Technisonor). La même année, il enregistre pour les
Editions Françaises de Musique (EFM 011) un disque 33 tours
avec les œuvres pré-citées de Cecconi, Goldmann,
Lemelan et Meier, dont la critique soulignera plus particulièrement
« ces pages juxtaposant les chaudes sonorités du
saxophone à la famille traditionnelle des instruments à
anches [… avec] une belle qualité interprétative »
(Michel
Louvet, in Le
Courrier musical,
n° 48 de 1974).
On lui doit encore l'enregistrement de la cantate Liberté
de Roger Calmel.
En
1971, Paul Pareille participe activement à la création
du Festival en Champagne (à Epernay) ayant pour thème
« Musique pour instruments à vent » et
placé sous le haut-patronage du Ministère des Affaires
culturelles. Il a ainsi l'occasion de s'exprimer sur les radios
France-Musique et France-Culture, aux côtés du
musicologue Guy Erismann, de Georges Léon, l'historien de
Ravel et de François Serrette, compositeur et producteur à
Radio-France. Plus tard, en 1976, il fonde l'« Ensemble
instrumental Paul Pareille » composé de 12 cordes
et subventionné par la Direction de la musique, de l'art
lyrique et de la danse du Ministère de la culture. Avec
Berthilde Dufour pour violon solo (actuel premier violon solo de
l'Orchestre régional de Cannes, Provence, Alpes, Côte
d'Azur), cet ensemble va se produire en concerts à 212
reprises.
Longtemps
soliste de Radio-France avec le nouveau Quatuor de saxophones de
Paris et le Quatuor d'anches français, membre du jury au
Conservatoire national supérieur de musique de Paris, et des
Concours centralisés pour la nomination des professeurs dans
les Conservatoires nationaux et de région, Chevalier de
l'Ordre national du mérite, Paul Pareille a succombé à
une leucémie foudroyante à Nice, où il s'était
retiré avec sa famille. Ses obsèques ont été
célébrées le lundi 4 mai 2015 à Tannay,
sa ville natale.
Denis
Havard de la Montagne*
*
nos vifs remerciements pour leur contribution à MM.
Jean-Claude Brion, clarinettiste et Jean-Marie-Paul de l'entreprise
parisienne de facture instrumentale Vandoren (www.vandoren-fr.com)
chez laquelle il est possible de trouver les partitions pré-citées.
Lucienne Delvaux (1916-2015)
|
Franck Ferrari ( Photo X... ) DR
|
Le 18
juin 2015 à Nice (Alpes-Maritimes) est décédé
dans sa cinquante-troisième année le baryton Franck
FERRARI. Emporté prématurément par la
maladie, il a néanmoins marqué le monde de l'opéra
au sein duquel sa présence sur scène et sa voix
puissante étaient hautement appréciées. Venu
tardivement à la musique, cet ancien sportif, « premier
buteur de la Côte d'Azur » (1974) dans la catégorie
minimes à l'Olympique Gymnaste Club de Nice, ceinture marron
de karaté, passionné par la géologie et les
mathématiques, et autrefois pompier volontaire, avait
découvert sa « fabuleuse voix de baryton »
à l'âge de 21 ans. Cela ne l’empêchera pas
d'effectuer une brillante carrière internationale qui va le
conduire de l'Opéra de Paris au Met de New York en passant par
la Scala de Milan. Scarpia dans la Tosca (Puccini) et
Escamillo dans Carmen (Bizet) seront ses rôles préférés
qu'il va chanter dans le monde entier.
Né
le 12 janvier 1963 à Nice dans une famille d'origine
italienne, d'un père boxeur et d'une mère capitaine de
l'équipe de basket de Nice, Franck Ferrari débute très
jeune la pratique du sport, souhaitant faire une carrière de
footballeur professionnel. Entre temps, à 18 ans il s'engage
dans les parachutistes, ce qui le mène jusqu'au Liban. Revenu
dans sa ville natale, afin de payer ses études il se fait
engager comme figurant à l'Opéra municipal ; c'est
là qu'il découvre le monde musical qui le fascine
rapidement. Sa belle voix de baryton est très tôt
repérée par le ténor français d'origine
australienne Albert Lance (1925-2013) qui le prend dans sa classe de
chant au Conservatoire de Nice. Dans cet établissement, où
il entre à l'âge de 21 ans, il côtoie dans les
classes, entre autres dans celle de solfège, des élèves
bien plus jeunes que lui, mais cela ne l'empêche pas, au bout
de 6 années d'études, de décrocher un premier
prix de chant et d'art lyrique. Deuxième Prix d'opéra
au Concours international de chant de Marmande (en 1991 et en 1992),
premier prix à celui de Marseille (en 1993), il décide
alors de faire carrière non plus dans le sport mais dans la
musique, sous les auspices de son professeur ainsi que ceux de Jean
Giraudeau. Il se perfectionnera auprès du pianiste américain
spécialisé dans l'accompagnement vocal Dalton Baldwin,
de la professeur de chant américaine Lorraine Nubar dans son
Académie internationale d'été de Nice, et de la
soprano roumaine Ileana Cotrubas. Dès ses débuts sur
scène, il est remarqué et salué par la critique
avec ses premiers rôles mozartiens dans Les noces de Figaro
(Figaro) et Don Giovanni (rôle-titre). Ce sera
ensuite l'opéra italien : Malatesta dans Don Pasquale
(Donizetti), Belcore dans L'Elixir d'amour (Donizetti),
Marcello dans La Bohème (Puccini, Opéra de
Paris, 2006), Scarpia dans La Tosca (Puccini, Opéra
Paris-Bastille, 2007 et 2011, Nice, 2008, Toulouse, 2011, Strasbourg,
2013, Berlin, 2014), Amonasro dans Aïda (Verdi, Grand
Théâtre de Bordeaux, mars 2006), Nabucco (Verdi,
Opéra de Nice), Paolo dans Simon Boccanegra (Verdi,
Opéra de Paris, 2006), Miller dans Luisa Miller (Verdi,
Opéra Paris-Bastille, mars 2011). Le répertoire
d'opéras français est également abordé
avec Massenet (Albert dans Werther), Gounod (Ourrias dans
Mireille, Opéra de Paris, septembre 2009, Chorégies
d'Orange, 2010) et sa voix de baryton au timbre sombre avec une large
tessiture lui permet de faire des incursions dans un répertoire
plus léger avec notamment les quatre personnages diaboliques
et inquiétants des Contes d'Hoffmann d'Offenbach (Opéra
Paris-Bastille, mai 2010 et septembre 2012, Zurich, 2011) et La
Mélodie du Bonheur de Richard Rodgers (rôle du
Capitaine von Trapp, Opéra de Metz, décembre 1998).
A
l'Opéra Garnier (Paris), auquel il reste attaché durant
20 ans, il chante pour la dernière fois le 12 septembre 2013
dans Alceste de Gluck (rôle d'Hercule), sous la
direction de Marc Minkowski. Il y avait fait ses débuts en
1994 dans le rôle de Morales dans Carmen (Bizet) qu'il
reprendra notamment à l'Opéra de Paris-Bastille en
janvier 1999. Il aurait dû y interpréter celui d'Hercule
dans Alceste (Gluck) en juin 2015 et à la rentrée
de la saison 2015-2016 ceux de Jupiter dans Platée
(Rameau) et du Comte Gormas dans Le Cid (Massenet). Son rôle
vedette d'Escamillo, qu'il avait chanté en France sous la
conduite de Jean-Claude Casadesus et Michel Plasson, l’emmènera
au Hollywood Boll de Los Angeles et au Teatro Regio de Turin. Aussi à
son répertoire le rôle de Capulet dans Roméo
et Juliette de Gounod (Scala de Milan, 2011), le rôle-titre
d'Oedipe de Georges Enesco au Théâtre du Capitole
(Toulouse, octobre 2008), sous la direction de Nicolas Joel, le rôle
de Gollaud dans Pelléas et Mélisande de Debussy
(Opéra de Paris, 2005), ainsi que ceux de Lescaut (Manon,
Puccini, Opéra Paris-Bastille, avril 2004 et janvier 2012),
Thoas (Iphigénie en Tauride, Gluck, Opéra de
Paris, mai 2008), Karnac (Le Roi d'Ys, Lalo), Verrina
(Fiesque, Lalo), Valentin (Faust, Gounod), Enrico
(Lucia di Lammermoor, Donizetti), Germont (La Traviata,
Verdi), Sharpless (Madame Butterfly, Puccini, Opéra
Paris-Bastille, janvier 2009), Alfio (Cavalleria Rusticana,
Mascagni), Chorébe (Les Troyens, Berlioz, Opéra
Paris-Bastille, 2006), Ramiro (L'Heure espagnole, Ravel),
Marc-Antoine (Cléopâtre, Massenet), Napoléon
(Madame Sans-Gêne, Giordano), Hamilcar (Salammbô,
Philippe Fénelon), Talbot (Marie Stuart, Donizetti),
Athanaël (Thais, Massenet, Opéra de Toulon, octobre
2010), Gaspard (Der Freischütz, von Weber, Opéra
Nice-Côte d'Azur, novembre 2013). Il avait également
contribué à faire renaître des opéras
tombés dans l'oubli comme l'Etienne Marcel de
Saint-Saëns ou l'Arlésienne de Cilea (Festival de
Radio France). Si la plupart des scènes françaises
accueillirent Franck Ferrari, bien d'autres mondiales le reçurent
au cours de sa trop courte carrière de chanteur : le
Liceu de Barcelone, le Teatro Real de Madrid, le Wiener Staatsoper,
le Deutsche Oper de Berlin, le Grand Théâtre de Genève,
l'Opéra de Lausanne, le Teatro Carlo Felice de Gênes,
l'Opéra de Washington, le Metropolitan Opera de New York,
l'Opéra de Toronto... En mars 2014, déjà atteint
par la maladie, il n'avait pu chanter le rôle-titre du Roi
Arthus de Chausson programmé à l'Opéra
National du Rhin.
Travailleur
acharné, se considérant comme un « artisan
de la musique », sa carrière écourtée
ne lui a pas laissé le temps d'aborder les plus grands rôles
verdiens comme Macbeth, Rigoletto ou encore Posa (Don Carlos),
bien qu'il s'était déjà frotté avec
succès à de tels rôles avec Renato du Bal
masqué (Opéra Paris-Bastille, avril 2009) ;
assurément, il aurait brillé. En juin 2006, lors de la
remise des insignes de chevalier de l'Ordre des arts et des lettres
par le Ministre de la culture et de la communication Renaud Donnedieu
de Vabres, celui-ci avait très justement souligné la
« qualité de [sa] voix, une diction et une
musicalité impeccables » et au moment de sa
disparition Ivan A. Alexandre, de Diapason, soulignait quant à
lui ce « solide gaillard toujours guilleret, d'une
gentillesse à la mesure de sa gouaille fièrement
provençale. »
Ce
« rocker lyrique au cœur tendre » (Alain
Duault dixit en 2012) affectionnait aussi particulièrement la
mélodie française (Duparc, Ibert, Ravel) ; c'est
ainsi qu'il a enregistré en 1997-1998 pour le label Maguelone
digital records (MAG 111.120), et en première mondiale, les
mélodies de Jacques Ibert accompagné par Dalton
Baldwin. Mais, en dehors de cet enregistrement, très pris par
ses multiple activités, il n'avait guère encore eu le
temps de se consacrer pleinement au disque : on n'a de lui que
deux autres enregistrements (public) réalisés
respectivement en 2008 et en 2011 à l'Opéra Berlioz-Le
Corum de Montpellier : Le Duc d'Albe de Donzetti, dans
lequel il chante le rôle-titre aux cotés d'Inva Mula
(Hélène), Arturo Chacon-Cruz (Henri), le Choeur de la
Radio-Lettone et l'Orchestre de Montpellier Languedoc-Roussillon,
sous la direction d'Enrique Mazzola (coffret 2 CD Accord, 480 845),
et Fiesque, l'opéra de Lalo (rôle de Verrina),
avec Roberto Alagna (Fiesque), Béatrice Uria-Monzon (Julie)
accompagnés par les mêmes formations vocale et
instrumentale dirigées par Alain Altinoglu (coffret 2 CD
Deutsche Grammophon 476 454-7). Rappelons enfin qu'en 2011 à
Nice il avait créé avec son épouse Véronique
Ferrari la très active Société Vocalia,
spécialisée dans les arts du spectacle lyrique, mais
que celle-ci avait dû fermer ses portes en mars 2015, la
maladie l'ayant obligé à se défaire de toutes
activités. Humble et généreux, parrain de
l'édition 2015 de « Mille choeurs pour un regard »
au profit de l'association « Rétina France »,
au cours de ses dernières années (2013) Franck Ferrari
avait donné des masterclass consacrées aux opéras
de Mozart avec l'Association « Opéra Théâtre
pour tous » à l’hôpital Saint-Joseph de
Marseille (amphithéâtre de Vernejoul), destinées
aux malades et à « tout public » dans le
cadre d'un programme d'Opéra-Thérapie.
Denis Havard de la Montagne
Françoise PETIT (1925-2015)
Le 11
août 2015 s'en est allé à Gerzat (Puy-de-Dôme)
l'altiste Serge COLLOT dans sa quatre-vingt-douzième
année. Maître français de l'alto ayant débuté
par l'étude du violon, membre de plusieurs formations de
chambre dès le début des années quarante et
intéressé par la musique moderne, il est le créateur
de plusieurs œuvres musicales de son temps. Alto solo à
l'Orchestre de l'Opéra de Paris durant une trentaine d'années,
professeur au Conservatoire de Paris, il est à l'origine de la
formation d'une grande partie des altistes actuels. Il est considéré
comme un brillant continuateur de son professeur Maurice Vieux
(1884-1951) qui a tant fait pour élargir le répertoire
et pour hisser au premier plan son instrument, longtemps considéré
avant lui comme un parent pauvre du quatuor. François Broos,
Marie-Thérèse Chailley, Etienne Ginot, Léon
Pascal, Pierre Pasquier et Colette Lequien (avec laquelle il assurait
la coprésidence de l'association internationale des Amis de
l'Alto, fondée en 1979) sont également sortis de la
classe de Maurice Vieux.
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CD Camerata 30CM-462
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C'est à
Paris qu'est né Serge-Guy Collot, le 27 décembre 1923,
d'un père sculpteur sur bois et violoniste amateur qui lui
enseigne les rudiments du violon. Après avoir pris des leçons
en cours privés auprès de professeurs parisiens, en
1937 à l'âge de 13 ans il entre au Conservatoire
national de musique où il suit notamment la classe
préparatoire de violon d'Emile Loiseau (1874-1966). Celui-ci,
ancien second violon du « Quatuor Parent »
jusqu'en 1913, puis du « Quatuor Capet »
dissous en 1928, lui donne le goût de la musique de chambre et
du quatuor à cordes, domaines dans lesquels il va exceller
tout au long de sa carrière. Au début des années
1940, tout en poursuivant ses études au Conservatoire, il joue
dans l'orchestre de chambre que le violoniste et chef d'orchestre
Maurice Hewitt vient de fonder en 1939 – on sait que cette
formation a joué un rôle important dans la renaissance
de la musique baroque – et, en remplacement d'un instrumentiste
empêché, il est amené à jouer la partie
d'alto dans le 6ème Concerto brandebourgeois monté
par Hewitt, instrument dont il découvre toute la richesse. Ne
pouvant entrer dans la classe de violon supérieur d'André
Tourret, il se tourne vers l'alto et entre alors dans celle de
Maurice Vieux, alto solo à l'Orchestre de l'Opéra de
Paris depuis 1908. Il fréquente également la classe de
musique de chambre de Joseph Calvet (1897-1984), fondateur en 1919 du
« Quatuor Calvet » et obtient un premier prix
dans ces deux disciplines, respectivement en 1944 et 1948. Au
Conservatoire, il travaille aussi la composition auprès
d'Arthur Honegger.
Dès
la fondation en 1944 du « Quatuor Parrenin » –
l'année d'obtention de son premier prix d'alto – Serge
Collot en est membre aux côtés de Jacques Parrenin (1er
violon), Marcel Charpentier (2e violon) et Pierre Penassou
(violoncelle), tous issus de la classe de musique de chambre de
Joseph Calvet. Avec celui-ci, auquel il reste attaché jusqu'en
1957 (Michel Walès lui succède), il se produit chaque
semaine à Radio-Luxembourg (1944-1949) et en concerts publics
dans un vaste répertoire allant du classique au contemporain,
avec plusieurs quatuors de l'Ecole de Vienne et Bartok. On doit à
cette formation la création du 2ème Quatuor à
cordes de Hans Werner Henze (1952) et du Premier Quatuor à
cordes de Roberto Gerhard (1955). Après un passage
(1957-1959) au sein du « Quatuor de l'O.R.T.F. »
où jouent également à cette époque
Jacques Dumont (1er violon), Louis Perlemuter (2e violon) et Robert
Salles (violoncelle), il fonde en 1959 le « Trio à
cordes français » en compagnie du violoniste Gérard
Jarry et du violoncelliste Michel Tournus. On doit à cette
formation, active jusqu'en 1994, plusieurs créations parmi
lesquelles le Quatuor II de Betsy Jolas (1964), les 4
Poèmes de Sappho de Charles Chaynes (1968, avec Mady
Mesplé), le Trio pour violon, alto et violoncelle de
Jean-Pierre Guézec (1968), Ikhoor de Ianis Xenakis
(1978). Peu avant la dissolution de son Trio en 1991, il fait aussi
partie du « Quatuor Bernède » aux côtés
de Jean-Claude Bernède (1er violon), Marcel Charpentier (2e
violon) et Pierre Penassou (violoncelle). Mais, s'il est un
chambriste dans l'âme, il ne dédaigne pas pour autant la
musique orchestrale en occupant le pupitre d'alto solo de l'Orchestre
de l'Opéra de Paris entre 1952 et 1984, où il joue sous
les directions de chefs renommés tels Pierre Dervaux, George
Prêtre, Serge Baudo, ou encore Jean-Claude Casadesus. Lorsque
Pierre Boulez fonde en 1954 le « Domaine musical de
Paris », avec Jean-Louis Barrault et le chef d'orchestre
Hermann Scherchen, destiné à jouer la musique ancienne
mais aussi et surtout les nouveaux courants de la musique d'alors et
plus particulièrement la musique d'avant-garde, Serge Collot
fait partie de l'aventure jusqu'en 1970. Le répertoire de
cette société de concerts couvre la musique du XXe
siècle (Debussy, Stravinski, Messiaen), puis principalement
les musiciens de l'Ecole de Vienne (Schoenberg, Alban Berg, Anton
Webern) et ses héritiers (Pousseur, Kagel, Berio,
Boucourechliev...) ainsi que Boulez dont Collot assure, dès la
seconde audition, la partie d'alto de son Marteau sans maître
(1955) dirigée par l'auteur. En 1967 ce dernier cédera
sa place de chef à Gilbert Amy. Les créations
auxquelles Serge Collot a participé sont nombreuses que ce
soit avec le « Domaine musical » ou les autres
formations de chambre dont il fut membre. Parmi celles-ci figurent,
entre autres, Etudes III (1962) et Polychronies (1964)
de Jean-Claude Eloy, Sept Haïkaï pour piano solo et
petit orchestre d'Olivier Messiaen, Jelek (1963) de György
Kurtag (1965), Text II pour soprano et 5 instruments de Carlos
Roqué Alsina (1967), Cinq églogues d'Andre
Jolivet (1967), La Cantata Hurbinek de Girolamo Arrigo (1970),
The Rara requiem de Sylvano Bussotti (1970)... Il est le
dédicataire de plusieurs œuvres, entre autres Point
d'aube pour alto et 13 instruments à vent de Betsy Jolas
(1968), la Sequenza VI pour alto de Luciano Berio (1967) et A
Single R. pour alto solo, orchestre de chambre (principalement
composé de vents et d'une riche et double percussion) de
Jacques Guyonnet (1970). Il joue cette dernière œuvre
notamment le 25 avril 1983, Salle Ernest Ansermet à la Maison
de la Radio de Genève (Suisse) et un critique musical écrit
alors à cette occasion que « Serge Collot
appartient à cette famille d'interprètes rares qui,
tant par leurs qualités humaines qu’artistiques,
inspirent les compositeurs et suscitent ainsi l'écriture
d’œuvres qui lui sont dédiées »
Parallèlement
à ses nombreuses activités d'interprète Serge
Collot a aussi abordé le domaine pédagogique au
Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où
il professe son instrument à partir de 1969, jusqu'à sa
retraite prise en 1988. C'est ainsi que de nombreux élèves
ont pu bénéficier de son enseignement au cours duquel
il s'est toujours efforcé de transmettre ses connaissances
dans la lignée de ses professeurs Joseph Calvet et Maurice
Vieux, père de l'école moderne d'alto de France. Parmi
ceux-ci notons Miguel Da Silva (Quatuor Ysaÿe), Jacques
Borsarello (Quatuor Loewenguth), Gilles Deliège (Ensemble
Sillages), Hervé Desmons (Conservatoire de Montpellier), Jean
Sulem (Quatuor Rosamonde et professeur au CNSMP), Bertrand Robin
(Orchestre Symphonique de Montréal), Christophe Desjardins
(Ensemble Intercontemporain), Pierre-Henri Xuereb (Quintette Patrick
Gallois et Ensemble Alternance, professeur au CNSMP et à
l'ENM), Christophe Gaugué (Orchestre Philharmonique de
Radio-France et professeur assistant au CNSMP), Nicolas Bône
(Orchestre National de France et professeur au CNSMP), Florent
Bremond (Orchestre Opéra de Marseille et professeur assistant
au CNSMP), Laurent Verney (Orchestre de l'Opéra de Paris et
professeur au CRR de Paris), Jean-Paul Minalli-Bella (Quatuor Elysée
et Galliano Sextet), Sabine Toutain (Trio Turner et professeur au
CNSMP), Geneviève Strosser (Quatuor Vellinger), Sabine
Toutain-Desveaux (Orchestre National de France et professeur au
CNSMP)... Bien d'autres jeunes altistes ont pu également
profiter de son enseignement lors de masterclasses dispensées
à travers le monde.
Serge
Collot laisse une discographie composée d'une quarantaine de
disques (dont Pierrot lunaire de Schoenberg en 1963, Le
Marteau sans maître de Boulez en 1964, les Streichquintette
1 et 2 de Brahms en 1968, Le Retour de l'enfant prodigue de
Milhaud en 1991), mais la plupart est épuisée.
Néanmoins des pages admirables de Schumann (Romanzen,
op. 94, Märchenbielder, op. 113, Fantasiestücke,
op. 73 et Märchenerzählungen, op.132) enregistrées
en 2004 avec Béatrice Berne (clarinette) et Julie Guigue
(piano) par Polymnie (un CD Pol 390 231, toujours disponible à
ce jour) sous le titre de « Contes de Fées »,
nous permettent de garder la mémoire du jeu exceptionnel de
ce Maître de l'alto. Signalons aussi le label Camerata
(30CM-462) qui propose un enregistrement de 1997 intitulé
« Serge Collot. The art of the viola » avec les
Sonates pour flûte, alto et harpe de Debussy, pour alto
et piano n° 2, op. 244 de Milhaud, et pour alto et piano en ré
majeur de Glinka, ainsi que les Märchenbilder, op. 133,
de Schumann (avec Keiko Toyama, piano, Aurèle Nicolet, flûte
et Ayako Shinozaki, harpe).
Chevalier
de la Légion d'honneur (1989), Serge Collot s'était
retiré en Auvergne où il est décédé.
Ses obsèques ont été célébrées
le 14 août en l'église Saint-Aubin-le-Guichard, en
Normandie, où il aimait se rendre en villégiature
depuis longtemps et où repose déjà son fils aîné
Jean-François Collot, décédé le 7 juillet
1988. A la disparition de son professeur, son ancien élève
Christophe Desjardins a déclaré : « Son
enseignement m'accompagne chaque jour. Je garde aussi le souvenir de
son humilité, alliée à sa haute conscience du
rôle de l'interprète. Grâce à lui j'ai
compris que toute musique est contemporaine, pourvu qu'on y porte un
regard nourri tant par le désir de la servir, que par
l'histoire. » L'artiste peintre Delphine Collot, connue
sous le nom de « Collot D2L », est l'une de ses
petites-filles.
Denis Havard de la Montagne
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Pierre Cortellezzi ( coll. Bernadette Cortellezzi )
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Le 20
novembre 2015 à Nancy est mort à l'âge de 89 ans
l'organiste et compositeur Pierre CORTELLEZZI, figure
incontournable du monde musical en Lorraine. Titulaire du grand-orgue
de la cathédrale de Nancy durant plus d'un demi-siècle,
à près de l'âge canonique de 90 ans il gravissait
encore les 65 marches de la tribune qui le menait à son
instrument. Egalement professeur d’orgue et de clavecin au
Conservatoire de Nancy, on lui doit à ce titre la formation
d'un grand nombre d'organistes actuellement titulaires de tribunes
lorraines. Comme interprète, tout d'abord avec le Duo
« Trompette et orgue », créé avec
Dino Tomba, puis avec le « Trio Récital »
(trompette, flûte et orgue) aux côtés du même
Dino Tomba et de Jacques Mule, il se produisait souvent en concerts
tant en Lorraine qu'en Allemagne, Autriche et Italie. Comme
compositeur, on lui doit plusieurs pièces pour piano et pour
orgue, sans compter des arrangements de Noëls populaires
allemands et de nombreuses transcriptions destinées à
être jouées avec ses formations de chambre ou lors de
ses concerts d'orgue. Tout dévoué à ses
fonctions d'organiste liturgique, un auteur l'a un jour comparé
au célèbre tableau de Jeanne Rongier représentant
César Franck aux claviers de son orgue de Sainte-Clotilde :
« même concentration, même vie intérieure
dans l'expression du visage, le corps étant aux trois quarts
inclinés vers les claviers, mêmes doigts fins et
démesurés... » (S. Tarantino, in Antée
ou le Léviathan, Virton, l'auteur, 2000, p. 161).
Né
à Pont-Saint-Vincent, en Lorraine, le 17 mars 1926, Pierre
Cortellezzi est initié très jeune à l'orgue par
son grand-père maternel. Celui-ci, Pierre Mamer (1873-1950),
ancien élève d'orgue de Louis Graebert (organiste de
Notre-Dame à Metz) et installé au tout début du
vingtième siècle à Pont-Saint-Vincent, depuis
cette époque tenait l'orgue de l'église
Saint-Julien-de-Brioude, construit par Charles Didier-Van Caster,
tout en dirigeant une Harmonie et un Orchestre symphonique composés
des personnels des usines de Neuves-Maisons. Son frère,
Christophe Mamer (1886-1960), 1er prix d'orgue dans la classe de
Louis Thirion au Conservatoire de Nancy, effectuera quant à
lui une carrière de maître de chapelle et organiste à
Paris et dans sa banlieue, notamment à Saint-Justin de
Levallois-Perret. Toux deux étaient fils de Jean Mamer
(1844-1937), premier chantre à la cathédrale de Metz...
C'est ainsi qu'en 1933, à l'âge de 7 ans, Pierre
Cortellezzi touche pour la première fois les claviers de
l'orgue de son village natal que son grand-père lui laisse
pour la circonstance : le baptême de son petit frère,
et en 1940, à son décès, il lui succède
tout naturellement. Simultanément, au cours de ces années
quarante, il se perfectionne au Conservatoire de Nancy où il
fréquente, entre autres, la classe d'orgue de Louis Thirion.
Sorti de cet établissement avec des prix de piano, d'orgue,
d'harmonie et d'improvisation, et continuant d'assurer son service
d'organiste à Pont-Saint-Vincent, il est appelé en
décembre 1950 par le chanoine Mansuy à succéder
à Robert Barth au grand-orgue de la cathédrale
Notre-Dame de l'Annonciation de Nancy. Cet instrument prestigieux de
65 jeux répartis sur 4 claviers et pédalier, construit
entre 1756 et 1763 par Nicolas et Joseph Dupont, agrandi par Vautrin
en 1814 puis reconstruit par Cavaillé-Coll en 1861, fera
l'objet en 1963 d'une restauration importante par Haerpfer-Erman, achevée en 1965 et
supervisée par Gaston Litaize avec la collaboration de son
titulaire, Pierre Cortellezzi. Pendant 65 ans, celui-ci assure son
service dans cette église, jouant sa dernière messe le
27 avril 2014. Lors de son élévation au grade de
commandeur dans l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, le 1er
novembre 2011, Mgr Jean-Louis Papin, évêque de Nancy et
de Toul déclarait notamment : « En tant
qu’évêque, je soulignerai votre remarquable
fidélité et votre disponibilité non moins
remarquable dans le service liturgique tant pour les célébrations
diocésaines que pour le service ordinaire de la paroisse. Vous
savez adapter et soutenir la prière de l'assemblée... »
Parallèlement, en 1966 il fonde avec Dino Tomba, trompette
solo de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy et
professeur au Conservatoire de cette même ville, le duo
« Trompette et Orgue » et en 1971, avec le même
et le flûtiste Jacques Mule, également professeur au
Conservatoire de Nancy, le « Trio Récital »
qui associe trompette, flûte orgue et clavecin dans un
répertoire des 17e et 18e siècles. Plus tard, il forme
un nouveau duo avec le trompettiste François Herbeuval. Avec
ces formations, au cours d'une trentaine d'années, il donne
plus de mille concerts en France et en Europe.
Organiste,
claveciniste, concertiste, Pierre Cortellezzi a aussi mené une
carrière de professeur au Conservatoire de Nancy, où,
dès 1954 il a enseigné l'orgue et le clavecin,
succédant ainsi, quelques années plus tard, à
son Maître Louis Thirion. En 1988, il en fut également
directeur adjoint, jusqu'au 1er septembre 1994, date de sa retraite.
Parmi ses nombreux élèves, citons les organistes, pour
la plupart lorrains, Catherine Carpentier, Marie-Paule Triebel, Hubert Renard, Nathalie Dassi, Dominique
Dantand, Jean-Philippe Fetzer, Jean-Luc Etienne, Aude Schumacher,
Emmanuelle Souffan, Denis Tchorek, Vincent Depaquit, l'abbé
Guy Ruyer... Bach (dont il disait jouer à peu près
toute l'oeuvre), Franck, Vierne, Widor et Guilmant étaient ses compositeurs
préférés et il les jouait couramment en
concerts, ainsi d'ailleurs que Gigout, Litaize et Langlais qu'il ne
dédaignait pas pour autant. En 2001, il en enregistrait
certains sur l'orgue Poirel de l'abbaye de Notre-Dame-de-Droiteval à
Claudon (Vosges) en même temps que deux œuvres de son
crû : Fantaisie choral sur le thème de l'hymne
des deuxièmes vêpres de la Toussaint et Petite
pièce en sol mineur (Le Parnasse français, CD 002).
Plusieurs années auparavant, il avait déjà gravé
un 33 tours (Pathé Marconi) aux claviers de son orgue de la
cathédrale de Nancy avec des pages également de Franck,
Vierne, Litaize et Langlais, mais aussi de Widor et de lui-même,
mais son tout premier enregistrement (45 tours) sur cet instrument avait été effectué en 1965 avec les Chorals
In dir ist Freude (BWV 615) et Das alte Jahr vergangen ist (BWV 614), ainsi que des œuvres de Couperin :
Trio. Les dessus sur la Tierce et la basse sur la Trompette, et de Clérambault :
Basse de la Trompette et dessus de Cornet en dialogue, et Caprice sur les Grands jeux (Diapason/Jacques Hodent).
A cette même tribune, on lui doit encore un autre CD (Alodia)
intitulé « Thèmes célèbres aux
grandes orgues de la cathédrale de Nancy »
comportant des arrangements effectués par ses soins :
extraits des Quatre saisons et du Concerto pour deux
trompettes de Vivaldi, Largo de Haendel, Aria de la
IIIe Suite en ré de Bach, Printemps de Grieg,
Vocalise de Rachmaninov, Mission de Morricone (musique
du film), et des pages originales, dont Gavotte et Musette de
Cortellezzi et Pump & Circonstance d'Elgar.
Et, n'oublions pas encore un enregistrement réalisé en octobre 2000, à l'occasion de ses 50 ans à la cathédrale,
intitulé "Pierre Cortellezzi, Les Grandes Orgues de la cathédrale de Nancy" et qui permet d'entendre son titulaire
interpréter des pages de Franck (Choral n° 3 en la mineur, Cantabile),
4 Mélodies populaires sur des Noëls allemands (transcription pour orgue de P. Cortellezzi), le célèbre Noël d'Adam :
Minuit Chrétien (id.), le Carillon de Longpont de Vierne, et la Suite gothique de Boëllmann (Alodia ALO61000DH).
En
dehors des disques pour orgue solo, Pierre Cortellezzi a aussi
réalisé d'autres enregistrements, la plupart du temps
privés, en formation de chambre. Parmi ceux-ci, notons plus
particulièrement, à l'orgue de l'église de la
Madeleine à Mont-de-Marsan et avec Dino Tomba à la
trompette : deux 45 tours (Disques Pégasse) avec d'une
part les Danceries de la Renaissance de Gervaise, et d'autre
part la Sonata prima et la Sonata Seconda de Vivaldi ;
au clavecin et avec Jacques Mule : 5e Sonate d'Haendel,
Andante de Jean-Marie Leclair, Sonate « La
Lumagne » de Michel Blavet, Sicilienne de J.S.
Bach (prise de son : Lucien Mirouf, disque 33 tours xPart
70.086, intitulé « Souvenir d'un concert ») ;
au clavecin ou à l'orgue avec le même : Sonate
de Leonardo de Vinci, Adagio d'Albinoni, Green sleeves
(anonyme, vers 1600) et 4 œuvres de J.S. Bach : Fantaisie
et fugue en ut mineur BWV 537, 6e Sonate en mi majeur BWV
1035, Choral « Viens Sauveur des païens »
BWV 659 et Polonaise de la Suite en si mineur (disque
33 tours MC 003), ainsi qu'un autre LP (MC 004) contenant des pages
de Bach, Purcell, Charpentier, Loeillet et J.C. Naudot ; avec le
« Trio Récital » : Christmas
suite de Cortellezzi, Marche de triomphe de Charpentier,
Badinerie et Aria de Purcell, Aria de Wesley, Symphonia
de Bach, Concerto en ré majeur pour 2 trompettes de
Loeillet, Concerto en la majeur de Haendel, Grave et
allegro de Walond et Concerto per la chiesa de Telemann
(disque 33 tours T.C. 009). En compagnie de François
Herbeuval, on lui doit encore un CD enregistré au début
des années 2000 (Alodia) : « Trompette et
orgue à la cathédrale de Nancy » avec
quelques pages originales et un grand nombre de transcriptions en
grande partie réalisées par eux-mêmes, parmi
lesquelles des pièces de Purcell, Telemann, Stanley, Huggens,
Vivaldi, Marcello, Michel Corrette, Héron, ainsi que le
Sanctus de la Messe de Sainte-Cécile de Gounod.
Chevalier
des Arts et des Lettres (1998), médaille du Mérite
diocésain, médaille de la Reconnaissance diocésaine,
chevalier (1998), puis commandeur de l'Ordre de
Saint-Grégoire-le-Grand (2011), Pierre Cortellezzi, érudit
aux connaissances musicales très étendues et artiste
virtuose, laisse le souvenir d'un homme passionné par la
mission qu'il s'était confiée : le pouvoir
bénéfique de la musique sur l'âme et l'esprit.
Ses obsèques ont été célébrées
le 25 novembre à la cathédrale de Nancy. A cette
occasion « son » grand orgue qu'il avait touché
durant 65 années, drapé de noir, est resté muet,
laissant la place au Choeur grégorien de Nancy.
Par la suite, dans le cadre de la 11ème "Nuit des cathédrales" qui eut lieu le 13 mai 2017 à la cathédrale de Nancy, une plaque en hommage à Pierre Cortellezzi fut apposée sur le buffet du grand orgue, portant cette inscription : " En mémoire de Pierre Cortellezzi / Titulaire des Grandes Orgues de la Cathédrale de 1950 à 2015 / élevé au grade de Commandeur dans l'Ordre Equestre de / St Grégoire le Grand par le pape Benoît XVI, le 20/11/2015 ", suivie d'un concert. Furent notamment interprétés une transcription pour hautbois et orgue du morceau Gabriel's Oboe extrait de la bande sonore d'Ennio Morricone du film The Mission de Roland Joffé (1986) par Pierre Colombain (hautbois solo à l'Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy) et Pierre Emmanuel Cortellezzi (pianiste, organiste, professeur d'éducation musicale, son fils), le Grand chœur de Guilmant par son élève Dominique Dantand, titulaire de l'orgue historique de Vézelise (Meurthe-et-Moselle), ainsi que des pages vocales par la mezzo-soprano Béatrice Klötgen et la Maîtrise de la cathédrale, sous la direction de Marie-Laure Deldemme.
Denis
Havard de la Montagne
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