Prix de Rome 1940-1949

Alfred DÉSENCLOS - Rolande FALCINELLI - Pierre SANCAN - Raymond GALLOIS MONTBRUN - Claude PASCAL - Charles JAY - Marcel BITSCH - Gérard CALVI - PIERRE-PETIT - Robert LANNOY - Jean-Pierre DAUTEL - Jean-Michel DAMASE - Odette GARTENLAUB - Jeanine RUEFF - Adrienne CLOSTRE - Georges DELERUE - Pierre VILLETTE

1940-1941

Pas de concours


1942

Alfred DESENCLOS (1912-1971)

Page spécifique
Alfred Desenclos
(Photo X...) DR.

Rolande Falcinelli, concert du 7 février 1959
Rolande FALCINELLI (1920-2006)

Rolande Falcinelli, née à Paris, le 18 février 1920 a commencé très tôt des études de piano et de solfège à peine âgée de 5 ans. En 1927, elle interprétait la Valse de Rachmaninov au cours d'un concert au Trocadéro avec la Garde Républicaine. Entrée au Conservatoire de Paris en 1932, elle obtenait là une 1ère médaille de solfège l'année suivante, alors âgée de 13 ans. Elève d'Isidore Philipp et d'Abel Estyle (piano), de Marcel Samuel-Rousseau (harmonie), de Simone Plé-Caussade (fugue), d'Henri Büsser (composition) et de Gaston Litaize et Marcel Dupré (orgue), elle obtient de nombreux prix : 1er Prix d'harmonie (1938), d'accompagnement au piano (1938), de fugue (1939), d'orgue et d'improvisation (1942), 2ème Prix de composition. En 1942, ses études musicales étaient couronnées par un deuxième Second Grand Prix de Rome. Dès 1945, elle suppléait Ludovic Panel au Sacré-Cœur de Montmartre avant d'être titularisée l'année suivante. Professeur d'orgue au Conservatoire américain de Fontainebleau de 1948 à 1955, à l'Ecole normale de musique de Paris de 1951 à 1955, elle succédait à Marcel Dupré en 1955 dans sa classe d'orgue du CNSM et prit sa retraite en 1987. Comme concertiste, Rolande Falcinelli a effectué de nombreuses tournées en France, USA, canada, Angleterre, Suède, Belgique, Suisse, Allemagne, Autriche et Italie. Son catalogue de plus de 80 numéros d'opus comporte des mélodies, des chants, de la musique de chambre, des œuvres vocales (scènes lyriques, chœurs, messes) et de nombreuses pages pour orgue : Le Mystère de la Sainte-Messe, Mathnavi, Cortège funèbre, La Cathédrale de l'Ame, Prélude à l'Introït de la Messe du Sacré-Cœur, Poèmes-Etudes... ainsi qu'un oratorio pour soli, chœurs et orchestre : La Messiade, qui lui valut le Prix Rossini en 1941. On lui doit également l'enregistrement sur disques de l'œuvre pour orgue de Marcel Dupré et de la Symphonie romane de Widor...

D.H.M.

Une page est tournée

Lors de la retraite de Rolande Falcinelli de la classe d’orgue du Conservatoire national supérieur de musique de Paris en 1986, l’un de ses élèves, Philippe Brandeis, tenait à lui rendre hommage en écrivant les lignes qui suivent. Tout d’abord élève d’Elisabeth Havard de la Montagne durant 6 années, Philippe Brandeis a rejoint ensuite le CNSM où il a notamment obtenu un 1er prix d’orgue dans la classe de Rolande Falcinelli. Grand Prix du Concours d’orgue de Beauvais (1989), directeur de la chorale " A Cœur Joie " de Montmorency (Val-d’Oise), après avoir été une dizaine d’année organiste de l’église St-Joseph d’Enghien-les-Bains (Val-d’Oise), puis maître de chapelle de l’église Ste-Clotilde et organiste de chœur de l’église de la Madeleine, il est actuellement titulaire du Sacré-Cœur (depuis 1994) et des Invalides (depuis 1999). Il enseigne également l'orgue au CRR de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) et est chef du département des disciplines instrumentales classiques et contemporaines au Conservatoire national supérieur de musique de Paris.

D.H.M.

Rolande Falcinelli
Rolande Falcinelli lors d'un cours d'improvisation à l'orgue,
C.N.S.M. de Paris, novembre 1985.
( Photo Céline Fortin )

A la suite d'un événement a priori anodin, le départ en retraite de Rolande Falcinelli du Conservatoire de Paris, une page de l'histoire de l'orgue en France vient de se tourner. En effet, depuis 1954, Rolande Falcinelli était professeur d'orgue et d'improvisation au Conservatoire : trente-deux années durant lesquelles elle forma une élite de musiciens dont Pierre Gazin, organiste de Saint-Louis des Invalides, Odile Pierre, ex-organiste de la Madeleine, Daniel Roth, organiste de Saint-Sulpice, André Isoir, organiste de Saint-Germain-des-Prés, pour ne citer que quelques-uns. Trente-deux années au service d'une conception résolument moderne de l'orgue axée non seulement sur la haute technicité des mains et des pieds mais aussi sur la recherche d'une émotion musicale sobre et juste.

Pour rendre l'hommage dû à cette grande dame de l'orgue, il est utile de rappeler les points marquants de sa carrière jusqu'à nos jours (car elle n'est point terminée, tant s'en faut!). Rolande Falcinelli est née à Paris en 1920. Commençant ses études de piano en 1924, elle se produit à sept ans en public, lors d'un concert de la Garde Républicaine, où elle joue notamment la Valse de Rachmaninov. Entrée au Conservatoire de Paris en 1932, elle y obtient les premiers prix de solfège, harmonie, contrepoint, fugue, accompagnement au piano, et, en 1942, dans la célèbre classe de Marcel Dupré, un brillant premier prix d'orgue et d'improvisation. La même année, son talent de compositeur est récompensé par un Grand Prix de Rome.
Affiche d'un concert du 26 mars 1981 à l'Eglise de la Madeleine à Paris, organisé par l'Association Elisabeth Havard de la Montagne pour le dixième anniversaire de la mort de Marcel Dupré.
( coll. D.H.M. )
Le Prix Rossini dont elle est la première femme lauréate, lui avait été décerné l’année précédente pour son oratorio La Messiade. Quelque temps plus tard, elle est nommée organiste titulaire du grand orgue du Sacré-Coeur de Montmartre. En 1955, elle succède, à la classe d'orgue du Conservatoire de Paris, à son Maître Marcel Dupré qui l'a choisie à la fois pour sa prodigieuse technique et pour sa formation complète : elle est aussi bien compositeur, improvisateur, pianiste et organiste. En 1986, son enseignement a été couronné par soixante-six premiers prix! (celui qui écrit ces lignes a l'honneur d'être le soixante-sixième ...et dernier).

Sans cesse, Rolande Falcinelli œuvre pour faire vivre l'orgue du XXe siècle dans la ligne des conceptions révolutionnaires amorcées par son Maître Marcel Dupré. Ses propres œuvres pour orgue témoignent d'une constante novation du langage et de la technique de l'instrument, en particulier la toute première Triptyque : Litanies, Rondel et Fugue op. 11 (Bornemann), écrite à l'âge de 21 ans après seulement deux années d'orgue et qui utilise des "glissandi" pour la première fois dans l'histoire. Mais aussi l'une des dernières, Le Mystère de la Sainte Messe, pour deux orgues, op. 59 (1975-76), dans laquelle un ingénieux agencement de l'écriture permet aux deux interprètes de jouer l'œuvre dans un grand vaisseau, éloignés l'un de l'autre, sans risquer un décalage. Néanmoins, ne citer que les œuvres pour orgue serait une erreur. Le catalogue des compositions de Rolande fait la part belle à de nombreuses partitions pour d'autres formations instrumentales ou vocales, partitions qui ont retenu l'attention de grands compositeurs tels que Florent Schmitt, Arthur Honegger ou Olivier Messiaen.

Parallèlement, la carrière de concertiste internationale qu'elle entreprend depuis l'obtention de ses premiers prix au Conservatoire la conduit aux Etats-Unis, en Italie, en Autriche, en Allemagne, en Belgique, en Suède, en Ecosse. Comme en France, elle y est appelée à se produire en concert et, aussi, bien souvent, à tenir des conférences d'analyse sur les œuvres qu'elle interprète. Ainsi, chaque année, sa présence au congrès d'orgue de Belley, dans l'Ain, est-elle attendue comme un événement ! Partout, Rolande Falcinelli séduit ses auditeurs par ses interprétations mûries et inspirées, sans oublier sa maîtrise souveraine de l'art de l'improvisation qui est unanimement saluée par les compositeurs et les mélomanes. Elle est d'ailleurs une des très rares organistes capables de donner un récital entier d'improvisations, comme elle le fit en octobre 1983 à l'église Saint-Louis des Invalides, à Paris, sur des thèmes d'Antoine Tisné.

Ainsi, le lecteur comprendra-t-il mieux la forte personnalité de ce Maître et pourquoi le Conservatoire de Paris vient de perdre un de ses plus éminents professeurs. Mais, Rolande Falcinelli, heureuse de sa liberté retrouvée, souhaite consacrer maintenant davantage de temps à la composition. C'est le vœu le plus cher que tous ses amis formulent avec affection.

Philippe BRANDEIS (1986)

Madame Rolande Falcinelli est décédée à Pau le 11 juin 2006. Un dernier hommage lui a été rendu lors d'une cérémonie religieuse le vendredi 30 juin à 16h30 en l'église Saint-Eustache de Paris. Vingt ans après son article "Une page est tournée", son élève Philippe Brandeis lui rend un ultime hommage publié ci-dessous :

Un chemin jonché d'épines

(La Croix , 7 février 1946, coll. DHM)

Héritière ! Tel est le premier mot qui vient à l'esprit pour qui jette un regard sur le parcours de Rolande Falcinelli. Héritière en effet d'un entourage tout entier dévoué aux beaux-arts puisque issue d'une famille d'artistes peintres dont le plus significatif, son grand-père Louis Napoléon Falcinelli, eut son heure de gloire à l'aube du XXe siècle ; héritière aussi d'une lignée d'organistes compositeurs improvisateurs qui ont pour noms Charles-Marie Widor, Alexandre Guilmant, Eugène Gigout, Marcel Dupré - excusez du peu!

Et pourtant, le chemin de Rolande Falcinelli sera jalonné d'accidents et d'embûches, comme elle le rappelait elle-même à loisir : en premier lieu, son orientation vers l'orgue, né du chaos provoqué au Conservatoire de Paris par la débâcle de 1940 qui la contraint à renoncer à la classe de piano d'Yves Nat et, par désœuvrement, lui fait découvrir l'instrument à tuyaux : révélation aussi décisive que fulgurante puisqu'elle est admise en 1941 dans la classe de Marcel Dupré pour en sortir un an plus tard auréolée d'un premier prix d'orgue et d'improvisation première nommée.

En 1954, par un tragique coup du sort, les événements se précipitent à nouveau qui vont la propulser sur le devant de la scène au titre envié de professeur d'orgue au Conservatoire de Paris : elle succède ainsi à Marcel Dupré qui vient d'être nommé - à 68 ans - directeur du Conservatoire en remplacement de Claude Delvincourt prématurément disparu. Entre temps, elle est déjà remarquée pour ses concerts à la salle Pleyel où elle joue l'intégrale de l'œuvre d'orgue de son maître et aux Etats-Unis qu'elle sillonne durant l'année 1950 lors d'une tournée restée mémorable ; elle a déjà publié quelques œuvres pour orgue dont on note à la fois la hardiesse, l'originalité du langage et la difficulté d'exécution. Enfin, elle fut une des premières femmes à accéder au titulariat d'une grande tribune parisienne aux claviers du grand-orgue du Sacré Cœur de Montmartre.

Joli parcours a priori que celui là, qui laisse entrevoir une suite au sommet. Certes, mais pas sans encombres : là encore, le sort s'agite et le chemin est jonché d'épines. Car son tempérament plutôt réservé aiguise les jalousies et les foules crient haro ! On ne manquera jamais de lui rappeler ce que sa nomination au Conservatoire dut au soutien inconditionnel de Dupré ; comme on fustigera, quand sonne l'heure du mouvement baroque, son attachement prétendu indéfectible aux concepts techniques et organologiques du "maître" (selon ses propres termes) dont elle a su pourtant se démarquer nettement ; sans oublier de moquer son attachement aux formes classiques (prélude, fugue, symphonie, passacaille) dans l'enseignement de l'improvisation alors qu'éclate ailleurs une pratique libérée de toute contingence formelle, impulsion à laquelle elle n'est pas insensible, loin s'en faut, et ne balaiera pas d'un revers de main, quoi qu'on en ait dit.

Bref, il est de bon ton à l'époque de dénigrer son art, même indûment, et de proclamer haut et fort qu'elle n'est pas dans le vent ! Evidemment, elle est touchée - voire meurtrie - par ces attaques dont l'écho lui parvient par bribes et qu'elle pressent dans l'attitude de ses collègues sinon de quelque élève. Mais elle tient bon. Plus, elle réagit : maladroitement parfois (sa réelle timidité lui laisse à penser que l'attaque est la meilleure défense), indifférente le plus souvent : convaincue du bien-fondé de ses choix, elle poursuit son chemin et n'a cure des propos indélicats : suive qui voudra.

Et ils furent somme toute assez nombreux à suivre : Jean Guillou, Odile Pierre, Jean-Claude Henry, Jean-Claude Raynaud, Daniel Roth, Louis Robillard, Loïc Mallié, Pierre Pincemaille, Olivier Trachier, Jean-Baptiste Courtois, Naji Hakim, Marie-Bernadette Dufourcet, Sophie Véronique Choplin-Cauchefer, Yves Castagnet, Pascale Mélis, Thierry Escaich (et le signataire de ces lignes !) pour n'en citer que quelques uns. Et lorsqu'elle prend une retraite méritée en 1986 et s'exile en province pour retrouver sérénité loin de l'agitation urbaine, l'apaisement des intrigues remet peu à peu en lumière l'essentiel resté trop longtemps méconnu, savoir son art de compositeur comme celui d'interprète et d'improvisateur. Il faudra encore un peu de temps pour que paraissent ou reparaissent disques et partitions. Aujourd'hui enfin, le mouvement est donné dont hélas elle n'a pu prendre toute la mesure avant de dis-paraître en juin dernier. Ainsi, pas moins de 5 Cds parus ces dernières années permettent d'entendre ou réentendre des enregistrements de concerts alors que la réédition de ses pièces d'orgue ou de musique de chambre est largement entamée. Et tandis qu'à l'étranger, son oeuvre n'a cessé d'être jouée, on voit de ce côté-ci des Alpes (ré)apparaître son nom au programme des concerts de ses "anciens" comme de plus jeunes qui ne l'ont pas connue : enfin...!

Philippe BRANDEIS (2006)


UNE FEMME TIENT LES ORGUES AU SACRE-COEUR

 

 

Un suisse, sévère comme un huissier de ministère et impassible comme un maître d’hôtel de film policier, attend la fin de la quête dans la nef centrale avant de mener sa petite procession noire et blanche vers la travée de droite. C’est la dernière messe du dimanche au Sacré-Cœur, une messe basse pour les Américains trainards, qui viennent déjeuner dans les guinguettes de la Butte et les Montmartrois qui se sont levés tard.

 

Le bruit discret des semelles annonce la pluie dehors. Une humidité très dominicale luit sur les dalles. Et le décor sonore descend des cintres, un son d'orgue infiniment doux et rassurant comme une réelle présence, tandis que l’enfant de chœur tend le manuterge au prêtre, tout petit, tout petit et très loin au bout de la grande nef comme les béatitudes inapprochables

 

Je veux parler de Mlle Falcinelli, la première organiste nommée dans une cathédrale française, qui tient ici les grandes orgues au point le plus haut de Paris, à deux pas du ciel.

 

Le Sacré-Coeur a gardé, au milieu des constructions bizarres de la place du Tertre, son air de lieu de pèlerinages avec ses postes de garde sur les bat-flancs, ses marchandes de cierges et de souvenirs, ses “remerciements’’ gravés du haut en bas des piliers. Dans le fond, assises dans des niches jumelles, deux vieilles dames, entortillées de châles et couvertures, tendent aux fidèles des aumônières de peluche rouge. Et le mouvement de leur jupe découvre, impudemment — sous le prie-Dieu — leur provision dominicale d'oignons et de choux fleurs.

 

La foule se courbe pour l’Elévation et une mélodie pure monte sur les registres hauts de l'orgue pour rester accrochée sur la note finale. Dès que les têtes se relèvent, l'organiste s’engage dans une improvisation hardie, élégante, joyeuse. C’est une lutte solennelle entre la trame qui jaillit du registre du hautbois et de la flûte — un chant d'enfant délivré — et le contrepoint excitant qui sort des basses du pédalier, puis les thèmes musicaux s'accumulent, s'entrelacent, se contredisent, se prennent par la taille pour rebondir ensemble : ils s'arrêtent un instant au “Non sum Dignus" pour repartir ensuite à la gloire du Sacré-Cœur. Et quand le dernier Evangile est dit, la petite fugue se cristallise, raide. Une cadence fortissimo annonce l'accomplissement dans une suite d'accords qui semblent nouer un ruban autour de la gerbe offerte là-haut, par l'instrument magique, tout puissant.

 

Jusqu'à ce que j'aie pu la rejoindre, dans la froideur de la galerie haute, j’ai douté que cette richesse, cette sûreté dans l'improvisation puisse être due à une femme.

 

Et pourtant, Mlle Falcinelli m'assure qu’elle ne s’est mise à l’orgue que depuis 1940.

 

— Mais j'étais pianiste depuis l’âge de cinq ans. Voyez-vous, on ne peut être bon organiste qu'avec une solide technique du piano dans les mains. Loin de s'exclure, les deux manières de traiter le clavier, se complètent. Surtout au point de vue utilisation du poignet.

 

— Comment travaillez-vous ? Vous venez travailler ici, dans la semaine ?

 

— Non, j’ai un harmonium à deux claviers et un pédalier sur lequel je m'entraîne chez moi.

 

— Et votre nomination comme organiste d'une grande église n’a-t-elle pas soulevé des complications particulières ?

 

Son regard clair sourit derrière des lunettes sévères.

 

— Non. La question a été débattue, mais n'a pas entraîné d'objections durables. D'ailleurs j'avais au Conservatoire plusieurs camarades qui étudiaient l’orgue comme moi et espèrent bien ne pas avoir à y renoncer. C’est une si grande joie. L’orgue n’est pas un instrument comme les autres. Pour moi, c’est un être vivant.

 

— Mais, lui dis-je, la formation musicale de l’organiste ne suffit pas dans une église. Il faut connaître la liturgie aussi. C’est une étude a part…

 

— Qui entraîne celle du grégorien. Evidemment, J'ai appris tout cela.

 

— Et vous composez aussi ?

 

Elle hésite puis dit doucement :

 

— Oui. Je suis prix de Rome. Mon maître était Marcel Dupré pour l'orgue. Et Henri Busser m'a appris l'harmonie et le contrepoint. J’ai composé de la musique de chambre, plusieurs quatuors, un septuor ; j’ai même écrit des mélodies. Je voudrais faire une carrière de compositeur et de concertiste.

 

— Et vous ne ressentez pas durement la servitude de venir chaque dimanche matin de très bonne heure. Ici ? De passer des heures dans une église glaciale ? De revenir pour les vêpres ? De n'avoir pas un dimanche à vous ?

 

Elle me regarde avec ahurissement, joint les mains sur la petite chaufferette de poche qui maintient ses doigts souples :

 

— Une servitude ? Les heures que je passe ici ? devant cet instrument ? C'est tout simplement ma récompense de la semaine !

Anne Manson

in France-Amérique, 19 mai 1946

 



Rolande Falcinelli, quelques articles de presse


« Au concours d'orgue qui eut lieu au conservatoire l'autre mardi, le premier prix fut remporté par Mlle Rolande Falcinelli. Il n'y eut ni second prix ni premier accessit. »

(Candide, 8 juillet 1942, p. 3)

 

« Le Premier Second Grand Prix à été attribué à M. Raymond Gallois-Montbrun, également élève d'Henri Busser ; et le Deuxième Second Grand Prix à Mlle Claude [sic] Falcinelli, appartenant aussi à la classe d'Henri Busser.

Détail significatif : la section de musique avait décerné le Deuxième Second Grand Prix à M. Claude Pascal, un musicien de grand avenir ; mais elle n'a pas été suivie par l'ensemble de l'Académie (peintres, sculpteurs, architectes et graveurs) qui l'a accordé à Mlle Falcinelli après cinq tours de scrutin. » (« Le prix de Rome de musique »

(Comoedia, 18 juillet 1942, p. 1)

 

« Mlle Rolande Falcinelli, toute fleurie de vingt-deux printemps a obtenu le Prix Rossini pour sa Messiade, importante partition pour voix, choeurs et orchestre que viennent de jouer les Concerts Pasdeloup.

Cette jeune musicienne fraie plus avec les sujets graves et austères qu'avec les délicats ouvrages de dames. Elle choisit les dramatiques épisodes qui accompagnent la vie de Jésus depuis la trahison de Judas, le calvaire du Sauveur sur le Golgotha, son martyre jusqu'à sa résurrection. L'épopée tragique et douloureuse de la Passion, magnifiée par Bach.

La musique de Mlle Falcinelli contient des pages d'une vive sincérité. Les plus réussies, à mon sens, se rapportent aux scènes d'ampleur, de décoration puissante où, semble-t-il, l'auteur est plus à l'aise que dans l'intimité ou l''explosion de la douleur.

L'oeuvre était remarquablement chantée par Mlle Cernay, MM. Hazard, Bertot et la chorale Gouverné. M. Francis Cébron conduisit l'orchestre, avec une autorité, une souplesse, un sens du mouvement et des nuances qui classent ce jeune chef parmi les meilleures baguettes de notre temps. » Paul Le Flem

(Paris-Midi, 27 décembre 1942, p. 2)

 

« Malgré la présence de plusieurs membres de l'Institut, le public de la salle Gaveau était assez clairsemé pour l'audition de la « Messiade » de Mlle Rolande Falcinelli. « Voilà, me disait Decerf, en montrant d'un geste tragique le parterre, voilà ce qui vient pour les œuvres modernes.

[…] Mlle Falcinelli a obtenu pour son œuvre le prix Rossini. D'abord, personne ne sait ce qu'est le prix Rossini. Ensuite, comme tous les prix de ce genre, il a été distribué avec la plus grande discrétion. Cette discrétion me semble exagérée car ce ne sont pas les quelques mille francs donnés qui ont de l'importance mais bien le retentissement que pourrait avoir pour l'intéressé, l'obtention de ce prix. »

Arthur Honegger, Prix de l'Institut et nouveau Prix Marguerite Long-Jacques Thibaud.

(Comoedia, 9 janvier 1943, p. 5)

 

« Cinq élèves de M. Henri Busser donnent des œuvres inédites : Mlle Rolande Falcinelli a harmonisé sans beaucoup de gaîté des chansons champenoises qui ne demandaient qu'à rire. Je crois que son ambition la destine aux œuvres monumentales et que sa science complexe et touffue ne se détend point encore en sourire heureux. C'est dommage chez une jeune fille... »

(Comoedia, 9 janvier 1943, p. 5)

 

« Prix de Rome de musique 1943. Il faut souligner les noms de Mlles Deschamps et Falcinelli. Leur présence en loge atteste que l'harmonieuse tradition se continue d'admettre au grand concours de l'Institut, des femmes. Mlle Rolande Falcinelli montait, cette année, grande favorite avec. Pierre Sancan. Elle n'a sans doute pas dit son dernier mot. Deuxième prix l'année dernière, elle pourrait peut-être, à l'instar de l'admirable Lili Boulanger — disparue trop tôt pour fart, — et première femme ayant obtenu le Grand Prix, — forcer à son tour la porte de l'Institut pour faire le voyage... de Nice.

Pauvre Lili Boulanger ! Son souvenir mérite un instant de recueillement, A 19 ans, les lauriers ; à 24 ans, la tombe. Une flamme trop vive, trop ardente, un cœur généreux, une passion de ta musique dévorante ont usé prématurément cette jeune fille trop frêle qui mourut en 1918, le 15 mars, dix jours avant Debussy. Sa cantate Faust et Hélène avait surpris tant le sujet avait été traité avec une ampleur et une maturité de talent surprenantes. La musique féminine était née. Après Lili Boulanger, Jeanne Leleu, dix ans plus tard, et Elsa Barraine devaient obtenir le Grand Prix. On souhaite la même fortune à Rolande Falcinelli. » Noël Boyer

(L'Action française, 17 juillet 1943, p. 3)

 

« Le grand prix de composition musicale : Mlle Rolande Falcinelli pouvait obtenir le premier second prix. Elle est dotée d'une personnalité vigoureuse, incisive et dont l'âpreté n'est pas sans grandeur. Mais je trouve qu'elle a forcé au noir un sujet qui, somme toute, n'est pas tellement dramatique. » Tony Aubin

(Comoedia, 9 juillet 1944, p. 4)

 

« Mlle Rolande Falcinelli, 1er prix du Conservatoire et grand prix de Rome a été nommée organiste titulaire de la basilique du Sacré-Coeur. » Procès-verbal de la séance du 1er février 1946.

(Le Vieux Montmartre, juin 1946, p. 1)

 

« Le 24 septembre, à 21 heures, au récital d'orgue donné en la cathédrale de Troyes par l'Association « La Voix de l'Orgue », à la mémoire du grand maître Marcel Dupré, membre d'honneur de notre Société.

Ce concert, pour lequel notre patronage moral est demandé (et bien entendu accordé) est donné avec le concours de Rolande Falcinelli, une des plus brillantes élèves du Maître, professeur au Conservatoire national supérieur de Paris, titulaire du grand orgue du Sacré-Cœur de Montmartre. »

(Procès-verbaux des séances de l'Académie d'agriculture, des sciences, arts et belles-lettres du département de l'Aube, janvier 1971, p. 131)

 

Olivier Geoffroy

(juin 2020)



1943

Pierre Sancan
( Photo Harcourt,
collection Jacques Sancan ) DR
Pierre SANCAN (1916-2008)

" Cheveux blonds, naturellement ondulés. Yeux très bleus dans un visage toujours souriant. Nez un peu fort, comme il se doit quand on a du caractère ; un peu busqué, comme il faut pour donner au profil une courbe significative. Grand, robuste, d'aspect énergique. Bien qu'étant l'interprète-né des grands romantiques, ne se distingue en rien du commun des mortels par l'excentricité des vêtements, le format du chapeau ou le nœud de la cravate. Ne fait pas d'une apparence chétive et désordonnée la condition première de son talent. Conjugue au contraire ses titres de pianiste et de compositeur avec des références sportives de tout premier ordre : Grand Prix de Rome et champion de basket-ball, virtuose et tennisman, lauréat de fugue et joueur de rugby. " Voilà le portrait de Pierre Sancan dressé en 1957 par Bernard Gavoty et Daniel Lesur dans leur ouvrage Pour ou contre la musique française ? (Flammarion). Ajoutons que ce virtuose international a formé au CNSM l’élite des pianistes français actuels : Jean-Philippe Collard, Jean-Bernard Pommier, Emile Naoumoff, Michel Beroff, Daniel Varsano, Irène Mathis, Pascal Dumay, Geneviève Martigny, Olivier Gardon, Jean-Marc Savelli, Miquel Farré, Vincent-Julien Piot, Philippe Manoury1... et qu’il est l’auteur de pages admirables pour son instrument, et nous avons à présent ici un tableau a peu près complet du musicien.

Quatre des six logistes au Château de Fontainebleau en 1943. De gauche à droite : Jacqueline Deschamps, Pierre Sancan, Rolande Falcinelli et Charles Jay.
( Photo X..., collection Jacques Sancan ) DR

Né le 24 octobre 1916 à Mazamet (Tarn), Pierre Charles Sancan, fils de Robert Sancan (1884-1956) et de Victorine Julia (1884-1958), débute ses études musicales à l’Ecole de musique de Meknès (Maroc), où son père tient un hôtel. Parallèlement très sportif il est champion de basket-ball du Maroc! Il poursuit ensuite (1932) sa formation au Conservatoire de Toulouse, dirigé à l’époque par Aymé Kunc, puis l’achève, à partir de 1934, au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Dans cet établissement il a pour professeurs Yves Nat (piano), Noël Gallon (fugue), Abel Estyle (accompagnement), Charles Münch et Roger Désormière (direction d’orchestre), Henri Büsser (composition) ; il décroche 5 premiers prix : piano (1937), harmonie (1938), fugue (1938), accompagnement au piano (1939) et composition (1939). Ses études sont couronnées par une ultime récompense obtenue en 1943 : le premier Grand Prix de Rome, avec une scène lyrique de Jean Suberville, La Légende d'Icare, suivi du traditionnel séjour dans la ville éternelle qu'il ne pourra d'ailleurs effectuer que plus tard, en 1946 et 1947, pour cause de guerre.

N’hésitant pas à monter un orchestre de jazz pour payer ses études, il est ensuite, durant quelque temps, assistant de Charles Münch à la Société des Concerts (1943), mais c’est surtout dans ses activités de soliste qu’il se fait rapidement un nom. Dès ses débuts en public la presse le remarque et l'encense. C'est ainsi qu'à la suite de son premier récital parisien donné le 11 décembre 1946 à la Salle Gaveau, au cours duquel il joue la Toccata et fugue en ré mineur de Bach, le Carnaval de Schumann, les Douze préludes de Debussy, la Toccata de Ravel, et trois de ses œuvres (Pièces enfantines, Berceuse, Mouvement), un critique musical du " Guide du concert " écrit dans le numéro 15 du 10 janvier 1947 :

« Pour son premier récital, le jeune Prix de Rome Pierre Sancan attira la grande foule et déchaîna l'enthousiasme. L'équilibre semble être la qualité maîtresse du pianiste, aux infinies sonorités, aux mouvements exacts, à la poésie intime servie par une technique qui n'est pas que de la virtuosité, et une façon bien à lui d'attaquer les touches de très près, ce qui ne laisse place à aucune faute de frappe. Le compositeur n'a modestement présenté de lui que quelques pièces enfantines, que les professeurs de piano devraient faire connaître à leurs jeunes élèves… et aux autres ! Et ce Janus de la musique, si jeune dans son équilibre inné, paraît, après ce triomphe, n'avoir plus que deux ennemis à redouter : ses manchettes et son... succès ! »

En 1952, il part en tournée aux Etats-Unis avec dans ses bagages le Concerto en sol, pour piano et orchestre, de Ravel et celui en ré mineur de Mozart. Son répertoire est vaste (Cappricio de Stravinsky, Papillons, Arabesque de Schumann, les Préludes et la Fantaisie pour piano et orchestre de Debussy, le Concerto en sol de Ravel...), son jeu est précis et lyrique, et l'homme possède une très vaste culture artistique : il rédige lui-même les cadences du Concerto en ré mineur de Mozart (Durand, 1952). A cette même époque, au cours des années cinquante, il se produit parfois en duo avec Raymond Gallois Montbrun, ainsi qu'avec le violoncelliste André Navarra. Durant sa longue carrière de concertiste, Pierre Sancan a eu l'occasion de jouer sous la direction de la plupart des grands chefs d'orchestre qu'il serait fastidieux d'énumérer ici ; citons seulement Charles Münch, Pierre Dervaux, Louis de Froment, Paul Paray et Bernard Haïtink... et s'est produit dans le monde entier, notamment à Alger le 29 avril 1956 (RTF Alger), au Japon le 13 février 1962 (concert avec le Tokyo Symphonie), puis le 19 janvier 1970 (NHK), en Corée (Séoul) le 17 février 1970 (Radio Télévision Studio à Ton Gyang) et à plusieurs reprises à travers toute l'Europe et aux USA.


Pierre Sancan au piano
( Collection Jacques Sancan ) DR

En 1956, Pierre Sancan succède à son maître Yves Nat dans sa classe de piano du Conservatoire de Paris. Pédagogue dévoué et attentif, c’est là qu’il forme plusieurs générations de pianistes jusqu’en 1985, année où il prend sa retraite. Il est difficile de dresser la liste de tous ses disciples, lauréats de grands concours internationaux, qui à leur tour enseignent le piano dans quelques conservatoires du monde entier, ou poursuivent une brillante carrière de concertiste!

Pédagogue renommé et surtout écouté, à ce titre Pierre Sancan a été souvent sollicité pour participer aux jurys de nombreux Concours internationaux : Van Cliburn, Beethoven (Vienne), Viotti, Leeds, Reine Elisabeth de Belgique, Cologne, Maryland, Terni, Busoni, Vina del mar, Cortot (Paris), Rubinstein (Tel-Aviv)...

Mais si Pierre Sancan est un virtuose applaudi et un enseignant recherché, il est également un fin compositeur dans la plus pure tradition française. Il a d’ailleurs déclaré un jour : " Tout en demeurant sensible aux audaces, harmoniques et autres, je me refuse absolument à les mettre inconsidérément au service du désordre, avec l’arrière pensée de faire du sensationnel. " On lui doit ainsi des œuvres pour la scène, des pièces orchestrales et de la musique de chambre, parmi lesquels on relève un opéra, écrit en 1962 sur un texte de La Motte-Fouquet (commande d'Etat) : Ondine, fille de la forêt créé au Grand-Théâtre de Bordeaux en 1966 ; trois ballets : Commedia dell’arte (créé à l’Opéra-Comique en 1952, Durand), Reflet (1963) et Les Fourmis (1966, Durand) ; un Concerto pour piano et orchestre, donné en 1966 en première audition par l’auteur au Festival de Besançon, avec l'Orchestre national sous la direction d'André Cluytens (Durand, 1957) ; un Concertino pour piano solo et orchestre de chambre (Durand, 1966) ; un Concerto pour violon (1958) dont le 1er mouvement a fait l'objet d'une réduction pour piano et violon (Durand) ; une Symphonie pour orchestre à cordes (Durand, 1961) ; une Toccata en la, pour piano (Durand, 1943) ; une Suite fantasque pour clavecin ou piano (Durand, 1966) ; une Sonate pour saxophone et piano (1961) ; une Sonate pour violoncelle et piano (Durand, 1961) ; Thème et variations pour harpe (Durand, 1975), et de nombreuses autres pages pour flûte et piano (Sonatine, Durand, 1946), hautbois et piano (Sonatine, Durand, 1957), clarinette et piano (Sonatine, Durand, 1963), trompette et piano (Rapsodie, Durand, 1970), cor et piano (Ballade, Durand, 1982), saxophone alto et piano (Lamento et rondo, Durand, 1973), ainsi que des mélodies : Trois impressions pour chant et piano, sur des poèmes de Francis CarcoCarco : Entends contre les vieux peupliers, C'est la pluie douce dans les feuilles, La ronde (Durand, 1949).

Il a également composé quelques ouvrages destinés aux enfants : un recueil intitulé Petites mains, six pièces très faciles pour piano (Durand, 1967) et deux autres recueils de Cinq Pièces enfantines (1er degré) : Tendre souvenir, Promenade sans histoire, Jouet mécanique, Princesse lointaine, et Sur les chevaux de bois, et de Six Pièces enfantines (2ème degré) : Petite valse, Le cirque au village, La chasse aux papillons, Accordéon, Le soldat joyeux, et Berceuse de Noël (Durand).

Plusieurs de ses œuvres ont été enregistrées sur disque, notamment en 1996 la Sonatine pour clarinette et piano, par Igor Zakrjevski et Delphine Badin (CD AUDIO 944) et en 1997 la Sonatine pour flûte et piano, par Emmanuel Pahud et Eric Lesage (CD EMI 5564882). On trouve également deux autres enregistrements de cette même Sonatine : l'un avec Christian Ivaldi (piano) et Michel Debost (flûte) ( CD SCARBO 4955/6) et l'autre avec Yves Henry (piano) et Marc Beaucourday (flûte) (CD ADDA 590016), ainsi que la Rapsodie pour trompette et piano (CD NMAG351006, French trompet in Japan), par Eric Aubier (trompette) et Hiroshi Nagao (piano), et les Thème et variations par la harpiste Isabelle Moretti.

Les nombreux enregistrements 33 tours auxquels Pierre Sancan a participé en tant qu'interprète sont épuisés depuis plusieurs années. Citons néanmoins les Préludes de Debussy, la Sonatine de Ravel, 3 Chorals de Bach, les Papillons de Schumann (RCA, F230003 et F230004), le Concerto en sol et le Concerto pour la main gauche de Ravel, en 1964 avec l'orchestre de Baden-Baden sous la direction de Pierre Dervaux (Princeps n° 336), le Concerto pour 2 pianos K 365 (mi bémol), et le Concerto pour 3 pianos K 342 (fa majeur) de Mozart, avec Jean-Bernard Pommier, Catherine Silie et l'Orchestre Lamoureux sous la direction de Choropas (Richesse classique, Musidisc), ou encore les Sonates de Beethoven, avec le violoncelliste André Navarra (3 disques, Richesse classique, Musidisc). Cependant, la maison de disques Accord a sorti récemment un double CD consacré aux œuvres de Ravel, parmi lesquelles le fameux Concerto en sol interprété par Pierre Sancan, sous la direction de Pierre Dervaux (Accord 461735-2).

Les archives du Broadcasting Center Europe, situé à Luxembourg, conservent plusieurs enregistrements de Pierre Sancan avec l'Orchestre de la R.T.L., notamment sa Commedia della'Arte, sa Symphonie pour cordes, dirigées par l'auteur lui-même (2 février 1961) et son Concerto pour piano et orchestre, joué par l'auteur sous la direction de Louis de Froment. L'Institut National de l'Audiovisuel, à Bry-sur-Marne, détient également de précieux moments de télévision au cours desquels Pierre Sancan s'est produit, telles par exemple cette excellente émission de Bernard Gavoty « Les grands interprètes » qui, le 21 juillet 1959, était consacrée à Pierre Sancan ; celle du 3 décembre 1973 (1ère chaîne) « Existe-t-il une musique comique ? » avec Gérard Calvi et Pierre Sancan, dans la série « Musique en liberté » ; ou encore celle du 12 mai 1974, intitulée « Le métier de virtuose » et réalisée par Josée Dayan, au cours de laquelle on put écouter Marcel Landowski, Arthur Rubinstein et Pierre Sancan parler de leur métier avec passion...

Terminons cette esquisse biographique en rappelant ces mots prononcés par un critique musical à l'issu d'un des nombreux récitals de Pierre Sancan, consacré à Schumann et Debussy (7 novembre 1947) : « On l'envie pour les dons multiples qu'il réunit et on l'aime pour la qualité de son art. »

Atteint d'une grave maladie et hospitalisé depuis 1992, Pierre Sancan s'est éteint à Paris le dimanche 19 octobre 2008 dans la soirée, à la veille de ses 92 ans. Ses obsèques ont été célébrées le 23 octobre à 10h30 en l'église Saint-Roch, paroisse des artistes, suivies de son inhumation le lendemain au cimetière de Mornas, près d'Orange (Vaucluse), où reposent ses parents.

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE  2
(2001, dernière mise à jour : juillet 2022)

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1) Bien d'autres pianistes français et étrangers ont bénéficié de cet enseignement : Nicole Dinand (prix Maria Canals de Barcelone), J.E Bavouzet (1er prix du Concours Beethoven), A.R. El Bacha (1er prix du Concours Reine Elisabeth), Thierry Huillet (1er Grand Prix du Concours International de Piano de Cleveland Robert Casadesus), Denis Pascal (primé en Amérique), Alain Lefèvre (Canadien), J.F. Antonioli (Suisse), Harumi Anafusa (Japon), Klaus Helwig (Allemagne), C. Silie (a enregistré avec Pierre Sancan et Jean-Bernard Pommier le Triple concerto de Mozart)... etc... etc... [ Retour ]

2) Nous remercions vivement la pianiste Irène Mathis, élève et compagne de Pierre Sancan après le décès de son épouse (depuis 1946) Germaine Labarche survenu en 1978, ainsi que son frère Jacques Sancan (mort en 2011) pour nous avoir ouvert leurs archives familiales… En mai 2019, une étudiante australienne, Halina Hoi Laam Leung, a soutenu une thèse de doctorat à la faculté des Arts et Sciences sociales de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud à Sydney avec pour sujet « Pierre Sancan : Pianist, Composer and Pedagogue ». [ Retour ]

CD EMI Classics LC 6646
"Sancan, Tchaïkovsky : Concertos pour piano"
Jean-Philippe Collard, piano
Bilkent Symphony Orchestra
Direction : Emil Tabakov

CD EMI Classics LC 6646
Enregistrement : juillet 2003, Ankara
Date sortie : septembre 2004


ORCHESTRE REGIONAL CANNES PACA
Saison 2005-2006 (30ème anniversaire)

Du 9 au 11 décembre
HOMMAGE À PIERRE SANCAN ET À L’ÉCOLE FRANÇAISE DE PIANO

Vendredi 9 décembre 2005 : Concert en deux parties Salle Les Arlucs à Cannes la Bocca
Concert hors abonnement, à 18 heures :
direction : Philippe BENDER - piano : Jean-Philippe COLLARD,

Pierre SANCAN, Concerto pour piano & orchestre

Exposé sur Pierre SANCAN compositeur, illustré par la Sonatine pour flûte & piano jouée par Philippe BENDER et Jean-Philippe COLLARD
À 21 heures : Olivier GARDON, piano, Master classe publique avec orchestre sur un Concerto de Ludwig van BEETHOVEN


Samedi 10 décembre 2005 à 20 heures 30 : Salle Les Arlucs
Concert hors abonnement :
Philippe BENDER - Jacques ROUVIER

Wolfgang Amadeus MOZART, Concerto n°20 en ré mineur pour piano, K 466
Master classe publique avec orchestre, sur le Concerto en la majeur de Robert Schumann


Dimanche 11 décembre 2005 à 16h30, Salle Les Arlucs
Concert hors abonnement, présentation André PEYREGNE, direction : Philippe BENDER, avec Jean-Philippe COLLARD, Jacques ROUVIER et Huseyin SERMET

Jean-Sébastien BACH, Concerto pour deux pianos & orchestre

Wolfgang Amadeus MOZART : Concerto n°10 en mi bémol pour deux pianos & orchestre, K 365

Ludwig van BEETHOVEN : Concerto n°4 en sol majeur pour piano & orchestre, opus 58
Le concert sera suivi d’un débat sur la pédagogie du piano




Les candidats au Prix de Rome en 1944
Les candidats du Grand Prix de Rome de composition musicale en 1944 et leur professeur, de gauche à droite : Grégoire Krettly (dit Gérard Calvi), Raymond Gallois Montbrun, Henri Büsser, Rolande Falcinelli, Claude Delvincourt, Jeanine Rueff, Marcel Bitsch, Claude Pascal
( photo X..., 1944 ) DR

1944

Raymond GALLOIS MONTBRUN (1918-1994)

Raymond Gallois Montbrun,
Grand Prix de Rome en 1944
( photo X..., in Le Guide du Concert, 9.1.1959 )
Textes par Claude Pascal et Marcel Bitsch
Article dans la section Obituaires



1945

Claude PASCAL (1921-2017)

Claude Pascal
Claude Pascal (2004)
( coll. C. Pascal ) DR


Article détaillé, catalogue.



Marcel BITSCH (1921-2011)

Marcel Bitsch, vers 1965
Marcel Bitsch vers 1965
Paris, années 1960 (photo Studio G. Marant, Paris,
coll. Jacques Bitsch) DR

Né le 29 décembre 1921 à Paris, Marcel Bitsch est issu d'une famille dont le berceau est situé à Thann en Alsace et dans laquelle la musique est couramment pratiquée : son père, également prénommé Marcel, avocat à Paris, féru de musique et de philosophie, a appris le piano, le violoncelle et surtout la contrebasse (1er prix du Conservatoire de Dijon en 1910), l'une de ses tantes, Lucie Bitsch, bonne violoniste amateur, dans sa jeunesse a enseigné son instrument et le piano, et une autre tante, Alice Bitsch (1881-1907), morte prématurément d'une typhoïde à l'âge de 25 ans, 1er prix de violoncelle au Conservatoire de Paris (classe de Jules Loeb), a été recrutée par Edouard Colonne dès l'obtention de son prix. C'est ainsi que Marcel Bitsch est très tôt attiré par la musique, poussé en cela par son père qui l'initie et, parallèlement à des études générales, lui fait effectuer ses premières études musicales à la Schola Cantorum, puis à l'Ecole supérieure de musique César Franck, boulevard Edgar-Quinet. Là, il a notamment pour professeurs Guy de Lioncourt pour l'écriture et surtout Jean Batalla (1888-1963) pour le piano qu'il qualifie de "remarquable pédagogue". Il lui gardera toute sa vie une grande estime. Après l'obtention d'un baccalauréat de philosophie en 1940, il entame des études supérieures à la Sorbonne (littérature française, latine, allemande, histoire de l'art avec Charles Picard et Pierre Lavedan, musicologie avec Paul-Marie Masson, esthétique avec Etienne Souriau) et au Conservatoire de Paris. Dans cet établissement, alors dirigé par Claude Delvincourt, il suit les cours de Jean Gallon (harmonie), Noël Gallon (contrepoint et fugue) et Henri Büsser (composition) qui le mènent en 1943 à concourir pour le Prix de Rome. Cette année-là, le sujet imposé est une scène lyrique de Jean Suberville, La Légende d’Icare ; il remporte un 2e second Grand Prix. L'année suivante, c'est le 1er second Grand Prix qu'il obtient avec Louise de la miséricorde de Charles Clerc. Commentant cette œuvre, Tony Aubin disait que "sa chasse, son duo sont excellents, son final plein de noblesse." En 1945, concourant de nouveau avec la cantate La farce du contrebandier (paroles de Guy de Téramond), l'Académie des Beaux-Arts lui décerne le Grand Prix, aux côtés de Claude Pascal ex æquo, dans sa séance du 7 novembre. C'était la première fois, depuis 1918 où deux compositeurs furent couronnés ex æquo (Claude Delvincourt et Nadia Boulanger), qu'étaient décernés deux premiers Grand Prix. Cette même année Marcel Bitsch obtient aussi une licence de lettres à la Sorbonne.

Arrivé à la Villa Médicis en avril 1946, il y séjourne jusqu'en 1949 en compagnie de Claude Pascal, et plus tard de Pierre Petit et Jean-Michel Damase. De cette époque datent notamment un Concerto pour piano et 13 instruments à vent, 3 Chansons sur des poèmes de Maurice Fombeurre, 6 Esquisses symphoniques, un Concertino pour basson et orchestre, Trois sonatines pour flûte et piano, ainsi qu'un Divertissement pour 4 vents. Cette dernière œuvre, donnée le 1er juin 1947 à la Villa, dans le cadre des concerts annuels des jeunes Prix de Rome, attira ces commentaires de Roland de Candé : " Son Divertissement est écrit dans un style contrapuntique très clair, plein de vie et de fraîcheur, et se termine par une fugue ironique, dans la manière d'une aimable caricature." On perçoit déjà là sa parfaite maîtrise des disciplines de l'écriture musicale qu'il va bientôt enseigner avec passion, dans l'esprit de donner de solides bases indispensables pour aborder la composition.

Marcel Bitsch en 1991
Marcel Bitsch, Savièse (Suisse), juillet 1991
( photo Edith Lejet ) DR
Voir aussi: photos de classe

Rentré à Paris et très attiré par la pédagogie, en 1950 Marcel Bitsch retourne, cette fois comme professeur d'écriture musicale, à l'Ecole César Franck, alors dirigée par Guy de Lioncourt et installée rue Jules-Chaplain. Dès lors, il va consacrer une grande partie de son activité à l'enseignement tout en poursuivant sa carrière de compositeur. En 1953, il est nommé professeur d'harmonie au Centre national de préparation au C.A.E.M. (Certificat d'Aptitude à l'Enseignement Musical), créé en 1947 sur l'initiative de Raymond Loucheur et hébergé dans les locaux du Lycée Lafontaine. Il restera à ce poste jusqu'en 1970, et entre temps il obtient également un poste de professeur d'une classe de solfège (1956), puis de contrepoint et fugue (1961) au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où il restera jusqu'en en 1985. Parallèlement, il assure de nombreuses masterclasses tant en en France, dans les principaux conservatoires et à l'Université musicale japonaise de Poitiers (dirigée par le Professeur Tomojiro Ikénouchi), qu'à l'étranger : en Belgique, à Braine-l'Alleud, Mons et Charleroi, au Luxembourg, en Suisse : aux conservatoires de Lausanne et de Genève. Chez les Helvètes, il enseigne également à l'Institut de musicologie de l'université de Genève, dirigée par Jean-Jacques Eigeldinger, au Conservatoire cantonal du Valais à Sion (directeur : Oscar Lagger, ancien élève et ami) et à celui de La-Chaux-de-Fonds (dir. : Cyril Squire). Toujours à l'écoute des jeunes musiciens en herbe, il écrit à leur intention un Précis d'harmonie tonale (1956, Leduc), internationalement connu, non pas sous la forme d'un traité, mais d'un manuel pratique, d'un aide-mémoire aidant à l'étude de cette science sous la forme d'un abrégé des connaissances théoriques et indispensables.

Au cours de la seconde moitié de sa carrière, Marcel Bitsch entretient des rapports privilégiés avec le Japon. En effet, parmi ses nombreux étudiants japonais venus poursuivre leurs études en France, plusieurs devenus des amis vont solliciter sa collaboration pour divers travaux musicaux et certaines de ses œuvres seront traduites dans ce pays.

Se déclarant lui-même comme un néo-classique, cependant ne l'empêchant nullement d'apprécier à la fois Prokofiev et Messiaen, Stravinsky et Bartok, il n'aimait guère les systèmes posés "a priori", "Oh, vous savez, je n'ai jamais été touché par la grâce dodécaphonique !" se plaisait-il à dire en esquissant un sourire. Il conservait en outre une grande admiration pour Bach, "universel" à son point de vue, et estimait aussi Schumann, "une de mes plus grandes admirations", qu'il préférait à la plupart des compositeurs romantiques, "sa musique étant farcie de contrepoint et de choses solides". La musique de chambre l'attirait plus particulièrement et son style, très subtil et transparent, se situait dans la grande tradition française. Sa Sinfonietta pour orchestre, notamment jouée le 24 janvier 1955 par l'Orchestre de Radio Strasbourg dirigé par Paul Guillot, a fait dire à Hélène Jourdan-Morhange " Voilà un musicien qui ne se pose pas de questions! La musique vient à lui sans passer par les chemins épineux des chromatiques! S'il fallait lui octroyer un parrain nous n'hésiterions pas à désigner Prokofiev. Il en a la gaieté, la sincérité et, ma foi! La science orchestrale" et Claude Chamfray d'ajouter, à propos de son 2e Concerto pour piano exécuté le 6 août 1954 par l'Orchestre de Radio-Luxembourg placé sous la direction de Henri Massis : "Il y a de la distinction dans la palette de Marcel Bistch".

Le corpus de Marcel Bitsch (voir son catalogue) comporte des pièces pour orchestre et concertantes, de la musique pour un instrument, de la musique de chambre et des œuvres vocales, ainsi qu'un grand nombre d'ouvrages pédagogiques et de morceaux de concours pour le CNSMP. En outre, ses éditions analytiques d'œuvres de Bach font autorité. Son orchestration de l'Art de la Fugue BWV 1080, en collaboration avec Claude Pascal, enregistré en 1966 pour le Club français du disque par l'Orchestre de Chambre de la Sarre, dirigé par Karl Ristenpart (réédition en 2000 : coffret 6 CD, Accord 465893-2) est récompensée en 1967 par le Grand prix de l'Académie du disque français. Plus récemment, en 2001 ont été créés Les Plaisirs de Sully, d'après les Variations Goldberg de Bach, oeuvre composée spécialement pour le Festival de Sully à la demande de l'Octuor de France et, les 25 et 28 juillet 2002, cette même formation a donné les Variations Goldberg de Bach (pour 2 violons, alto, violoncelle, contrebasse, clarinette, basson et cor) dans l'instrumentation de Marcel Bitsch.

Habile musicien, doublé d'un parfait humaniste - passionné par les langues vivantes et la littérature, il parlait et lisait parfaitement l'Allemand et l'Italien -, Marcel Bitsch était en outre un homme discret, modeste et d'une grande gentillesse. Il est décédé dans sa 90e année, le 21 septembre 2011, dans une maison de retraite médicalisée du 5e arrondissement parisien où sa santé défaillante l'avait obligé à se retirer depuis plusieurs années. Dans cet établissement, il continuait néanmoins à poursuivre très régulièrement des travaux d'analyse musicale, qui constituaient pour lui une des raisons essentielles d'exister. Il avait en effet conservé jusqu'à ses derniers jours, une vivacité d'esprit et une mémoire exceptionnelles. Il avait déclaré un jour, parlant de Raymond Loucheur "L'originalité de son talent musical n'avait d'égale que sa grande générosité." Nul doute que ce jugement si pertinent peut s'appliquer également à son auteur!

Denis Havard de la Montagne 1

Extrait d'une lettre de Marcel Bitsch: ses professeurs.
Extrait lettre autographe signée de Marcel Bitsch à Denis Havard de la Montagne, 6 février 2001.
( © D.H.M. ) DR
1) Nos vifs remerciements à Michel Baron, pour sa collaboration, à Mme Hélène Bitsch (fille du compositeur) et à M. Jacques Bitsch (frère du compositeur) pour nous avoir ouvert leurs archives familiales, ainsi qu'à Mme Edith Lejet et Odette Gartenlaub pour leur apport. [ Retour ]

Sur une autre page : Marcel Bitsch : Entretien - Presse - Photos - Catalogue
Photo des classes de contrepoint et fugue de Marcel Bitsch en 1962-1964

Fichier MP3 Marcel Bitsch : Sonatine (composée en 1955)
par le Quintette à vent de l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Extrait du 1er mouvement.
Extrait du 2e mouvement.
Extrait du 3e mouvement.



Concert-hommage à Marcel Bitsch Concert-hommage Marcel Bitsch, 15 mars 2012



Gérard CALVI (1922-2015) (Grégoire KRETTLY)
Gérard Calvi
Gérard Calvi
( Photo X... ) DR


Qui ne connaît pas l'indicatif de France-Info avec ses dix notes permettant d'identifier immédiatement cette chaîne d'informations ? Le père de cette mélodie en fa majeur (si bémol la do / do fa sol la si bémol la fa), reconnaissable entre toutes et présente depuis l'ouverture de la station en 1987 (réorchestré en juillet 2014), n'est autre que Gérard Calvi, 1er Second Grand Prix de Rome en 1945, chef d'orchestre et compositeur prolifique. Ancien président du Comité national de la musique à l'UNESCO, de la SACEM à plusieurs reprises entre 1978 et 1996, en alternance avec Pierre Delanoé, de l'Académie Nationale de l'Opérette (ANAO) et président de l'Académie Jean-Sébastien Bach, ce musicien, décédé à Paris le 20 février 2015 dans sa quatre-vingt-treizième année, avait mis toute sa science musicale « au service de la fantaisie », ainsi que le déclarait au moment de sa disparition le chef d'orchestre et alors président de la SACEM Laurent Petitgirard. Il est en effet connu comme compositeur de chansons et de musiques de films, parmi lesquelles la chanson Le prisonnier de la tour pour Edith Piaf, les films Le Viager de Pierre Tchernia (1972), Vos gueules les Mouettes de Robert Dhéry (1974) et le dessin animé Les douze travaux d'Astérix (1976)... Son catalogue comporte plus d'une centaine de musiques de films pour le cinéma ou la télévision, des pages pour le théâtre et environ 300 chansons écrites pour, entre autres chanteurs et chanteuses, Charles Trénet, Frank Sinatra, Liza Minelli et Trini Lopez (One of those song), Charles Aznavour (Amour de Saint-Tropez), Patachou (Java des repentis, 1959). Le bal chez Mme de Mortemouille, composée à l'origine pour un spectacle de Robert Dhéry, rencontra un vif succès à Broadway, fut reprise dans une version anglaise par plusieurs vedettes, parmi lesquelles Franck Sinatra et The Ray Charles Singers (1956) et remporta le Grand Prix du disque 1958. Il avait débuté en 1948 avec la joyeuse troupe des Branquignols, dont il est à l'origine avec Robert et Colette Dhéry ! C'est lui encore qui avait composé le générique de Monsieur Cinéma, célèbre émission de Pierre Tchernia dans la télévision des années 1960-1970. Mais, à l'aise dans tous les styles, le classique sera également abordé avec bonheur. Passionné par le jazz (Sidney Bechet, Duke Elington qu'il fréquenta), par le blues, par la chanson, par la musique d'avant-garde, par l'opérette, par le théâtre, admirateur de Fauré, Poulenc, Honegger, il ne s'était fixé aucune limite dans la musique et c'est ainsi qu'il dressa des ponts entre tous les genres.  
 
Gérard Calvi, couverture et premières mesures de la chanson Le Prisonnier de la tour, paroles de Francis Blanche (éditions Raoul Breton, Paris, 1948), chantée par Edith Piaf et Les Compagnons de la chanson
( coll. DHM )


Les Branquignols (disque 45 tours Vogue, EPL. 7728), Gérard Calvi au piano avec Robert Dhéry et Colette Brosset.
La Polka des lampions, opérette de Marcel Achard (disque Vogue, EPL. 7969), Gérard Calvi et Marcel Achard.
La Grosse valse, comédie musicale de Robert Dhéry (disque Vogue, LD. 593-30), de g. à dr. : Jacques Legras, Liliane Montevecchi, Gérard Calvi, Colette Brosset, Louis de Funès, Robert Dhéry, Grosso et Modo.
Astérix le Gaulois, dessin animé de Goscinny et Uderzo (disque Vogue, EPL. 8596)

Grégoire-Elie Krettly, qui prendra pour pseudonyme en 1942 le nom de Gérard Calvi, est né le 26 juillet 1922 dans le quatorzième arrondissement parisien. Sa famille (olim Krättly), connue depuis le XVIIe siècle, est originaire de Suisse et plus précisément de la commune d'Untervarz située dans les Grisons. Deux de ses membres, les frères Christian et Jacob Krettly (1696-1763) s'établirent en France au début du siècle suivant pour entrer dans les Gardes Suisses, le second comme tambour dans la Compagnie du baron de Travers où on le trouve dans les années 1730. En garnison en région parisienne, à Saint-Denis puis à Versailles, celui-ci fit souche et deux de ses enfants entrèrent à leur tour dans ce régiment : Louis (1727-1792), dans la Compagnie de M. de Planta, puis dans celles du baron de Travers et de Dumont, et Rodolphe (1732-?), musicien (tambour) du roi aux Gardes Suisses. En garnison à Versailles, ce dernier fut le parrain de Rodolphe Kreutzer (1766-1831), violoniste considéré comme l'un des fondateurs de l'école française de violon1. Son fils Elie Krettly (1775-1840), lieutenant et trompette major des chasseurs à cheval de la Garde impériale a laissé un livre de souvenirs qui a été édité en 18392 et un autre de ses fils, Jean-François Krettly (1767-1796), fut l'un des premiers professeur de piano au Conservatoire de Paris dès sa formation en 1795.3 La branche de Grégoire Krettly est issue de Louis, avec son fils Jean-Louis II Krettly (1767-1807), qui s'installa à Paris et se livra au commerce d'épicerie4, tout comme le feront ses descendants sur trois générations. C'est avec les enfants d'Eugène Krettly, arrière-petit-fils de Jean-Louis II et grand-père de Gérard Calvi, que la musique revient à l'honneur avec quatre enfants, tous lauréats du Conservatoire de Paris :

- Robert Krettly, 1er prix de violon 1909 (classe d'Alfred Brun).

- Odette Krettly (future Mme Masson), 1er prix de violoncelle 1912 (classe de Célestin Cros-Saint-Ange). Elle sera l'un des professeurs de Pierre Fournier.

- Pierre Krettly, 1er prix de flûte 1919 (classe de Léopold Lafleurance), flûtiste des Concerts Colonne.

- Jeannine Krettly (future Mme Eugène Pères), 1er prix de piano 1918 (classe d'Isidor Philipp).

Robert (1891-1956) fit une brillante carrière de violoniste. Violoniste des Concerts Pasdeloup dès son 1er prix de violon obtenu, violoniste solo de l'Orchestre de la Radio à partir de 1920, il avait fondé en 1918 le « Quatuor Krettly » qui perdura durant une trentaine d'années5. Assurant la partie de 1er violon, celle de second violon était tenue par Jean Godard, puis René Costard, Max Bigot et Henri Mazioux (1944), celle d'alto par Georges Taine, puis François Broos dans les années trente et lorsque celui-ci retourna en Belgique, son pays d'origine, il fut à son tour remplacé par Quattrocchi puis par Roger Metehen (1944). Quant à la partie de violoncelle, elle est successivement assurée par Jacques Patte, Pierre Fournier (1923-1928), André Navarra (1928-1935), Jules Lemaire (1944) et enfin Jacques Neilz. Avec cette formation, durant ces années d'avant-guerre, il contribua largement à la diffusion de la musique moderne française dont il était un ardent propagandiste. C'est à ce quatuor que l'on doit, entre autres créations, celle du Quatuor n° 3 de Charles Koechlin, ainsi que les premiers enregistrements en 1928 pour le label Columbia des 3 Pièces pour quatuor à cordes, W. 25, de Stravinski (disque D-15182), du Quatuor à cordes d'Honegger (3 disques, D.13049-13051) et de celui en mi mineur, op. 121, de Fauré (3 disques, D.15218-15220), que Robert Kretlly avait par ailleurs créé le 12 juin 1925 à Société Nationale de Musique, en compagnie de Jacques Thibaud (violon), Maurice Vieux (alto) et André Hekking (violoncelle). On lui doit aussi la création en 1923 du Trio pour piano, violon et violoncelle en ré mineur, op. 210, du même compositeur, le 12 mai à la Société Nationale de Musique, avec Tatiana de Sanzévitch (piano) et Jacques Patte (violoncelle).

Concert du 29 octobre 1931, salle Chopin à Paris, par le Quatuor Krettly
( coll. DHM ) DR

Il n'est guère étonnant que Gérard Calvi, baignant ainsi dans la musique aux côtés de son père, son oncle et ses tantes, montre très tôt des dispositions pour cet art. En outre, sa cousine l'actrice Simone Renant6 habite au domicile familial parisien de la rue de Puteaux (17° arrondissement) le temps d'effectuer ses études de comédie au Conservatoire national d'art dramatique. A quatre ans et demi, il est capable de suivre une partition et tourne les pages de son père au piano, alors que celui-ci accompagne ses élèves de violon. Il commence par travailler le piano avec sa tante Jeannine et durant six années le violon auprès d'un professeur tchèque, avant d'entrer en 1934 au Conservatoire de Paris. Dans cet établissement, il suit les classes, de solfège de Mme Massart, de piano d'Yves Nat, de percussion de Félix Passerone, d'harmonie de Jean Gallon (1938), de fugue de Noël Gallon (1er prix en 1941) et de composition avec Henri Büsser et Tony Aubin. En outre, il étudie également l'analyse avec Olivier Messiaen, la direction d'orchestre avec Eugène Bigot et Roger Désormière, et l'électroacoustique avec Pierre Schaeffer. Dès 1943, il se présente au Concours du Prix de Rome et en 1945 reçoit le 1er Second Grand Prix avec la cantate La Farce du contrebandier, sur un livret de Guy de Téramond. L'année précédente, sa cantate Louise de la miséricorde, sur un texte de Charles Clerc n'avait pas été récompensée. Tony Aubin, qui avait déjà repéré la valeur de son auteur, écrivait alors dans la revue Comoedia (8 juillet 1944) : « Quant à M. Grégoire Krettly les promesses de sa nature musicale nous sont depuis longtemps connues. Le temps et l'expérience sauront les réaliser. Le trio, l'air final de Louise sont d'un sentiment plein d'émotion et d'une justesse d'expression qui témoignent d'une nature charmante. » En 1946, puis en 1947, il tentera vainement de décrocher le Premier Grand Prix, respectivement avec les cantates Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux et Et la Belle se réveilla de Paul Arosa.

En 1941, Gérard Calvi, alors élève du Conservatoire, en compagnie d'autres étudiants, le violoniste Michel Tagrine (1920-1944) et le chef d'orchestre Pierre Ménet, participe à la création du « Front National des Etudiants du Conservatoire », section de résistants du « Front National des Etudiants ». Claude Delvincourt, directeur à cette époque de l'établissement fondera bientôt l'Orchestre des Cadets avec une chorale dans le but de permettre aux étudiants d'échapper au STO. Gérard Calvi, aimait à rappeler7 que lors d'un concert de cet ensemble, sous la direction de Pierre-Michel Le Conte, il chantait dans la Messe en si de Bach à côté de Gérard Philippe, qui faisait aussi partie de la chorale de l'Orchestre, tout comme Serge Reggiani. Après la Libération, il s'engage pour quelque temps dans la 2e Division blindée du général Leclerc, où il est affecté dans la Musique et participe à la campagne d'Alsace.

Parallèlement à ses études au Conservatoire de musique et ses activités au sein de la Résistance, afin de gagner sa vie, Gérard Calvi joue du piano dans des piano-bars, notamment dans celui du Rond-Point des Champs-Elysées. C'est d'ailleurs dans l'un de ces établissements qu'il se lie d'amitié avec Louis de Funès, qui, lui-même au début de sa carrière exerce la même activité. Dès 1942, il s'inscrit à la Sacem, avec le pseudonyme de Gérard Calvi ; Georges Auric est son parrain. Il y dépose ses toutes premières compositions : huit chansons sur des paroles de Jacques Matti, écrites l'année précédente : Ah ! La vie m'appelle, Le Bonheur, Il ne faut pas rire, Je voudrais vous dire, Moi, je danse, Mon chant, Y a de la danse ! et C'est un jeu de vous aimer (Fox-trot), interprété par le chanteur Hubert Guidoni. A cette même époque, il fréquente également la classe de théâtre de Béatrix Dussane en tant qu'auditeur libre. Il a été en effet initié à la comédie théâtrale par sa cousine, Simone Renant : au cours de son séjour chez les Calvi, lorsqu'elle travaillait ses scènes c'est le jeune Georges, âgé d'une dizaine d'années, qui lui donnait la réplique.

En 1943, il signe sa première musique pour un court-métrage : Le retour des revenants de Jacques Matti, en 1946 celle pour le théâtre avec la comédie-ballet sur les animaux Eux et Nous de Charles Goarem, montée, dans une mise en scène du comédien Jean-Jacques Bourgeois le 14 octobre au Théâtre du Nouveau Lancry et jouée par Michel Gudin et Denise Bosc, et en 1948, pour son premier long métrage : Tabusse de Jean Gehret, avec l'acteur Henri Rellys.

Dans la classe du Conservatoire national d'art dramatique il fait la connaissance de Robert Dhéry et Colette Brosset. Devenus amis, tous trois fondent la joyeuse troupe des Branquignols, lui comme pianiste, chef d'orchestre, auteur et tenant même parfois quelques petits rôles, dans lesquels il peut exprimer son goût pour le burlesque et son sens du gag musical. Le 21 avril 1948 la comédie du même nom est montée au Théâtre La Bruyère de Georges Herbert. Il y dirige un quatuor de cow-boys et une marche qui est l'air des Branquignols. Dès ses débuts, cette bouffonnerie obtient un vif succès, au point qu'elle est donnée mille fois de suite : Annette Poivre et Raymond Bussières jouent les rôles principaux, repris ensuite par Robert Dhéry et sa femme Colette Brosset, Micheline Dax et Robert Destain ceux des chanteurs ringards. Les spectacles suivants réalisés par Robert Dhéry pour lesquels Gérard Calvi compose la musique, obtiennent un succès identique : Du-Gu-Du (Théâtre la Bruyère, 1951), Bouboute et Sélection, avec notamment Louis de Funès (Théâtre Vernet, 1952), Pommes à l'anglaise (Théâtre de Paris, 1952), La Plume de ma tante, qui triomphe à Paris et à Londres et remporte le Tony Award de la meilleure comédie musicale (New York, 1959), ainsi que les films La Patronne, dans lequel il interprète le rôle du chef d'orchestre et Jean Carmet celui du Brigadier (1949) et Bertrand, cœur de lion, dans lequel il joue Hans (1950). Amené par Gérard Calvi, Francis Blanche intégre cette troupe et devient son parolier pour quelques chansons ; la plus connue étant Le Prisonnier de la tour chantée par Edith Piaf et Les Compagnons de la chanson (1948, éd. Raoul Breton), avec Sur la plage, interprétée par Claude Goaty, qui est le succès de l'été 1958. Pour l'enregistrement du Complexe de la Truite, sketch désopilant de l’humoriste sur une musique de Schubert, c'est Calvi qui tient le piano (Vogue LD 320). Celui-ci travaille également avec d'autres réalisateurs, parmi lesquels Pierre Courau : Du pied, court métrage avec Nadine Basile et Jacqueline Maillan (1949), Christian-Jaque : Barbe-Bleue avec Pierre Brasseur (1951), Marc Allégret : La Demoiselle et son revenant avec Robert Dhéry (1951), Claude Barma : Le Dindon avec Louis de Funès, Jacqueline Allari et Jacques Charon (1951), Gilles Grangier : Faites-moi confiance avec Zappy Max, Francis Blanche et Louis de Funès (1953), Christian Stengel : Mourez, nous ferons le reste avec Roger Nicolas, Magali Noël et Noël Roquevert (1953), Jean Loubignac : Ah ! Les belles bacchantes avec Louis de Funès et Robert Dhéry (1954), dans lequel il joue aussi le chef d'orchestre et le pianiste...

Sa collaboration avec le cinéma et la télévision va durer durant plus d'un demi-siècle et dans son catalogue musical on relève un grand nombre de films à succès, entre autres : La famille Fenouillard d'Yves Robert (avec Jean Richard, 1960), La belle américaine de Robert Dhéry et Pierre Tchernia (avec Robert Dhéry, 1961), La Tulipe noire de Christian-Jaque (avec Alain Delon, 1963), Carambolages de Marcel Bluwal (avec Jean-Claude Brialy, Sophie Daumier, Louis de Funès et Michel Serrault, 1963), Le Saint prend l'affût de Christian-Jaque (avec Jean Marais, 1966), Astérix le Gaulois (dessin animé, 1967), Le Petit baigneur de Robert Dhéry (avec Louis de Funès, 1967), Astérix et Cléopâtre (dessin animé, 1968), Le Viager de Pierre Tchernia (avec Michel Serrault, 1971), Bons baisers, à lundi de Michel Audiard (avec Bernard Blier, 1974), Vos gueules les mouettes de Robert Dhéry (avec Colette Brosset et Pierre Mondy, 1974), C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule de Jacques Besnard (avec Bernard Blier, Michel Serrault et Jean Lefebvre, 1974), Les douze travaux d'Astérix (dessin animé, 1976), La nouvelle malle des Indes de Christian-Jaque (série télé, 1982), Bonjour l'angoisse de Pierre Tchernia (avec Michel Serrault et Guy Marchand, 1988), La révolution des crabes d'Arthur de Pins (court-métrage d'animation, 2004).

En 1959, Jack Pinoteau, réalisateur du long-métrage Robinson et le triporteur avec Darry Cowl, écrit à propos Gérard Calvi, auteur de la bande sonore de son film : « L'humour de sa musique, son ironie aux accents cocasses et burlesques, les rythmes goguenards, souvent époustouflants, de son orchestration ont merveilleusement mis en valeur les images coloriées des dernières aventures d'Antoine (Darry Cowl). » [in préface du disque vinyle 45 tours,Vogue EPL 7.724]

La comédie musicale, l'opéra bouffe et l'opérette vont être également abordés par Gérard Calvi : La Polka des lampions, 2 actes, Marcel Achard (1960), donnée au Théâtre du Châtelet en 1961 avec Georges Guétary et Jean Richard (disque Pathé, 33 ATX 139) et qui fera dire à l'écrivain que Calvi avait « le bécarre hilarant », La Grosse valse, Robert Dhéry (création le 13 octobre 1962 à Paris, Théâtre des Variétés, avec Louis de Funès), Vos gueules les mouettes, Robert Dhéry (Théâtre des Variétés, 7 avril 1971, version cinématographique ultérieure), Le Tableau, livret d'Eugène Ionesco (création le 15 septembre 1975 à Paris, au Nouveau Carré Sylvia Montfort, avec Michel Roux, mise en scène de Jacques Mauclair), Le Tour du monde en 80 jours, Jean Marsan (1975), Trafalgar, René Goscinny et Jacques Mareuil (création le 6 avril 1976 au Théâtre Romain Rolland de Villejuif, avec Gérard Friedmann), Le petit-fils du Cheik, Robert Dhéry, Colette Brosset (création le 16 novembre 1977 à Paris, Théâtre des Bouffes-parisiens), Un Amour de femme, Jean Meyer (création le 14 décembre 1982 au Théâtre des Célestins de Lyon), La Mélodie des strapontins, Pierre Tchernia et Jacques Mareuil (création le 4 octobre 1984 au Théâtre Graslin de Nantes, avec Jean-Paul Farré), Les Innocentines, René de Obaldia (Théâtre de la Potinière à Paris, 1993). La musique pour le théâtre est aussi approchée : Le Capitaine Fanfaron, Bernard Zimmer, d'après Plaute (Paris, Théâtre des Mathurins, mise en scène de Henri Soubeyran, 1957), Sur le chemin du forum, Burt Shevelove et Larry Gelbert, d'après Plaute (création le 17 octobre 1964 à Paris, Théâtre du Palais-Royal, avec Pierre Mondy, musique en collaboration avec Stephen Sondheim), La terre est ronde, Armand Salacrou (création en 1970 à Villejuif, Théâtre Romain Roland), La Débauche, Marcel Achard (création le 16 février 1973 à Paris, Théâtre de l'Oeuvre, mise en scène de Jean Le Poulain), L'Arnacoeur, Pierrette Bruno (création le 11 octobre 1973 à Paris, Théâtre de la Michodière, mise en scène de Pierre Mondy, avec Pierrette Bruno, Roger Carrel, Jean-Pierre Darras), Harold et Maude, Colin Higgins (création en 1975, mise en scène de Jean-Luc Tardieu, avec Denise Grey), Lucienne et le boucher, Marcel Aymé, (enregistré en 1983 pour la TV, diffusé en 1984, réalisation Pierre Tchernia, avec André Ferréol, Bernard Fresson, Michel Aumont, Danien Ceccaldi), Concours de circonstances, Pauline Daumale (création le 24 juin 1988 à Paris, Théâtre Fontaine, mise en scène Christian Bujeau), La Trilogie marseillaise, d'après Marcel Pagnol (création en juin 1991 au Printemps des comédiens de Montpellier, avec Jean-Pierre Darras, Geneviève Fontanel, Jacques Morel). A son actif, également la musique du ballet de Maurice Béjart, Le parfum de la Dame en rouge, sur un texte de Jacques Prévert (Casino d'Enghien, juin 1956, avec le Ballet de l'Etoile, Michèle Seigneuret, Tessa Beaumont et Michel Rayne).
Yves Calvi
Yves Calvi
( photo DHM ) DR

Mais, ainsi qu'il le disait lui-même en 1999, si Gérard Calvi s'est « consacré à la variété, à la musique de film […], de spectacle, plutôt qu'à la musique pure » il a cependant composé plusieurs œuvres classiques : un quatuor En hommage à Maurice Ravel pour 4 cordes (Durand), une page intitulée Le Roi cerf, pour ondes et guitare (EFM), une autre, Paghjella, pour piano, hautbois et basson (Peermusic), une Suite ludique pour piano (Choudens, 1982), 7 Simples pour flûte seule (Leduc, 1980), un concerto pour piano, dont un mouvement se joue sur un piano désaccordé, genre « bastringue », intitulé Piano-roman et écrit pour Geneviève Joy-Dutilleux qui l'a créé (retransmis à la radio, le 27 juin 1956 à 20h33), une suite pour 7 instruments : Musica dell'arte (donnée le 24 juin 1995 à Paris, Salle Cortot lors d'un concert-hommage à Georges Delerue, avec l'Ensemble Erwatung, sous la direction de Bernard Desgraupes), une Suite écossaise pour orchestre (interprétée par l'Orchestre de Radio-France), un Concerto pour trompette en ut, orchestre à cordes et percussion (Leduc, 1981), deux pièces pour orchestre à vent avec contrebasse à cordes et percussion : Can-Can et Marche Burlesque (Paris, éditions musicales de Radio-France, 1980), Une Course de toros pour orchestre d'harmonie, enregistrée en 1962 par la Musique des Gardiens de la Paix sous la direction de Désiré Dondeyne (disque 33 tours Barclay, n° 80177), des mélodies : 8 Poèmes de Raymond Queneau pour chant et piano (éditions musical du Carrousel, 1957), et un opéra, La Cantatrice chauve (1999-2001). Composé sur un livret d'Eugène Ionesco, cet opéra-comédie anglais écrit pour 6 chanteurs, un danseur et petit ensemble instrumental de 12 musiciens (4 bois, 4 cuivres, 2 percussions, un piano numérique et une contrebasse), sera mis en scène par Ruxandra Hagiu et créé le 1er décembre 2009 à l'Opéra national de Montpellier, avec Ronan Debois (Mr. Smith), Rachèle Pelletier Tremblay (Mrs Smith), Olivier Dumait (Mr. Martin) et l'orchestre conduit par Jean Samuel. Déjà malade et retiré de la vie musicale, son auteur n'avait pu assister à cette première représentation de son opéra qu'il considérait comme son chef-d'oeuvre et sur lequel il avait travaillé durant trois années. Il s’éteignait d'ailleurs quelques années plus tard.

Gérard Calvi avait épousé en premières noces la comédienne Yvette Rogivue, Yvette Dolvia de son nom d'artiste (décédée en 2014) qu'il avait connue au sein de la troupe des Branquignols, puis en 1971 l'artiste peintre Flanas de Font, Françoise Couleau (Ariel Krettly) pour l'état-civil. Il laisse deux enfants nés du premier mariage : le photographe Jean-François Calvi (1949) et le journaliste Yves Calvi (1959). Ses obsèques ont été célébrées le 27 février 2015 en l'église Saint-Roch (Paris 1er). Il était Officier de la Légion d'honneur et des Arts et des Lettres.

En guise de conclusion, citons à nouveau Laurent Petigirard : « L’étonnante multiplicité des talents de Gérard Calvi dans des domaines aussi divers que la chanson, la comédie musicale, l’opéra ou la musique de film, sans parler de son action éminente dans la défense du droit d’auteur en tant que président de la Sacem, ne doivent pas faire oublier que tout ceci reposait sur une technique imparable de musicien classique. »

Denis Havard de la Montagne

1 Son père, Jean-Jacob Kreutzer et Rodolphe Krettly étaient tous deux musiciens du roi dans le même régiment des Gardes Suisses.

2 Souvenirs historiques du Capitaine Krettly, ancien trompette-major des Guides d'Italie, d'Egypte, et des Chasseurs à cheval de la Garde impériale, par F. Grandin (Paris, Berlandier éditeur, 1839), réédités en 2011, avec une introduction d'Yves Calvi (Krettly) et des annotations de Gilbert Bodinier (Nouveau monde éditions/Fondation Napoléon). A noter qu'Yves Calvi (fils de Gérard Calvi) commet une erreur en avançant qu'Elie Krettly est l'un de ses ancêtres directs, ce dernier n'étant pour lui qu'un lointain cousin, plus excatament le cousin germain de son quintaïeul.

3 Il avait épousé le 4 novembre 1793 à Versailles, Adélaïde Besozzi (1774-1830), fille de Gaëtan Besozzi, hautboïste, « ordinaire de la musique du Roi » à Versailles, et tante de Louis Besozzi (1814-1879), 1er Grand Prix de Rome en 1837 devant Gounod, professeur de solfège au Conservatoire de Paris (1831) et successeur de Saint-Saëns dans la classe de piano de l'Ecole Niedermeyer (octobre 1865).

4 Jean-Louis I Krettly (né en 1751), autre fils de Louis, avant la Révolution était « musicien ordinaire du roi » à Paris. Un petit-fils de Louis, Louis-Victor (né en 1808), apprenti marin dans la 4e Compagnie, 16e équipage de ligne, faisant fonction de quartier maître écrivain, périt en mer le 20 octobre 1827 à bord de la frégate du roi La Sirène, commandée par le Capitaine de vaisseau R. Robert, lors de la bataille de Navarin dans le Péloponnèse. C'était durant l'expédition de Mosée au cours de laquelle les flottes russe, française et britannique détruisirent la flotte turco-égyptienne.

5 La presse de l'époque nous apprend qu'un premier « Quatuor Krettly » existait déjà en 1909 : le 22 décembre, il se produit à Paris au Théâtre Shakespeare (salle Fémina) dans la musique de scène du Conte d'hiver de Shakespeare, comédie féérique en 5 actes. (Comoedia, 22.12.1909 et Gil Blas, id.)

6 Georgette Buigny, Simone Renant pour la scène, née le 19 novembre 1911 à Amiens (Somme), décédée le 24 mars 2004 à Garches (Hauts-de-Seine), était une nièce de la mère de Georges Calvi, née Nelly Zeude (1894-1978). Elle épousera le réalisateur et scénariste Christian-Jaque, puis le producteur de cinéma Alexandre Mnouchkine.

7 In Cahiers Boëllmann-Gigout, n° 4-5, 1999-2000, pp. 97-102.

Charles JAY (1911–1988)

Charles Jay
Charles Jay
( archives de la Fédération Musicale de la Somme, avec l'aimable autorisation de M. Claude Lepagnez )

Membre du jury du CNSM, membre du Comité régional des Affaires culturelles de Picardie, au titre de l’enseignement musical, chevalier de la Légion d’honneur (1966), chevalier des Arts et des Lettres (1969), professeur d’analyse, d’écriture, d’orchestre et d’ensemble vocal, Charles Jay a voué la plus grande partie de sa vie à l’enseignement, principalement au Conservatoire d’Amiens, qu’il a dirigé durant plus de trente ans. Cet homme simple, généreux et dévoué s’est ainsi attaché à faire découvrir à un grand nombre d’enfants et d’adolescents les joies et les bienfaits de la musique. C’était son sacerdoce! Il l’enseignait officiellement, mais en outre il poursuivait son action dans le monde des amateurs, en dirigeant notamment l’orchestre de l’Association des Concerts du Conservatoire d’Amiens (1949 à 1958) et l’Harmonie Municipale (1951 à 1980). Son importante activité dans ce domaine lui vaudra plus tard d’être appelé à la présidence de la Fédération Musicale de la Somme, puis de fonder en 1967 l’Union Régionale des Fédérations Musicales de Picardie, regroupant plus de 3000 musiciens répartis dans une centaine de Sociétés. En tant que président de cette Union, il siégea longtemps au Conseil d’administration de la Confédération Musicale de France.

Le père de Charles descendait d’une famille de Saint-Martin de Belleville, en Savoie. Quelques années avant la Grande Guerre il épousait une flamande et s’installait à Anvers. Orphelin très jeune, il avait été placé en 1890 dans un orphelinat à Soissons (Saint-Félix), où il apprit à jouer du piston et dirigeait un petit orchestre d’amateurs. C’est assurément lui qui donna le goût de la musique à son fils Charles. D’ailleurs, celui-ci conservera toute sa vie une certaine prédilection pour les orchestres d’harmonie. Né le 29 mai 1911 à Anvers, Charles effectue ses études secondaires dans sa ville natale, patrie de Van Dyck, et débute ses études musicales au Conservatoire. Après avoir obtenu les Premiers Prix de piano, musique de chambre, direction d’orchestre et histoire de la musique, il vient se perfectionner à Paris, au Conservatoire de la rue de Madrid. Dans cet établissement, il fréquente les classes d’écriture de Noël Gallon et de composition d’Henri Büsser, et remporte les Premiers Prix d’harmonie, de contrepoint et de fugue. Mais la guerre interrompt ses études et l’empêche de se présenter au Concours de Rome : prisonnier de guerre le 17 juin 1940, après avoir effectué la campagne 1939-1940 au 101ème Régiment d’Infanterie, il est libéré comme " sanitaire " le 6 août 1941. A son retour de captivité, Charles Jay reprend quelque temps ses cours de musique et se présente en 1945 au Concours de Rome. La cantate La Farce du contrebandier, sur un texte de Guy de Téramond, lui vaut un deuxième Second Grand Prix. Cette même année, au cours de l’été, est créée à la cathédrale de Reims, lors de la célébration du retour des prisonniers et des déportés, la Missa Jubilantis qu’il a écrite en 1944. Cette Messe, qualifiée par certains de " monumentale", qui fait appel à un chœur d’enfant, à un important orchestre avec trompettes, trombones et orgue, a été redonnée le 18 septembre 1998 à la cathédrale d’Amiens pour le 10e anniversaire de la mort de son auteur.

Entre 1944 et 1949, Charles Jay parcourt la France, et parfois l’étranger, comme chef d’orchestre, se plaisant a organiser des séances éducatives de musique de chambre et ensembles vocaux.

En 1948, après le décès de Pierre Camus, survenu le 1er juin, la direction de l’Ecole municipale de musique d’Amiens, fondée en 1881, se trouvait vacante. Un concours fut organisé et c’est Charles Jay qui l’emporta. Par arrêté municipal du 26 juin 1949, il était nommé directeur de cet établissement, où, non seulement il s’acquitta avec beaucoup de soins des tâches que ses fonctions réclamaient, mais il enseigna aussi l’analyse, l’écriture (harmonie, contrepoint, fugue), ainsi que la direction d’orchestre et assura les cours d’ensemble vocal. En 1980, Charles Jay prenait sa retraite, laissant sa place de directeur à Louis Lantoine, qui dix années plus tard à son tour passera le flambeau à Alain Voirpy. C’est notamment grâce à l’action intense de Charles Jay pour le développement de l’enseignement de la musique qu’il porta à un haut niveau, que l’Ecole de musique d’Amiens fut érigée plus tard en Conservatoire National de Région. Celui-ci d’ailleurs est actuellement le seul en France à proposer aux musiciens amateurs une dizaine de formations internes, parmi lesquelles deux orchestres d’harmonie et plusieurs big bands.

Parmi les nombreuses initiatives prises par Charles Jay pour améliorer la diffusion de la musique, il faut citer l’organisation de concours itinérants dans le département de la Somme, l’installation de cours de solfège et d’instruments au sein des Fédérations Musicales de Picardie, dans le but de renforcer le recrutement, et la participation des meilleurs éléments des orchestres d’harmonie aux Concours d’Honneur annuels qui se tiennent dans les locaux du Conservatoire d’Amiens.

Charles Jay, bien que très occupé par ses activités pédagogiques et par l’animation de la vie artistique amiénoise n’abandonna jamais pour autant la composition. Son catalogue, s’il n’est pas volumineux, est cependant de qualité! Ses pages sont écrites avec soin, dans un langage moderne, n’excluant pas une connaissance profonde des formes des musiciens qui l’ont précédé.

I) musique instrumentale : Scherzo fantasque (poème symphonique), Esquisses symphoniques, Les oiseaux, Le rêve de Sophie, Burlesque pour saxophone, harpe et orchestre.

II) musique pour orchestre d’harmonie : Suite médiévale, Messe " Lumière et Joie " (1971), Exaltation " Hommage à Jules Verne " (1985), Suite médiévale, Suite pour orchestre d’harmonie (Fanfare pour une fête, Chant élégiaque, Carillon), S’allume ma mémoire (1987).

III) musique de chambre et morceaux de concours (édités chez Lemoine, sauf indications contraires) : pièces pour violon et piano : Sonate, saxophone alto et piano : Andante, aria et scherzetto, Complainte et ronde; pour clarinette et piano : Andante et minuetto, Romance et Sicilienne, Trois Pièces brèves pour clarinette seule (Choudens); pour hautbois et piano : Cantilène; pour trompette : Andante et allegretto, Thème, variation et final; pour piano : Chanson du Marin; pour harpe : Divertissement (Leduc); pour flûte : Trois Duos pour flûtes traversières ou flûtes à bec (Combre) et une Suite pour trio à cordes.

IV) musique vocale : Cantate pour une fête (chœurs et orchestre d’harmonie), Choral (id.), "Heureux ceux qui sont morts " pour chœurs et orchestre (Charles Péguy), Missa Jubilantis pour chœurs mixtes, chœurs d’enfants, orchestre et orgue, des chœurs a cappella et plusieurs motets.

V) musique théâtrale : Icare (scène lyrique), La farce du contrebandier (opéra-bouffe en un acte), Les Oiseaux (ballet en un acte), Le rêve de Sophie (ballet en un acte et trois tableaux), musique de scène pour : L’étang vert (Charles Merlet) et La part du diable (Yves Denis).

En tant que pédagogue, Charles Jay a également beaucoup écrit pour l’enseignement de la musique, notamment une vingtaine de volumes de Leçons de solfège à 1, 2, 3, 5 ou 7 clés, avec ou sans accompagnement de piano, édités chez Lemoine à Paris, une Théorie de la musique (Schott) et plusieurs recueils de pièces polyphoniques pour les jeunes intitulés : Plaisirs du piano (Schott).

Le 11 septembre 1988 à Amiens, Charles Jay s’est éteint. Quelques années plus tard, lors du dixième anniversaire de sa mort, Maurice Adam, président de la Confédération Musicale de France, déclarait : " Le meilleur hommage que l’on puisse rendre au regretté Charles Jay est de perpétuer son souvenir, ses grands principes et de poursuivre dans la même voie : fidélité, sagesse, amitié ". Un ultime hommage lui fut rendu le 25 avril 1999 en l’église Saint-Roch d’Amiens. Ce jour là furent interprétées, devant un public nombreux, sa Messe de Lumière et Joie et son Exaltation, en même temps que d’autres œuvres d’auteurs contemporains : Final de la 3e Symphonie de Malher, Elégie et intermezzo de la 4e Symphonie d’Alfred Reed, 2ème mouvement de la 1ère Symphonie " Le Seigneur des anneaux " de Jan Meiji, et la cantate Supplique et Réminiscence écrite par deux anciens élèves de Charles Jay : Claude Lepagnez (livret) et Rodolphe Pierrepont (musique)...

Denis Havard de la Montagne


1946

PIERRE-PETIT (1922-2000) (page spécifique)

Robert LANNOY
Robert Lannoy
( photo : site de l'Association Robert Lannoy )
Robert LANNOY (1915-1979)

Né le 18 juin 1915 à St Amand les Eaux dans le nord de la France, d’une famille de carillonneurs, Robert Lannoy est très vite initié par son père à la grande tradition amandinoise de l’art campanaire1 avant d’entamer des études musicales au Conservatoire de Valenciennes. C’est là que, sous l’autorité de maître Fernand Lamy, il se lance dans l’étude de l’harmonie, du violon, et du basson. Rapidement admis au Conservatoire de Paris, il obtient les récompenses suprêmes dans les classes d’écriture. Il est logiste pour le Prix de Rome2 lorsque la guerre éclate en 1939. Pendant ses études au Conservatoire, il est également soldat-musicien au 5ème régiment d’infanterie de Courbevoie.

Fait prisonnier, Robert LANNOY le restera pendant 5 ans malgré de nombreuses évasions qui lui font « visiter » les pays d’Europe Centrale et Septentrionale. Envoyé en Tchécoslovaquie, il s’évade une première fois. Repris à Bayreuth, pour avoir voulu visiter la ville de Wagner, il est expédié en Ukraine au camp disciplinaire de Rawa-Ruska. En 1942, une nouvelle tentative lui vaut d’être interné à la citadelle de Lemberg. Envoyé en Autriche en 1943, il est nommé « Kapellmeister » au stalag XVII B. Il organise dans les camps des orchestres, des chorales, et compose le ballet-mime « Pygmalion », joué en Pologne par les prisonniers. Ces péripéties seront honorées par la médaille de Combattant de la Résistance, la médaille d’Interné Résistant, la médaille des Evadés.

Libéré par les Américains, il revient à Paris en 1945. Il écrit à la demande des services d’information de l’armée américaine, la musique d’un film documentaire intitulé « le Retour » racontant la libération de l’Europe, film réalisé par Henri Cartier-Bresson. Il compose pour la radio la « légende des pays alliés » de Louise de Vilmorin, à la demande d’Henri Dutilleux. De nouveau, il concourt pour le Prix de Rome en 1946 et obtient un Premier Second Grand Prix3 qui lui permet d’être « dispensé » du séjour à la Villa Médicis et de prendre immédiatement en main la direction du Conservatoire de Lille. C’est à cette période qu’il épouse la pianiste Lola Delwarde qui mène de son coté une brillante carrière de concertiste.

Aux Concerts Populaires lillois devenus Société des Concerts du Conservatoire, il dirige de nombreux concerts symphoniques et fait découvrir la musique à toute une génération d’étudiants lillois, notamment dans le cadre des « jeunesses musicales de France » dont il est le délégué régional. De nombreux artistes de renommée internationale sont invités à se produire sous sa direction : Jean Doyen, Kirsten Flagstadt4, Jacques Thibaud... La liste est longue. Malgré les tâches multiples imposées par ses fonctions de directeur et de chef d’orchestre5, Robert Lannoy continue de composer, comme peuvent en témoigner la richesse et la diversité de ses oeuvres : « Lamento Ukrainien », « le Roman de la Rose », « Rapsodie Flamande »... et notamment « Les Prophéties6 ».

Infatigable, Robert Lannoy se dépense sans compter pour que chacun trouve sa place dans son conservatoire et puisse s’épanouir par l’apprentissage de la musique7, créant de nouvelles structures pour développer les activités musicales : orchestre des cadets, centre de formation pédagogique, orchestre de chambre...

Jusqu’en juin 1979, date de sa mort, Robert Lannoy n’aura cessé de concilier remarquablement son talent pour la musique et son idéal pédagogique.

Association Robert Lannoy

Catalogue des œuvres de Robert Lannoy

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1) Robert Lannoy est l'auteur notamment d'un Ballet des Petits Canards (1955), toujours joué à travers le monde lors de récitals de carillon : 23 juin 1999, Muelder International Summer (Milford Myhre) ; 17 juin 2000, Hollande, Boudewijn Zwart ; 14 juillet 2000, Naperville Millenium Carillon Concert (Christine Laugie)... [La présente note, ainsi que les suivantes sont de la rédaction de Musica et Memoria] [ Retour ]

2) C'est en 1938 que Robert Lannoy se présente vainement pour la première fois au Concours de Rome. [ Retour ]

3) Le sujet de la cantate imposée cette année là est la pièce de Marivaux, Le jeu de l'Amour et du Hasard. [ Retour ]

4) C'est le 28 octobre 1952 que fut inaugurée la reprise de l'activité de la Société des Concerts, sous la direction de Robert Lannoy, avec le Festival Wagner et la participation de la soprano dramatique Kirsten Flagstad, spécialisée dans l'interprétation de Wagner. Le deuxième concert eut lieu le 23 décembre 1952 à l'Opéra de Lille avec le concours du pianiste Jean Doyen, et l'on put entendre l'ouverture de Don Juan de Mozart, la Symphonie de César-Franck, le 5° Concerto en mi bémol de Beethoven, et La Péri de Dukas. [ Retour ]

5) Robert Lannoy a également créé, puis dirigé durant de longues années l'Orchestre de Chambre du Conservatoire avec lequel il se produisait notamment avec les JMF. La presse spécialisée de l'époque, dans les années cinquante, n'hésitait pas à souligner que cette formation est une « véritable sélection des meilleurs parmi les meilleurs »... [ Retour ]

6) L'ensemble Musica de Lille, placé sous la direction de Pierre-Yves Gronier, a redonné le Roman de la Rose le 2 octobre 1999 à Lille. Les personnes intéressées par l'acquisition d'un enregistrement peuvent contacter le musicologue Hervé Lussiez. L'oratorio Les Prophéties a été créé le 12 octobre 2000 à Lille, en la cathédrale Notre-Dame de la Treille, par les Chœurs de la Métropole Lilloise et l'Orchestre du Conservatoire placés sous la direction de Michel Piquemal, avec Charles-Antoine Decroix, récitant. [ Retour ]

7) On lui doit plusieurs ouvrages pédagogiques : 15 Leçons de solfège, à changement de clés sur toutes les clés, avec accompagnement de piano (Lemoine, 1963, 40 p.), 15 Leçons de solfège, à changement de clés sur toutes les clés, sans accompagnement de piano (Lemoine, 1963, 20 p.), 30 Leçons de solfège, à changement de clés sur 3 clés (sol 2e ligne, fa 4e ligne, ut 4e ligne), avec accompagnement de piano, (Lemoine, 1970, 46 p.), 30 Leçons de solfège, à changement de clés sur 3 clés (sol 2e ligne, fa 4e ligne, ut 4e ligne), sans accompagnement de piano, (Lemoine, 1970, 22 p.)... [ Retour ]

Jean-Pierre Dautel (médaillon par Victor Dautel)
Médaillon de Jean-Pierre Dautel,
gravé en 1943 par son père Victor Dautel
( coll. Pierre Hainaut ) DR
Jean-Pierre DAUTEL (1917-2000)

Né le 25 novembre 1917, à Ancenis (Loire-Atlantique), Jean-Pierre Dautel, directeur du Conservatoire national de Région de Caen, s'est éteint le 16 avril 2000, à l'âge de 82 ans. Fils de Pierre-Victor Dautel, graveur en médailles et pierres fines qui avait obtenu un Premier Grand Prix de Rome en 1902, il effectuait ses études musicales au Conservatoire national supérieur de musique de Paris et était couronné à son tour par un Grand Prix de Rome en 1946. Il était ensuite nommé à la tête du Conservatoire de Caen le 1er avril 1951. C’est grâce à son action au sein de cet établissement qu’en 1978 ce conservatoire put être érigé en C.N.R.

Jean-Pierre Dautel
et l'Orchestre de Chambre de Caen
( photo X..., Le Guide du Concert et du Disque,
10 avril 1959 )

L’année de son arrivée à Caen, Jean-Pierre Dautel fondait l’Orchestre de chambre de Caen. Tout d’abord composé de musiciens locaux, il attirait rapidement de nombreux premiers Prix du CNSM de Paris et notamment un pupitre de violons formés auprès de Jean Fournier. Actuellement il compte notamment parmi ses membres Ludovic Passavant, médaillé du CRR de Caen, puis du CNSM de Lyon (premier violon) et Philippe Bertemont, premier prix de basson et de musique de chambre du CNSM de Paris (soliste). Dès la fin des années cinquante cette formation enregistrait avec les Chanteurs de Saint-Eustache (direction : R.P. Emile Martin) deux messes de Mozart : la Messe brève n° 7, en ré majeur K 194 avec Suzanne Paris (soprano), Geneviève Macaut (alto), Jean-Jacques Lesueur (ténor), Paul Mahé (basse), et la Messe en ut majeur K 317, " du couronnement " avec Thérèse Haim (soprano), Paulette Aubry (alto), Heni Brehe (ténor), Jean Cussac (basse) [disque Chant du Monde, LDX - A 8 213]. A la sortie de ce disque, en 1959, la critique musicale soulignait la perfection de l'interprétation, en n'hésitant pas à qualifier cet enregistrement de remarquable, étonnée qu'un orchestre de province puisse rivaliser avec les grandes formations de la capitale ! Le 15 avril 1959 Jean-Pierre Dautel donnait un premier concert parisien à l’Eglise Saint-Eustache au cours duquel le public pouvait entendre le Concerto grosso n°1 en ré de Corelli, le Concerto pour alto, en sol, de Telemann, le Concerto à deux violons en ré mineur, de Bach, le Beatus vir pour 6 voix, 2 violons et basse continue de Monteverdi et la célèbre Messe brève en ré K 194 de Mozart, avec les Chanteurs de Saint-Eustache du R.P. Martin, Janine Linale-Lutzkanoff (alto), Claude Macaux et Raphaëlle des Graviers (violons), Jacques Ripoche (violoncelle) et les chanteurs F. Hébert, M. Bratianu, J.-J. Lesueur et P. Mahé. Un peu plus tard, il enregistrait chez Musidisc (MUS RC 869) un " Concert à Versailles au temps de Louis XIV " comportant les Marche et Danses extraites d’Acanthe et Céphise de Rameau, la Chaconne de Montan-Berton, l’Ouverture du Malade imaginaire de M.A. Charpentier, les Danses extraites de Médée du même auteur et la Sultane de Couperin.

En 1980, d’après le manuscrit original conservé à la Bibliothèque Nationale, il arrangeait les Pièces de clavecin en concerts de Jean-Philippe Rameau écrites pour clavecin, viole de gambe et violon ou flûte, en Six Concerts en sextuor qu’il enregistrait avec son Orchestre de chambre de Caen (CAL 6838). La même année, il fondait un festival de musique contemporaine.

Lorsque l’heure de la retraite sonnait en 1986, il donnait à l’Abbaye aux Hommes de Caen une pathétique Symphonie des adieux au cours d’un ultime concert auquel était venue assister une foule d’amis musiciens et d’anciens élèves reconnaissants.

Denis HAVARD de la MONTAGNE



1947

Jean-Michel DAMASE (1928 - 2013)


1948

Odette GARTENLAUB (1922-2014)

Odette Gartenlaub
( coll. Odette Gartenlaub )


 

Article spécifique
Catalogue


















Jeanine RUEFF (1922-1999)

Jeanine Rueff
( Coll. Jean Ledieu )

Fac-similé couverture d'un livre
de solfège de Jeanine Rueff,
paru chez Leduc en 1964
( coll. DHM )
Le 22 septembre 1999, Marcel Bitsch et Gérard Calvi, assistés de quelques amis, conduisaient au cimetière leur chère Jeanine RUEFF avec laquelle ils formaient un trio fort sympathique dans la classe d'harmonie de Jean Gallon, lors de leurs études au Conservatoire de Paris. Jeanine Rueff était en effet retraitée depuis quelques années du Conservatoire national supérieur de musique où elle avait enseigné durant près de 40 ans.

Née à Paris le 5 février 1922, elle avait rapidement rejoint le CNSM au moment où Claude Delvincourt en assurait la direction. C’est à cette époque, grâce à l’action de son directeur, que le conservatoire sortit de son isolement. L’orchestre des Cadets du Conservatoire deviendra même l’une des formations les plus prisées de la capitale. C’est ainsi que Jeanine Rueff bénéficia d’un enseignement de choix auprès de maîtres tels que Tony Aubin, Henri Challan, Jean et Noël Gallon et surtout Henri Büsser, qui aboutit à un 1er Second Grand Prix de Rome en 1948, juste derrière Odette Gartenlaub. Deux ans plus tard elle devenait l’accompagnatrice de la classe de saxophone de Marcel Mule et de celle de clarinette d’Ulysse Delécluse dans ce même conservatoire. De ces classes sortiront notamment le saxophoniste et compositeur Jean-Marie Londeix et le clarinettiste Michel Portal. En 1960, elle y enseignait le solfège, puis en 1977 l’harmonie, poste qu’elle occupera durant 11 ans avant de prendre sa retraite en 1988. Jean-Michel Jarre a été l’un de ses élèves. Elle fut aussi professeur de solfège au Centre national de préparation au C.A.E.M.

Signature de Jeanine Rueff
( Coll. M.B. )
Comme compositeur, Jeanine Rueff a laissé une œuvre importante qui, dès 1945, lui a valu pour son Quintette avec piano le Prix Favareille-Chailley-Richez. Cette pièce, d'une écriture très moderne pour l'époque, s'inspire parfois de la technique du jazz. Alerte et même humoristique, elle est composée de 3 mouvements : lent et allegro, lent, vif. Son Concertstücke pour trombone basse est encore récemment, en 1999, au programme imposé du Concours International de Trombone de Guebwiller. On lui doit aussi des pièces pour flûte, basson, cornet, trombone, tuba, contrebasse, clavecin, 3 Pièces pour trio d’anches, un Concert en quatuor pour 4 saxophones, un opéra de chambre (La Femme d’Enée, 1954), une Symphonietta (1956) et plusieurs ouvrages pédagogiques. L’ensemble Saxallegro (Hannes Kawrza, saxophone et Florian Pagitsch, orgue) a enregistré en 1997 sa Chanson et Passepied en même temps d’ailleurs que d’autres œuvres d’Eugène Bozza, Pierre-Max Dubois et Jacques Ibert notamment (Studio Weikert - LC 5793)

Pour lui rendre hommage, le quatuor de saxophones Ledieu a donné un concert en avril 2000 au Palais Carnolès de Menton au cours duquel ont été donnés des extraits du Concert en Quatuor de Jeanine Rueff, composé de six mouvements dont un passe-pied qui est une danse populaire originaire de Bretagne.

Source principale : Honegger.

D.H.M.

Photos des classes d'harmonie de Jeanine Rueff au CNSMP en 1977 et 1978.

1949

Adrienne CLOSTRE (1921-2006)

Adrienne Clostre vers 1990
(photo M. Mounier) DR.



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Georges DELERUE (1925-1992)

Georges Delerue
Georges Delerue
( Photo X... Le Parisien  )



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Pierre VILLETTE (1926-1998)

Pierre Villette en 1967
( photo X... )



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