Antoine Reboulot à travers la presse de l’époque
« M. Antoine Reboulot, élève de l'Institution Nationale, a obtenu un 1er accessit au concours d'orgue du Conservatoire de Paris. Après une première année d'études, M. Reboulot fournit un exemple remarquable de mémoire musicale qui mérite d'être signalé. Il existe à l'Institution Nationale un prix de répertoire fondé par J.-Ph. Worth, le bienfaiteur de l'A. A. F., qui permet de récompenser les jeunes gens que leur bagage musical et leur développement artistique autorisent à se produire comme pianistes dès leur sortie de l'Ecole. M. Reboulot, qui a été primé par le jury, a subi l'examen trois jours après son concours au Conservatoire. Il y présentait 77 pièces, s'étendant des Clavecinistes aux Modernes, parmi lesquelles nous citerons : Toccata et Fugue en ré majeur de Bach, deux sonates de Beethoven, la Fantaisie en ut de Schumann, les variations de Fauré. Ce jeune artiste possède en réalité un répertoire beaucoup plus étendu, car c'est sur une liste de 140 morceaux que son professeur a choisi les 77 pièces présentées au concours. »
(Le Valentin Haüy, avril 1934, p. 45)
« Pour leur premier concert de la saison, les Amis de l'Orgue ont eu l'heureuse idée d'inviter M. Antoine Reboulot, le nouvel organiste de la cathédrale St-Jean de Perpignan. Cette audition nous fait regretter davantage encore le départ pour la province de ce jeune virtuose qui eut été digne d'occuper une de nos grandes tribunes parisiennes. Mais, ceci dit, je me hâte d'ajouter que l'orgue de Perpignan est un splendide instrument, et il est nécessaire que des artistes de valeur se donnent pour mission de maintenir dans les grands centres de province la pureté du goût et des traditions musicales.
C'est sur l'instrument de Ste-Clotilde, obligeamment prêté par M. Ch. Tournemire, que nous avons pu entendre M. Antoine Reboulot dans un programme bien fait pour mettre en valeur la variété de son jeu, puisque ce programme comportait des œuvres d'époques et de tendances les plus diverses, je dirais même les plus opposées.
Elève d'André Marchal et de Marcel Dupré, M. Reboulot a obtenu, il y a deux ans, le premier prix du Conservatoire, et dès ce concours, auquel j'ai eu le plaisir d'assister, il s'était révélé excellent musicien autant qu'habile virtuose. Le concert du 29 décembre nous a montré que ces promesses s'étaient magnifiquement réalisées : parfaitement maître de son instrument, possédant une technique à la fois solide et brillante, M. Reboulot y joint en outre un phrasé intelligent, un rythme vivant et une interprétation personnelle et colorée. Sous ce rapport, la registration de la fugue à cinq voix de Nicolas de Grigny m'a paru particulièrement remarquable. L'équilibre et la clarté des timbres permettaient de suivre avec aisance le déroulement de la polyphonie dans toute sa limpidité sereine. Cette réussite est d'autant plus remarquable que l'orgue de Ste-Clotilde, un des chefs-d'œuvre de Cavaillé-Coll, remanié depuis peu, se prête beaucoup plus au style de la musique moderne qu'à celui d'un Grigny ou d'un Bach. Ces particularités de l'instrument se sont fait sentir dans la 4e Sonate en trio de J.-S. Bach, surtout dans le finale qui, par la faute de timbres trop lourds et aussi, il faut bien le dire, par suite d'un tempo un peu rapide, perdit de cette transparence, de cette pureté de ligne qui font la grande beauté des célèbres sonates en trio du Cantor de St-Thomas. Cette allure un peu nerveuse, nous l'avons également retrouvée dans le Scherzo de Vienne. Ce n'est pas grand chose, évidemment, mais la tendance aux tempi trop rapides présente un danger qui a déjà fait du tort aux virtuoses de l'orgue, aussi je me devais de le signaler ici.
Pour en revenir à l'orgue de Ste-Clotilde, il est permis de s'étonner qu'un instrument qui a été récemment remanié nous impose tant de bruits extra-musicaux. Le son de certains jeux s'accompagne d'un véritable claquement de castagnettes du plus fâcheux effet. Ces déficiences mécaniques mises à part, l'instrument possède plusieurs jeux de fond d'une grande beauté, et dans la musique moderne, là où la pauvreté des mutations se fait moins sentir, il remplit fort bien son rôle et légitime certaines registrations en honneur depuis la fin du XIXe siècle, nous plaçant une fois de plus devant le dilemme : « orgue ancien ou orgue moderne? », dilemme qui semble se résoudre en faveur d'une « conception ancienne de l'orgue », grâce aux magnifiques travaux de Gonzalès. Dans sa remarquable improvisation, M. Antoine Reboulot, inconsciemment peut-être, a fourni un argument de poids en faveur des instruments qui, tout en bénéficiant de tous les perfectionnements de la technique moderne, retrouvent dans la richesse des mutations, dans la distribution des plans sonores, dans le mordant de leurs anches, l'esprit des organiers d'antan. C'est que poser la question « orgue ancien ou orgue moderne ? » équivaut à peu près à se demander « musique ancienne ou musique moderne ? » (il s'agit de la musique d'orgue bien entendu). Car il est évident que l'orgue de Ste-Clotilde convient mieux à la musique de Tournemire et celui de St-Nicolas-des-Champs, par exemple, à celle de Buxtehude. C'est donc entre deux conceptions de la musique d'orgue que s'institue le débat qui, transporté sur ce plan, perd tout caractère personnel. Il ne s'agit nullement de la valeur de tel ou tel musicien mais de l'adaptation de son langage à un certain moyen d'expression, l'orgue en l'occurrence, c'est-à-dire un instrument ayant ses caractéristiques propres, ses éléments déterminés, et non pas un succédané plus ou moins réussi de l'orchestre. Orgue polyphonique ou orgue symphonique ? Tel est finalement le choix qui se propose à nous, et de la réponse à cette question découlera nécessairement le caractère de la musique destinée à l 'orgue. Or, de ces deux types d'instruments, le premier, seul, l'orgue polyphonique, avec ses mutations franches, l'éclat de ses timbres mordants, ses plans sonores nets, a droit au titre d'orgue. L'autre, l'orgue du XIXème siècle, cette erreur parfois ravissante et qui a abouti, il faut bien le dire, à l'orgue de cinéma, possède, certes, de grandes qualités, mais ce ne sont pas celles qui conviennent à l'esprit et au style de la musique d'orgue. J'y songeais précisément en écoutant la belle improvisation de M. Antoine Reboulot. Dans la seconde partie, notamment, si vivante, on sentait que la polyphonie qui naissait spontanément sous les doigts de l'organiste était étouffée par la sonorité moelleuse et floue de l'instrument. C'est qu'à travers le langage d'aujourd'hui, à travers les libertés harmoniques, M. Reboulot rejoignait les improvisateurs des XVIIe et XVIIIe siècles. Ainsi l'orgue de nos jours, avec son prodigieux mécanisme, ses combinaisons électriques, ses claviers si doux, se tourne humblement vers ses ancêtres : les orgues de Cliquot, de Silberman ou de Riep. »
(Marina Scriabine, L'Art Sacré, février 1938, p. 58-59)
« Le Concours de haute exécution et improvisation des Amis de l'Orgue a eu lieu le 27 juin à l'Église de l'Étoile. Le jury a décerné la bourse de cinq mille francs, à l'unanimité, à M. Antoine Reboulot 1er Prix du Conservatoire 1936), organiste de la Cathédrale de Perpignan, et, à l'unanimité, la Mention très honorable à M. Jehan Alain 1er Prix du Conservatoire 1939) organiste à Maisons Lafitte. »
(Le Ménestrel, 14 juillet 1939, p. 204)
« Le concours pour le prix d'improvisation et exécution des « Amis de l'Orgue a eu lieu ces jours derniers en l'église reformée de l'Etoile en présence d'un jury composé de MM. P. de Bréville (président), Ch. Tournemire, Jean Gallon, Abel Decaux, Ed. Mignan, Alex. Cellier, E. Poillot. A. Marchal, Cl. Delvincourt, M. Duruflé, Ed. Souberbielle et André FIeury. Le prix, doté d'une somme de 5.000 francs a été attribué à M. Antoine Reboulot, organiste à Perpignan. Ancien élève de l'Institution nationale des jeunes aveugles et premier prix d'orgue du Conservatoire de Paris en 1936, M. Reboulot a réuni l'unanimité des suffrages. Egalement à l'unanimité, une mention très honorable a été décernée à M. Jehan Alain, organiste à Maisons-Laffitte. Les épreuves du concours extrêmement importantes comprenaient quatre sujets d'improvisation et quatre d'exécution.
(Journal des débats politiques et littéraires, 5 juillet 1939, p. 3)
Documentation réunie par O. Geoffroy
(mai 2019)