Le Panthéon des musiciens

De juillet 2002 à décembre 2002

DANIEL-LESUR - Antoine REBOULOT - Monique ROLLIN - Dominique TIRMONT - Jeannine BARBULÉE - Anton GUADAGNO - Geneviève REX - William WARFIELD - Ginette DOYEN - Vlado PERLEMUTER - Yuri AHRONOVITCH - Luciano CHAILLY - Daniel DEFFAYET

 

Daniel-Lesur
Daniel-Lesur à son piano
( coll. famille Daniel-Lesur )


Le compositeur et organiste DANIEL-LESUR, né le 19 novembre 1908 à Paris, est décédé le 2 juillet 2002. Elève de Charles Tournemire, Georges Caussade, Jean Gallon et Armand Ferté, il a enseigné longtemps le contrepoint à la Schola Cantorum entre 1935 et 1964. Inspecteur général de la musique, membre de l'Institut (1982), organiste de Ste-Clotilde et de l'abbaye bénédictine Ste-Marie à Paris, fondateur avec Yves Baudrier, André Jolivet et Olivier Messiaen du groupe "Jeune France" (1936), il est l'auteur de trois opéras (Andrea del Sarto, Ondine, La Reine morte), de pièces instrumentales (symphonies, ouvertures, variations), de pages vocales (cantates), de mélodies et de musique religieuse. Son oeuvre se situe dans le plus pur style de la musique française : raffinement, clarté et intensité de l'expression. Il avait déclaré un jour : La musique est une des formes les plus nobles de la vie de l'homme, le lien le plus mystérieux de ceux qui le relient au cosmos.

D.H.M. (notes provisoires)

Antoine Reboulot
Antoine Reboulot
( photo X...  )
Personnalité marquante de l’orgue au Canada, le compositeur d’origine française Antoine REBOULOT s’est éteint le 11 juillet 2002 à Montréal, à l’âge de 88 ans. C’est en 1967, qu’il avait quitté son pays natal pour s’installer au Québec, où il s’était rapidement imposé comme pianiste, organiste, compositeur et pédagogue. Devenu citoyen canadien en 1978, il était marié à la pianiste québécoise Lise Boucher, son ancienne élève à Paris. Né le 17 décembre 1914 à Decize (Nièvre), là même où fut installé en 1920 dans l’église paroissiale St-Aré l’orgue Cavaillé-Coll (12 jeux) qu’Edouard André qu’avait fait construire en 1874, dans son hôtel particulier du boulevard Hausmann. Sans doute cet instrument eut-il quelque influence sur le choix d’Antoine Reboulot dans l’étude d’un instrument ? Quoi qu’il en soit, souffrant de cécité, il est envoyé à l’Institut National des Jeunes Aveugles de Paris, où il devient notamment élève d’orgue d’André Marchal, avant d’entrer, en octobre 1933, dans la classe de Marcel Dupré au CNSM de Paris (1er Prix en 1936), et dans celle de composition de Büsser (1er Prix en 1947). Mais sans aucun conteste, c’est Charles Tournemire, son professeur d’improvisation, qui exercera la plus grande influence dans son esthétique musicale. Antoine Reboulot conservera toute sa vie une admiration envers l’héritier de César Franck à Ste-Clotilde, qu’il avait d’ailleurs parfois suppléé avant sa disparition en 1939. A la fin des années trente, il débute sa carrière d’organiste à la cathédrale de Perpignan, non sans avoir assisté auparavant à un événement dramatique, dont sa mémoire prodigieuse conservait les moindres détails encore récemment : la mort, pratiquement en directe, de Louis Vierne, lors d’un récital le 2 juin 1937 à Notre-Dame de Paris. Improvisateur inspiré et surtout brillant exécutant, il remporte, devant Jehan Alain, le 27 juin 1939, à l’église de l’Etoile (Paris), le 4ème Concours de haute exécution et improvisation des " Amis de l’Orgue ". Revenu dans la capitale au début de la guerre, Antoine Reboulot enseigne le piano à partir de 1941 à l’INJA et est nommé titulaire du Cavaillé-Coll de Notre-Dame-de-la-Croix (Paris XXe), où ses amis Gaston Litaize et Jean Langlais l’avaient précédé de quelques années. En 1945, il tient également l’instrument historique du facteur Tribuot de l’église Notre-Dame de Versailles, mais il ne reste que peu de temps dans ces tribunes, car dès 1946, il est appelé à l’orgue, non-moins historique (Alexandre Thierry 1679), de Saint-Germain-des-Prés pour recueillir la succession de son maître André Marchal parti à St-Eustache. En juillet 1957, Antoine Reboulot participe activement au Congrès International de Musique Sacrée qui se tient à Paris. Il fait une communication remarquée, intitulée " L’organiste liturgique au XXe siècle et sa formation ", au cours de laquelle il souligne notamment que l’organiste doit considérer sa fonction non comme un métier, mais comme une véritable vocation…

En 1967, Antoine Reboulot quitte son instrument parisien, s’installe au Canada et se lance dans une brillante carrière de concertiste. Parallèlement, il enseigne aux conservatoires de musique du Québec à Trois-Rivières et à Québec, ainsi qu’à la Faculté de musique de l’Université Laval, puis dans celle de Montréal (professeur agrégé, 1972 à 1980). Il revient à plusieurs occasions fouler son pays d’origine, notamment le 25 mai 1973, jour de l’inauguration de la restauration, par Haerpfer-Erman, du grand orgue de St-Germain-des-Près par ses anciens titulaires, et en 1981 aux grandes orgues Cavaillé-Coll de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, pour participer en compagnie de Georges Delvallée, Bernard Foccroule, Pierre Segond et Bernard Heiniger à l’enregistrement de six des 51 offices de L’Orgue mystique de son maître Tournemire, interprétant pour sa part ceux de la Fête de Pentecôte et du 7° dimanche après Pentecôte (2 disques 33 tours, Erato ERA9238). Compositeur expressif, ne se préoccupant nullement des courants nouveaux qui, d’après lui, tendent parfois à dénaturer l’orgue, Antoine Reboulot s’est toujours attaché à démontrer que le langage de cet instrument peut revêtir des formes subtiles, sans pour autant sombrer dans un avant-gardisme outrancier. Mais, ayant un goût très prononcé pour l’improvisation, qui laisse libre cours à l’inspiration et est moins contraignante que la composition, Antoine Reboulot a cependant peu écrit pour son instrument, tout au plus une vingtaine de pièces, dont la plupart composées durant les années cinquante et publiées par les Editions musicales de la Schola Cantorum (actuellement Editions musicales Fabienne Frochaux à Fleurier, Suisse), dans les collections " Orgue et liturgie " ou " L’Organiste liturgique ". Parmi celles-ci mentionnons un Ricercare, datant du début des années cinquante sur commande de Norbert Dufourcq, une Communion pour la Messe de minuit, un Pascha Nostrum (1954), Cinq Pièces liturgiques pour l’office des morts : Requiem aeternam, Domine Jesu Christe, Pie Jesu, Lux aeterna et In paradisum, une Chaconne en rondeau (1957) et plus tard : des Variations sur le nom d’Henri Gagnon (1974, révisées en 1987, publiées aux éditions québécoises Jacques Ostiguy) et des Musiques pour orgue à deux organistes (1988, inédites). Il a également composé pour le piano, notamment Cinq Préludes pour piano, en hommage à Louis Vierne, qu’il a enregistrés lui-même chez CBC Records (Toronto, Canada, 1995), ainsi que pour la voix, dont une cantate O Crux ave pour récitant, orgue, chœur, 2 clarinettes, 1 cor anglais, 3 cors, 3 trompettes et percussions (1979), sans omettre quelques pages de musique de chambre. En dehors des disques mentionnés supra, on doit aussi à Antoine Reboulot l’enregistrement de pièces de Franck, Mozart, Bach, Louis Marchand et Dupré, ainsi que la première version de ses Variations (Alpec A-75008), et la 3ème Symphonie de Louis Vierne à l’orgue St-Jean-Baptiste de Montréal en 1987 (REM). Son élève Jean-Guy Proulx, ancien professeur au Conservatoire de Rimouski (Canada) a enregistré à l'orgue Casavant/Guilbault-Thérien de la cathédrale de Rimouski une grande partie de ses œuvres pour orgue (CD Fonovox 7916-2).

Le samedi 23 juillet 2002 à l’église Saint-Jean-Baptiste de Montréal, une cérémonie à la mémoire d’Antoine Reboulot fut célébrée par l’abbé Antoine Bouchard, l’un de ses anciens élèves, au cours de laquelle le titulaire de cette église Jacques Boucher, autre ancien élève, interprétait quelques pièces de son maître. Ce dernier, en compagnie d'Odile Thibault, va lui consacrer par la suite un ouvrage capital pour découvrir la personnalité et l'œuvre de son maître : Récit au Grand Orgue, entretiens avec Antoine Reboulot (2006, Éditions de la Taille, 374 pages).
Voir aussi: Antoine Reboulot à travers la presse de l'époque.

D.H.M.

Monique Rollin
Monique Rollin
( collection Chantal Allain )
Le 12 juillet 2002, à l’hôpital Cochin (Paris), est décédée la musicienne Monique ROLLIN à l’âge de 75 ans. Née le 20 février 1927 à Paris, avant de se lancer dans des études de musicologie, elle avait effectué une bonne partie de son cursus au Conservatoire International de Musique de la rue des Marronniers (Paris XVIe), où elle obtenait un Prix d’excellence de piano en juillet 1939, avant de l’achever au CNSM. Là, elle décrochait un second Prix de harpe en 1949 (classes de Marcel Tournier, puis de Pierre Jamet) et reçut les conseils d’Yvonne Desportes. Harpiste, musicologue et Ingénieur de recherche au CNRS, elle s’était spécialisée dans l’étude de la musique ancienne et collaborait assidûment à l’édition critique du Corpus des luthistes français (Paris, CNRS-Editions). Elle en avait longtemps assuré la direction, avec André Souris, juste après sa création en 1956 par Jean Jacquot afin de redécouvrir le répertoire de luth, oublié depuis le XVIIIe siècle. C’est dans ce cadre qu’elle publia de nombreux ouvrages à caractère scientifique, destinés aux musiciens, chaque volume reproduisant la tablature de l’auteur concerné et la transcription de ses œuvres : Œuvres du Vieux Gautier (en collaboration avec André Souris, 1966), Œuvres de Chancy, Bouvier, Belleville, Dubuisson, Chevalier (en collaboration avec André Souris, 1967), Nicolas Vallet. Œuvres pour luth seul (en collaboration avec André Souris, 1970, 2e éd., 1989), Œuvres de René Mésangeau (en collaboration avec André Souris, 1972), Œuvres de Vaumesnil, Edinthon, Perrichon, Raël, Montbuysson, La Grotte, Saman, La Barre (en collaboration avec André Souris et Jean-Michel Vaccaro, 1974), Robert Ballard, Deuxième Livre, 1614 et pièces diverses (en collaboration avec André Souris, réimp. 1976), Œuvres des Mercure (en collaboration avec Jean-Michel Vaccaro, 1977), Œuvres des Dubut (en collaboration avec Jean-Michel Vaccaro, 1979), Œuvres de Pinel (en collaboration avec Jean-Michel Vaccaro, 1982), Œuvres de Pierre Gautier (1984) Œuvres des Gallot (1987), Œuvres de Charles Mouton (1992), Œuvres de Gumprecht (en collaboration avec Christian Meyer, 1993), Œuvres de Denis Gautier (en collaboration avec François-Pierre Goy, 1996).
Monique Rollin
Monique Rollin jouant de la cithare
( collection Chantal Allain )
N’oublions pas également trois autres ouvrages, dont l’un publié récemment et qui est en somme son œuvre ultime : la réédition en 1979 avec une préface de son crû (Paris, Stock) du livre de Jean Beck, La Musique des troubadours, paru en 1910 à Paris, chez H. Laurens, celle en 1997 (CNRS), complétée et commentée, avec des études de Laurine Quétin, du Gradus ad Parnassum : traité de composition musicale de Johann-Joseph Fux, paru à Vienne en 1725 (traduction française de Pierre Denis, vers 1773), qui reste depuis le XVIIIe siècle un ouvrage incontournable pour l’étude du contrepoint et de la composition, et en 2002, la réédition, avec Anne Bongrain et Mathilde Catz (traduction de l’allemand par Béatrice Bestel) du second volume du célèbre Versuch über die wahre Art das Clavier zu spielen, Zweyter Theil, in welchem die Lehre von dem Accompagnement und des freyen Fantasie abgehandelt wird (Berlin, 1762) de Carl-Philipp-Emanuel Bach : Essai sur la véritable manière de jouer les instruments à clavier, II, Traité d’accompagnement et d’improvisation (Paris, CNRS, centre de Recherche et d’Edition du Conservatoire), qui résume l’esthétique musicale du XVIIIe siècle. En tant qu’interprète, Monique Rollin avait fondé dans les années cinquante l’Ensemble Monique Rollin (Mathilde Siderer, soprano, Pierre Paubon, flûte à bec, Odette Geoffre, viole, Monique Rollin, luth) spécialisé dans la musique ancienne, avec lequel elle enregistra notamment chez Decca (FS 123 632) un disque LP-mono 25 cm Musique du Moyen-Age à la Renaissance, avec des pièces de Dufay, Ockeghem, Machaut et des auteurs anonymes des 13e et 15e siècles. Egalement cithariste et harpiste, on lui doit à ce titre l’enregistrement à la cithare de Synaxis, pour deux pianos, percussion et orchestre, de Maurice Ohana, avec les pianistes Geneviève Joy et Christian Ivaldi, et l’Orchestre philharmonique de l’ORTF dirigé par Charles Bruck (LP 33 tours, Erato STU 70431), et à la harpe, Horizontes, poème symphonique pour violon, violoncelle, harpe et orchestre, de Julian Carrillo, avec Gabrielle Devries (violon), Reine Flachot (violoncelle) et l’Orchestre des Concerts Lamoureux sous la direction de l’auteur (LP 33 tours, Philips 839272DSY)… La harpe celtique, son instrument de prédilection pour lequel elle goûtait les sonorités si particulières, lui inspira la publication d’un recueil de Pièces anciennes pour harpe celtique (A. Leduc, 1986), ainsi qu’une Méthode de harpe celtique (A. Leduc, 1983). Ouverte à toutes formes de musiques, Monique Rollin a également travaillé quelque temps avec Pierre Schaeffer, auteur en 1948 de la théorie de la musique concrète, ainsi que dans les studios d’Hollywood où elle s’était essayée à la musique de films. On lui devait aussi depuis 1994 la direction artistique du Festival des Nouveaux Talents de Villers-sur-Mer (Calvados). Créée en 1990 par M. et Mme Sénéchaut, cette manifestation annuelle (7 concerts sur 7 jours, à 18h00, salle panoramique du Casino), organisée en partenariat avec les CNSM de Paris et de Lyon, donne l'occasion à de jeunes musiciens de moins de 30 ans, issus du cycle de perfectionnement, de se produire dans un cadre agréable et convivial, sur un thème donné : " Autour du monde slave " (2002), " Un voyage par delà les mers " (2003). Monique Rollin n'a pu hélas assister au Festival 2002, qu'elle avait longuement préparé avec son énergie habituelle, en compagnie de son assistante Véronique Wardega. Celle-ci lui a succédé dans son poste de directrice artistique [ veronique.wardega@laposte.net ]...

Le 28 novembre 2002, en l’église Saint-Merri de Paris, une messe a été célébrée à son intention…

D.H.M.

Dominique Tirmont
Dominique Tirmont
( coll. Frédérique Tirmont )
Le 10 août 2002, à Paris, s’est éteint à l’âge de 79 ans le chanteur et comédien Dominique TIRMONT. Né le 21 janvier 1923 dans le douzième arrondissement parisien, il fut initié très jeune au chant par son père, le ténor Edmond Tirmont attaché à l’Opéra-Comique, mort en 1985 à l’âge de 101 ans. On doit à ce dernier, qui fut notamment directeur du Théâtre de Saint-Quentin, quelques enregistrements historiques, dans les années 1910, de Mignon (Ambroise Thomas), Madame Butterfly (Puccini) et Roméo et Juliette (Gounod)… A 12 ans, le jeune Tirmont montait déjà sur les planches du Casino de Paris, interprétant le rôle de " Picolo " dans l’Auberge du cheval blanc de Benatzky, et à 18 ans celui de " Danilo ", dans La Veuve joyeuse de Franz Lehar. Plus tard, il fréquenta quelque temps le Conservatoire de la rue de Madrid, mais la guerre l’empêcha d’étudier plus avant. Cela ne semble pas lui avoir porté préjudice, car il fit par la suite une carrière des plus honorables dans l’opérette et la comédie musicale, facilitée il est vrai par une belle voix de baryton. Toutes les grandes scènes parisiennes de spectacles et d’opérettes l’ont accueilli un jour ou l’autre : Les Folies Bergère, La Nouvelle Eve, Mogador, Théâtre de Paris, Palais-Royal… Il s’est produit aux côtés de nombreux artistes renommés, notamment Nadine Sautereau, Michel Dens et Rémy Corazza dans La Fille du Tambour-major d’Offenbach (1967), avec l’Orchestre du Conservatoire sous la direction de Félix Nuvolone (disque 33 tours Pathé C 051-12.192), Mady Mesplé, Eliane Lublin et Raymond Amade dans Les Saltimbanques de Louis Ganne (1968), avec l’Orchestre des Concerts Lamoureux sous la direction de Jean-Pierre Marty (2 disques 33 tours, Pathé 2 C161-12.142/43, actuellement disponible [depuis octobre 2001] en coffret 2 CD chez Emi Classics, qui a obtenu un " Diapason d’or " et un " Choc du Monde de la Musique ", Robert Destain et Bernard Alvi dans la Vie parisienne (rôle du Brésilien) d’Offenbach, Lucien Barroux et Marthe Alcya dans Ta bouche (rôle de Jean) de Maurice Yvain, diffusées les 14 janvier 1957 et 14 janvier 1959 à la télévision dans la série d’émissions " Airs de France ", et Micheline Dax, Clément Willy et Roger Arrignon dans La Chauve-Souris de Johann Strauss, dans une réalisation de Marcel Bluwal, également pour l’O.R.T.F. (1965). Il a également enregistré à cette même époque (1958) l’opérette en deux actes Rose de Noël de Franz Lehar, avec André Dassary, Nicole Broissin et l’orchestre placé sous la direction de Félix Nuvolone (2 disques 45 tours, Vega P 1962 et 1963), faisant écrire au critique Jacques Billiet dans Le Guide du Concert du 9 janvier 1959 : "…Tirmont, au généreux organe et au métier consommé… " et qu’il créa en 1977 au Châtelet, Le Château à Toto d’Offenbach, avec le ténor Raymond Amade et le chef d’orchestre Marcel Couraud (disque 33 tours EJS 494) et Les P’tites Michu de Messager avec l’Orchestre Radio lyrique. Nous ne pouvons citer ici tous les nombreux spectacles auxquels a participé Dominique Tirmont au cours de sa longue carrière de plus de soixante années; ajoutons néanmoins les comédies musicales My Fair Lady (rôle de Henry Higgins), créée au Théâtre de Boulogne-Billancourt en 1975, sur une mise en scène de Robert Manuel, avec notamment Claudine Coster, et La Vie en bleu, inspirée par la vie de Pablo Picasso (rôle de Henri Kahnweiller), de Pascal Stive, Jean-Michel Bériat et Raymond Jeannot, sur une mise en scène de Robert Hossein, à l’affiche du Théâtre Mogador d’octobre 1997 à janvier 1998, la reprise de l’opérette La Périchole d’Offenbach au Théâtre de Paris en 1969 (avec Jeanne Rhodes, Jean Le Poulain et Roger Caarel), et la création des Mystères de Paris (Charles Aznavour)… Une œuvre à laquelle tenait plus particulièrement Dominique Tirmont, Il était une fois l’opérette, fut écrite avec la collaboration de Jean Poiret. Créée au Palais-Royal, reprise à Bobino, celle-ci a obtenu un réel succès dans les années soixante-dix, et fut reprise en tournées à Broadway et au Canada. La voix de Dominique Tirmont n’est pas inconnue des amateurs du Septième art. Il a en effet participé (chanson Do-ré-mi) à la bande originale du célèbre film musical de Robert Wise, La Mélodie du bonheur (1965), a chanté le rôle de " M. Gillenormand " dans la tragédie musicale d’après l’œuvre de Victor Hugo, Les Misérables (1980), et en 1996 interprétait " L’Archidiacre " dans la version française du Bossu de Notre-Dame, avec notamment Jean Piat et Francis Lalanne. En tant qu’acteur, Dominique Tirmont a joué aux côtés de Louis de Funès et Colette Brosset, en 1953 au Théâtre Daunou, dans la célèbre pièce Ah! Les belles bacchantes! de Robert Dhéry, Francis Blanche et Gérard Calvi. Le Théâtre de Nancy, à l’époque ou l’on donnait 250 représentations annuelles avec une troupe permanente, a vu également se produire à plusieurs reprises Dominique Tirmont, ainsi d’ailleurs que ceux de Strasbourg (La fille du Tambour major), Bordeaux et Toulouse… Pour compléter le portrait du musicien, ajoutons qu’il est à l’origine de la création, dans les années soixante-dix, d’un groupe vocal " Les Poivre et Sel ", en compagnie de Robert Piquet, Georges Blanes et Francis Linel, avec lequel il se produisait en concerts, à la télévision et enregistra quelques disques; et de celle, avec Suzanne Lafaye et Michel Trempont, de " La Compagnie des Baladins Lyriques ", qui interpréta notamment Cosi fan tutte au Théâtre de l’Ambigu aujourd’hui disparu; qu’il effectua plusieurs tournées dans le monde entier avec les chœurs de l’Orchestre de Paris au cours des années 1980; et qu’il a mis en scène à Liège La Mélodie du bonheur, Les Misérables au Palais des Sports avec Robert Hossein, l’Amour masqué de Sacha Guitry au Palais-Royal, avec Jean Marais, et N’écoutez pas Mesdames! avec Pierre Dux et Micheline Boudet au Théâtre des Variétés… Il avait épousé la chanteuse Janine Menant, morte d’un cancer en 1978 à l’âge de 52 ans. Ils eurent l’occasion de se produire souvent ensemble, notamment dans l’opérette Passionnément d’Albert Willemetz et André Messager –rôles de Ketty et de Stevenson- retransmise par la télévision le 10 mars 1956, dans la série " Airs de France ". Ce n’est donc pas un hasard si leur fille, Frédérique Tirmont, a choisi le métier de chanteuse et comédienne! Nommée parmi les Molières 1999 de la " meilleure comédienne dans un second rôle ", dans Le Bel air de Londres, on l’a encore récemment vue dans le film de Luc Besson, Taxi II… Les obsèques de Dominique Tirmont, officier de l’ordre des Arts et des Lettres, ont eut lieu le 14 août en la chapelle de l’hôpital Notre-Dame du Bon-Secours, rue des Plantes à Paris XIVe.

D.H.M.

Jeannine Barbulée
Jeannine Barbulée
( coll. Michel Robiquet )
La pianiste Jeannine BARBULEE, ancienne collaboratrice d'Albert Lévêque, le grand spécialiste de Bach, est morte le 12 août 2002 à Paris, dans sa quatre-vingt-onzième année. Elle était la sœur de la comédienne Madeleine Barbulée, décédée le 1er janvier 2001. Lors de sa disparition, Catherine Tasca, alors Ministre de la Culture, lui rendait hommage en ces termes : " ...Doyenne des acteurs français, Madeleine Barbulée fut une artiste rare et subtile, une femme de cœur et de qualité, un personnage attachant et merveilleusement moderne... " Moins connue que sa sœur, Jeannine était également une artiste talentueuse, qui fit carrière dans la musique. Née le 4 août 1912 à Nancy, elle fréquenta en premier lieu le Conservatoire de sa ville natale, tout comme sa sœur de deux ans son aînée, où elle décrochait un Premier Prix de piano, puis monta à Paris pour se perfectionner auprès de Marguerite Long. Rappelons que cette dernière a également formé toute une génération de pianistes de grande valeur : Samson François, Jean Doyen, Yvonne Lefébure…Virtuose du piano qu'elle enseigna dès les années trente, Jeanne Barbulée collabora à cette époque avec le pianiste Albert Lévêque. Admirateur de Bach, qu'il jouait et professait à ses élèves du Conservatoire de Paris, il appliquait de nouvelles méthodes d'apprentissage basées sur l'étude des œuvres pour clavier du Cantor et avait même fondé, avec Marguerite Lévêque, une " Ecole Bach ". Jeannine Barbulée se produisit à plusieurs reprises avec les élèves de l'Ecole Bach, notamment le 25 octobre 1955 à la Salle Gaveau, dans des Concertos de Bach pour deux, trois ou quatre pianos, accompagnés par l'Orchestre des Concerts Pasdeloup placé sous la direction d' Albert Wolff. La précision de son jeu et sa finesse furent à l'époque remarquées... C'est dans les années trente qu'elle fit la connaissance de Reynaldo Hahn, avec lequel elle entretiendra longtemps des relations amicales. Elle fréquenta également Arthur Honegger et les surréalistes. Après la Seconde guerre mondiale Jeannine Barbulée poursuivit sa carrière de soliste, se produisant notamment avec les orchestres des Concerts Colonne, Pasdeloup et Lamoureux. A la fin des années soixante, elle se consacra uniquement à ses cours de piano qu'elle enseignait dans son appartement de la rue Lentonet, situé dans le neuvième arrondissement parisien, ainsi qu'à Neuilly-sur-Seine… Ses obsèques ont eut lieu le 17 août en l'église Saint-Roch, suivie de sa crémation au cimetière du Père-Lachaise, puis de son inhumation à Anisy (Calvados), berceau de la famille, où reposent déjà dans le petit cimetière sa sœur et ses parents.

D.H.M.

Anton GUADAGNO, chef d’orchestre permanent à la Volksoper de Vienne et directeur musical de l’Opéra de Palm Beach (Floride), est mort à Vienne, le 16 août 2002, des suites d’une crise cardiaque. Américain, d’origine italienne, il était né en Sicile, le 2 mai 1925 à Castellammare del Golfo (province de Trapani). Ses études musicales le conduisirent aux Conservatoires Vicenzo Bellini de Palerme et Santa Cecilia de Rome, puis au Mozarteum de Salzbourg, où il étudia auprès d’Herbert van Karajan et remporta un 1er Prix en 1948. Après avoir dirigé dans quelques théâtres italiens, sa carrière internationale débuta véritablement en 1958 lorsqu’il fut nommé chef assistant au Metropolitan Opera de New-York. Puis ce furent les Opéras de Philadelphie, de Cincinnati, de Pittsburg et en 1972 celui de Vienne, avant d’être nommé en 1984 à l’Opéra de Palm Beach. Sa longue carrière l’a également conduit à diriger à San Francisco, Mexico, Londres, Buenos-Aires, Montréal, Berlin et à Paris, où il s’était produit notamment en 2000 dans deux concerts avec Roberto Alagna, et le 8 janvier 2001 à la Salle Gaveau. Il dirigeait également depuis quelques années le Tokyo Philharmonic Orchestra (1994). Le 6 mars 2002, à l’auditorium Rainier III, pour un concert exceptionnel consacré à Bizet, Borodine, Gounod, Mascagni, Saint-Saëns et Verdi, Anton Guadagno à la tête des Chœurs de l’Opéra de Monte-Carlo et de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo avait été longuement applaudi… Ce spécialiste du répertoire lyrique italien a accompagné les plus grands chanteurs et chanteuses de notre époque : Montserrat Caballé, Renata Tebaldi, Franco Corelli, Luciano Pavarotti, Placido Domingo, Roberto Alagna… En octobre 1997 à Louxor, lors des célébrations du 125e anniversaire de la première mondiale de l’Aïda de Verdi à l’Opéra du Caire, qui avaient nécessité l’aménagement d’un auditorium sur le célèbre site du temple d’Hatshepsout, c’est Anton Guadagno que l’on choisit pour diriger cet opéra, avec Aprile Millo et Wilhelmenia Fernandez (Aïda). Guadagno a notamment enregistré Roméo et Juliette de Gounod en 1964, avec Franco Corellio et Gianna d’Angelo (Legato Classics), La Gioconda de Ponchielli, avec l’orchestre du Philadelphia Lyric Opera et Renata Tebaldi, Franco Corelli, Mignon Dunn (On stage, 4718), La Juive d’Halévy en 1973, avec Richard Tucker, Yasuko Hayashi et David Gwynne (Myto Records), Le Trouvère de Verdi en 1975, avec Montserrat Caballé, Carlo Cossutta et Irina Arkhipova (Bella Voce) et la Bohème de Puccini en 1966, avec Mirella Freni et Flaviano Labo...

D.H.M.

Geneviève Rex
Geneviève Rex
( photo X..., Guide du Concert, juillet 1950 )
Geneviève REX, " remarquable artiste, merveilleuse personnification de la France éternelle et de toutes ses provinces " [Cleveland Plain Dealer], est morte le 24 août au matin, à Paris, à l’âge de 96 ans. Elle était réputée comme cantatrice du folklore. De son vrai nom Marie-Geneviève Roy, elle était née le 25 mars 1906 aux Sables-d’Olonne, et avait tout d’abord été l’élève de son cousin, le chanteur Léon David de l’Opéra-Comique, avant de se perfectionner auprès de Xénia de Daragane, une émigrée russe ayant fui la Révolution dans son pays natal. Par la suite elle conquit rapidement le public, notamment celui des Etats-Unis lors d’une tournée de 60 concerts en 1948-49. Un journaliste de " France Amérique " écrira à cette occasion " Geneviève Rex a une très belle voix et son interprétation témoigne d’une intelligence supérieure alliée à un goût très fin ". Ambassadrice de la musique française en Egypte, en Turquie, au Luxembourg et en Belgique dans les années cinquante, elle interprétait à merveille des chants du Languedoc, de la Touraine, du Limousin, du Dauphiné, de l’Angoumois, de l’Auvergne et d’Ile-de-France, mêlés au répertoire classique. Geneviève Rex, qui a donné à la maison de disques Pathé-Pacific plusieurs enregistrements de qualité, chantait en effet avec beaucoup de musicalité les chants folkloriques de nos provinces. Elle avait également l’habilité et l’intelligence de marier ces chants, au cours d’un même récital, aux mélodies de Fauré (Au bord de l’eau), de Debussy (Romance, C’est l’extase), de Schubert (Berceuse, Rose sauvage), de Schumann (8e Novelette) ou encore de Mozart (Air Noces) et de Brahms (Dimanche, Sérénade). Ses interprétations recherchées étaient toujours pleines de finesse et de tendresse. Elle se produisait parfois avec les auteurs des œuvres données, notamment Joseph Canteloube et Roger Blanchard, auteurs d’harmonisations de Chansons populaires françaises, et son cousin le compositeur José David (Ce qui me plaît, Chaque heure, Etoile retrouvée, Air ancien), notamment lors d’un récital donné le 31 mai 1950 à l’Ecole Normale de Musique de la rue Cardinet, où elle était accompagnée par la pianiste Suzanne Moignard. Le musicologue Yves Hucher a écrit : " Geneviève Rex chante avec une parfaite justesse et non moins d’intelligence des œuvres charmantes… " et Joseph Canteloube déclara un jour : " Geneviève Rex exprime à merveille, des chants du folklore français, toute la tendresse, toute la poésie, toute la finesse, la malice et l’esprit ".

Au début des années cinquante, à la suite d'un accident vocal l'empêchant de se servir normalement de sa voix, Geneviève Rex dut se résoudre à abandonner la carrière de cantatrice. Suivant les conseils de la chanteuse russe Xénia de Daragane, amie de Chaliapine, elle se consacra avec passion à la rééducation de la voix chez des chanteurs en difficulté, ou chez d'autres professionnels tels des comédiens, des acteurs, des avocats… Non seulement elle usait de connaissances anatomiques acquises auprès de son beau-père médecin, le Dr. Hardy, puis des professeurs Rezichert et Von Schilawski du Mozarteum de Salzsbourg, mais surtout elle apprenait à ses patients à chanter avec leur âme, à retrouver une véritable harmonie intérieure. Ses longues recherches lui permirent également de s'occuper de personnes plus gravement atteintes de troubles de la parole, notamment à Bruxelles, où elle enseignait la comédie. A Paris, Jean Mercure, alors directeur du Théâtre de la Ville, l'engagea comme professeur d'expression vocale. C'est ainsi que durant une dizaine d'années plus de 300 comédiens passèrent entre ses mains, entre autres Sonia Petrovna, Christiane Mériel, Francette Cléret, Nicolas Caillaud et certains, devenus célèbres par la suite, continuèrent de lui demander conseil trente ans plus tard, telle l'actrice Marie-Christine Barrault. De nombreux témoignages de reconnaissance et les éloges qu'elle a reçus de la part de gens du spectacle, souvent très connus, attestent de la réelle notoriété que Geneviève Rex avait acquise au cours de ce second volet de ses activités professionnelles...

Retirée dans la région parisienne, elle rédigeait ses Mémoires lorsque la mort l’a surprise. La cérémonie religieuse a été célébrée le 28 août en l’église Notre-Dame de Lorette à Paris 9e.

D.H.M.

William WARFIELD, le Porgy de Leontyne Price dans Porgy and Bess de Gershwin (1952), est mort le 25 août 2002 dans un hôpital de Chicago, à l’âge de 82 ans. Aîné de 5 garçons, ce baryton et pédagogue américain voit le jour à West Helene (Arkansas), le 22 janvier 1920. A la suite d’un prix remporté lors d’une compétition de chants, il est envoyé à la célèbre Eastman School of Music de l’Université de Rochester. Une fois son service militaire effectué, il débute à Broadway, puis décroche son premier véritable succès avec l’interprétation de la célèbre chanson Old Man River, dans le film américain de Georges Sidney " Show Boat ", tourné en 1951 avec notamment Ava Gardner. Cette comédie musicale obtint d’ailleurs un véritable triomphe dès sa sortie. L’année suivante, il est Porgy, avec Leontyne Price (Bess) dans l’opéra de Gershwin, avec laquelle il effectue une tournée de plusieurs années aux Etats-Unis, puis à travers l’Europe (1955). Porgy épouse d’ailleurs réellement dans la vie Bess (1952), mais ils doivent se séparer quelques années plus tard, puis finissent par divorcer en 1973… Docteur en loi de l’Université d’Arkansas (1972), professeur de musique à l’Université d’Illinois (1975), William Warfield a chanté dans de nombreux opéras et comédies musicales. Il a bien entendu enregistré (1963) Porgy and Bess avec Leontyne Price, McHenry Boatwright et le RCA Symphony Orchestra sous la direction de Skitch Henderson (33 tours RCA 645013, réédité en CD en février 1989 dans la collection " RCA Gold seal "), dans lequel on peut l’entendre interpréter le célèbre Summertime. On lui doit également les enregistrements en 1956 du Requiem de Mozart, avec Bruno Walter et le New York Philharmonic (33 tours CBS, réédité en CD en octobre 2000 chez " Sony Classical "), à la même époque du Messie de Haendel, avec Adele Addison, David Lloyd, Russell Oberlin et Leonard Bernstein à la tête du New York Philharmonic (réédité par Sony en 1991) et plus tard les Old American Songs pour voix et piano d’Arold Copland, avec le Columbia Symphony Orchestra placé sous la direction du compositeur (Sony). William Warfield a servi de modèle à plusieurs chanteurs noirs américains. On se souvient encore de son admirable récital pour ses 25 ans de carrière donné le 24 mars 1975 au Carnegie Hall, au bénéfice du Duke Ellington Center...

D.H.M.

Ginette Doyen
Ginette Doyen, vers 1965
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( collection Jean Fournier )
La pianiste Geneviève FOURNIER, plus connue sous son nom d’artiste Ginette DOYEN, s’est éteinte le 27 août 2002 à l’âge de 81 ans. Née le 10 juillet 1921, elle avait rejoint très tôt, à l’âge de 10 ans, le Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en 1932. A 14 ans elle obtenait le 1er Prix de piano dans la classe de Lazare Lévy et deux ans plus tard ceux d’accompagnement et d’harmonie (classe de Jean Galon). A 17 ans, elle remportait le Prix Pages, disputé entre les Premiers Prix de piano des cinq années précédentes. L’année suivante, au Luxembourg, Ginette Doyen était la brillante première lauréate française au Concours international Gabriel Fauré, qui faisait écrire à l’éminent critique Emile Vuillermoz : " Ginette Doyen nous donna une interprétation d’un charme miraculeux, un phrasé d’une distinction parfaite, des détails d’une poésie inimitable qui plongèrent le Jury dans l’extase. " En 1939, à la déclaration de la guerre, la Radio nationale se replia à Toulouse puis à Marseille, emmenant un certain nombre d’artistes dont Ginette Doyen. C’est à Marseille qu’elle fit ses premières armes de pianiste soliste, avant de rentrer à Paris en 1942. Dès lors, elle commença une carrière qui devait s’avérer prestigieuse. Elle fut notamment soliste de l’Orchestre National, de l’Orchestre Philharmonique de l’O.R.T.F., des Concerts Pasdeloup, Lamoureux et Colonne, de la B.B.C. à Londres, de la Radiodiffusion belge, de Radio-Luxembourg, ainsi que de plusieurs radios allemandes. Après la guerre, on la vit également dans l’émission télévisée de Bernard Gavoty " Les grands interprètes " (1963, 1965, 1966) et se fît entendre à travers toute la France, puis en Europe (Allemagne, Autriche, Espagne, Belgique, Irlande, Portugal, Italie, Yougoslavie, Suisse, Suède, Danemark…), en Afrique du Nord, en Inde et même en Extrême-Orient (Japon, Formose, Bornéo, Hong-Kong) et en Afrique du Sud.

Ginette Doyen a joué sous la direction des plus grands chefs d’orchestre : Rabaud, Bigot, Ingelbrecht, Cluytens, Rosenthal, Baudo, Tzipine, Fournet, Martinon… Elle se produisait aussi très souvent en duo avec son mari, le violoniste Jean Fournier, un ancien élève de Thibaud, Enesco et Kamenski. Ensemble, ils interprétaient dès 1945 un vaste répertoire allant de Mozart, Beethoven, Mendelssohn, Brahms, Schumann, Fauré, Franck, Debussy, Poulenc, Ravel… à Prokofieff, Strauss, Messian…, au Théâtre de l’Odéon, au Palais de Chaillot, à la Salle Gaveau, à la Salle Pleyel, à la Comédie des Champs-Elysées. Ils furent également applaudis dans la plupart des grandes villes françaises, ainsi que dans toute l’Europe, l’Asie, le Moyen-Orient… Ce duo suscitait les louanges des critiques : Hélène Jourdan-Morhange, à la suite d’un concert à la Comédie des Champs-Elysées (17 mars 1956), au cours duquel le couple Doyen-Fournier avait donné les Sonates K. 306, K. 378, K. 379 et K. 526 de Mozart, écrivait : " L’homogénéité est une des plus grandes qualités de ce duo; les nuances sont graduées en même temps, ils respirent ensemble! Jean Fournier est un excellent violoniste. Ginette Doyen une pianiste remarquable… " et au début de cette même année Mario Facchinetti, après l’interprétation, le 16 décembre 1955 à la Salle Gaveau, des Concertos K. 488, K. 271 et K. 467 de Mozart, avec l’Orchestre de chambre Hewitt, déclarait déjà : "… Ginette Doyen, une vedette que le public suit et chérit. La jeune pianiste possède une technique brillante aux traits impeccables où la main ne s’appesantit jamais sur la touche… ".

Le répertoire avec orchestre de cette grande dame du piano était vaste : Bach (Concerto en ré mineur), Mozart (Concertos K.271, K.414, K.466, K.488, K.503), Beethoven (Concertos n° 1, 3 et 4), Ravel (Concerto en sol majeur) y avaient leur place, mais également Henri Martelli (Concerto), ainsi que Liszt (Concerto en mi bémol), Grieg (Concerto), d’Indy (Symphonie sur un chant montagnard français), Franck (Variations symphoniques), Gershwin (Concerto en fa majeur) et Strawinsky (Concerto pour piano et orchestre d’harmonie) et bien d’autres encore… La discographie de Ginette Doyen est importante. Elle a enregistré de nombreux disques chez Westminster (New York), Pathé-Marconi et Véga (Paris), Emi et His master’s voice (Londres) et Nipon Westminter (Tokyo), notamment avec son mari les Sonates pour piano et violon de Mozart, Debussy, les 2 Sonates de Gabriel Fauré, les 6 Sonates de Haendel en 1956 (disques Véga), l’intégrale des Sonates de Beethoven (disques 33 tours, Westminster) et la Sonate libre en deux parties enchaînées, op. 68, de Florent Schmitt (disque 33 tours Véga, ressorti récemment en CD, chez Accord). Seule, on lui doit l’enregistrement des Quatre Ballades, des Trois Ecossaires, du Boléro et des Valses de Chopin, du Mouvement perpétuel de Weber, des Dix Pièces pittoresques d’Emmanuel Chabrier, de plusieurs pages de Saint-Saëns (Thème varié, deux Toccatas, Allegro appassionato) et en 1953 le premier enregistrement des Lieder ohne Worte (48 Romances sans paroles) de Mendelssohn (disques Westminster)… Défendant non seulement le répertoire classique, mais aussi les œuvres de son temps, Ginette Doyen a joué entre autres Jacques Ibert (Histoires), Charles Chaix, notamment son Quintette en 1972 à l’ORTF, Nicole Philiba (Cinq Pièces en forme de suite pour piano), ainsi que Dutilleux et Messiaen… Bernard Gavoty écrivait en 1966 : " Ginette Doyen porte fièrement les trois couleurs de la France musicale : clarté, pudeur, passion raffiné. Ginette Doyen ? Le métier le plus sûr, le plus complet, le plus varié qui soit. L’art le plus vivant, le plus direct, le plus efficace qu’on puisse imaginer. Laissant à d’autres les joies ténues de la confidence, elle passe allégrement la rampe tant est vive en elle la passion de communiquer avec la foule. Communiquer, communier, c’est tout un. Soyez heureuse, Ginette, d’être ce que vous êtes : la messagère d’un art ensoleillé. "

Cette prestigieuse carrière de pianiste fut hélas écourtée à partir des années soixante-dix, à la suite d’un accident au pouce droit. Mal soigné, il s’ensuivit un handicap qui l’obligea, avec peine, à renoncer à sa carrière de virtuose. C’est alors que, à la demande de Marcel Landowski, directeur de la musique au Ministère de la culture, elle se consacra, avec toute son expérience, son enthousiasme et sa générosité, à transmettre son art à de jeunes talents, tant en France qu’à l’étranger.

Chevalier de l’Ordre national du mérite et des Arts et des Lettres, Ginette Doyen a été inhumée le 30 août dans le petit cimetière de Torteval (Calvados).

D.H.M.

Vlado Perlemuter
Vlado Perlemuter en 1955
( photo Yvonne Chevalier )
Le pianiste polonais naturalisé français Vlado PERLEMUTER vient de mourir le 4 septembre 2002 à l’hôpital américain de Neuilly-sur-Seine, à l’âge de 98 ans. Tout comme Robert Casadesus, Perlemuter était très estimé de Ravel lui-même, qui appréciait beaucoup leurs interprétations. Grand ami de la violoniste Hélène Jourdan-Mohrange, il eut ainsi très souvent accès à la maison de Montfort-l’Amaury où le compositeur du Boléro recevaient ses amis. Le maître lui fit travailler, en 1927, ses propres œuvres, lui faisant ainsi part de ses moindres désirs et de ses propres conceptions. C’est pourquoi Perlemuter est considéré comme le dépositaire incontestable de la pensée de Ravel pour le piano, au même titre que Manuel Rosenthal pour son œuvre orchestrale. L’enregistrement, en 1955, de l’intégrale de la musique pour un piano de Ravel (Vox DL 153), contenant notamment le Concerto pour la main gauche et le Concerto en sol majeur, avec l’Orchestre de l’Association des Concerts Colonne dirigé par Jascha Horenstein, a fait date. Vlado Perlemuter était aussi un remarquable interprète de Schumann, notamment de sa Fantaisie op. 17 et Kreisleriana (Fantaisie op. 16), qu’il enregistra à la même époque (Vox, LP 9190), de Mozart dont il grava toutes les Sonates (Pathé), de Chopin (Valses, Préludes, Ballades) et de Fauré (Thème et Variations, Nocturnes, Barcarolles). Soliste de réputation internationale, il a joué avec les plus grands orchestres à travers toute la France, l’Europe, l’Extrême-Orient et Outre-Atlantique. Alfred Cortot a écrit de lui un jour : " Les chefs-d’œuvre de notre art ne pourraient être en de meilleures mains –et ceci dans le sens littéral du mot- ni être interprétés avec un esprit plus noble et plus compréhensif. Ce n’est pas seulement un grand virtuose, c’est aussi un grand musicien ! "

Né le 26 mai 1904 à Kowno (Pologne, à présent Kaunas en Lituanie), Vladislas Perlemuter arrive avec sa famille en France à l’âge de 3 ans. Il débute très tôt des études de piano, devient l’élève de Moritz Moszkowski installé à Paris depuis 1897, auquel on doit des Danses espagnoles pour piano seul ou pour piano à quatre mains, puis est admis dans la classe de Cortot au Conservatoire de la rue de Madrid. Il a alors 13 ans, et remporte deux ans plus tard le Premier Prix de piano (1919). L’année suivante il est récompensé par le prix Diémer et dès lors s’ouvre pour lui une carrière internationale. En 1938, Vlado Perlemuter est nommé professeur assistant au CNSM; c’est l’époque également où il joue en trio avec Gabriel Bouillon (violon) et Pierre Fournier (violoncelle). La seconde guerre mondiale l’oblige à interrompre sa carrière, qu’il ne peut reprendre qu’en 1950 comme professeur au Conservatoire de Lausanne. En 1951, il réintègre son poste au CNSM de Paris, cette fois comme titulaire. Durant ses 26 ans d’enseignement il sera considéré comme un pédagogue exceptionnel, s’efforçant d’inculquer à ses nombreux élèves l’élégance, la distinction, l’émotion et surtout le respect de l’œuvre. Clarendon (Bernard Gavoty) a défini un jour Perlemuter en trois mots : " un logicien sensible ", ce qui en effet résume parfaitement tout l’art de ce pianiste merveilleux. Il fut également invité à de nombreuses master-classes au Canada (Académie d’été de Darington), en Angleterre (Collège royal de Musique de Londres, Manchester) et au Japon. Retraité du Conservatoire en 1977, il poursuivit sa carrière de soliste à travers le monde entier, jusqu’au 7 mai 1993, jour où, à l’âge de 89 ans il donnait son ultime concert d’adieu. En compagnie d’Hélène Jourdan-Mohrange, confidente de Ravel, il a écrit un remarquable " Ravel d’après Ravel " (Ed. du Cervin, Lausanne, 1953), dans lequel, notamment, il fait part de la conception moderne du piano que lui avait enseigné son mentor. La plupart des enregistrements CD de Vlado Perlemuter, actuellement disponibles sur le marché, sont édités chez Nimbus Records (Beethoven, Chopin, Fauré, Debussy, Liszt, Ravel, Schumann). Abeille Musique a réédité récemment un coffret double CD contenant les enregistrements de 1955 de l’intégrale des œuvres pour piano de Ravel (VOXCDX25507). A ne pas manquer pour conserver intact le souvenir de ce pianiste hors pair !

D.H.M.

Yuri AHRONOVITCH, chef d’orchestre soviétique naturalisé israélien, spécialisé dans la musique russe, s’est éteint le 31 octobre 2002 à Cologne, en Allemagne. Il était âgé de 70 ans. Quelques jours auparavant, le 4 octobre au Théâtre de Mogador, les parisiens l’acclamaient encore dans sa magistrale direction de l’Orchestre de Paris, avec la Symphonie n° 3 " Le divin poème ", op. 43, d’Alexandre Scriabine, la Fantaisie sur des airs nationaux de Frédéric Chopin (paraphrases pour piano et orchestre) et le Concerto pour piano, op. 7, de Clara Schumann-Wieck (Brigitte Engerer, piano).

Né le 13 mai 1932 à Leningrad, il débuta ses études musicales très jeune dans le conservatoire de sa ville natale, avant de les achever auprès de Kurt Sanderling, chef de l’Orchestre philharmonique de Leningrad, et de Nathan Rachlin, chef de l’Orchestre national symphonique d’Ukraine. Commença alors pour lui, à partir de 1956, une prestigieuse carrière de chef d’orchestre, tout d’abord en Union soviétique où il dirigea notamment l’Orchestre de Saratov, l’Orchestre de Yaroslav, l’Orchestre symphonique de la Radio de Moscou (1964), puis de 1975 à 1986 l’Orchestre du Gürzenich de Cologne, et enfin de 1982 à 1987, l’Orchestre philharmonique de Stockholm. Il avait émigré en Israël en 1972 et conduit quelque temps l’Orchestre philharmonique d’Israël avant de conquérir les plus grandes scènes d’Europe occidental. Ahronovitch a dirigé la plupart des grands orchestres mondiaux et a été invité à l’Opéra de Chicago, au Covent Garden de Londres, en Italie, en Autriche, en Allemagne…, et en France, où il a conduit l’Orchestre de Paris et l’Orchestre National de France. Avec ce dernier il a enregistré les Concertos pour violon n° 1, op. 19, et 2, op. 63, de Prokofiev (Jean-Pierre Wallez, violon), sortis récemment (juin 2002) chez Universal.

Grand spécialiste de la musique russe, on lui doit non seulement d’admirables interprétations comme le Premier concerto pour piano et orchestre de Rachmaninov, les deux Concertos pour violoncelle de Rubinstein, mais également des enregistrements hors du commun, parmi lesquels figurent le poème symphonique Manfred de Tchaïkovski, avec le London Symphony Orchestra (DG 2530.878), la Symphonie n° 5 de Chostakovitch, avec l’Orchestre philharmonique de Stockholm (BIS), Peer Gynt de Grieg, avec l’Orchestre symphonique de Vienne (LaserLight), le Prince Igor de Borodine, avec le London Symphony Orchestra (The classical Collection), Les Maîtres chanteurs de Nuremberg de Wagner, Ma Vlast de Smetana, les Danses Slaves de Dvorak avec le Vienna Symphony Orchestra (LaserLight)… Le 21 mars et le 3 avril 2003, Yuri Ahronovitch devait diriger au Conservatoire de musique de Luxembourg l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg dans l’Ouverture der Freischütz de von Weber, le Concerto n° 3 pour piano et orchestre, op. 37, de Beethoven, (Rudolf Buchbinder, piano), la Symphonie n° 5, op. 64, de Tchaïkovsky, Psyché de Franck, le Concerto n° 2 pour violon et orchestre, op. 64, de Mendelssohn (Philippe Koch, violon) et la Symphonie n° 2, op. 29, de Scriabine, mais le destin en a décidé autrement.

D.H.M.

La veille de Noël, le 24 décembre 2002, s’est éteint dans la matinée à Milan le compositeur italien Luciano CHAILLY, père du chef d’orchestre Riccardo Chailly, actuel directeur musical de l’Orchestre symphonique Verdi de Milan et du célèbre Concertgebouw d’Amterdam, et de la chanteuse et harpiste Cecilia Chailly. Considéré comme l’un des plus grands compositeurs italiens de la seconde moitié du XXème siècle, Luciano Chailly est l’auteur d’une douzaine d’opéras, dont la Cantatrice chauve de Ionesco, représentée en première audition le 5 novembre 1986 à l’Opéra de Vienne, de plusieurs ballets, de nombreuses pages de musique instrumentale, de mélodies, d’œuvres chorales et de musiques pour la télévision.

Né le 19 janvier 1920 à Ferrare (Italie), il apprend le violon dans sa ville natale, avant d’effectuer des études de littérature à l’Université de Bologne, puis d’intégrer le Conservatoire de Milan, où il étudie la composition avec Renzo Bossi. Il se rends ensuite (1948) à Salzbourg afin de se perfectionner auprès de Paul Hindemith. Sa carrière musicale débute réellement en 1951 avec sa nomination au poste de directeur des programmes musicaux de la RAI. S’enchaîneront ensuite des postes prestigieux : directeur artistique à la Scala de Milan (1968), du Teatro Regio de Turin (1972), de l’orchestre et des chœurs de l’Angelicum Orchestra de Milan (1973), des Arènes de Vérone (1975), de l’Opéra de Gênes (1983), et enfin, à partir de 1988, du Chœur et de l’Orchestre de la RAI de Turin. Parallèlement il enseigne la composition à partir de 1968 au Conservatoire de Milan, puis au département de paléographie musicale de l’Université de Crémone (1986). Il est également membre de l’Académie Sainte-Cécile de Rome, de l’Académie Médicis de Florence, directeur de la section " lyrique " de la Società Italiana degli Autori ed Edirori (1980) et est en outre l’auteur de quelques ouvrages musicologiques, notamment Cronache di vita musicale (Rome, 1973), Buzzati in musica (Turin, 1987) et La variazioni della fortuna (Milan, 1989).

Depuis 1948, année où a paru sa Toccata pour orchestre, Luciano Chailly n’a cessé de composer. Son premier opéra Ferrovia sopraelevata, d’après Dino Buzzati, fut donné à Boulogne le 1er octobre 1955 et sera suivi de douze autres ouvrages de grande valeur, parmi lesquels Una domenda di matrimino de Tchekhov (Milan, 1957), Il Mantello (un opéra surréaliste, Florence, 1960), L’Idiota de Dostoïevski (Rome, 1970), Sogno ma forse no de Pirandello (Trieste, 1975)... et l’opéra de chambre en un acte, sur un livret de Gian Renzo Morteo : La Cantatrice chauve en 1986. Ses ballets ont remporté également un important succès , notamment Shee (Melbourne, 1967) et Anna Frank (Vérone, 1981), ainsi que sa musique pour orchestre : Newton-Variazioni (1979), Es-Konzert (1980) ou Es-Kammerkonzert (1983). On lui doit aussi des œuvres religieuses : une Missa Papae Pauli (1966), une Cantate di S. Francesco (1976), un Kinder-Requiem (1977) et un Te Deum (2001). Paradoxalement, ce musicien très cultivé, reconnu par ses pairs, dont le langage est marqué par un mélange de l’esthétique contrapuntique post-romantique avec l’emploi de techniques de son temps, comme par exemple la musique électronique ou encore le dodécaphonisme, a été très peu enregistré et sa discographie est pour ainsi dire inexistante !

D.H.M.

Daniel Deffayet
Daniel Deffayet
( photo Roland Pierry, © Vandoren Paris, avec l'aimable autorisation de Vandoren )
Un an après la disparition de Marcel Mule, le monde du saxophone est à nouveau touché avec la mort de Daniel DEFFAYET, qui s’est éteint dans son domicile parisien le 27 décembre 2002, à l’âge de 80 ans. Professeur au Conservatoire national de musique de Paris, il avait formé toute une génération de saxophonistes talentueux, mais c’était également un interprète remarquable, auquel on doit, avec son " Quatuor de saxophones ", de nombreuses créations d’œuvres contemporaines de Holstein, Calmel, Brown, Damase, Martinon, Boutry, Rivier, Brenet, Gaujac, Jacques Dupont... Soliste de plusieurs grands orchestres, Karajan l’appelait régulièrement à l’Orchestre philharmonique de Berlin.

Né à Paris le 23 mai 1922, il commence très jeune l’apprentissage du violon dès l’âge de 8 ans, puis le saxophone à 12 ans. Dans les années trente, à l’époque où Marcel Mule se fait connaître du grand public avec son " Quatuor de Saxophones de Paris ", il devient son élève particulier (1938). En 1941 Daniel Deffayet entre au CNSM, où il fréquente les classes de violon (Tourret), harmonie (Maurice Duruflé), musique de chambre (Joseph Benvenuti) et surtout celle de saxophone de Marcel Mule, que Claude Delvincourt vient de réouvrir. Premier prix de saxophone en 1943, il commence par effectuer au début de sa carrière des remplacements dans les orchestres des Théâtres nationaux, et se livre à l’enseignement, à partir de 1948, dans des écoles de musiques parisiennes et aux Conservatoires de Beauvais et du Mans. Il professe également longtemps au Conservatoire municipal du Xe arrondissement, l’un des plus importants de Paris. En 1968, il succède à Marcel Mule dans sa classe du CNSM et poursuit ainsi, durant une vingtaine d’années, l’œuvre entreprise par son prédécesseur : hisser au plus haut niveau mondial l’Ecole française du saxophone. Sa réussite sera bientôt soulignée par une élection à la coprésidence de l’Association des Saxophonistes de France, et en 1971 sa réception comme professeur à l’Indiana University. Mais c’est en 1953 que débute véritablement sa carrière de soliste lorsque Fernand Oubradous, virtuose du basson, titulaire d’une classe d’ensemble instrumental au CNSM, l’invite à se produire dans ses séries de " Concerts de Chambre de Paris ", très prisées par le public et au cours desquelles il joue notamment le Concertino da camera de Jacques Ibert. Il enregistre d’ailleurs plus tard cette œuvre avec Jean Fournet et l’Orchestre des Concerts Lamoureux (LP 33 tours, Epic, LC3478). Cette même année, Daniel Deffayet, en compagnie de Jean Ledieu, Henri-René Pollin et Jacques Terry fonde le " Quatuor de saxophones Deffayet ", avec lequel il effectue durant plus de trente ans de nombreuses tournées tant en France qu’à travers les cinq continents. A sa dissolution en 1987, Jean Ledieu crée son propre " Quatuor Jean Ledieu ", qui va s’imposer à son tour et perpétuer ainsi l’Ecole française du saxophone. Même si la musique pour saxophone est peu jouée en France, le répertoire abordé par Daniel Deffayet est très vaste. Parmi les nombreux compositeurs contemporains abordés en soliste ou avec son Quatuor, citons : Pierrette Mari (De Trois à quatre), Marcel Dautremer (Tétraventi), Antoine Tisné (Alliages), Pierre-Max Dubois (Quatuor), Alexandre Glazounov (Thème et Variations), Gabriel Pierné (Introduction et Variations sur une ronde populaire), Alfred Désenclos (Quatuor), Jean Rivier (Concertino), Arkay Trebinsky (Sonatine), Yves de la Casinière (Ronde), René Herbin (Danse), Charles Cushing (Hommage à André Roussel), Pierre Vellones (Les Dauphins, Valse chromatique), Paul Bonneau (Suite), Paule Maurice (Tableaux de Provence), Fernande Decruck (Pavane)… Il a également créé maintes œuvres, parmi lesquelles il convient de rappeler le Concerto lyrique de Jean Martinon, pour quatuor de saxophones et orchestre, (1976), Divertimento de Roger Boutry, pour saxophone alto et orchestre à cordes (1965), Tétrapyle de Thérèse Brenet, pour quatuor de saxophones et piano, avec Odile Sordoillet-Ledieu (1979), Quatuor de saxophones d’Edith Lejet (1974) et Linéaire I d’Alain Weber, pour saxophone et orchestre (1974). A partir de 1988, Daniel Deffayet s’est plus spécialement consacré à enrichir le répertoire pour son instrument. On lui doit ainsi plusieurs transcriptions et adaptations de pièces de Fauré : Après un rêve (op. 7, n° 1), Berceuse (op. 16), Elégie (op. 24), Pavane (op. 50), Sicilienne (op. 78, extraite de Pelléas et Mélisande), Fantaisie (op. 79) et six Pièces célèbres (mélodies), éditées chez Hamelle-Leduc en 1997 et 1998, et une page de Massenet : Thaïs Méditation (1998, Heugel). Si Daniel Deffayet a enregistré de nombreux disques, seules sont actuellement disponibles sur le marché quelques unes de ses interprétations au sein d’un coffret triple CD " Le saxophone français ", paru en 1998 (EMI MUSIC 72435 7236027), comportant des œuvres de Pierné, Désenclos, Rivier, Schmitt, Dubois, Françaix, Vellones. Citons néanmoins parmi sa discographie épuisée : Rapsodie pour orchestre et saxophone alto de Debussy, avec Marius Constant et l’Orchestre Philharmonique de l’ORTF (33 tours, Erato STU70719), Sylvia de Léo Delibes, avec Jean-Baptiste Mari et l’Orchestre du Théâtre National de l’Opéra de Paris (33 tours, EMI C167162612), en partie réédité en 1992 sous forme de CD (EMI Classics), l’Arlésienne (Suites n° 1 et 2) de Bizet, avec Herbert von Karajan et le Berliner Philharmonisches Orchester (33 tours, DG 2530128) et au Japon : L’art suprême du Quatuor de Saxophones Deffayet (CBS Sony 25-AG-487), Works by Rueff, Tisné, Pascal (CBS Sony SOLN2) et Les classiques du saxophone (King SLA-6348).

Les obsèques de ce musicien ont été célébrées le 31 décembre 2002 en l’église St-Roch (Paris), suivies de son inhumation au cimetière de Montmartre.

D.H.M.

 


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