QUELQUES GLANES SUR LA MUSIQUE
À L’ÉGLISE SAINT-ROCH (PARIS), au XIXe siècle

 

Antoine LEFEBURE-WELY, né en 1756, décédé le 22.6.1831 à Paris, organiste de St-Roch de 1805 à 1831 et auparavant de St-Jacques-du-Haut-Pas de 1802 à 1805, maître de clavecin.

Ca 1810, en compagnie de 9 autres organistes parisiens, il adresse une requête au Ministre des Cultes, le comte BIGOT de PREAMENEU (1747-1825) en vue de fonder une Ecole d’orgue estimant que l’art de l’orgue, à la suite des méfaits de la révolution, risquait de disparaître. Il est notamment précisé que 

L’orgue est l’instrument de la religion, il est en partage de l’Office Divin avec les Ministres des Autels et les Officiers du Choeur ; il répond à leurs voix comme aux chants des fidèles ; il dirige et régularise les concerts pieux dont les voûtes saintes retentissent ; et en contribuant au repos de Choeur, il laisse à l’Assemblée religieuse la tenue du recueillement...

.... Cet Art [de l’orgue] touche à sa fin ; deux causes en annoncent la destruction prochaine ; d’abord, un préjugé trop accrédité, qui dispute aux organistes le talent propre à l’enseignement du piano ; c’est en vain qu’ils opposent à ce préjugé les nombreux élèves qu’ils ont faits et qu’ils font, l’évidence même ne peut rien contre la prévention. Et, en second lieu, l’insuffisance de leurs traitements. Cet injuste préjugé et cette modicité d’honoraires écartent tout élève de la carrière de l’orgue...

Les 10 organistes signataires sont  : MARRIGUES, MIROIR aîné, LASCEUX, LEFEBURE-WELY, BOULOGNE, THOMELIN, COUPERIN, POUTEAU, SEJAN et LACODRE dit BLIN.

Alfred Lefébure-Wély, vers 1840 à l'époque où il touche l'orgue de St-Roch
( lithographie Marie-Alexandre Alophe, BNF Richelieu )
Alfred LEFEBURE-WELY, né le 13.11.1817 à Paris, décédé le 31.12.1869 à Paris, fils d’Antoine auquel il succède à St-Roch en 1831 (jusqu’en 1847, année où il échange son poste avec Fessy à la Madeleine), puis plus tard titulaire de St-Sulpice de 1863 à 1869. Elève de son père, puis d’Amédée MEREAUX et de RIGEL et enfin du Conservatoire de Paris (Benoist, Laurent, Berton, Halévy). 1er Prix d’orgue en 1835.

A l’âge de 8 ans il se fit entendre sur le grand orgue de St-Roch, lors des offices de Pâques. Un an plus tard, remplaçant son père atteint de paralysie, il assurait seul les fêtes de Noël 1826. " Les paroissiens étaient ébahis et ne comprenaient rien à ce prodige de précocité . Le clergé applaudissait à ses sucés ; il ne voyait pas sans émotion un jeune enfant quitter le plus petit catéchisme pour monter au grand orgue et jouer cet instruments en présence d’une assemblée où l’on voyait de grands seigneurs, de riches négociants et d’opulents étrangers. L’année suivante, il joua son premier Te Deum, à l’occasion de la fête patronale... " (Abbé Lamazou)

A propos du Te Deum, l’abbé Lamazou, alors vicaire à la Madeleine, déplore en 1863 l’abandon à Paris de cet antique usage qui rendait tant de services au culte et à l’art. Il précise notamment : " Il est d’autant plus fâcheux de voir cet usage tombé en désuétude, qu’aujourd’hui les grandes paroisses ont des instruments beaucoup plus riches, beaucoup plus parfaits qu’autrefois, et que ceux qui les manient ont plus besoin que jamais d’apprécier la manière dont on fait valoir les richesses modernes de l’orgue. Les organistes devraient se concerter et prendre eux-mêmes l’initiative pour demander la restauration de l’antique usage du Te Deum des fêtes patronales à Saint-Sulpice, à la Madeleine, à Sainte-Clotilde, à Saint-Roch, à Saint-Eustache, à la basilique de Saint-Denis, à Notre-Dame, lorsque l’auteur des perfectionnements merveilleux de l’orgue, M. Cavaillé-Coll, aura terminé l’instrument de l’église métropolitaine... "

Alfred Lefébure-Wély : Tatiana
Alfred Lefébure-Wély : Tatiana
Titania, fantaisie de concert, op. 170 (fragment), une des nombreuses pages pour piano écrite vers 1865 par Alfred Lefébure-Wély dans un style alors très en vogue sous le Second Empire. Paris, Ch. Gambodgi et Cie, Éditeurs de musique, 112 rue de Richelieu.
( coll. DHM )
Fichier MP3 Fichier audio par Max Méreaux (DR)

Alexandre-Charles FESSY , le 18.10.1804 Paris, décédé le 30.11.1856 à Paris, organiste de l’église de l’Assomption, puis de la Madeleine et enfin de St-Roch (1847-1856). Se faisait appeler FESSY de la CORDONNIÈRE. Elève du Conservatoire de Paris de 1813 à 1824. Obtient un Premier d’orgue dans la classe de Benoist en 1826. Est également chef d’orchestre des concerts de la Salle Vivienne, du Théâtre national et du Théâtre du Cirque. Auteur de nombreux ouvrages liturgiques ou didactiques, dont certains publiés en collaboration avec A. Miné.

Il fut le premier candidat à obtenir le prix d’orgue dans la classe de Benoist au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, en 1826. Plus tard, le vicomte de Pontecoulant, dans un article de La France Musicale concernant Adolf Hesse notera : Il est passionné pour la force et le bruit, son jeu étonne, mais ne va pas à l’âme. Il semble toujours être le ministre d’un Dieu en colère qui veut punir ; j’aime bien mieux MM. Lefébure-Wély et Fessy, qui sentent et traduisent en pensées si suaves nos prières, et les transmettent en accords doux et harmonieux vers l’Eternel.

Associé avec MINé, il publia vers 1839 un Guide de l’organiste, collection d’offices complets composés pour le service divin de toute l’année (romain ou parisien). Il poursuivit ensuite seul des publications avec notamment un Office complet de l’année (1844) avec plain-chants et morceaux pour l’harmonium ; un Service divin dédié à Mgr l’archevêque de Paris " pour toutes les fêtes de l’année d’après le nouveau graduel suivant le rit romain " (1854) précédé d’un " calendrier musical de l’organiste " ; ainsi qu’un Répertoire de l’organiste (1856) en huit livraisons contenant 3 messes complètes, des morceaux pour l’office du soir, des offertoires, Magnificat...

Fessy était l’un des organistes parisiens les plus connus. Il dirigea également, dans les années 1830-1840, les Concerts Valentino, les Concerts Viviennes et quelques autres séries de concerts.

Fichier MP3 A. Fessy, Fantaisie pour clarinette avec accompagnement de piano sur l’Ave Maria et Allegro D. 839 de Schubert, op. 10 (Boston, L.A. Blanchard, 1878)
Fichier audio par Max Méreaux (DR.)

Henri LEBEAU d’AUBEL, né le 13 avril 1830 à Paris, y décédé le 22 octobre 1899, organiste de chœur dans les années 1860-1870. Elève d’orgue d’Alfred Lefébure-Wély et de François Benoist. Son père, Nicolas Lebeau, né en 1805 au Pecq (Yvelines), artiste musicien à Paris, est le fondateur en 1853 des Editions musicales Lebeau, qui seront rachetées en 1905 par Leduc.

Rédacteur en chef du Journal de la Musique Populaire, il est aussi chef d’orchestre, facteur de pianos et successeur de son père, avec son frère Alfred Lebeau (1835-1906), des Editions Lebeau. En tant qu’organiste ou maître de chapelle, au fil des années, en dehors de Saint-Roch, il exerce dans plusieurs autres églises parisiennes : Saint-André-d’Antin, Saint-Leu-Saint-Gilles, Oratoire du Louvre. En 1871, il avait postulé à la succession de Chauvet à La Trinité en même temps que Fauré, Covin et Guilmant, entre autres. Malgré l’appui de la candidature de Fauré par Cavaillé-Coll, Saint-Saëns et la direction de l’Ecole Niedermeyer, c’est Guilmant qui fut choisi.

Compositeur, auteur de près d’une centaine d’œuvres, on lui doit notamment un recueil en deux volumes intitulé 200 Pièces brèves dans tous les tons majeurs et mineurs pour orgue ou harmonium, édité chez Leduc, dédié à ses maîtres A. Lefébure-Wély et F. Benoist.


Fichier MP3 Henri Lebeau d’Aubel, En route, polka-marche, op. 25, transcription pour violon avec accompagnement de piano par Charles-Louis Hess (Paris, A. Leduc), fichier audio par Max Méreaux (DR.)

Alexis MASSON, né vers 1795, maître de chapelle de St-Roch, de 1824 à 1859. Elève de l’abbé Nicolas AUBERT à St-Roch.

Berlioz, dans ses Mémoires, parle à plusieurs reprises de Masson :

Un peu plus tard [1824], M. Masson, maître de chapelle de l’église de Saint-Roch, me proposa d’écrire une Messe solennelle qu’il ferait exécuter, disait-il, dans cette église, le jour des Saints-Innocents, fête patronale des enfants de chœur. Nous devions avoir cent musiciens de choix à l’orchestre, un chœur plus nombreux encore ; on étudierait les parties de chant pendant un mois ; la copie ne coûterait rien, ce travail serait gratuitement et avec soin par les enfants de chœur de Saint-Roch.... Le jour de la répétition générale arriva, et nos grandes masses vocales et instrumentales réunies, il se trouva que nous avions pour tout bien vingt choristes, dont quinze ténors et cinq basses, douze enfants, neuf violons, un alto, un hautbois, un cor et un basson. On juge de mon désespoir et de ma honte en offrant à Valentino, à ce chef renommé d’un des premiers orchestres du monde, une telle phalange musicale !... Soyez tranquille, disait toujours maître Masson, il ne me manquera personne demain à l’exécution. Répétons ! répétons... " etc... [voir les Mémoires de Berlioz, chap. VII et VIII].

En 1830, le traitement de l’organiste est l’un des plus importants (800F/an) avec St-Germain-l’Auxerrois, la Madeleine et St-Eustache. La maîtrise est également bien fournie : 4 chantres, 2 serpents et 12 enfants de chœur y sont régulièrement employés, autant qu’à Notre-Dame. La musique des Trois Heures de l’Agonie, le Vendredi-Saint à midi, est exécutée par l’organiste, huit dessus (les enfants de chœur), trois hautes-contre, quatre ténors, quatre basses-taille, deux basses ou un serpent. Les cérémonies sont alors grandioses : par exemple le dimanche 30 mai 1830, la Messe Solennelle de Chélard, maître de chapelle du roi de Bavière, directeur de l’Athénée musical de la ville de Paris, est donnée par l’orchestre et les chanteurs de l’Académie Philharmonique, les enfants de chœur de la maîtrise, des élèves des écoles, des chanteurs allemands. Au total, plus de 130 exécutants. [La musique à Paris en 1830-1831, sous la direction de François Lesure, Paris, Bibliothèque Nationale, 1983)

Charles VERVOITTE, né le 9.5.1819 à Aire-sur-la-Lys (62), mort le 16.4.1884 à Passy (Paris 16e). Maître de chapelle successivement de St-Joseph à Boulogne-sur-Mer, de St-Evode à Rouen, de St-Roch (1859-1873) et de Notre-Dame de Paris (1876-1884). Elève de MASSART (organiste à Aire), de CATOUILLARD (organiste à Saint-Omer), puis de Théodore LABARRE pour la composition.

Inspecteur de la musique religieuse délégué du Ministre de l’Instruction Publique et des Cultes (1871-1880), auteur notamment des Archives des cathédrales (18 volumes chez Girod, à Paris), il fut longtemps le Président-directeur de la Société Académique de Musique Sacrée, fondée à Paris le 6.12.1861, dont le siège était situé 8 rue Saint-Roch. Celle-ci se réunissait chaque semaine " pour étudier en commun la musique des grands maîtres de l’art religieux et classique. " et souhaitait " tirer de l’oubli toute œuvre qui, depuis et avant même le grand Palestrina, se recommande par un mérite quelconque sans acception d’âge, d’école et de système. " Lors de la séance générale du 15.1.1864 dans le salon de l’abbé Faudet, curé de Saint-Roch, Vervoitte fait le constat suivant :

" ... Qu’a-t-on fait, je vous le demande, pour la musique religieuse ? Que sont devenues tant de pages, tour à tour austères, sublimes ou gracieuses, qui ont fait les délices de nos pères et provoqué l’enthousiasme universel ? Où retrouver, où ressaisir ce glorieux héritage des siècles ? Qui, d’ailleurs, en peut maintenant apprécier la valeur ? Qu’en reste-t-il ? Quelques feuillets poudreux dans quelques rares bibliothèques, d’où personne ne se soucie plus guère de les tirer... "

Parmi les membres du Bureau figurent notamment les abbés Depontaillier et Gallet, vicaires à St-Roch et parmi les sociétaires l’abbé Faudet, curé de St-Roch, ce qui démontre l’attachement, à cette époque, du clergé à la musique religieuse de qualité !.

Les répétitions se déroulaient dans la chapelle du Calvaire, à Saint-Roch, les premier et deuxième mercredis de chaque mois. Saint-Saëns en personne était l’organiste attitré de ladite Société...

Dès 1852, n’étant pas encore nommé maître de chapelle à St-Roch, on avait commandé à Vervoitte une messe pour la fête patronale de cette église qui fut exécutée au mois d’août. Lors de sa nomination à St-Roch, en mai 1859, il avait du concourir avec 65 autres candidats !

Pierre Cochereau, organiste de St-Roch de 1942 à 1954 et suppléant de Dupré à St-Sulpice, de 1950 à 1955. Organiste de Notre-Dame de Paris de 1955 à 1984.
( Photo X... )

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE

 


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