Pierre DOURY

(1925 – 2018)


 

 

Le 25 septembre 2018 s’est éteint à Clamart l’organiste, compositeur et pédagogue Pierre Doury dans sa quatre-vingt-quatorzième année. Née le 14 juillet 1925 à Choisy-le-Roi en banlieue parisienne, fils de Paul (1892-1962) et de Berthe Babulot – petit-fils du Lieutenant-Colonel Paul Doury, pacificateur du Tafilet au Maroc en 1917, puis créateur et conservateur du Musée Franchet d’Esperey à Alger– il était issu d’une famille dont les ascendants sont à rechercher dans les Ardennes, à Aussonce, où son aïeul Rémi Doury y était cultivateur. Entré au Conservatoire de Versailles à l’époque où il était dirigé par Jean Hubeau, il y fréquenta notamment la classe du Prix de Rome Aimé Steck, puis étudia auprès d’Auguste Le Guennant à l’Institut grégorien de Paris, successeur de Dom Joseph Gajard, tout en prenant des cours d’orgue auprès d’Alexandre Cellier, un élève de Guilmant et de Widor, organiste de la « Société Jean-Sébastien Bach ».

 

Au cours de ses études, en compagnie de quatre autres jeunes compositeurs d’esthétique diverses, il créa un groupe dont les œuvres étaient notamment jouées lors des concerts du « Triptyque ». La première parution en public de ce groupe eut lieu à la Salle Cortot (Paris) le 16 avril 1953. Un demi-siècle plus tard, Pierre Doury se remémorant cette époque écrivait à l’auteur de ces lignes : « Le "Pentacorde" fut une expérience des plus sympathiques et en premier lieu une rencontre amicale. Nous étions, Bernard Wahl, René Maillard, et moi élèves ensemble dans la classe d'Aimé Steck au conservatoire de Versailles, et c'est là que germa notre projet qui, avec Jacques Boisgallais et Clermont Pépin, qui aboutit au Pentacorde. Arthur Hoérée, Pierre d'Arquenne, et Pierre Capdevielle, ainsi que Bernard Gavoty (Clarendon) nous ont aidés par la suite. » Et, sur son professeur : « […] j'aimais beaucoup ce professeur rigoureux à qui je dois une grande part de ma formation de base, cet homme austère et intègre d'une grande honnêteté intellectuelle et musicale qui lui a probablement coûté une carrière plus brillante. »

 

Le groupe Pentacorde vers 1953
Le groupe "Pentacorde" vers 1953. De gauche à droite : Jacques Boisgallais (debout), Pierre Doury (assis), Bernard Wahl (debout),
René Maillard (assis), Clermont Pépin (debout)
( photo Louis Jacob, portraitiste, 3 rue de Nogent, Saint-Cloud ; coll. René Maillard, avec son aimable autorisation )

C’est dans une église de Versailles, où il résidait alors, qu’il fit ses premières armes d’organiste à la fin des années 1940, avant d’être nommé en 1950 à l’orgue de chœur de l’église du Sacré-Cœur de Paris. Là, il travailla de concert avec Henri Potiron, maître de chapelle qu'il avait connu quelques années auparavant à l'Institut grégorien où il enseignait depuis sa fondation en 1923. Deux années plus tard, il arrivait à l’église Saint-Sulpice, tout d’abord comme maître de chapelle adjoint de Charles Pineau à partir d’octobre 1952, puis nommé titulaire au départ de ce dernier en 1957. Tout en tenant également les claviers de l’orgue de chœur qu’il partageait avec Georges Humbrecht à partir de 1961, il conservera ces deux charges dans cette église jusqu’en 1965, – à cette époque, Marcel Dupré tient le grand orgue (1934 à 1971) – année où il dut s’en démettre afin de pouvoir assumer pleinement ses fonctions de pédagogue et de directeur de conservatoire. En effet, depuis le début des années cinquante, il enseignait à l’Institut grégorien qu’il quitta aussi en 1965, et surtout, depuis 1961 dirigeait le Conservatoire national de région de Saint-Maur-des-Fossés, poste qu’il va occuper durant 32 ans, jusqu’en 1993. C’est lui, qui en octobre 1975 crée une classe d’orgue dans cet établissement qu’il confie à Gaston Litaize. Parallèlement, il enseignait l’écriture (harmonie, contrepoint, composition) et le chant grégorien (rythmique, modalité et esthétique) à la Schola Cantorum, à partir de 1972 et ce n’est qu’en 2017, alors âgé de 92 ans qu’il se résignait à quitter cet établissement ! En 1967, il avait proposé un programme des études de solfège, qui, après réflexion et étude, aboutit à un texte définissant les grandes orientations de la formation musical publié par la Direction de la musique et de la danse du Ministère de la culture.

 

Plusieurs générations d’étudiants ont ainsi bénéficié de son enseignement et ainsi que l’écrivait Michel Denis, directeur de la Schola Cantorum, au moment de sa disparition : « …il (leur) aura transmis sa foi, sa science, son enthousiasme et son humanisme… » Mais, Pierre Doury, lui-même, s’était un jour exprimé sur sa façon d’enseigner : « Si la pédagogie est un métier, elle est aussi une vocation. Elle suppose tout d’abord, que l’on porte autant de soin et d’attention à chaque élève autant que l’on aime ce que l’on enseigne. L’objectif est que l’élève atteigne son épanouissement par la maîtrise de son savoir-faire au niveau maximum de ses capacités. » Parmi ses nombreux élèves formés dans les divers établissements où il a professé, citons, entre autres, Théophile Collier, Patricia Lebrun, Jean-Marc Philippon, Olivier Perrin, Arthur Lavilla, Bernard Sève, Olivier Mainguy, Arnaud Fournier, François Lombard, Benjamin Straehli…

 

Durant ses quelques 70 ans d’activités musicales Pierre Doury a consacré une bonne partie de sa vie au service de la musique d'église. Aussi, « loin du tintamarre médiatique », la construction d'une œuvre liturgique abondante lui a valu en 1992 la Croix de chevalier de l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, qui lui a été remise par Mgr Guillaume, évêque de Saint-Dié. A partir de 1954, il organisait également des sessions de chant grégorien en province (Châlons-sur-Marne, Coutances, Autrey, Remiremont, Epinal...), œuvre qu’il poursuivit au fil des décennies. A ce titre il a ainsi eu l’occasion de former à l’art musical de qualité de nombreux prêtres, religieuses et laïcs.

 

Un autre domaine important de la vie artistique de Pierre Doury est la composition qu’il n’a jamais cessé de pratiquer durant près d’un demi-siècle. Son catalogue est abondant et la presque totalité de son œuvre est publiée à la Procure Générale du Clergé, aux Editions Europart-Music ou chez Choudens. Il n’est pas de notre propos ici de dresser la liste de ses compositions tant elles sont nombreuses, contentons-nous seulement de préciser que si la musique religieuse occupe la plus grande partie de son catalogue, on trouve néanmoins des œuvres instrumentales : Trois Préludes pour piano (Billaudot), Promenade et Toccatina pour piano (id.)..., de la musique de chambre : Sonate pour violoncelle et piano, Concerto pour 3 violoncelles (Choudens), Introduction et Allegro pour 4 cordes, Quatuor d’ondes Martenot... et un ballet Le Cerf-volant (1969). Ses très nombreuses pages de musique religieuse comportent des chœurs avec ou sans accompagnement, des motets et des cantiques. Parmi celles-ci mentionnons une Messe pour tous les temps, plusieurs Notre Père, des Antiennes et Psalmodies, des Vigiles, un hymne pour le temps de la Passion à 3 voix égales avec accompagnement d'orgue : Christ, où est ta victoire ?, un triple Alleluia de facture quasi grégorienne, un chant d'entrée pour le premier dimanche de l'avent à 4 voix mixtes : Qui voudrait escalader les cieux ?, un Ave Maria pour voix et orgue, un Kyrie anglican pour chœur a cappella... Pour l’orgue, il a composé plusieurs pièces : 8 Communions (Musique sacrée), Fête de l’Assomption de la Sainte Vierge (Combre), Oraison (Musique sacrée), Variation sur un Choral (id.). On lui doit aussi plusieurs ouvrages didactiques : Cours de dictée musicale, Cours pratique d’écriture musicale, Grammaire de la langue musicale, La Modalité, Lexique du langage musicale (tous édités chez Choudens)...

 

Lors de son décès, l’un de ses élèves, Benjamin Straehli, lui a rendu hommage en ces termes « Je voudrais surtout insister aujourd'hui sur son abondante activité de compositeur liturgique. Il écrivit aussi bien des refrains faciles à destination des assemblées dominicales (Comble-nous de ta miséricorde, Nous partageons le pain nouveau...) que des pièces plus difficiles pour les interprètes, conçues plutôt pour des chorales ou des communautés ayant le temps de répéter patiemment les chants pour les assimiler. Il mit en musique de nombreux textes de l'abbé Ory, et composé notamment pour l'abbaye de Ligugé ; il fut l'un des grands contributeurs de la revue Musique sacrée-l'Organiste. Dans toute sa production, il fut guidé par le souci constant de faire dire le texte avec intelligence et naturel, sans jamais céder au mauvais goût. Resté à l'écart des circuits par lesquels passe désormais la plupart des cantiques en usage dans les paroisses, son répertoire est resté peu connu, négligé au profit de compositeurs ne cherchant pas la qualité avec autant d'application. » (21 octobre 2018, in http://orguepellevoisin.canalblog.com).

 

Son épouse (en 1954) Marie-Thérèse Doury née Migny (1928-2007) a été directrice de l'Ensemble vocal "Cantus Firmus" de Saint-Maur (Val-de-Marne). Il l’avait connue lors de ses études à l’Institut grégorien de Paris où elle obtenait en 1955 le certificat d’Etudes grégoriennes. Ils sont tous deux inhumés au cimetière de Beaulon (Allier). Quant à ses deux frères, Paul Doury (1927-2017), docteur en médecine en 1953, à 79 ans il obtint un second doctorat (Histoire contemporaine) en 2006, et Robert Doury (1931-1987) entra chez les Frères de Saint-Vincent-de-Paul dont il fut le Supérieur général de 1964 à 1976.

 

Denis Havard de la Montagne

(août 2021)

 

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