Le Panthéon des musiciens
De janvier 2011 à juin 2011
Jean-Marc COCHEREAU - Margaret PRICE - Jean MARCOR - Edgar DAVIGNON - Jean-Claude ENGLEBERT
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Jean-Marc Cochereau ( photo X... ) DR
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Le 10 janvier 2011 à Orléans s'est éteint le chef d'orchestre Jean-Marc COCHEREAU à l'âge de 61 ans. Directeur du Conservatoire de Tours, durant toute sa vie il a servi la musique avec beaucoup de passion et de générosité. Chef permanent de l'Orchestre symphonique d'Orléans, il est mort d'une rupture d'anévrisme en pleine répétition du concert Beethoven programmé les 14, 15 et 16 janvier. Frédéric Mitterand, ministre de la Culture et de la Communication, lui a rendu hommage en déclarant notamment que : "… ce musicien si charismatique et généreux reste, comme l'exemple même d'une vocation portée à son comble d'amour et de fragilité."
Né le 25 novembre 1949 au Mans (Sarthe), où son père, l'organiste Pierre Cochereau (1924-1984) dirige à l'époque le Conservatoire de cette ville avant de bientôt devenir (1955) le célèbre organiste de Notre-Dame de Paris, Jean-Marc Cochereau débute la musique à l'âge de 5 ans. Sept années plus tard (1961), avec sa sœur Marie-Pierre, future harpiste, il suit ses parents à Nice (Alpes-Maritimes) où son père vient d'être nommé directeur du Conservatoire. Là, il poursuit l'étude du piano et débute celle de direction d'orchestre avant de les achever au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Il sortira de cet établissement avec un prix d'harmonie et un 1er prix de direction d'orchestre. Déjà à Nice, sa carrière de chef d'orchestre débute avec le Festival annuel de Musique sacrée auquel il collabore durant six années et en 1976 il est récompensé par le Grand Prix du disque pour son enregistrement (FY 042) de l'oratorio Jeanne d'Arc au bûcher d'Arthur Honegger (poème de Paul Claudel) avec les Choeurs de l'Opéra de Nice et l'Orchestre philharmonique de Nice. A l'Opéra de Nice, où il dirige également, on peut le voir, entre autres productions, dans Carmen (novembre 1978), Simon Boccanegra (mars 1979), Nabucco (id.) et Manon (avril 1979). A cette époque, il produit avec l'orchestre de la RAI de Turin (Italie) la Jeanne d'Arc d'Honegger, le Gloria de Poulenc ainsi que L'Enfance du Christ et le Te Deum de Berlioz, et, au début des années 1980 donne Carmen à l'Opéra du Rhin. En 1984, il fait ses débuts aux Etats-Unis, invité par l'Orchestre philharmonique de Los Angeles au concert d'inauguration de l'orgue de la Crystal Cathedral. Mais, c'est surtout à partir de 1987, avec sa nomination à la tête du Conservatoire d'Orléans et à celle de l'Orchestre symphonique de cette ville que sa carrière prend un réel essor. Auparavant, il avait déjà dirigé quelque temps les conservatoires de Saint-Raphaël (Var) et de Valence (Drôme). En 2001, il sera ensuite appelé à diriger le Conservatoire National Régional de Tours, poste qu'il va occuper jusqu'en 2010, année de sa retraite. Comme l'a déclaré si justement sa sœur Marie-Pierre, "en tant que directeur, il fut un homme extrêmement apprécié, juste et intègre."
Spécialisé dans la formation d'orchestres de jeunes, Jean-Marc Cochereau sait se mettre à la hauteur des élèves en leur communiquant sa passion pour la musique. C'est ainsi qu'il est notamment directeur musical des "Orchestrades universelles de Brive-la-Gaillarde" (fondées en 1984) auprès de la Fédération Nationale des Associations de Parents d'Elèves des Conservatoires (FNAPEC) et de l' "Orchestre Régional des Jeunes du Centre" qu'il crée à Tours en 1985 avec Claude-Henry Joubert et Erik Krüger. Avec cette formation, qui se produit alors principalement aux festivals du Théâtre Musical de Touraine, il dirige de nombreuses productions parmi lesquelles L'Enlèvement au sérail, Falstaff, Fidelio, Pelléas et Mélisande, Faust, le Roi Arthur. Rebaptisé en 2001 "Orchestre des Jeunes du Centre" il en conserve la direction musicale et participe à de nouvelles productions, avec entre autres, la 7e Symphonie de Chostakovitch, la 4e de Mahler, Les Planètes de Holst et en 2006 la Mass de Léonard Bernstein. L'année suivante, il redonne cette même œuvre, cette fois avec l'Orchestre symphonique d'Orléans pour fêter sa vingtième saison. Entre 1987 et 2011, il a su en effet porter à un haut niveau cet orchestre, composé d'instrumentistes professionnels et d'élèves de conservatoire, capable de programmer annuellement une douzaine de concerts de qualité, en drainant un public de plus en plus nombreux. Parmi les 23 saisons qu'il a dirigées, citons notamment en 2008/2009 la "Saison romantique allemande" (Schumann, Strauss, Malher, Bruckner, Wagner, Mendelssohn) et en 2009/2010 "Les 9e symphonies" (Dvorak, Chostakovitch, Schubert, Bruckner, Malher, Beethoven). Lors de saisons précédentes, il avait eu l'occasion de donner l'intégrale des symphonies et concertos de Beethoven et de Brahms. Durant les années 1990, il fut également invité à diriger au Festival de Laval par l'Association des Orchestres des Jeunes du Québec et participait au 5e Printemps musical de Tunis (1993).
En dehors de l'enregistrement qui lui valut un prix, précité, on doit à Jean-Marc Cochereau ceux de la Pièce symphonique du compositeur niçois Pierre-Jean Grassi (1966-1986), tristement décédé de mucoviscidose à l'âge de 20 ans, avec l'Orchestre des Jeunes "Arpège" (Solstice SOCD 67), du Requiem op. 54 de Saint-Saëns, avec la Maîtrise des Hauts-de-Seine et l'Orchestre symphonique d'Orléans (Solstice SOCD 75) et en 1998, de la Paraphrase de la Dédicace pour chœur à 4 voix mixtes, deux ensembles de cuivres et deux orgues de Pierre Cochereau, avec l'Ensemble de cuivres de l'Orchestre philharmonique de Marseille, le Chœur régional Provence-Alpes-Côte d'Azur et les organistes Pierre Pincemaille et François Lombard (Solstice SOCD 163).
Jean-Marc Cochereau est mort la baguette à la main alors qu'il attaquait le deuxième mouvement "Marche funèbre" de la 3e Symphonie "Eroica" de Beethoven. Ses obsèques ont été célébrées le 14 janvier en la cathédrale de Tours, auxquelles ont assisté, outre sa famille et ses nombreux amis, les musiciens de l'Orchestre symphonique d'Orléans qui s'étaient déplacés pour rendre un ultime hommage à leur Maître.
Denis Havard de la Montagne
C'est à Cardigan (Pays de Galles), le 28 janvier 2011, qu'est décédée la soprano lyrique galloise Margaret PRICE dans sa soixante-dixième année. Réputée pour être l'une des plus grandes interprètes mozartiennes (Pamina de la Flûte enchantée, Fiordiligi de Cosi fan tutte, Donna Anna de Don Juan, la Comtesse des Noces de Figaro), elle était également remarquable dans le lied allemand (Schubert, Schumann, Richard Strauss). Réclamée par les plus grandes scènes mondiales, elle se produisit à l'Opéra de Paris à partir de 1973 avec Mozart et en 1977 et 1978 dans Othello (Desdémone). Les fidèles du palais Garnier se souviennent assurément de son admirable interprétation de la Comtesse dans la production devenue légendaire de Giorgio Strehler (1973 à 1993)! Sa voix lumineuse, "l'éclat et la brillance de son timbre" ont fait d'elle l'une des plus belles voix du XXe siècle.
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Margaret Price ( DR )
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Née le 13 avril 1941 à Blackwood au Pays de Galles, dans une famille mélomane, Margaret Berenice Price débute très jeune le chant, encouragée par ses parents, qui cependant ne songeaient pas qu'elle put en faire profession. C'est pour cette raison qu'elle fut tout d'abord orientée vers des études de biologie pour enseigner les sciences naturelles, tout en prenant des leçons de chant dès l'âge de 9 ans. En 1956, alors âgée d'une quinzaine d'années, elle remporte une bourse au Trinity College of Music de Londres où elle travaille alors le chant avec le chef de chœur et compositeur Charles Kennedy Scott (1876-1965). A cette époque, sa voix de mezzo-soprano, est déjà remarquée et bientôt c'est vers une carrière de chanteuse lyrique qu'elle s'oriente, à présent poussée par son père. Après avoir chanté durant deux années dans les Ambrosian Singers, un des chœurs professionnels de Londres les plus connus, dirigé par John McCarthy (1916-2009), elle débute en 1962 au Welsh National Opera dans Les Noces de Figaro (Cherubin), et est engagée par le Royal Opera House (Covent Garden) comme doublure de Teresa Berganza. L'année suivante, elle remplace la diva au pied-levé dans ce même opéra de Mozart et dès lors le succès est au rendez-vous. Le chef d'orchestre et pianiste écossais James Lockhart, qui va beaucoup compter dans la carrière de Margaret Price, alors répétiteur et bientôt directeur du Welsh National Opera, devient son professeur de chant. Il va ainsi non seulement l'accompagner durant une quinzaine d'années dans ses récitals de lieder, mais surtout l'amener à adopter un registre de soprano. Régulièrement affichée au Covent Garden durant les années 1968-1970, elle se produit également à cette même époque au Festival de Glyndebourne où ses interprétations de Mozart (Constance, Fiordiligi) sont remarquées. Sa collaboration avec Jean-Pierre Ponelle (1968-1969) dans Cosi fan tutte est particulièrement bénéfique et en 1969, c'est l'Opéra de San Francisco qui l'appelle dans la Flûte enchantée (Pamina), puis en 1971 celui de Cologne dans Don Juan (Anna). Cette dernière scène, ainsi que celles du Bayerische Staatsoper de Munich et du Covent garden de Londres l'accueilleront régulièrement jusqu'en 1999. C'est dans ces lieux principalement qu'elle se produira, appréciant peu les voyages et les changements de théâtres, excepté le Palais Garnier où elle va paraître à maintes occasions à compter de 1973. Néanmoins, elle aura l'occasion de se produire aux Etats-Unis en 1972 à l'Opéra de Chicago (Fiordiligi), en 1976 pour une tournée américaine avec la troupe de l'Opéra de Paris, et le 21 janvier 1985 au Metropolitan Opera de New York dans Othello (Desdémone). Son interprétation lui vaut alors les louanges du public et de la presse. Parmi les autres grands rôles qu'elle assume avec beaucoup de brillance, en dehors des personnages mozartiens desquels elle s'éloigne à la fin des années soixante-dix, citons Aïda, Jeanne d'Arc, La Force du destin (Leonore), Un bal masqué (Amelia), Don Carlos (Elisabeth) et Falstaff (Nanette) de Verdi, La Norma de Bellini, Adrianne Lecouvreur de Cilea, Ariane à Naxos de Strauss.
"Styliste exceptionnelle, célèbre pour la pureté de ses attaques, l'usage du mezza voce, la délicatesse de son timbre" [E. Stinchelli], ces facultés exceptionnelles lui permettent également de se produire en récital de lieder et autres chants, avec lesquels elle rencontre un égal succès dans des œuvres de Schoenberg (Das Buch der hängenden Gärten), de Liszt (avec le pianiste Cyprien Katsaris), Richard Strauss (avec Wolfgang Sawallish) et de Schumann, Schubert, Mendelssohn, Brahms pour lesquelles elle est accompagnée au piano par James Lockhart ou Graham Johnson. Elle se retire de la scène en 1999 pour rejoindre définitivement son Pays de Galles natal, tout en continuant durant encore quelque temps son activité de récitaliste,
Margaret Price a beaucoup enregistré, que ce soit des opéras, des lieder ou encore de la musique religieuse. En dehors de Tristan et Isolde de Wagner, dirigé par Carlos Kleiber (Deutsche Grammophon), Un bal masqué avec Pavarotti, conduit par George Solti (Decca) et le 1er Don Giovanni, sous la baguette du même (Decca), qui sont des références, il convient de mentionner ici : La Flûte enchantée conduite par Colin Davis (Philips), Les Noces de Figaro dirigées par Carlo Maria Giulini (EMI classics), Turandot par Roberto Abbado (RCA Victor), Otello conduit par Solti, Ariane à Naxos sous la direction de Kent Nagano (Virgin classics), Don Carlos avec Placido Domingo, dirigé par Abado (Bella Voce records), des Lieder de Schubert avec Sawallish (Orfeo), de Malher avec Thomas Dewey (Forlane), de Mendelssohn avec Graham Johnson (Hypérion), une réédition en 2011 par EMI de cycles de Lieder de Liszt et Strauss (avec Sawallish et Lockhart), le Requiem allemand de Brahms (Orfeo), le Requiem de Mozart dirigé par Peter Schreier (Philips), la Missa solemnis de Beethoven sous la conduite de Karl Böhm (Deutsche Grammophon), Le Messie de Haendel (Vanguard classics), le Te Deum de Bruckner dirigé par Célibidache (EMI classics)…
Denis Havard de la Montagne
Jean MARCOR (décédé le 5 février 2011)
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Edgar Davignon ( Portail Québec ) DR
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Le directeur-fondateur du Conservatoire de musique de Val-d'Or (Québec, Canada), Edgard DAVIGNON, s'est éteint le lundi 28 mars 2011, à Val-d'Or.
Edgard Davignon est né en Belgique en 1923. De 1938 à 1945, il étudie au Conservatoire de Verviers, où il obtient les premiers prix de solfège, de piano, d'orgue et d'harmonie, sans compter des médailles pour la flûte et la musique de chambre. Il poursuit ses études au Conservatoire royal de Bruxelles, notamment en flûte, en harmonie, en contrepoint et en fugue. Jusqu'à son départ pour le Canada en 1957, il est titulaire de la classe de flûte au Conservatoire de Verviers.
Dès 1962, monsieur Davignon entreprend des démarches, auprès du ministère des Affaires culturelles du Québec, pour doter Val-d'Or d'un Conservatoire, démarches qui aboutiront en 1964 par la fondation du Conservatoire de musique de Val-d'Or. Il y enseigne la flûte, le piano et les matières théoriques, jusqu'à sa retraite en juin 1986.
En 1967, le Centre musical de Toronto lui confie la composition d'une œuvre chorale qui doit être exécutée à l'occasion du Centenaire de la Confédération du Canada. Il crée alors la Suite Abitibienne, œuvre pour grand orchestre symphonique, chœur mixte et récitant qui raconte la genèse de l'Abitibi-Témiscamingue. Cette œuvre fut présentée en Belgique et au Canada.
En 1988, monsieur Davignon est décoré de l'Ordre du Canada pour services rendus au sein des régions éloignées. En août dernier, dans le cadre de la soirée hommage qui lui a été dédiée lors du Festival classique de l'Abitibi-Témiscamingue, monsieur Davignon s'est vu remettre la Médaille de l'Assemblée nationale. De plus, en octobre dernier, la Ville de Val-d'Or a inauguré un parc en son honneur.
Véritable pionnier de la musique classique en Abitibi-Témiscamingue, Edgar Davignon a contribué à l'éclosion et à l'épanouissement de jeunes talents musicaux par sa vision et par la qualité de son enseignement.
Jean-Claude ENGLEBERT (1923-2011)