Le Panthéon des musiciens
De juillet 2013 à décembre 2014
Armand ORY - Nicolas GORENSTEIN - Rafael FRÜHBECK de BURGOS - Ghislaine DEMONCEAU - Lorin MAAZEL - Licia ALBANESE - Denys MATHIEU-CHIQUET
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(photo X...) DR.
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L'abbé
Armand ORY est mort à l'hôpital de Gérardmer (Vosges) le 14 septembre 2013,
après une longue hospitalisation à Colmar. Né à Saulcy-sur-Meurthe (Vosges) le
2 novembre 1930, Armand Ory était responsable de la musique liturgique pour le
diocèse de Saint-Dié et on lui doit la restauration ou la construction
d'orgues, par la manufacture de Rambervillers, notamment, pour des églises
vosgiennes (Longchamp, Dignonville, Fontenay...). Lui-même possédait plusieurs
instruments (dont un « unit-baby » Jacquot-Lavergne) qu'il laissait à
la disposition de l'Association Jeanne-d'Arc de Fontenay, dont il était
président, pour le travail des stagiaires des sessions estivales de chant
liturgique et d'orgue dont il avait également la responsabilité.
Directeur
et rédacteur de la vénérable revue bientôt cent-cinquantenaire « Musique
Sacrée, L'Organiste », il savait s'entourer du talent de
musiciens confirmés pour écrire les articles des différents numéros et composer
la musique vocale et instrumentale qui figurait dans le supplément à la revue.
Il collaborait avec les moines de l'abbaye de Ligugé dans le cadre des éditions
Europart-Music. En 2011, la maladie l’avait obligé de céder sa place de directeur
de « Musique Sacrée, L’Organiste » à l’organiste Benoît
Schwinden qui, en 2020, la confiera à l’organiste et musicologue Benjamin
Straehli.
Egalement
organiste et chef de chœur, l’abbé Ory a lui-même écrit les paroles de nombreux
chants liturgiques mis en musique par Gaston Litaize, Jacques Berthier, Jean
Langlais, Pierre Doury, Joseph Gélineau, Lucien Deiss, Philippe Robert, entre
autres. Le catalogue du SECLI recense plus de 130 fiches de chants à son
compte.
Ses
obsèques ont été célébrées le 18 septembre en l'église Saint-Laurent de
Fontenay (Vosges). Cette église abrite un buffet d'orgue pneumatique d'Henri
Didier dans lequel l'abbé Ory avait fait poser la partie instrumentale de
l'orgue des Soeurs Bernadettes de Thaon-les-Vosges. Son corps repose au
cimetière de Longchamp, paroisse dont il a longtemps été le curé.
Olivier Geoffroy
Le
7 mai 2014 à Paris s'est éteint l'organiste,
compositeur et musicologue Nicolas
GORENSTEIN, grand
spécialiste de la musique ancienne et également de la
période post-classique qui s'étend en gros de la mort
en 1738 du dernier « classique » Jean-François
Dandrieu aux premières œuvres de César Franck
(années 1850-1860). Directeur de la collection de musique
française pour orgue Organa
Gallica des
éditions du Triton (Fleurier, Suisse) au début des
années 1990, puis directeur artistique des Editions Musicales
Chanvrelin (rue du Départ, Paris XIVe) dès sa fondation
en avril 1995, il avait tenu durant plusieurs décennies le
grand-orgue de l'église Saint-Jacques-du-Haut-Pas (Paris Ve).
On lui doit ainsi la redécouverte de nombreuses œuvres
d'organistes-compositeurs dont on avait oublié la valeur et
l'intérêt.
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Nicolas Gorenstein à la console du grand-orgue de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, Paris ( photo famille Gorenstein, coll. DHM ) DR
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Né
à Paris XVe le 24 novembre 1952, Nicolas Gorenstein débute
l'apprentissage du solfège et du piano, puis devient élève
d'Edouard Sourberbielle à partir du début de l'année
1969, alors professeur à l'Ecole supérieure de musique
César Franck et à l'Institut catholique de Paris. Mais
c'est en cours particuliers qu'il bénéficie du précieux
enseignement de cet organiste qu'il considérera d'ailleurs
comme son Maître. C'est ainsi qu'il commence par le
perfectionner au piano avant de lui faire découvrir l'orgue,
tout en lui donnant des cours d’écriture et
d'interprétation, laissant le soin à Claude Terrasse de
lui enseigner le contrepoint à l'Ecole César-Franck.
Grâce à cet enseignement, parallèlement il entre
sans difficultés au Conservatoire de Paris et décroche
rapidement cinq premiers prix : fugue, contrepoint, harmonie,
analyse et dans la classe de Rolande Falcinelli celui d'orgue
(improvisation) en 1982. Peu après, il est nommé
co-titulaire auprès de Claude Terrasse du grand-orgue de
l'église Saint-Jacques du Haut-Pas, avant de bientôt lui
succéder à son départ quelques années
plus tard. Cet instrument de 48 jeux (dont plusieurs anciens
provenant de l'instrument de l'église Saint-Benoît)
répartis sur 4 claviers manuels et pédalier, avait fait
l'objet d'une réfection par Merklin en 1887, puis d'une
reconstruction en 1971 par Alfred Kern et inauguré la même
année, le 18 mai, par Cochereau. Il fit l'objet ensuite d'un
relevage général en 1988 par le même facteur
d'orgue, puis d'un nettoyage avec des modifications en 1995 par
Dominique Lalmand. Selon Nicolas Gorenstein lui-même, une
partie des boiseries du grand buffet est datée de 1609, ce qui
en fait le doyen des buffets parisiens. Ainsi durant près de
trente ans, Nicolas Gorenstein toucha cet instrument dont une partie
des trompettes avait autrefois résonné sous les doigts
de Louis Marchand (1669-1732) lorsqu'il était l'organiste de
Saint-Benoît. Fin connaisseur de l'histoire des orgues de
Saint-Jacques-du-Haut-Pas, il est l'auteur d'une des premières
études complètes sur ce sujet, parue dans la défunte
revue Connaissance
de l'orgue du
regretté Pierre Hardouin (n° 107/108, pp. 40-72). Mais
comme organiste liturgique Nicolas Gorenstein avait été
profondément affecté, comme bon nombre d'autres
titulaires de tribune, par la mise en place dès sa parution en
2001 du recueil de Chants
notés de l'Assemblée
(Paris, Bayard, 2001, 792 pages) rapidement devenu une référence
pour l'Eglise. La pauvreté de ces chants le désolait
tant ils « sont bourrés de fautes (d'harmonie, de
structure, d'arrangement vocal, de prosodie) qu'ils feraient plier de
rire n'importe quel étudiant en première année
d'écriture musicale. » Cet abandon de la
« véritable liturgie, profonde, puissante et
efficace, basée sur des signes clairs parlant au cœur du
fidèle avant de parler à son intellect »
était à ses yeux non seulement une erreur, mais une
faute. Il s'en est longuement expliqué dans son étude
intitulée « A propos de la liturgie »
publiée dans les numéros 101, pp. 14-16 (janvier 2003)
et 102, pp. 8-11 (juin 2003) de la revue Point
d'Orgue des « Amis
de l'Orgue de Vendée ».
En
tant que musicologue, dès 1983 Nicolas Gorenstein publie
divers articles dans l'excellente revue suisse La
Tribune de l'orgue
de notre ami Guy Bovet, notamment « L'Orgue français
classique : notes sur le Grand-Jeu » (septembre
1983), « Jehan Titelouze, la véritable naissance de
l'orgue classique français » (juin et septembre
1984), « L'Orgue post-classique français du Concert
Spirituel à Cavaillé-Coll » (mars 1987 à
décembre 1989) qui fit l'objet par la suite d'une édition
en un seul volume (Chanvrelin, 1993), « L'orgue du
Capitaine Nemo » (janvier 1990), « Jacques
Boyvin, Gaspard Corette : deux grands organistes rouennais
(1991-1992) », « Quelques notes sur la traction
électrique » (décembre 2000), « Berlioz
et l'orgue, une réhabilitation » (2005-2006)...
ainsi qu'un intéressant article écrit sur un ton
humoristique intitulé « L'accompagnement du mois »
dans lequel il dénonce la vulgarité et la médiocrité
de la musique d'église actuelle techniquement mal faite qui
abandonne pour références Bach, Palestrina, Carissimi,
Delalande, Rameau, Schubert, Mendelssohn... au profit de nouveaux
auteurs de musique liturgique tels l'abbé David Julien et le
célèbre Jo Akepsimas, agréés notamment
par le CNPL, et toute une pléiade d'auteurs à la mode
qui va d'Ennio Morricone à Lou Bega (mars 2004). Ces lignes
font en quelque sorte suite à l'étude sur ce même
sujet précédemment parue dans Point
d'Orgue. Dans la
revue L'Orgue,
on lui doit également plusieurs communications : « Le
cas Guilain » en 1995 (n° 235), « Le Tutti
une registration qui n'existe pas » (n° 236) et une
importante dissertation de plus de 100 pages sur « Le
tremblement lié, un problème d'interprétation de
la musique française à la lumière des tables
anciennes » parue récemment en 2012 (n° 297).
En 1993 et 1994, il publie aux Editions du Triton, des œuvres
pour orgue de Louis Couperin, Gaspard Corrette (Messe
du 8e ton), Nicolas
de Grigny (Livre
d'orgue n° 1),
François Dagincourt et Claude Balbastre (3 volumes), puis, aux
Editions Musicales Chanvrelin (boulevard Saint-Marcel puis rue du
Départ)
où, dès la création à Paris en avril
1995, il est nommé directeur musical, poste qu'il va occuper
juste à son décès.
C'est
ainsi qu'on lui doit depuis la publication de près de 80
œuvres principalement de l'époque classique et
post-classique, avec quelques incursions dans la Renaissance (Pierre
Attaingnant, Guillaume Costeley, Claude Gervaise...) et la période
contemporaine, et essentiellement pour orgue, couvrant ainsi la
période du XVIe siècle à Germain Rivière
(1907-1983) avec des auteurs français (Balbastre, Batiste,
Beauvarlet-Charpentier, Benoist, Chausson, Chauvet, Clérambault,
Collin, Corrette, Couperin, d'Angelebert, Daquin, Dubois, Gigault,
Gueit, Guilain, Lasceux, Lebègue, Lemaigre, Marrigues, Miné,
Raison, Séjan, Thomelin) et étrangers (Albrechtsberger,
Boyce, Croft, Czerny, Fischer, Greene, Haendel, Krebs, Kuhnau,
Marpurg, Rinck, Seger, Télémann, Vogler, Werner).
Lui-même publie chez cet éditeur cinq ouvrages d'un
grand intérêt dans lesquels il traite avec beaucoup de
pertinence
plusieurs sujets
lui tenant particulièrement à coeur :
« L’interprétation
de Bach dans la « grande Ecole d'orgue française »
1900-1960 »,
« Bach
et les seize pieds »,
« Jacques
Boyvin : une introduction à ses deux Livres d'Orgue »,
« L'orgue
post-classique français – du Concert spirituel à
Cavaillé-Coll »,
« Edouard
Souberbielle, un Maître ».
Ce dernier volume, dans
lequel il analyse l'art de son Maître, est un tiré à
part avec quelques ajouts de l'important ouvrage d'Alexis Galpérine :
Edouard
Souberbielle, un Maître de l'orgue
(Editions Delatour France, 2010) dans lequel figure cette étude
(pp. 233-289).
Comme
interprète, Nicolas Gorenstein a principalement enregistré
en 1996-1997 « Les organistes post-classiques parisiens »
(pièces de G. Lasceux, G.F. Couperin, J.-J.
Beauvarlet-Charpentier, F. Benoist et A.-C. Fessy) sur les orgues de
Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, Saint-Rémy-de-Provence, Albi et
Luçon, (disque Syrius, coffret 2 CD) qui lui vaudra cette
critique d'Hervé Elie dans Le
Monde de la Musique
(novembre 1997) : « Nicolas Gorenstein joue avec un
goût parfait, n'en faisant ni trop, ni trop peu. Il a choisi
quatre magnifiques instruments dont les sonorités collent au
mieux à ces musiques. » Dans un autre coffret de 3
CD « Les orgues de Paris : de Couperin à
Messiaen » (1992) qui rassemblent de nombreuses
œuvres jouées par une vingtaine d'organistes de renom,
on trouve aussi 5 pièces de J.-J. Beauvarlet-Charpentier et
une de G . Lasceux interprétées par ses soins à
Saint-Jacques-du-Haut-Pas (Erato 2292458672) et chez Chanvrelin, en
1999, il enregistre sur ce même instrument des « Pièces
à la Vierge de Titelouze » (Hymne Ave
Maris stella et les
Magnificat
du 1er, 4e et 7e ton.) On lui doit encore la composition d'une Sonate
qui avait été primée en 1977 lors d'un concours
des « Amis de l'Orgue », ainsi qu'une
transcription pour orgue de l'ouverture de La
Pie voleuse de
Rossini.
Homme
discret et réservé, fuyant les mondanités, doté
d'une âme d'artiste et d'une grande culture tant musicale que
littéraire, Nicolas Gorenstein est décédé
à l'âge de 61 ans. Ses obsèques se sont déroulées
en province dans la plus stricte intimité. Il laisse trois
filles, dont l’aînée est violoniste.
Notre
ami Alexis Galpérine, professeur de violon au Conservatoire
national supérieur de musique de Paris, nous a adressé
les quelques lignes suivantes, écrites spontanément sur
notre demande, en hommage à l'homme et à l'artiste
qu'était l'organiste de Saint-Jacques-du-Haut-Pas :
« Nicolas
Gorenstein fut un des élèves préférés
de mon grand-père, Edouard Souberbielle. Nous lui devons
l'étude la plus détaillée et approfondie
publiée, à ce jour, sur l'enseignement de son Maître ;
un texte majeur pour qui veut comprendre l'évolution des
écoles d'orgue françaises dans le siècle écoulé.
Il est peu dire que l'annonce de sa mort – il était
relativement jeune – nous a surpris et bouleversés. Par
delà ma propre gratitude à son endroit, je veux rendre
hommage à l'homme et au musicien, à son talent porté
par une science immense, à sa générosité
et à sa modestie ; des qualités qui me rappellent
irrésistiblement celles de mon grand-père. Une même
exigence artistique et morale les habitait, qui ne pouvait manquer de
frapper ceux qui les approchaient, et c'est bien cette hauteur de vue
que l'on retiendra, qui échappera – je n'en doute pas –
au démon de l'oubli. »
Denis
Havard de la Montagne
Le 11
juin 2014 à Pampelune (Espagne) est décédé
le chef d'orchestre Rafael FRÜHBECK de BURGOS, emporté
par un cancer qui l'avait obligé à faire ses adieux à
la scène quelques jours auparavant. Considéré
comme l'un des plus grands chefs espagnols, sa carrière
internationale l'avait amené à diriger bon nombre de
grands orchestres et lui avait valu en 2008 d’être décoré
par le roi Juan Carlos de la Médaille d'or du Mérite
des Beaux-Arts et en 2010 nommé «chef d'orchestre de
l'année» par la revue Musical America.
Né
le 15 mai 1933 à Burgos (Espagne) d'un père allemand et
d'une mère espagnole, il accrochera plus tard à son
patronyme le nom sa ville natale afin de revendiquer sa double
ascendance allemande et espagnole. Ses études musicales
débutent au Conservatoire de Bilbao avec l'apprentissage du
piano et du violon, avant de rejoindre en 1950 celui de Madrid d'où
il sort trois années plus tard après avoir été
l'élève de composition de Julio Gomez, un des pionniers
de la musique symphonique espagnole. Déjà à
cette époque il dirige des opérettes et lors de son
service militaire il se fait affecter comme chef de la musique. Une
fois ses obligations militaires effectuées (1955) il part se
perfectionner en Allemagne à Münich, à la
Hochschule für Musik und Theather (1956-1958) où il
fréquente les classes de Kurt Eichbron et Gotthold Ephraim
Lessing (direction d'orchestre) et de Harald Genzmer (composition).
Son premier poste de chef lui est alors offert en 1958 avec
l'Orchestre Symphonique de Bilbao qu'il dirige jusqu' à sa
nomination quatre ans plus tard à la tête de l'Orchestre
National d'Espagne (1962-1978). Sa carrière prend alors une
tournure internationale et en 1966 il est nommé directeur
général de la musique à Düsseldorf
(Allemagne) à la tête du Düsseldorfer Symphoniker,
poste qu'il occupe jusqu'en 1971. Durant plusieurs saisons
(1974-1976) il dirige l'Orchestre Symphonique de Montréal et
c'est sous sa conduite que cette formation se produit au Festival de
Lausanne en mai 1976 et joue son premier concert au Carnegie Hall de
New York, puis c'est le Yomiuri Nippon Symphony Orchestra de Tokyo
(Japon) qui l'accueille à sa tête de 1980 à 1990.
Plus tard, il dirige l'Orchestre Symphonique de Vienne (1991-1997),
puis retourne en Allemagne pour assurer la direction du
Rundfunk-Sinfonieorchester (Orchestre de la Radio de Berlin) de 1994
à 2000 et du Deutscher Oper (1992-1997), avant de prendre en
2001 la tête de celui de la RAI (Orchestra Sinfonica Nazionale
delle RAI) à Turin (Italie) où il reste jusqu'en 2007,
tout en conduisant aussi l'Orchestre Philharmonique de Dresde
(2004-2011). En 2012, il devient chef de l'Orchestre Symphonique
National du Danemark ; ce sera son dernier poste : le 4
juin, quelques jours avant sa disparition, la maladie l'obligeait à
se retirer de la vie musicale... En plus de tous ces orchestres
dirigés en tant que chef principal, Rafael Frühbeck de
Burgos a également joué, comme chef invité, avec
un grand nombre d'autres formations à travers toute l'Europe,
les Etats-Unis, le Japon et Israël : le New Philharmonia
Orchestra (de Londres) à partir de 1969, le National Symphony
Orchester de Washington de 1980 à 1990, le Boston Symphony
Orchestra, le New York Philharmonic, le Chicago Symphony Orchestra,
le Los Angeles Philharmonic, l’Orchestre et les Choeurs de
l'Opéra de Paris avec lesquels il enregistre en 1970 Carmen
de Bizet (EMI), l'Orchestre de Paris (à partir de 1998). Sa
direction, toujours attentive, le faisait particulièrement
apprécier des musiciens et s'il était à l'aise
dans le répertoire courant, il aimait plus spécialement
diriger la musique espagnole pour laquelle il avait une grande
tendresse. Les compositeurs ibériques ou étrangers de
culture espagnole occupent ainsi une large place dans ses concerts et
enregistrements (Enrique Granados, Manuel de Falla, Isaac Albeniz,
Joaquin Rodrigo, Narciso Yepes, Joaquin Turina, Luis de Pablo,
Ernesto Halffter, Antonio Ruiz-Pipo, Jeronimo Jimenez, Alberto
Ginastera).
Rafael
Frühbeck de Burgos laisse une discographie impressionnante avec
plus d'une centaine d'enregistrements réalisée sous
plusieurs labels, dont EMI et Decca. La musique espagnole est bien
évidemment largement représentée. Entre autres
citons Les Chants d'Espagne et les Suites Espagnoles
d'Albeniz (Decca), Le Concerto pour clavecin et le Tricorne
de de Falla (Voix de son Maître), les Nuits dans les jardins
d'Espagne avec la pianiste Alicia de Larrocha (Decca) et la Vida
breve avec la soprano Victoria de los Angeles (EMI) du même
compositeur, les Tablas de Ruiz-Pipo (Deutsche Grammpohon), le
Concerto d'Aranjuez de Rodrigo (Voix de son Maître) et
les Danses fantastiques de Turina (Voix de son Maître).
Mais, on trouve également au sein de son catalogue bon nombre
de gravures d'oeuvres d'autres compositeurs, parmi lesquelles la
Symphonie n° 3 de Schumann et le Songe d'une nuit d'été
de Mendelssohn (Decca), la Création de Haydn (EMI), le
Sacre du Printemps de Stravinski (Plaisir du classique), les
Concertos pour piano et orchestre 1 à 4 de Rachmaninov
avec le pianiste Augustin Anievas (EMI), le Concerto pour la main
gauche de Ravel avec le pianiste Louis Lortie (Chandos), les
Concertos pour clarinette et orchestre 1 à 4 de Louis
Spohr avec le clarinettiste Karl Leister (Orfeo), le Concerto pour
orchestre de Bartok (Brillant Classics), le Requiem de
Mozart (EMI) ou encore les remarquables enregistrements de l'oratorio
Elijah de Mendelssohn (1968) avec Gwynet Jones, Janet Baker,
Nicolai Gedda, Dietrich Fischer-Diskau, Simon Woolf, le New
Philharmonia Orchestra et le New Philharmonia Chorus, et des Carmina
Burana de Carl Orff (1966) avec les mêmes orchestre et
choeur, tous les deux réédités à
plusieurs reprises (EMI).
Marié
en 1959 avec Maria Carmen Martinez, Rafael Frühbeck de Burgos
laisse deux enfants. Son frère, Carlos Frühbeck de Burgos
(1935-2010), était un ophtalmologiste renommé, ainsi
qu'un poète reconnu plusieurs fois primé et auteur
d'ouvrages de poésies, lui-même père de Carlos
Frühbeck Moreno, né à Burgos en 1977, diplômé
en optique et en optométrie, également poète et
romancier.
Denis
Havard de la Montagne
La
violoniste Ghislaine DEMONCEAU s'est éteinte à
l'âge de 92 ans le 21 juin 2014 à l'hôpital
d'Argenteuil (Val-d'Oise), où elle avait été
transportée quelques jours auparavant pour des complications
respiratoires et cardiaques. Artiste rayonnante, déjà à
l'âge de 12 ans elle était remarquée par la
critique. Notamment en décembre 1933, à la suite d'un
concert à la Salle Gaveau (Paris) en compagnie de sa sœur
Gisèle, pianiste et violoncelliste, et de leur père
Maurice, chanteur, Le Monde musical écrivait :
« On retrouve son fonds harmonieux et rêveur dans la
Légende de Wieniawsky, dont l'enfant a senti la nostalgie
poétique qu'elle nous a dévoilée avec un charme
pénétrant et vibrant qui saisit et émeut. Une
grâce subtile dans son interprétation du Rondo de
Mozart, un jeu intelligent aux nuances délicates dans le
Concerto en la du même auteur […] Mais c'est
avant tout et toujours la musique qui parle son plus beau, simple et
poétique langage. » En 1938, on découvre
dans la même revue, sous la signature de la pianiste Nadine
Desouches avec qui elle effectuait une tournée en France en
compagnie également de la chanteuse Suzel Duval, ce
commentaire: « Quant à notre benjamine, Ghislaine
Demonceau [16 ans], elle électrisa son public par son
interprétation si brillante de la Polonaise de
Wieniawski. » Durant toute sa longue carrière de
violoniste de plus d'un demi-siècle, sa sonorité
chaleureuse sera constamment soulignée tant par le public et
par ses collègues musiciens des orchestres de Rouen et de Pasdeloup avec lesquels
elle se produisait, que par ses élèves du Conservatoire
de Paris, où elle était répétitrice, ou
ceux en cours particuliers. Sa modestie excessive et la fuite de tout
honneur l'ont sans doute empêchée d'atteindre la
notoriété.
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Ghislaine Demonceau, 1982 ( photo D.H.M. ) DR
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Née
le 13 novembre 1921 à Calais (Pas-de-Calais), d'une famille
musicienne belge, Ghislaine Demonceau (ou de Monceau) est immergée
très tôt dans le monde musical avec ses parents qui lui
donnent ses premières leçons de musique : Maurice
Demonceau, son père, soliste des Concerts Touche, est chanteur
(baryton). « Médaille en vermeil avec la plus
grande distinction » du Conservatoire de Verviers
(Belgique) en 1912 (classe de Georges Rouault-Marsey), il est alors
baryton des grands théâtres de Calais, Saint-Omer,
Verviers, Liège. Egalement directeur artistique du casino
d'Elisabethville-sur-Seine en banlieue parisienne, il organise des
concours de solistes chanteurs au cours de ces années vingt et
tient parfois l'orgue de l'église du village. Sa mère,
Anna Demonceau-Vigneron, comédienne, est une ancienne élève
du Conservatoire de Verviers où elle a obtenu un 1er prix et
une « Médaille en vermeil ». Sa sœur
aînée, Gisèle Demonceau (1920-2012) sera pianiste
et violoncelliste, et sa sœur cadette, Sybille Demonceau,
pianiste et harpiste. Enfants prodiges, Gisèle et Ghislaine se
produisent très tôt en concerts, respectivement à
l'âge de 9 et 7 ans : le 15 août et le 24 décembre
1929 au Casino d'Elisabethville, le 16 février 1930 dans la
salle de spectacles du Magic-City (Paris VIIe) devant un public de
2500 personnes, aux côtés de Mlle Cernay, MM. Dupré
et Claudel de l'Opéra-Comique, le 16 mars 1930 à
Enghien-les-Bains (Val-d'Oise) avec Fernand Masson, chef d'orchestre
de l'Opéra-Comique, le 11 février 1931 à la
Salle Saint-Laurent de Bayeux (Calvados) avec l'Union Symphonique et
les Choeurs de l'Orphéon de Bayeux, sous la direction de M.
Couliboeuf... Lors d'un concert de M. et Mme Demonceau « et
leurs deux fillettes », donné le jeudi 30 mars 1933
dans les salons de l'Hôtel Montplaisir de Dinard
(Ille-et-Vilaine), le journal L'Ouest-Eclair du 24 mars écrit
« L'assistance sera agréablement surprise de
pouvoir apprécier chez ces deux enfants d'un si jeune âge
un jeu d'une justesse remarquable, d'une correction basée sur
une excellente technique au service de morceaux dont on réserve
habituellement la difficulté au savoir et à la force
des adultes. » Le jeudi 7 décembre de cette même
année, c'est à Gaveau (Salle des Quatuors) qu'elle se
produit.
A l'âge
de 9 ans, Ghislaine Demonceau est déjà lauréate
du Concours Léopold Bellan (1931) et médaillée,
avec sa sœur Gisèle, du Conservatoire Musica, alors
dirigé par la mezzo-soprano Meyrianne Héglon-Leroux et
le compositeur et pianiste Georges de Lausnay. Dans cette école
de musique, fondée en 1906 par Xavier Leroux et rapidement
devenue l'un des meilleurs établissements d'enseignement
musical de Paris, elle travaille le violon avec Marcel Chailley qui
est également titulaire d'une classe de violon à
l'Ecole Normale de Musique. Bientôt, grâce aux leçons
de ce maître, elle est admise au Conservatoire national de
musique de Paris, dans la classe de violon de Jules Boucherit et de
laquelle sortiront aussi Ginette Neveu, Janine Andrade, Lola Bobesco,
Christian Ferras, Michel Schwalbé, Ivry Gitlis, Devy Erlih,
Serge Blanc... Second accessit en 1935, elle remporte un second prix
l'année suivante avec le 1er mouvement du Premier Concerto
de Paganini qu'elle interprète avec « une exquise
sonorité, sa technique a du mordant, et les difficiles
harmoniques de la fin sortirent clairement » et un premier
prix lors du concours du vendredi 18 juin 1937. C'est son
interprétation avec « une sonorité
ravissante […] et une lecture aisée » du 1er
mouvement du Cinquième Concerto de Vieuxtemps qui lui
vaut cette ultime récompense, partagée cette année
avec Marie-Thérèse Ibos (classe Tourret) et Brigitte
Huyghues de Beaufond (classe Boucherit). Entre temps, en 1936, âgée
alors de 14 ans, elle remporte à Verviers, en Belgique, le
Prix Deru qui récompense les jeunes violonistes et attire,
encore de nos jours, de grands noms du violon. En 1938, elle
participe à la seconde tournée de concerts sur tout le
territoire de « La Caisse Nationale Autonome de la
Musique » (C.N.A.M.), fondée en février de
cette année par Auguste Mangeot, directeur de l'Ecole Normale
de Musique à Paris et du journal Le Monde musical.
Créée pour développer l'art musical et « pour
subvenir à tous les besoins de la musique et des institutions
musicales dont l'essor est paralysé par l'insuffisance, et
parfois l'absence totale des crédits que l'Etat ne peut
fournir », cette association se propose de faire pénétrer
la musique dans tous les milieux sociaux, tant à Paris qu'en
province. La première tournée de ce « tour
de France de la musique » débute en juillet 1938
avec Hélène Boschi (piano), Pierre de La Motte (violon)
et Suzel Duval (cantatrice). C'est pour la seconde tournée (du
18 octobre au 14 novembre 1938), qu'Auguste Mangeot réclame
Ghislaine Demonceau, aux côtés de Nadine Desouches
(piano) et de Suzel Duval. Ainsi, durant un mois, elle parcourt la
France dans une voiture équipée pour transporter un
piano de concert et donne 26 concerts en 28 jours à
Orléans (18 octobre), Le Mans (19), Tours (20), Angers (21),
Nantes (22), Niort (24), Rochefort (25), Saint-Jean-d'Angély
(26), Angoulême (27), Limoges (28), Mont-de-Marsan (29), Dax
(30), Bayonne (31) puis en novembre : Pau, Oloron, Orthez, Auch,
Toulouse, Périgueux, Cognac, Poitiers, Chateauroux, Bourges,
Dreux, etc. Partout, le public et les critiques sont enthousiastes.
Cendrine de Portal commentant le premier concert à Orléans
dans Le Monde musical du 31 octobre 1938 écrit :
« Et nous ne saurions oublier la petite-fille en boucles
qui nous a si bien étonnés par son jeu nuancé et
chaud, son extraordinaire maturité. Je veux parler de Mlle de
Monceau, petit visage inspiré, penché sur un violon.
Comme elle a le sens de Mozart, comme elle a su nous dévoiler
la tristesse du Maître à travers les spirituelles
fioritures, l'élégance des traits. Ses larges coups
d'archet sont remarquables », un journaliste du Journal
du Loiret (édition du 20 octobre 1938) déclare :
« Une toute jeune violoniste, déjà premier
prix du Conservatoire de Paris, est le clou de cette soirée :
Ghislaine de Monceau. Cette enfant – j'estime qu'elle a une
quinzaine d'années – est remarquablement douée ;
de plus elle a une technique très sûre ; elle nous
fait entendre l'Adagio de Fiorillo, le délicieux Menuet
du Divertissement en ré de Mozart et une Gavotte
de Rameau ; ensuite la tendre Berceuse de Gabriel Fauré
et la Polonaise brillante en ré de Wieniawski. Rappelée
plusieurs fois elle nous joua en bis, avec une charmante bonne grâce,
l’Abeille de Schubert » ; le critique du
Populaire de l'Ouest, pour le concert de Nantes commente
qu'elle « témoigna d'un sérieux souci de la
mise en place dans ses exécutions. Dans divers cas, elle visa
à charmer. C'est dans les passages brillants qu'elle trouve le
plus heureux emploi de ses belles facultés. Ses doigts courent
avec agilité sur la touche et jouent les traits avec
précision » et celui de la revue La vie
limousine et la brise (25 novembre 1938), concernant le concert
de Limoges écrit que « le public fit une ovation à
Mlle de Monceau, une très jeune violoniste à qui une
technique souple, une sonorité ample et moelleuse réservent
le plus bel avenir. »
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Ghislaine, Sybille et Gisèle Demonceau
(coll. Monique Servais) DR.
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Ainsi,
à l'aube de ses 17 ans, à la veille de la seconde
guerre mondiale, Ghislaine Demonceau est déjà une
violoniste talentueuse, connue et appréciée par le
public, et reconnue par ses pairs. Mais, les hostilités
mettent un frein à ses activités musicales qu'elle
reprend après la Libération. Violoniste dans
l'orchestre de la Radio Belge, elle se produit aussi en public à
Paris, notamment le 28 avril 1947 à l'Ecole Normale de Musique
avec Le Triptyque dans un concert de musique contemporaine au cours
duquel elle joue, entre autres œuvres, la Sonate pour piano
et violon de Favre ; le 7 mars 1953, Salle Debussy, avec la
Ballade et Polonaise de Vieuxtemps et en compagnie de sa sœur
Sybille la Sonate en sol mineur de Tartini (concert de
l'U.F.A.M.) ; le 7 juin 1953, Salle Chopin, dans un récital
avec le chanteur André Lebreton et le concours de R. Herbin,
Gaston Poulet et sa sœur Sybille ; le 17 mars 1954, Salle
Gaveau, avec le Choeur mixte de Paris, sous la direction de Xavier
Roux, concert au cours duquel elle interprète le Concerto
en ré majeur pour violon de Vivaldi ; le 9 mai 1954,
Salle Berlioz au Conservatoire, avec l'Orchestre de chambre des
Petits Concerts Mozart dirigés par Madeleine Boucherit-Le
Faure, elle joue, parmi d'autres œuvres, le Concerto
Brandebourgeois n° 3 de Bach, et en compagnie de ses soeurs
Gisèle (violoncelle) et Sybille (harpe) Dans le goût
classique, une page de Madeleine Boucherit-Le Faure écrite
pour violon, violoncelle et harpe. Le 30 novembre 1954 à la
Société Musicale Russe, des œuvres de
Gretchaninoff sont données avec le concours de Marcelle
Bonnet-Candes, Lise Louchnikova, Anette Queille, G. Grichine, A.
Labinsky, Gisèle et Ghislaine de Monceau (Trio en sol
mineur, Sonetti Romani, Quatuor pour cordes et piano,
mélodies). Le 18 mars 1955, salle de l'Ecole Normale de
Musique, elle se fait entendre dans des œuvres de Rameau,
Tchérepnine et Jean-Michel Damase, et le 17 novembre 1955 dans
la même salle, elle est aux cotés d'autres musiciens
pour un concert consacré à des œuvres de Daniel
Lesur et Jean-Michel Damase. Le 6 mai 1956, au Conservatoire de
Paris, aux côtés notamment de Mariel Nordman et Annie
Challan elle participe au concert du bicentenaire Mozart, et le 14
juin de cette même année, à l'Académie
Duncan (rue de Seine), elle illustre avec sa soeur Gisèle la
causerie de Serge Trofimov sur « Ravel et Honegger ».
On les retrouve toutes deux en 1959, le 25 juin, dans cette même
Académie pour une autre conférence de Trofimov portant
sur « La musique française contemporaine ».
A la fin des années cinquante-début soixante à
Amillis (Seine-et-Marne) sont organisées par l'abbé
Jean Fabing des « Grands concerts spirituel de musique
vocale et instrumentale » avec le concours d'artistes
parisiens : Antoinette Labye (soprano), Michèle Bertin
(alto), Georges Lacour (ténor), Bernard Demigny (baryton),
Jean Hoffmann (basse), Jacques Edé (hautbois), Ghislaine de
Monceau (1er violon), Lucienne Guerra (2e violon), Annette Queille
(alto), Gisèle de Monceau (violoncelle), Joachim Havard de la
Montagne (orgue). Parmi les nombreuses œuvres données,
on peut entendre, entre autres pages de Schutz, Bach, Haendel,
Dumont, M.A. Charpentier, Mozart, Delalande, l'Adagio en sol
mineur « per archi et organo » d'Albinoni, la
Nuit (interlude instrumental pour cordes et orgue) de Rameau,
le motet Inviolata (solo de soprano, avec cordes et hautbois)
de Joachim Havard de la Montagne (22 novembre 1959), le Concerto
pour cordes et orgue de Torelli, le Concerto grosso
(hautbois, cordes et orgue) de Haendel, le Concerto pour hautbois,
cordes et orgue de C. Graupner (3 avril 1960), une Sonate
pour violon, violoncelle et orgue de J.M. Leclair, la Sonate en fa
(pour la même formation) de Buxtehude (27 novembre 1960).
Au
cours des années cinquante Ghislaine Demonceau se produit
aussi avec le « Trio de Monceau » formé
avec ses sœurs : le 9 juin 1954, au Théâtre Artel
de la rue de Clichy, avec des œuvres de Leclair, Hérold,
Marin Marais, Pugnani, Kreisler, Haendel, Cassao, Francoeur-Kreisler,
Tournier, E. Charpentier , A. Clarmon ; en mai 1955 à la
Télévision belge (le 18) et pour l'enregistrement d'une
émission à l'I.N.R. ; le 5 novembre 1955, Salle
Debussy, avec le concours de Jacqueline Fauvet (chant) et Annette
Monteille (piano). Le 26 novembre suivant, chapelle
Saint-André-d'Antin (Paris), il participe avec le « Groupe
des luthiers et archetiers » à la Messe de
Sainte-Cécile, de même que le 22 janvier 1955 à
la salle Berlioz du Conservatoire avec « Les Petits
concerts Mozart » de Mme Boucherit-Le Faure et le 4 mars
1956 à l'Hôtel de Ville de Colombes, avec leur père
Maurice de Monceau (chant)... Mais, dans les années soixante,
la mort accidentelle de sa plus jeune sœur Sybille l’affecte
profondément ; elle se produit moins en concerts et se
consacre davantage à l'enseignement. Répétitrice
d'André Asselin au Conservatoire national supérieur de
musique de Paris durant un temps, c'est surtout avec les cours
particuliers qu'elle donne dans sa maison de Bois-Colombes, en région
parisienne, qu'elle acquiert une certaine notoriété
dans ce domaine. Très désireuse de transmettre son art
à ses nombreux élèves, elle attache beaucoup
d'importance à la pédagogie, tissant des relations
amicales avec eux, tout en exigeant du travail de leur part. Son
empathie et son charisme naturel, alliés à une
technique de haut niveau, ont fait d'elle une pédagogue
recherchée. Dévouée à ses élèves,
en 2012, alors âgée de 91 ans, elle donnait encore des
leçons.
Néanmoins,
elle reste longtemps attachée à l'orchestre des Concerts Pasdeloup, ainsi qu'à celui du Théâtre
des Arts de Rouen où elle est violon solo et durant plusieurs
années joue notamment sous la baguette de Paul Ethuin,
directeur de cette salle de spectacle de 1966 à 1989. Avec ce
chef, Rouen devient la première scène d'opéra de
province, devant Lyon, Marseille et Toulouse. Wagnérien
convaincu, c'est lui qui monte en 1969, pour la première fois
depuis la fin de la guerre, le Ring de Wagner dans son
intégralité valant à la capitale normande le
surnom de « Bayreuth-sur-Seine », sans négliger
pour autant les grands classiques de l'opéra tels la
Bohème, Tosca, Turandot, Lakmé...
En 1974, tout en conservant son poste à Rouen, elle est aussi
violon solo et chef des premiers 1er violon de l'Ensemble
instrumental de la Madeleine, que le maître de chapelle de
cette église (Paris VIIIe) Joachim Havard de la Montagne vient
de créer. C'est ainsi que durant plus de 20 ans, jusqu'au
dernier concert de la série « Une heure de musique
à la Madeleine », le 26 novembre 1996, elle
collabore à plus d'une centaine d'auditions avec un répertoire
des plus éclectiques. Au sein de cet orchestre, elle côtoie
d'autres instrumentistes professionnels de haut niveau, entre autres,
Pierre de La Motte Rouge, Luc Gallou et Robert Aribaud (violon),
Françoise Gouinguéné (alto), Jack Batrel,
Colette Delebarre, Nicole Monteux et Germaine Fleury (violoncelle),
Robert Stelandre (contrebasse), Michèle Gonzalès et
Michèle Ejnes (harpe), Cécile Pighetti, Eve Gilardoni
et Elise Battais (flûte), Olivier Clémence et Jacques
Diény (hautbois), Pierre Soufflet (trompette), Camille Leroy
(cor), Jean-Claude Leroy (trombone), Daniel Firmin (tuba), Elisabeth
Havard de la Montagne (clavecin et orgue), Jean Villetard et Philippe
Brandeis (orgue). Plus particulièrement, comme soliste, citons
l'Adagio d'Albinoni avec orgue (27 avril 1976), le Concerto
en ré pour violon et orchestre de Vivaldi (22 mai 1984 et
22 octobre 1991) et le Concerto en sol du même (19 mai
1987 et 18 octobre 1994). Comme chef des 1er violons elle interprète
bon nombre d’œuvres de grande ampleur telles que la
Passion selon Saint-Jean, celles selon Saint-Marc et
Saint-Luc, l'Oratorio de Noël, l'Oratorio de
Pâques, le Magnificat et plusieurs cantates de Bach,
le Magnificat et le Gloria de Vivaldi, le Magnificat
de Jean-Christian Bach, les Requiem de Michael Haydn, Mozart,
Cherubini (en ut mineur), Gounod, Fauré, Duruflé,
l'Oratorio de Noël de Saint-Saëns, le Te Deum
et la Messe du couronnement de Mozart, Les sept Paroles du
Christ de Théodore Dubois, Gallia et la Messe de
Pâques de Gounod, la Messa di Gloria de Puccini, le
Messie et la Passion selon Saint-Jean de Haendel, le
Roi David de Honegger... En 1996, elle prend sa retraite des orchestres de Rouen, Pasdeloup et de La Madeleine, mais durant quelques années
continue de faire de la musique de chambre avec le "Quatuor
Soriano". Formé en 1996 avec elle, Denise Soriano
(violon), Pierre Cheval (alto solo de l'orchestre de l'Opéra-Comique)
et Germaine Fleury (violoncelle, professeur à l'Ecole Normale
de Musique de Paris), puis après la disparition de Pierre
Cheval en 1998 de Serge Hurel (altiste et violon solo à
l'Orchestre philharmonique de Radio-France) et après lui de
Marc Biziaux (altiste), cette formation se produit annuellement au
cours des mois de mai dans la salle Marie-Antoinette de l'Hôtel
Saint-James & Albany de la rue de Rivoli à Paris et c'est
avec elle qu'elle apparaît une dernière fois en public
en 2002...
Avec
les Choeurs et l'Ensemble instrumental de La Madeleine placés
sous la direction de Joachim Havard de la Montagne, Ghislaine
Demonceau a enregistré en 1978 le Requiem pour soli,
choeur, orgue et orchestre de Charles Gounod (ARN 38443) et en 1993,
les Complies et l'Office de Prime (même
formation) de Joachim Havard de la Montagne (BNL 112853). Ces deux
enregistrements ont été récompensés, le
premier reçut le Grand Prix National du Disque Lyrique (Prix
Jacques Ibert) et le second, deux Orphées d'or par la même
institution. Parmi les créations qu'elle a été
amené à réaliser au cours de sa longue carrière,
citons plus particulièrement le Concert pour violon et
violoncelle (1966) de Denise Roger, créé à
Paris en 1978 en compagnie de sa sœur Gisèle. Ajoutons
encore qu'elle avait participé au Festival Marcel Dupré,
le 4 juin 1970 dans la Salle d'orgue du Conservatoire de Paris, aux
côtés de Suzanne Chaisemartin (orgue) et Etiennette
Alvares-Correa (alto), ainsi qu'au concert de musique de chambre, en
hommage à l'organiste et claveciniste Elisabeth Havard de la
Montagne, le 7 mars 1982 à Paris (Salon de Mme Lévy),
au cours duquel elle interpréta avec sa sœur
(violoncelle) la Sonate pour violon et violoncelle de
Boccherini et le Prélude de Viotti, et avec Joachim
Havard de la Montagne au piano le Concerto en ré, op.3,
n° 9 de Vivaldi.
Les
obsèques de Ghislaine Demonceau ont été
célébrées le 26 juin 2014 en l'église
Saint-Maurice de Bécon-les-Bruyères à Courbevoie
(Hauts-de-Seine), suivies de son inhumation au cimetière de
Bagneux (Hauts-de-Seine), dans le caveau de famille où
reposent ses parents et ses sœurs. « Son talent, sa
sensibilité aussi remarquables que sa modestie, son amitié,
son sourire et sa fidélité », comme le
rappelait en 1999 un chef d'orchestre, resteront longtemps dans la
mémoire de tous ceux qui l'ont croisée.
Denis Havard de la Montagne
Antonio Vivaldi, Concerto en ré, op. 3, n° 9 pour violon et orchestre (1er mouvement, 2ème mouvement, 3ème mouvement). Ensemble instrumental de La Madeleine (Paris VIIIe), Ghislaine de Monceau (violon solo), sous la direction de Joachim Havard de la Montagne, Paris, 22 mai 1984 (© enregistrement : D.H.M.)
Tomaso Albinoni/ Remo Giazotto, Adagio. Ensemble instrumental de La Madeleine (Paris VIIIe), Elisabeth Havard de la Montagne (orgue), Ghislaine de Monceau (violon solo), sous la direction de Joachim Havard de la Montagne, Paris, 27 avril 1976 (© enregistrement)
Le 13
juillet 2014 à Castleton (Virginie) s'est éteint le
violoniste, chef d'orchestre et compositeur américain Lorin
MAAZEL, des suites d'une pneumonie. Enfant prodige, bien qu'ayant
fait une carrière internationale ses liens avec la France,
dont il parlait couramment la langue, ont toujours été
étroits, d'autant plus qu'il y avait vu le jour. Sa première
apparition sur notre territoire en tant que chef date du 24 janvier
1957 avec l'Orchestre national de l'O.R.T.F dans un programme
présentant le Sacre du printemps et la Symphonie
fantastique, et en 1962, il l’emmenait faire une tournée
dans son pays. Premier chef invité de cette formation
(rebaptisée en 1974 Orchestre national de France), il en
devenait le directeur musical en 1988 à la suite de Jean
Martinon, avant de le quitter définitivement en 1990 :
victime d'une cabale montée par certains musiciens qui ne
l’appréciaient guère, il était sifflé
au cours d'une représentation lyrique à Paris, la seule
fois de sa carrière ; il jura alors de ne plus jamais
diriger un orchestre de Radio France. Néanmoins on le reverra
par la suite dans la capitale avec l’Orchestre de Pittsburgh,
le Philharmonique de Vienne ou encore à la tête de
l'Orchestre de Paris en 2000 pour fêter ses 70 ans. Roland
Faure, qui fut un temps P.D.G. de Radio-France, dans un entretien
réalisé à Cannes le 7 juillet 2002 [relatée
en partie in La Symphonie des chefs par Robert Pariente, éd.
de La Martinière, 2004], nous livre quelques éléments
sur sa personnalité : « il usait d'un humour
parfois grinçant aux dépens des autres. Il avait
tendance à être impitoyable avec ceux qui ne lui
plaisaient pas ; mais sa sûreté de jugement et de
direction, lui permettant de déceler la moindre petite faute,
la moindre négligence, était telle qu'elle enlevait
l’adhésion de la majorité des musiciens. »
Et c'est sans doute en raison de son caractère distant et du
fait qu'il ne cherchait pas particulièrement à gérer
son image, qu'à une certaine époque des médias
français le descendirent en flammes ! Quoi qu'il en soit
ce fut un immense chef qui a été le le plus jeune chef
et le premier Américain à diriger (Lohengrin) en
1960 au Festival de Bayreuth. Il a à son actif d'avoir conduit
200 orchestres à travers le monde entier, dirigé
environ 7000 représentations lyriques et concerts, et
enregistré plus de 300 disques qui lui ont valu une dizaine de
Grands Prix !
C'est
dans la banlieue parisienne, à Neuilly-sur-Seine
(Hauts-de-Seine), que naît Lorin Maazel, le 6 mars 1930. Son
père, Lincoln Maazel, né en 1903 à New York et
mort en 2009 à l'âge de 106 ans, séjournait en
effet à cette époque à Paris pour y prendre des
cours de chant. Il ferra une carrière d'acteur, de chanteur
(ténor) et de professeur de chant. C'est lors de son séjour
en France qu'il avait épousé à Paris en1928
Marie (Marion) Shulman, morte aussi presque centenaire en 1992 ;
il l'avait rencontrée à Los Angeles. Pharmacienne de
son état et excellente pianiste, elle va fonder plus tard, en
1945, l'Orchestre des Jeunes de Pittsburgh (le Pittsburgh Youth
Symphony Orcestre) et la Société de musique de chambre
de cette ville (Pittsburgh Chamber Music Society). Notons également
que c'est le grand-père de Lorin, Isaac Maazel (c.1875,
Poltava, Ukraine – 1925, Chicago), juif russe, qui émigra
aux USA où il fut violoniste durant une vingtaine d'année
au Met de New York, et qu'un de ses oncles, Marvine Maazel
(1899-1989), fit de son côté une carrière de
pianiste qui le mena en concerts à Paris, notamment en 1928 et
1930... Peu après sa naissance, la famille Maazel regagne Los
Angeles ou Lorin débute très jeune à l'âge
de 5 ans l'étude du violon auprès de Karl Molderm, puis
deux ans après le piano avec Fanchon Armitage. A la même
époque, il commence à étudier aussi la direction
d'orchestre auprès de Vladimir Bakaleinikff, chef associé
de l'Orchestre Philharmonique de Los Angeles, qui va devenir son
mentor. A huit ans, pour la première fois en public il dirige
un orchestre d'étudiants avec la Symphonie inachevée
de Schubert. En effet, enfant prodige, on raconte qu'il fredonnait la
berceuse de Brahms Lullaby à huit mois et qu'il en
déchiffrait la partition à 7 ans ! En 1940, les
Maazel suivent Bakaleinikoff, nommé à la tête de
l'Orchestre Symphonique de Pittsburgh, et s'installent dans cette
ville afin de permettre à leur fils de poursuivre son
enseignement. Un an plus tard, invité par Toscanini, il dirige
son premier concert à la tête d'un orchestre
professionnel, le Symphonique de la N.B.C. et en 1942, c'est le
Philharmonique de New York qu'il conduit devant 8000 personnes.
Rapidement, plusieurs formations américaines le reçoivent,
parmi lesquelles les orchestres de San Francisco, Philadelphie,
Chicago, Los Angeles, Cleveland... Il poursuit parallèlement
des études de philosophie, mathématiques et langues à
l’Université de Pittsburgh entre 1946 et 1950, tout en
jouant du violon dans l'Orchestre symphonique de Pittsburgh (à
partir de 1948) et au sein du Fine Arts Quartett, dans lequel il est
1er violon.
Après
un passage en 1951 au Festival de Tanglewood, où il dirige la
Symphonie de psaumes de Stravinski, il va en Italie travailler
la musique baroque (1952) et la même année donne son
premier concert européen à Catane. Dès lors, les
portes des orchestres du vieux contient s'ouvrent à lui et on
le voit se produire à Vienne et Florence (1955), Berlin
(1956), Paris (1957 avec l'Orchestre national, et à plusieurs
reprises au Festival de Besançon à partir de 1958),
Edimbourg (1958), Bayreuth (1960)... Au début des années
soixante, il se tourne plus particulièrement vers l'opéra
avec, entre autres, Don Giovanni au Met de New York (1962) et
Les Noces de Figaro au Festival de Salzbourg (1963). Peu
après, il occupe son premier poste de chef permanent à
l'Orchestre radio-symphonique de Berlin qu'il dirige de 1964 à
1975, tout en étant également directeur général
de la musique à l'Opéra de Berlin-Ouest (1965 à
1971), chef associé de Klemperer au New Philharmonia Orchestre
de Londres (1970-1972) et, à partir de 1972, chef de
l'Orchestre de Cleveland, où il succède à George
Szell. En 1982, il quitte ce dernier poste pour prendre la direction
de l'Opéra de Vienne, mais une mésentente l'oblige à
le quitter deux années plus tard, ce qui ne l’empêchera
pas de poursuivre sa collaboration avec l'Orchestre philharmonique de
Vienne. Il retourne alors à Pittsburgh et dirige l'Orchestre
symphonique de cette ville de 1988 à 1996, après en
avoir été durant 4 années le conseiller musical.
C'est lui qui fera de cette formation l'une des plus importantes des
Etats-Unis. Enfin, en 2002, il est nommé à la tête
de l'Orchestre philharmonique de New York, succédant-là
à Kurt Masur, suprême consécration. Avec cette
phalange il crée l'oeuvre du compositeur américain John
Adams écrite à la mémoire des victimes du 11
septembre : On the transmigration ou souls, qui, avec son
enregistrement, lui vaut un Grammy Awards. A la tête de ce même
orchestre il dirige aussi ,le 26 février 2008, un concert
historique à Pyongyang en Corée du Nord, avant de
laisser la baguette en 2009 à Alan Gilbert. Au cours de cette
période (2006 à 2011), il assure parallèlement
la direction musicale de l'Opéra de Valence et de l'Orquestra
de la Comunitat Valenciana (Espagne)
et à partir de 2012, il occupe un poste identique à
l'Orchestre philharmonique de Munich. Ainsi, durant plus de 70 ans,
Lorin Maazel aura particulièrement fait preuve d'une intense
activité, ce qui lui sera reproché par certains arguant
qu'une telle dispersion au sein de plusieurs orchestres simultanément
ne peut que nuire à un travail de fonds. Jusqu'à la fin
de sa vie, alors âgé de 84 ans, il ne cessera de diriger
chaque année un nombre important de concerts. L'Opéra
de Vienne lui a rendu hommage en 2013 avec un buste placé aux
côtés de ceux de Karajan et de Malher.
A
Paris, on lui doit notamment en 1985 la création de L'Arbre
des songes de Dutilleux avec le violoniste Isaac Stern et
l'Orchestre national de France, et, avec ce même orchestre
l'enregistrement de la musique du film Carmen de Francesco
Rosi (1983). Avec l'Orchestre de l'Opéra de Paris, il a dirigé
la bande sonore du film-opéra Don Giovanni de Joseph
Losey. A Vienne, on le retrouve conduire à plusieurs reprises
les célèbres concerts du Nouvel An, retransmis en
direct à la télévision et régulièrement
suivis par bon nombre de téléspectateurs (1980 à
1986, puis 1994, 1996, 1999 et 2005). Dans le domaine de la
composition, on lui doit un unique opéra 1984 (d'après
le roman George Orwell) dont la première mondiale eut lieu en
mai 2005 au Royal Opera House, avant d'être donné à
La Scala (2008) ; ainsi qu'une trilogie de Concertos pour
violoncelle, flûte et violon, qu'il a enregistrée avec
Rostropovitch et James Galway (1996, RCA), et un mouvement
symphonique Adieux, op. 14, créé en 2000 par
l'Orchestre philharmonique de Vienne. En 2001, avec Alberto Vilar, il
avait fondé le Concours Maazel-Vilar pour les jeunes chefs
d'orchestre, et, en compagnie de sa troisième épouse,
l'actrice allemande Dietlinde Turban, il avait créé en
2009 la Châteauville Foundation et le Festival d'été
de Castelton (Virginie) pour jeunes talents, qui se déroule
dans sa ferme de Virginie. Il est d'ailleurs décédé
durant l'édition 2014 de ce festival, quelques jours après
avoir dirigé en ouverture, le 28 juin, Madame Butterfly
de Puccini. En premières noces (juin 1952), il avait épousé
la pianiste brésilienne Miriam Sandbank et en secondes noces,
la pianiste israélienne Israela Margalit. Sept enfants sont
issus de ses trois mariages, dont Fiona Maazel, romancière et
professeur de littérature, Ilann Maazel, avocat et pianiste,
et Leslie Maazel, analyste financier et violoncelliste.
Au sein
de l'immense discographie de Lorin Maazel, contentons-nous de
signaler ici quelques enregistrements marquants : L'enfant et
les sortilèges, L'Heure espagnole de Ravel, avec la
Maîtrise et l'Orchestre de la RTF et Françoise Ogéas
(DG, 1961), Le Chevalier à la rose de Richard Strauss,
avec Régine Crespin, Herta Töpper, Anneliese
Rothenberger, Otto Edelmann et le Metropolitan Opera de New York
(Cantus Classics, 1962), l'intégrale des Symphonies de
Sibélius avec le Philharmonique de Vienne (Decca, 1963-1968),
La Traviata de Verdi, avec Pilar Lorengar, Giacomo Aragall,
Dietrich Fischer-Diskau et l'orchestre du Deutsche Oper Berlin
(Decca, 1968), Roméo et Juliette de Prokofiev avec
l'Orchestre de Cleveland (Decca, 1973), Carmen de Bizet avec
l'Orchestre national de France, Julia Migenes et Placido Domingo
(Erato, 1984), l'intégrale des Symphonies de Bruckner
avec l'Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise (BR
Klassik, 1999), On the Transmigration of souls de John Adams,
avec le New York Philharmonic (Nonesuch, 2002)... Ajoutons enfin qu'à
la suite de sa disparition, le label DG, pour lequel il a enregistré
à partir de 1957, a édité en 2015 un coffret de
18 CD « The complete early recordings of Deutsche
Grammophon » regroupant une quarantaine d'enregistrements
de grande valeur : entre autres Berlioz (Roméo et
Juliette), Tchaïkovski (Symphonie n° 4 et Roméo
et Juliette), Prokofiev (Roméo et Juliette, Pierre
et le loup) Stravinski (L'Oiseau de feu, Le Chant du
rossignol), Beethoven (Symphonie n° 5 et 6, la
Consécration de la maison) Mendelssohn (Symphonie
n° 4 et 5), Rimsky-Korssakoff (Caprice espagnol), Brahms
(Symphonie n° 3, Ouverture tragique), de Falla
(L'Amour sorcier, Le Tricorne) Schubert (Symphonie
2 à 6 et 8), etc...
D.H.M.
Licia ALBANESE (1909-2014)
|
Denys Mathieu-Chiquet ( fragment photo de presse 2006 ) DR
|
Denys MATHIEU-CHIQUET, organiste de Saint-Paul-Saint-Louis du Marais et
de Saint-Pierre de Chaillot nous a quittés dans la nuit du 4
novembre 2014 à Paris.
Né le 11
avril 1955 dans la Marne, à Dizy-Magenta, issu d'une très
ancienne famille de vignerons connue depuis le XVIIIe siècle,
actuellement représentée par la maison de Champagne
« Gaston Chiquet », Denys Mathieu-Chiquet est
initié à l'orgue à Lyon par Paul Couéffé
alors organiste de l'église Saint-Nom-de-Jésus, puis
travaille avec Joseph Coppey et entre au CNR de cette ville où
il fréquente la classe d'orgue de Louis Robilliard (médaille
d'or en 1977), ainsi que celles d'harmonie, contrepoint, analyse et
histoire de la musique. Ensuite, à l’Ecole Normale de
Musique de Paris Suzanne Chaisemartin le prépare à la
licence de concert qu'il décroche dès la première
année, puis en 1979 entre au CNSMP dans la classe d'orgue de
Rolande Falcinelli. Il travaille également avec Jean Guillou
et ses études approfondies d'écriture le conduisent
tout naturellement à la composition. C'est ainsi qu'au début
des années 1980 il va notamment écrire une « Musique
pour une scène » destinée à la pièce
de Marivaux « Le Triomphe de l'Amour » donnée
par le Théâtre de l'Oseraie à Lyon et composer le
final de la musique du film « Reims, cathédrale des
sacres », projeté à la Maison de la culture
André Malraux de Reims, dans le cadre de l'année du
patrimoine.
Il donne son premier
concert à 12 ans, à l'âge même où il
est nommé organiste (1967) du grand orgue historique de 42
jeux de l'abbaye Saint-Michel de Nantua (Ain), avant de fonder plus
tard l'association des Amis de l'Orgue de Nantua. En 1973 il est
nommé titulaire des grandes orgues Merklin 1877 de la
cathédrale de Clermond-Ferrand (Haute-Loire), succédant
là au chanoine Jean Raffier, poste qu'il occupe durant 5 ans
(c’est alors le plus jeune organiste des cathédrales de
France).
En 1978, il
s'installe à Paris et est adjoint à Emmanuel de Villèle
au Cavaillé-Coll de l'église Notre-Dame de l'Assomption
de Passy. Peu après, à partir de 1984 et jusqu'en 1992,
il devient également suppléant des co-titulaires Odile
Bailleux et André Isoir à Saint-Germain-des-Près,
avant d'être nommé en 1985 titulaire des grandes orgues
historiques Suret de Sainte-Elisabeth du Temple dans le troisième
arrondissement parisien, à la suite d'Olivier Trachier. En
1988, il est rejoint par Christophe d'Alessandro qui est son adjoint
avant d'être à son tour nommé titulaire en 1992
au départ de Mathieu-Chiquet. En 1988 il est nommé
aussi co-titulaire, en compagnie de Gabriel Marghieri, des grandes
orgues de Saint-Paul-Saint-Louis du Marais, puis seul titulaire au
départ de ce dernier en 1992, avant la nomination en 1997 d'un
nouveau co-titulaire en la personne d'Olivier Périn. Enfin, en
1997 il succède à Jean-Michel Dieauaide aux grandes
orgues de Saint-Pierre de Chaillot qu'il tient brillamment en
compagnie de Michel Jézo puis de Samuel Liégon. Il
avait eu également l'occasion de remplacer parfois sa
professeur Suzanne Chaisemartin aux claviers du grand orgue de
Saint-Augustin lors de ses déplacements à l'étranger.
A partir de 1982
Denys Mathieu-Chiquet a enseigné l’orgue et
l’improvisation au conservatoire Hector Berlioz (Xe
arrondissement de Paris). Il a également professé
l’analyse dans cet établissement et durant quelques
années (1983-1988) cette même discipline au
conservatoire du quinzième arrondissement parisien. C'est lui
qui avait fondé en 1985 et présidé l'association
"Les Amis de Sainte Elisabeth", ce qui avait fortement
contribué à la restauration de l'instrument Suret, dont
le dossier fut approuvé en commission des MH en 1991. Cette
restauration, effectuée de 1994 à 1998 par la
Manufacture d'orgues Giroud, avait d'ailleurs donné lieu à
une inauguration, le 20 octobre 1999, effectuée par lui-même
en compagnie de trois autres organistes.
On peut dire que
Denys Mathieu-Chiquet a incarné toutes les facettes du métier
actuel d’organiste : interprète, improvisateur,
organiste liturgique, professeur, compositeur. On lui doit aussi un
écrit sur « Les Grandes orgues de Notre-Dame de
Paris », paru dans le n° 54 (1983) de la défunte
revue Jeunesse et orgue et les enregistrements vers 1986 à
Saint-Germain-des-Près d'oeuvres de Bach (Passacaille,
Prélude et fugue en mi b M) et de Liszt (Ad nos
…) (SACEM-SDRM 16 851 750), puis en 2006 des trois Chorals
de Franck à l'orgue Stolz de Saint-Joseph-des-Nations, Paris
XIe (Disque DMC). Il avait été aussi un temps membre de
la Commission d'Enseignement de l'Orgue et de l'Improvisation près
l’Inspection Générale de la Musique.
Ses amis, collègues
et élèves, toutes celles et ceux qui aimaient
l’entendre improviser et jouer, sont profondément
affectés de la disparition de cet artiste d’un naturel
aimable, d’un esprit ouvert autant que discret. Ses obsèques
ont été célébrées le 12 novembre à
10h30 en l'église Saint-Paul-Saint-Louis (Paris IVe),
-
Christophe
d'Alessandro
Denis Havard de la Montagne