Le Panthéon des musiciens

De janvier 2023 à décembre 2023

 

Geneviève IBANEZ - Philippe DROGOZ - Rachel LAURIN - Eugène PELLETIER - Maurice FRECHARD - Colette MAZE - Frédéric ROBERT (WURMSER)




Geneviève IIBANEZ (1942-2023)

Philippe DROGOZ (1937-2023)

2013 (photo X...)
https://www.rachellaurin.com

Le 13 août 2023 à l’hôpital Saint-Vincent d’Ottawa (Canada) est décédée Rachel LAURIN à l’âge de 62 ans, « à la suite d'une âpre bataille contre un cancer ». Son départ laisse un vide immense sur la scène musicale canadienne a écrit Robert Poliquin, le coordonnateur de la revue Mixtures éditée par la Fédération Québécoise des Amis de l’Orgue. Née le 11 août 1961 à Saint-Benoît (Mirabel) au Québec, Rachel Laurin a étudié l'orgue auprès de Lucienne L’Heureux-Arel, puis, entre 1980 et 1986 s’est perfectionnée au Conservatoire de Montréal, dans les classes de Gaston Arel et Raymond Daveluy (orgue), et de Raoul Soza (piano). Premier prix d’orgue en 1986, elle entame alors une carrière d’organiste, de compositrice et de pédagogue. Elle a enseigné l’improvisation et l’harmonie au Conservatoire de Montréal et également lors de cessions de musique liturgique à Epinal (Vosges) qui l’a amenée à écrire des Scènes Vosgiennes pour orgue, op. 16 (Europart-Music, 1991).

« De 1986 à 2002, elle a été organiste associée à la basilique de l'oratoire Saint-Joseph de Montréal et, de 2002 à 2006, organiste titulaire à la basilique-cathédrale Notre-Dame d'Ottawa. Enfin, de 2006 jusqu'à son décès, elle a été organiste à l'église Sainte-Anne de la paroisse Saint-Clément à Ottawa où elle s'est révélée un élément essentiel pour cette communauté. Organiste et compositrice très prolifique, elle s'est consacrée au concert, à la composition, à l'animation de classes de maître et de conférences. Elle avait une affection particulière pour la langue française, et les mots n'avaient pour elle aucun secret.
Sa discographie comporte douze disques, soit comme soliste ou encore comme membre de divers ensembles. Elle a donné de nombreux récitals dans les grandes villes du Canada, aux États-Unis et en Europe. Elle était régulièrement invitée comme concertiste, compositrice, professeure et conférencière dans les universités canadiennes et américaines.
Rachel Laurin était « Compositrice agréée » du Centre de Musique Canadienne depuis 1989. Elle a composé des centaines d'œuvres autant pour instruments solos que pour le chant, les formations de chambre, les chœurs, et les orchestres. Elle a aussi été juge lors de nombreux concours d'orgue en plus d'être sélectionnée par des jurys internationaux pour la composition d'œuvres originales. Tout récemment, au cours du Festival d'orgue tenu en juillet 2023 à Toronto, elle a reçu le titre de Fellow (honoris causa) du Collège royal canadien des organistes.
Puisse sa belle musique se faire entendre encore longtemps grâce aux prolifiques interprètes qui, par leurs prestations, continuent de lui rendre hommage à travers le monde. »
[Robert Poliquin, Mixtures, n° 58, p. 11].

Parmi ses nombreuses compositions, citons encore plusieurs messes (pour les Fêtes solennelles, op. 4, de louange, op. 15), des pages pour orgue parmi lesquelles deux Suite brève, op. 6, n° 1 et 2, une Sonate en fa, op. 7, de la musique de chambre (Trio pour alto, flûte et piano, op. 117, Quatuor pour cordes, op. 19), ainsi qu’un Veni Creator, cantate pour chant et orgue, op. 10, et une Symphonie n° 1, op. 36. La Salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal, où Rachel Laurin devait être prochainement la première compositrice en résidence, lui rendra hommage avec un concert programmé le 18 février 2024, donné par Isabelle Demers et ses élèves de la classe d’orgue de l’Ecole de musique Schulich de l’Université McGill (œuvres de Bach, Buxtehude et Laurin). Ses obsèques se sont déroulées le 18 août à 14h en l’église Saint-Clément, 528 Old St-Patrick Road à Ottawa.

DHM



Eugène Pelletier à l'orgue de l'église Sainte-Madeleine de Besançon (Doubs), en septembre 1993
(coll. Michel Jourdain) DR.

Décédé le 21 août 2023 à La Rochelle, à l’âge de 83 ans, je voudrais ici rendre un hommage spécial et appuyé à Eugène PELLETIER de qui j'ai bénéficié un enseignement précieux en improvisation et accompagnement à l'orgue.

 

Eugène Pelletier est né le 18 janvier 1940 à Lowell (Massasuchetts) aux Etats-Unis. Très tôt il a étudié le piano puis l'orgue avec Lionel Dugay. À l'âge de 15 ans, il était organiste de choeur de la cathédrale de Worcester (Massasuchetts) où résidait sa famille. Diplômé de l'université de Boston il vient en 1962 parfaire sa formation musicale à Paris. D'abord à l'institut grégorien où il eut pour professeur Édouard Souberbielle. Nanti de ses diplômes de fugue et d'interprétation/improvisation à l'orgue, il fut admis au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris à la classe d'orgue de Rolande Falcinelli. Cette dernière lui dédiera plusieurs de ses compositions dont Azan, op.61, pour flûte et orgue dont il donnera la première audition avec Daniel Barda à Saint-Louis-des-Invalides, puis la pièce n° 2 des Esquisses Symphoniques en forme de Variations, op.45, et le Cor Jesu Sacratissimum, op. 36. En 1970, il devint suppléant de Bernard Gavoty à Saint-Louis-des-Invalides, fonction qu'il occupa durant 10 ans. En 1989, il succédera à son maître Édouard Souberbielle en tant que titulaire des orgues de Saint-Joseph-des-Carmes jusqu'en 2009. Pédagogue recherché, Eugène Pelletier enseigna dans les conservatoires des 7ème et 14ème arrondissement.

 

Durant sa carrière, il donna de nombreux concerts d'orgue en France et à l'étranger notamment aux USA, en Angleterre et en Belgique. En 2009, il quitta Paris pour prendre sa retraite et s'installa à La Rochelle. Très vite, dans cette ville il fut sollicité pour assister l'accompagnement du chant grégorien à la messe dominicale de la chapelle Notre-Dame-de-l’Espérance, rue des Augustins, où il assura les services jusqu'en 2020. Il se consacra également beaucoup au piano et créa une chorale dénommée « L'Albatros » qu'il réunissait chaque samedi pour travailler des œuvres de la musique de la Renaissance, romantiques et contemporaines à la grande satisfaction de ses 15 choristes avides de découvrir et travailler avec ce professeur et ami, certes exigeant mais pourvu d'un humour et d'une très grande bienveillance envers tous

 

Sur les conseils de Raphaël Tambyeff, avec qui je travaillais déjà l'accompagnement du grégorien et de n'importe quelle mélodie ainsi que l'improvisation, il m'a envoyé en doublon à lui en vue de préparer la carte professionnelle des organistes parisiens que j'ai obtenue en 1998, l'épreuve ayant eu lieu à l'église Saint-Séverin à Paris (la tribune de Michel Chapuis). Eugène Pelletier me reçut extrêmement gentiment à l'église des Carmes à Paris, où il était titulaire. Ses conseils me furent particulièrement précieux : nous travaillions toutes sortes d'accompagnements dans des tonalités modales en particulier et bien sûr l'improvisation libre. Il me dit un jour, à propos d’une chanteuse « qu'est-ce qu'elle est pipelette cette soprano ! Passez le thème dans les autres voix ... » Je me souviens aussi en particulier de ses conseils de doubler à la tierce ou à la sixte dans l'accompagnement la mélodie ou l'utilisation de l'enchaînement Modal IV/I par exemple alors que souvent on attend, utilisation beaucoup plus fréquente, l'enchaînement V/l. Ce cas est justement tombé pour l'accompagnement du psaume lors de l'épreuve : il fallait terminer sur un IVème degré pour bien enchaîner et repartir sur un Ier. Cela pouvait désarçonner plus d'un candidat. Le début du psaume nécessitait sur plusieurs temps d'harmoniser sur le même degré grâce à des doublures à la tierce et à la sixte dans d'autres voix. Cela aussi pouvait désarçonner.

 

Eugène Pelletier me fit travailler aussi (ce qui n'était pas prévu dans les épreuves) la réduction de chœur avec beaucoup de voix qui se croisent. Je n'étais pas habitué à cela. Il a même essayé de me faire improviser un début de fugue avec les 4 entrées avec un contresujet obligé. À l'époque je trouvais cela trop difficile et n'avais pas le courage de travailler cela. Il disait (à propos de la capacité à improviser une fugue avec un contresujet obligé) : « ici c'est là qu'on sépare les boucs des chèvres ! »

 

La messe de ses funérailles fut célébrée en la cathédrale de La Rochelle où il résidait depuis 2009. Le programme ne contenait que des chants grégoriens en latin ou sur des Chorals de Bach, voulant éviter absolument les chansonnettes !

 

J'ai encore le souvenir, lorsque j'étais avec mon premier maître à l'orgue Françoise Renet à la tribune du grand orgue de Saint-Sulpice, qu’Eugène Pelletier accompagnait à l'orgue de chœur la messe du dimanche soir. Ses accompagnements étaient tellement beaux et raffinés que toutes les personnes présentes le remarquaient, étant unanimement sensibles à une telle excellence dans l'art de l'accompagnement.

Eric Hiret

organiste, professeur de piano

Maurice FRECHARD (1928-2023)


Colette Maze
(photo X...) DR.

Le 19 novembre 2023, s’est éteinte à Paris la pianiste Colette MAZE née SAULNIER, à l’âge canonique de 109 ans. Quelques mois auparavant elle enregistrait un dernier CD consacré à Gerschwin, Piazzolla, Schumann, Debussy et Sakamoto, sorti en juin dernier. Si elle ne fit pas une carrière de concertiste, ce fut néanmoins une précieuse accompagnatrice et une pédagogue appréciée tant dans certains établissements de musique que dans ses leçons particulières.

 

Née le 16 juin 1914 dans le neuvième arrondissement parisien, son père ingénieur, Léon Saulnier, originaire de l’Yonne, industriel de profession et sa mère née Denise Piollet à Paris, violoniste amateur, lui font découvrir la musique dès l’âge de 5 ans, puis à 7 ans l’inscrivent à des cours de piano auprès de quelques professeurs parisiens. En 1929, à l’âge de 15 ans, elle débute de sérieuses études musicales à l’Ecole Normale de Musique de la rue Cardinet. Là, elle suit les cours de piano de Jeanne Blancard, d’interprétation d’Alfred Cortot et de Nadia Boulanger qui y professe alors l’analyse harmonique et le solfège. Elle a notamment pour condisciples chez Cortot les pianistes Nadine Desouche (1912-1991), Reine Gianoli (1915-1979) et Hélène Boschi (1917-1990). Après avoir obtenu ses diplômes et sa licence d’enseignement, à son tour elle y professe durant quelques années à la fin des années trente. Plus tard, elle enseignera également au Conservatoire de Bagneux (Hauts-de-Seine) appliquant la méthode Cortot qui consiste, entre autres, à effectuer des exercices de décontraction et d’assouplissement de tous les muscles afin de permettre une souplesse totale au clavier pour privilégier le toucher. C’est sans doute pour avoir appliqué toute sa vie cette méthode, en assouplissant quotidiennement ses doigts, qu’à 109 ans elle jouait encore sans rigidité, ne souffrant d’aucune arthrose et s’entraînant régulièrement sur son piano Steinway.

 

Durant la guerre, réfugiée dans le Puy-de-Dôme, puis infirmière à Auxerre (Yonne), à son retour dans la capitale elle devient accompagnatrice de cours de danse dans des écoles de la Ville de Paris. C’est l’époque où elle réside, seule, dans le dix-septième arrondissement avec son jeune fils Fabrice, né en 1949 lors d’un épisode amoureux avec l’écrivain et fonctionnaire à l’ORTF Hubert Dumas (1920-1969). Au cours de ces années 1950-1960, elle se produit parfois en duo avec le violoncelliste Pierre Gerbaud (1924-2008), soliste de l’Orchestre de RTL ; à leur répertoire, des pages de Chopin, Mozart, Bach, Debussy. En 1958, elle épouse à Paris Emile Maze (1876-1974), autrefois professeur de musique au Havre, ancien violoniste de l’Orchestre Colonne, peintre amateur et surtout le fondateur en février 1927 de la société de solidarité et d’entraide des musiciens dans le besoin « Œuvre des Vieux Musiciens ». Rebaptisée ces dernières années « Solidarité Musique-OVM », cette association reconnue d’utilité publique est de nos jours située 55 rue Orfila à Paris XXème. Bien plus âgé que la mariée, il aura l’élégance d’adopter légitimement son fils Fabrice, mélomane et futur réalisateur de films.

 

Rappelant cette pensée de Cortot : « Il faut que la musique fasse jaillir du feu de l‘esprit et pas seulement des étincelles du clavier », Colette Maze, dont on a dit qu’elle est dépositaire de l’esprit et d’un style français, vénéra toute sa vie son compositeur fétiche, Debussy, qu’elle joua dès son enfance et durant cent ans. « J’aime sa légèreté profonde, son imaginaire dans lequel je me reconnais. Quand je joue Reflets dans l’eau, des images de mon enfance surgissent. Ses musiques sont des touches de lumière et de couleur qui demandent que nous effleurions le clavier, que nous le caressions. Il disait que la musique n’est pas enfermée dans les partitions, mais qu’elle vit dans les bois, dans les rivières, dans l’air. Ah, que je suis d’accord avec ça ! » disait-elle en 2009 au journaliste et écrivain Olivier Calon (Les enfants su siècle, des centenaires nous racontent…, Librairie Vuibert). Mais cela ne l’empêche guère d’aimer aussi Schumann, Brahms et Beethoven. C’est son fils, qui « conscient de la couleur particulière et originale de son interprétation », la convainquait d’enregistrer un premier CD en 2001 naturellement consacré à Debussy avec le 1er Livre de ses Préludes, suivi en 2006 du 2ème Livre (label Seven Doc, 7Doc01 et 70622). Sortiront par la suite chez Continuo Classics (distribué par UVM) 5 autres CD : « Debussy » enregistré en 2013 avec Clair de Lune, Estampes, Children‘s corner, La plus lente (FM1401) ; « Colette Maze 104 ans de piano » en 2017, avec des pages de Debussy, Monpou, Ginastera, Piazzola (CC777.804) ; « Colette Maze 105 ans de piano », œuvres de Ravel, Debussy, Fauré et Satie (CC777.814) ; « Un siècle avec Debussy », coffret 3 CD sorti en 2021 d’œuvres enregistrées entre 2001 et 2019 (CC777.818/20) et son ultime disque « Colette Maze 109 ans de piano », enregistré en 2022 et 2023, œuvres de Sakamoto, Debussy, Piazzola, Gerschwin, Schumann (CC778.829).

 

Les obsèques de Colette Maze, qui avait fait sienne cette pensée de Debussy « N’écoutez les conseils de personne sinon du vent qui passe et nous raconte l’histoire du monde », ont été célébrées le 28 novembre en l’église Saint-Roch (Paris 1er), la paroisse des artistes, en présence de toute sa famille, ainsi que de nombreux musicens et anciens élèves.

Denis Havard de la Montagne

https://www.youtube.com/watch?v=BRgfiSOMiew
https://www.radiofrance.fr/francemusique/rencontre-avec-colette-maze-pianiste-de-103-ans-eleve-de-cortot-et-passionnee-de-debussy-1031640


Le 24 novembre 2023 en son domicile parisien s’est éteint Frédéric WURMSER, dit ROBERT, âgé de 91 ans. Docteur en musicologie et professeur certifié d’histoire de la musique, il est notamment l’auteur de la « bible des orchestres d’harmonie » avec son Traité d’orchestration à l‘usage des orchestres d’harmonie, fanfares et musiques militaires, écrit avec la collaboration de Désiré Dondeyne (Paris, Lemoine, 1969, réédition Robert Martin, 1992). Particulièrement remarqués également La Marseillaise racontée par Frédéric Robert (livre en deux parties, publié par l’Imprimerie Nationale à l’occasion du bicentenaire de la Révolution en 1989) et en 2001, en vue du 100ème anniversaire de la mort d’Emile Zola un curieux et inédit Zola en chansons, en poésies et en musique (Wavre, Mardaga, 2001, 216 p.).

Frédéric Robert en 1982
(Photo X...) DR.

 

Né le 22 février 1932 dans le quatrième arrondissement parisien, Frédéric Wurmser qui prendra plus tard le pseudonyme de Robert, est issu d’une famille d’intellectuels et de gens de lettres : son père, André Wurmser (1899-1984) est journaliste et écrivain, sa mère, née Louise Cassou (1901-1990) est une bonne pianiste amateur pratiquant aussi le chant, sa tante Ida Cassou, née Jankélévitch (1898-1982), est pianiste (ancienne élève de Marguerite Long au Conservatoire de Paris) et son mari Jean Cassou (1897-1986) écrivain critique d’art et conservateur en chef du Musée d’art moderne. N’oublions pas aussi de mentionner dans son entourage proche le philosophe et musicologue Vladimir Jankélévitch (1903-1985, frère d’Ida) auquel on doit parmi ses ouvrages de musicologie de précieuses publications sur Liszt, Fauré, Ravel et Debussy.

 

Débutant l’étude du piano auprès de Henriette Lafarge qui compte parmi ses autres élèves Jacques Castérède, futur grand prix de Rome en 1953, il doit l’abandonner à la déclaration de la guerre pour suivre sa famille réfugiée dans le Tarn, au hameau de Saint-Paul-de-Mamiac (commune de Penne).  C’est alors sa mère qui poursuit son enseignement de la musique à travers le chant. Revenu à Paris en 1946, il reprend l’étude du piano auprès d’Yvonne Lafarge, la fille d’Henriette Lafarge décédée peu avant et en 1950 prend des leçons d’harmonie avec Marie-Rose Hublé, organiste de Saint-Eustache qui avait autrefois (1915) enseigné le piano à « Chouchou », la fille de Debussy. C’est à cette époque, à 19 ans, qu’il débute sa carrière musicologique comme producteur d’émissions radiophoniques grâce aux recommandations de Jean Wiéner et Henry Rabaud, amis de la famille, tout comme l’étaient les membres du « Groupe des Six ». Entré en 1952 au Conservatoire de Paris dans la classe d’histoire de la musique de Norbert Dufourcq, il y décroche en 1955 un premier prix et trois ans plus tard un second prix de musicologie, la même année où il est admis à la SACEM sous le patronage de Georges Auric. Au cours de ses études musicales, il reçoit aussi des cours particuliers de contrepoint et de fugue pris avec une autre organiste de renom, Marie-Claire Alain. Plus tard, en 1977, il obtient un doctorat de musicologie à l’université de Paris-Sorbonne avec une thèse dirigée par Jacques Chailley, portant sur des œuvres de 1792 à 1919 inspirées par le thème de La Marseillaise.

 

Dès 1953, Frédéric Robert publie des notices dans Les Lettres françaises et dans la Guilde internationale du disque et en 1956 paraît son premier commentaire de disque paru sous le titre de « Chanson de France » rassemblant des harmonisations de chansons folkloriques (Le Chant du monde, microsillon 25cm, 33 tours). C’est l’époque aussi (1954) au cours de laquelle il adhère à la « Fédération musicale populaire », qui, rappelons-le avait été fondée au début des années trente par des hommes tels que Romain Rolland, Honegger, Milhaud, A. Roussel, G. Auric… Il en deviendra plus tard membre du Bureau national après avoir un temps chanté au sein de sa chorale parisienne. Depuis cette décennie, devenu grand spécialiste de la musique française du XXe siècle, il ne va cesser de publier des notes, commentaires et autres études biographiques ou musicologiques durant plus de soixante ans. Ses recherches l’amèneront également à harmoniser pour 4 voix mixtes des chants populaires dont certaines ont été publiés, tels la Complainte de Mandrin, Le Retour du Marin, Le Chevalier du guet, Perrine était servante et à réviser et réaliser des œuvres anciennes parmi lesquelles notons la 7ème Sonate pour clarinette et piano de Xavier Lefèvre (1763-1829) (Editions ouvrières), l’Adagio pour quatuor de cuivres de Sigismond Neukomm (1778-1858) transcrite pour 2 trompettes, cor, 1er trombone et 2e trombone ou tuba (Billaudot), La Marche funèbre du même auteur pour quatuor de trombones (Billaudot), Doux souvenir pour harpe du même auteur (Billaudot), les Variations pour hautbois et orchestre d’harmonie de Rimski-Korsakov (1844-1908), réduction pour hautbois et piano (Billaudot), l’Andantino pour quatuor de trombones de Jules Cohen (1830-1901), transcription.

 

Quant à ses ouvrages musicologiques, nous nous devons de mentionner ici La musique française au XIXe siècle (coll. Que sais-je ?, n° 1038, 1963, réédition 1970 et 1991), La musique française dans l‘Europe musicale entre Berlioz et Debussy, 1863-1894 (Paris, L’Harmattan, 2017, 422 p.), Valeurs de notes, deux siècles de musique française, 1789-1989 (Toulouse, Méridiennes, Presses Universitaires du Midi, 2019, 160 p.), et ceux à caractère biographique qui ont été souvent encensés : Georges Bizet, l’homme et son œuvre (Paris, Seghers, 1965, 192 p.), Louis Durey, l’aîné des Six (Paris, Les Editeurs français réunis, 1968, 253 p.), Emmanuel Chabrier, l’homme et son oeuvre (Paris, Seghers, 1969, 191 p.), Hector Berlioz, correspondance générale, volume 2, 1832-1842, texte établi et présenté par F. Robert (Paris, Flammarion, 1975, 797 p.). C’est à lui et son ami Désiré Dondeyne qu’on doit l’enregistrement en première mondiale de la Symphonie funèbre et triomphale, op. 15, de Berlioz, grâce à sa redécouverte en 1958 dans les archives de la Musique des Gardiens de la Paix de Paris (disque vinyle Erato LDE 3078, réédition dix années plus tard en 1969, Erato STU 70493).

 

Si même ses communications ponctuelles dans plusieurs revues spécialisées ou dictionnaires musicaux ne sont pas négligeables, c’est principalement dans le Journal de la Confédération Musicale de France (publication hélas disparue en 2020 à notre grand regret !), dans lequel il a collaboré durant plus de 30 ans, que son nom apparaît fréquemment. Ses articles, toujours très fouillés, principalement axés sur les musiciens français depuis la Révolution jusqu’à nos jours, restent encore une précieuse source documentaire ; entre autres, sa longue série intitulée « De la musique au logis à la musicologie, souvenirs d’un musicologue », étalée sur 25 numéros (534, février 2008 à 558, juillet 2012). Très suivie, on ne peut que souhaiter qu’un éditeur ait un jour la bonne idée de la publier intégralement dans un ouvrage unique.

 

N’oublions pas aussi d’ajouter qu’il a longtemps enseigné l’Histoire de la musique aux Conservatoires de région parisienne de Drancy et de Montreuil-sur-Seine, ainsi qu’au Conservatoire Militaire de Musique de l’Armée de Terre (CMMAT) installé depuis 1991 sur le plateau de Satory à Versailles. A son actif encore sa participation comme animateur, aux côtés de Bertrand Pouradier-Duteil, aux « Heures musicales de la Vallée-aux-Loups » (Maison de Chateaubriand) durant une dizaine d’années à partir de 1987. On lui doit là la résurrection de plusieurs œuvres vocales ou instrumentales du temps de Chateaubriand dont il réalise parfois l’harmonie, notamment pour orchestre à vent dont la « Musique du Commandement Militaire de l’Ile-de-France » et la « Musique des Gardiens de la Paix » On rencontre aussi Frédéric Robert aux « Mardis Musicaux de la Montagne Sainte-Geneviève » où il propose des programmes de concerts originaux permettant de découvrir des compositeurs oubliés.

 

Frédéric Robert était membre d’honneur de l’Ordre des Musiciens, de la Confédération Musicale de France (CMF), de l’Association Française pour l’Essor des Ensembles à Vent (AFEEV) et chevalier des Arts et des Lettres. Musicologue érudit, il avait été rapidement reconnu et accueilli par ses paires : Claude Rostand et Gustave Samazeuilh déclarèrent en 1963 à propos de son ouvrage sur La musique française… qu’il était « d’une rare concision », quant à René Dumesnil et Roland-Manuel ils jugèrent qu’il le tenait pour « le mieux conçu de tous les volumes sur la musique française ».

 

Denis Havard de la Montagne


 


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