Le Panthéon des musiciens
De juillet 2004 à décembre 2004
Jean-Louis FLORENTZ - Carlos KLEIBER - Claude BALLIF - Gérard SOUZAY - Elmer BERNSTEIN - André DUMORTIER - Hans VONK - Geneviève DOYEN - Heinz WALLBERG - Roger GARDES- Robert GEAY - Bernard YANNOTTA - Robert MERRILL - Claude HELFFER - Pierre THIBAUD - Elena SULIOTIS - Sidonie GOOSSENS - Renata TEBALDI - Denise MÉGEVAND
|
Jean-Louis Florentz ( © photo Michel Crichton, archives Éditions Leduc, Paris, avec leur aimable autorisation )
|
Après la disparition récente de Marius Constant, l’Académie des Beaux-Arts pleure à
nouveau la perte de l’un de ses membres éminents en la personne du compositeur
et ethnomusicologue Jean-Louis FLORENTZ décédé à Paris le 4 juillet 2004
à l’âge de 56 ans, des suites d’une longue maladie. Tout comme son professeur
de composition Olivier Messiaen, il s’était notamment passionné pour les
polyphonies des oiseaux, plus particulièrement en milieu équatorial, qu’il
avait étudiées à l’Institut d’éthno-écologie des communications animales de
l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Entre 1985 et 2000 il avait enseigné
l’ethnomusicologie au Conservatoire national supérieur de musique de Lyon. Prix
de composition Lili Boulanger (1978), Grand Prix musical de la Ville de Paris
pour l’ensemble de son œuvre, Grand Prix musical de la Fondation Prince Pierre
de Monaco (pour son conte symphonique Asun (Assoun) sur l’Assomption de
Marie pour soprano, ténor, baryton, chœur mixte, chœur d’enfants et orchestre,
op. 7) l’année suivante, Grand Prix pour la musique symphonique de la Sacem en
1991, Prix René Dumesnil de l’Académie des Beaux-Arts en 1993, Grand Prix
lycéen des compositeurs 2004 (pour L’Anneau de Salomon, op. 14, danse
symphonique pour grand orchestre), Jean-Louis Florentz, pour qui « la
finalité de l’art c’est l’homme », occupait une place un peu à part dans
le milieu de la musique contemporaine, comme le soulignait Marcel Landowski
dans son discours pour sa réception à l’Académie des Beaux-Arts.
« Indépendant, animé d’une foi profonde, créateur exigeant » envers
lui-même, il laisse une œuvre peu abondante (une vingtaine d’opus) mais riche
en inspiration, dans laquelle le spirituel tient une place importante.
Né
le 19 décembre 1947 à Asnières (Hauts-de-Seine), Jean-Louis Florentz étudie
l’orgue dès 1962 et 4 années plus tard entre au Conservatoire de Lyon. Dans
cette ville il fait la connaissance du Père Marcel Godard, maître de chapelle
de la primatiale Saint-Jean et directeur de l’Institut Saint-Grégoire-le-Grand,
dont l’influence sera déterminante dans son œuvre, à n’en pas douter
d’inspiration religieuse comme il le revendiquera lui-même. C’est l’époque
également où il découvre avec passion, aux concerts ou à la radio, les récitals
des Tournemire, Duruflé et Grünenwald. Il effectue parallèlement une formation
universitaire (arabe littéraire, sciences naturelles et ethnomusicologie) et en
1971 entre au Conservatoire de Paris où il suit les cours de composition
d’Olivier Messiaen et passe dans la classe de Pierre Schaëffer, l’inventeur de
la musique concrète, puis se perfectionne auprès d’Antoine Duhamel dont on
connaît également l’indépendance de ses goûts musicaux (classique, jazz, rock,
folklore). Bien que proche d’Olivier Messiaen, admiratif d’Henri Dutilleux,
Maurice Ohana et de Nadia Boulanger, Jean-Louis Florentz conservera toujours
vis à vis d’eux une certaine distance afin de préserver une totale liberté. Sa
double formation universitaire et musicale l’entraîne au début des années 1980
à effectuer de nombreux voyages d’études en Israël, en Egypte, aux Antilles, en
Polynésie et surtout en Afrique (Kenya, Niger, Côte-d’Ivoire). Curieux de
toutes les cultures, à 42 ans, il se lancera à nouveau dans des études
sémitiques (langues éthiopiennes) à l’Institut national des langues et
civilisations orientales et à l’Ecole des langues orientales anciennes de
l’Institut catholique ! Pensionnaire de l’Académie de France à la Villa Médicis
(1979-1981), de la Casa Velázquez à Madrid (1983-1985), il est élu en 1995 à
l’Académie des Beaux-Arts, au fauteuil de Raymond Gallois Montbrun. Son œuvre
(éditée chez Leduc), marquée par une foi profonde et puisant son inspiration à
des sources multiples, reflète indubitablement ses parfaites connaissances des
rites et des cultures découverts au cours de ses études d’ethnomusicologie et
de ses nombreux voyages : Ti-ndé pour alto, orchestre de chambre,
op. 1 (1975-76), Ténéré « Incantation sur un verset coranique »
pour orchestre, op. 2 (1977-78), Chant de Nyandarua pour 4 cello, op. 6
(1985-86), L’Ange du Tamaris pour cello, op. 12 (1995), La Croix du
Sud, poème symphonique pour orgue, op. 15 (2000), L’Enfant noir,
prélude pour orgue, op. 17, Qsar Ghilâne, poème symphonique pour
orchestre, op. 18. Dans son Triptyque marial (Magnificat, Laudes,
Requiem de la Vierge, op. 3, 5 et 7), il mêle habilement la liturgie
latine avec les musiques traditionnelles juives, musulmanes et africaines… Il
est heureusement possible de faire connaissance avec la musique de Jean-Louis
Florentz, que l’on peut assurément qualifier d’indépendante et d’universelle,
grâce aux divers enregistrements actuellement disponibles sur le marché,
notamment l’Enfant des îles et l’Anneau de Salomon avec
l’Orchestre philharmonique des Pays de la Loire (Forlane), Les Jardins
d’Amènta et Le songe de Lluc Alcari avec l’Orchestre national de
Lyon (Harmonia Mundi), Debout sur le soleil, Les Laudes, Prière pour délier
les charmes, Harpe de Marie, Chant des Fleurs, Pleurs de Marie pour orgue
(Koch) et Magnificat – Antiphone pour la Visitation avec l’Ensemble
orchestral de Paris (Erato). Le catalogue des œuvres de Jean-Louis Florentz,
ainsi qu’une discographie et une bibliographie peuvent être utilement consultés
sur le site Internet de l’Académie des Beaux-Arts.
|
Anne Le Forestier
(photo X...) DR.
|
Les
obsèques religieuses de Jean-Louis Florentz, chevalier de l’Ordre national du
mérite, chevalier des Palmes académiques, Officier des Arts et des Lettres, ont
été célébrées le 8 juillet en l’église Saint-Eustache.
Marié
à Anne LE FORESTIER, née le 29 mai 1943 à Paris, d’un père britannique d’origine
normande (Robert Le Forestier) et d’une mère musicienne (Geneviève Poncet),
elle-même musicienne elle aura un destin tragique. Décédée le 12 avril 2020 à
Paris, à l’âge de 76 ans, elle termina en effet sa vie douloureusement devenue
tétraplégique et plus tard aphasique à la suite d’un accident survenu en novembre
2005. Sœur aînée du chanteur Maxime Le Forestier, c’est elle qui l’avait guidé dans
l’apprentissage de la musique. Diplômée du Conservatoire national supérieur de
musique de Paris (1ère médaille de solfège 1955, 1er prix
d’harmonie dans la classe d’Henri Challan 1960,1er prix de contrepoint
dans la classe de Marcel Bitsch en 1962, 1er prix de fugue 1968), avant
son accident, elle avait longtemps enseigné le solfège, l’harmonie au clavier,
ainsi que le déchiffrage et l’analyse au Conservatoire à Rayonnement Régional de
Boulogne-Billancourt en région parisienne (1968 à 2005). Parmi ses élèves, on
peut citer la violoniste Elodie Michalakakos, la chef de chœur Nathalie Bouré,
la harpiste Michèle Ejnes, les pédagogues Laurence Jégoux-Krug et Isabelle
Viennot, le contre-ténor Philippe Jaroussky et le pianiste Denis Chouillet… On
lui doit notamment l’harmonisation pour chœurs d’enfants et orchestre d’harmonie
de deux chansons de son frère (Né quelque part et Les jours meilleurs),
ainsi que la réduction pour chant et piano (Paris, Leduc, 2000) de L’anneau
de Salomon, pour chœur à 5 voix et orchestre (op. 14b) de son époux auquel
elle a consacré son énergie à mieux faire connaître son œuvre. Mieux que
quiconque, à sa disparition en 2020 Naji Hakim a parfaitement résumé sa
personnalité en ces quelques mots : « Anne Le Forestier, éblouissante Âme !
Généreuse, rayonnante, inspirant ardeur, maîtrise, élévation, gratitude et le
plus grand respect. »
Denis Havard de la Montagne
|
Carlos Kleiber et l'Orchestre symphonique de la radio bavaroise, Munich, 1975, Symphonies n° 4 et 7 de Beethoven, enregistrement live ( Melodram, GM 4.0047 )
|
Figure légendaire parmi les grands chefs d’orchestre du XXème siècle, Carlos KLEIBER, autrichien d’origine allemande, est mort le 13 juillet 2004 à Konjsica (Slovénie), pays natal de sa mère, à l’âge de 74 ans. Digne fils de son père Eric Kleiber (1890-1956), lui-même chef d’orchestre renommé qui avait fait connaître le répertoire germanique en Amérique latine et auquel Albert Roussel dédia sa Rhapsodie flamande pour orchestre (op. 56) qu’il créa à Bruxelles le 12 décembre 1936, Carlos Kleiber, de caractère très indépendant, fuyant tous les honneurs et les médias, se produisait peu. Et pourtant, sa rigueur, sa précision et son aisance dans la conduite d’un orchestre avaient rapidement fait de lui une véritable légende vivante auprès des mélomanes qui eurent la chance de le voir diriger sur quelques scènes allemandes ou autrichiennes.
Né à Berlin le 3 juillet 1930, Carlos Kleiber fuit l’Allemagne avec sa famille en 1935 pour se réfugier en Amérique du Sud où son père se produit en tant que chef invité. Curieusement ce dernier s’oppose à ce que son fils entreprenne une carrière musicale et l’oblige à apprendre la chimie ! Il opte cependant pour la musique qu’il avait commencé à étudier à Buenos Aires et se perfectionne dans la direction d’orchestre. En 1952, il donne son premier concert à La Plata (Argentine), regagne l’Europe et dès lors commence pour lui une prestigieuse carrière de chef qui va l’amener au Deutsche Oper am Rhein de Düsseldorf (1958-1964), à l’Opéra de Zürich (1964-1966), à l’Opéra de Stuttgart (1966-1968) et à l’Opéra de Vienne (1968-1978). Il dirigera également au Festival de Bayreuth, au Covent Garden de Londres, à la Scala de Milan, à l’Opéra de San Francisco, au Met de New York… En 1989 et en 1992 il avait dirigé le célèbre concert du Nouvel An à la tête de l’Orchestre philharmonique de Vienne. Même s’il n’accordait jamais d’interview, refusait bon nombre d’invitations à se produire sur les plus grandes scènes mondiales, vivait reclus dans sa propriété de Munich, la presse l’a toujours encensé, reconnaissant en lui un génie de la baguette. On a prétendu qu’il ne sortait de sa retraite pour diriger que lorsque l’état de ses finances l’exigeait !, mais c’est assurément faux car il refusait régulièrement des propositions très alléchantes venant des plus grandes institutions musicales de Vienne et de Salzbourg ! Cet artiste, sensible et profondément humain, vivait la musique comme un sacerdoce, refusant d’en faire un quelconque commerce mais au contraire de ne pratiquer cet art subtil uniquement pour son plaisir. Carlos Kleiber était un pur qui, bien que génialement doué, voulait rester un amateur au sens noble du mot. C’est sans doute pour ces raisons que son répertoire était relativement restreint, désirant ne conduire que les œuvres qu’il aimait : les Symphonies de Beethoven, La Traviata et Otello de Verdi, le Freischütz de Weber, Tristan et Isolde de Wagner, Le Chevalier à la rose de Richard Strauss, La Bohème de Puccini, La Chauve-Souris de Johann Strauss... Conséquemment, à l’image du personnage qui ne voulait pas perdre son temps dans les studios d’enregistrement, sa discographie est peu étoffée, la plupart des enregistrements ayant été effectuée en " live ". Parmi ses disques, citons plus particulièrement les Symphonies n° 5 et 7 de Beethoven, 3 et 8 de Schubert, 4 de Brahms avec l’Orchestre philharmonique de Vienne (DG), La Chauve-Souris avec Julia Varady et Hermann Prey (DG), Tristan et Isolde avec Margaret Price et René Kollo (DG), le Freischütz avec Gundula Janowitz et Peter Schreier (DG)… et en " live " : Le Chevalier à la rose avec Claire Watson et Brigitte Fassbaender (Melodram), le Chant de la terre de Malher avec Waldemar Kmentt et Christa Ludwig (Exclusive, Melodram), la Messe solennelle de Beethoven avec Birgit Nilsson (Urania) et la 2ème Symphonie de Borodine (AS. Disc, Melodram).
D.H.M.
Musicien indépendant, parfait humaniste, doté d’une profonde foi religieuse, Claude BALLIF s’en est allé le 24 juillet 2004 à Poissons (Haute-Marne), dans sa quatre-vingt-unième année. Professeur d’analyse au CNSM de Paris, il avait inventé, voilà un demi-siècle, la métatonalité (fondée sur une échelle de 11 sons) afin d’écrire sa propre musique sans contraintes, tentant de réconcilier tonalité et atonalité. S’il avait quelque peu flirté à ses débuts avec le sérialisme et la musique concrète, pourvu d’un esprit peu enclin au dogmatisme et se voulant théoricien, il était constamment à la recherche de nouveaux sons, sans toutefois exclure la poésie dont il était épris.
|
Claude Ballif, "L'œuvre pour flûte" ( CD Soupir, 2002 )
|
Né à Paris le 22 avril 1924, fils du Colonel Laurent Ballif et d'Odette Festugière, il était issu par sa mère d'une vieille famille propriétaire du château de Poissons (Haute-Marne), situé non loin de celui de Joinville, à laquelle appartenait le Père André-Marie Festugière (1898-1982), Dominicain, directeur d’études de l’Ecole pratique des hautes études, spécialisé dans la religion chez les Grecs. D’ailleurs, celui-ci eut probablement une certaine influence dans les convictions religieuses de Claude Ballif qui affirmait volontiers : " J’espère de tout mon cœur, que toute ma musique est religieuse. Toute action belle est religieuse, parce qu’elle nous fait accéder à la transcendance. " Après des études musicales débutées en 1942 au Conservatoire de Bordeaux avec Julien Fernand Vaubourgoin, il intégra celui de Paris (1948) où il suivit les classes de Noël Gallon, Tony Aubin et Olivier Messiaen puis partit en Allemagne afin de se perfectionner au Conservatoire de Berlin, auprès de Boris Blacher, Joseph Rufer, Hanz Heinz Stuckenschmidt, tous ardents défenseurs des musiques nouvelles. Il assista également aux cours d’été d’Hermann Scherchen à Darmstadt. En 1955, il obtenait le 1er prix de composition au Concours international de Genève pour son opus 13 Lovercraft pour orchestre (EMT). L’année suivante il publiait son " Introduction à la métatonalité " (Richard Masse, Paris) et en 1959 devenait assistant au " Groupe de recherches musicales de la RTF " de Pierre Schaeffer. Il entreprenait ensuite une carrière d’enseignant à l’Ecole Normale de Musique de Paris (analyse et histoire de la musique) en 1963 et 1964, au Conservatoire de Reims (pédagogie musicale, analyse) à partir de 1964, au CNSM de Paris (analyse, composition) entre 1971 et 1990, puis à celui de Sevran. En 1968, il avait participé à la fondation du département de musique de l’Université de Paris VIII (Vincennes).
Prix Arthur Honegger (1974), prix Florent Schmitt de l’Académie des Beaux-Arts (1975), grand prix de la musique de la Ville de Paris (1980), grand prix SACEM de la musique symphonique (1986), grand prix national de la musique (1999), Claude Ballif, qui s’est créé son propre langage, a écrit une œuvre comportant plus de 70 opus (130 pièces), étalés sur un demi-siècle. Revendiquant son indépendance, il a cherché son inspiration dans diverses formes de musiques de notre temps, tout en explorant la palette sonore. Principalement édité chez Durand, EMT, Bote & Bock et Choudens on lui doit ainsi des pages pour orchestre (A cor et à cri, Fantasio, Imaginaires), de la musique de chambre (Mouvement pour deux, Battez sons pleins, Cendres, Rêveries, Vitrine, plusieurs trios, quatuors, quintettes) et instrumentale pour piano, orgue, violon, harpe, guitare, hautbois… (dont une importante collection de 19 pièces pour divers instruments solistes, Solfegietto, écrites entre 1961 et 1999), de la musique pour la scène (Dracoula, Il suffit d’un peu d’air, Alice au pays des merveilles, La musique d’Eric Zahn, Les Troyennes), deux pièces de musique concrète pour bande magnétique (Etudes au ressort et Point, Mouvement) et de la musique religieuse comportant des chœurs avec accompagnement (4 Antiennes à la Sainte-Vierge, Les Battements du Cœur de Jésus, Prière au Seigneur, 3 Symphonies mystiques) ou a cappella (Chapelet, Prière à la Sainte-Vierge)… En tant que musicologue et théoricien, Claude Ballif a publié de nombreux articles, notamment dans " La Revue Musicale " et plusieurs écrits. En dehors de son " Introduction à la métatonalité " déjà mentionnée, on lui doit une biographie de " Berlioz " (Ed. du Seuil, collection Solfèges, 1968), " Voyage de mon oreille " (Union Générale d’Editions, 1979) et " Economie musicale. Souhaits entre symboles " (Méridien Klincksieck, 1988).
Sa discographie, bien que peu abondante, reflète assez bien l’œuvre de Claude Ballif qui a abordé différents genres. Parmi la quinzaine de disques édités, citons " Pièces fantaisistes pour piano " par Philippe Keler : Airs comprimés, Bloc-notes, Pièces détachées, Passe-temps (Concord-Grave GRCD 5) ; " Intégrale des œuvres pour flûte " par l’Orchestre symphonique Simon Bolivar sous la direction de Manuel Hernandez Silva, José Garcia Guerrero (flûte) et Philippe Keller (piano) (Soupir) ; A Cor et à cri, Quatuor à cordes n° 3, Haut les rêves, Sonate pour flûte et piano par le Kronos Quarter, Pierre-Yves Artaud (flûte) et Clara Bonaldi (violon) (Adda AD 184) ; Cendres, L’Habitant du labyrinthe, Timbres et Postes pour groupes de percussions par L’Ensemble de percussions Rhizome (Arion ARN 68289) ; 4 Sonates pour orgue (Arion/CBS 30A105) ; Prières à la Sainte Vierge, Chapelet, Les Battements du cœur de Jésus, Prière au Seigneur, Fragment d’une ode à la Faim pour chœurs a cappella ou avec accompagnement, par Arsène Muzerelle et Dominique Debart (chefs d’orchestre), Amédée Grivillers et André Kemblinsky (trombones) (Arion ARN 68189).
Les obsèques religieuses de Claude Ballif, commandeur dans l’ordre national du Mérite et des Arts et Lettres, ont été célébrées le 27 juillet 2004 en l’église Saint-Aignan de Poissons (Haute-Marne). Deux jours après sa disparition, la mère de Claude Ballif s'est éteinte à son tour. Agée de 104 ans, elle était la doyenne du village.
D.H.M.
Le baryton français Gérard SOUZAY est mort le 17 août 2004 dans sa propriété d’Antibes (Alpes-Maritimes) où il s’était retiré depuis plusieurs années, à l’âge de 85 ans. Considéré comme l’un des plus grands interprètes de la mélodie française et allemande, le critique musical Bernard Gavoty disait de lui : " dès qu’il chante, il enchante " et la grande interprète de Richard Strauss Lotte Lehmann : " Pour l’entendre, je ferais un long voyage." Il est vrai que ses interprétations de Fauré, Debussy, Poulenc, Duparc, Ravel ou encore de Schubert, Schumann et Wolf étaient admirables et enchantaient ses admirateurs qui n’hésitaient pas à le qualifier de " divin ". Sa voix incomparable, souple, au timbre si chaleureux et sa précision dans l’expression et la prononciation ont fait de lui, à juste raison, le maître de la mélodie en cette seconde moitié du XXe siècle. Artiste cultivé, il était passionné de philosophie et à la fin de sa vie s’était mis à la peinture et à la poésie.
|
"Gérard Souzay raconte" Paris, Archimbaud éditeur (2001)
|
Gérard Souzay (Gérard Marcel Tisserand pour l’état-civil) était né le 8 décembre 1918 à Angers (Maine-et-Loire). Son père, Georges Tisserand, officier de carrière, jouait fort bien du violoncelle et sa mère avait une belle voix de soprano. Ses deux frères avaient également de bonnes dispositions pour le chant, ainsi que sa sœur aînée qui fit une belle carrière professionnelle de soprano sous le nom de Geneviève Touraine. Son enfance s’écoula à Chinon et le nom du charmant petit village de Souzay, situé en bord de Loire entre Chinon et Saumur et où Marguerite d’Anjou, reine d’Angleterre, s’éteignit en 1482, lui fournira plus tard un pseudonyme. A cette époque il est plutôt porté sur le théâtre, même si sa famille lui fait quelque peu travailler le chant et le piano, et entreprend des études de philosophie. En 1940, il entre au Conservatoire de Paris et y reçoit une solide formation vocale et scénique auprès de la cantatrice Claire Croiza, (professeur de Jacques Jansen et de Camille Maurane) et de Vanni Marcoux, qui autrefois en 1922 avait été le premier Boris Godounov français. Il prend également des cours particuliers de chant auprès de Pierre Bernac, autre grand mélodiste, et fait ses débuts de concertiste à Paris en 1945. Le succès ne tarde pas et rapidement le public parisien reconnaît en lui un récitaliste hors pair, sachant mettre autant d’intensité et de cœur dans les mots que dans la musique. Dès 1946, on l’entend à la Radio (8 février) dans L’Histoire du Soldat de Stravinsky - dont il créera plus tard (le 13 septembre 1956 à Venise, sous la direction du compositeur) le Canticum Sacrum - et dans la cantate Le Temps d’Henri Martelli ou encore à la Salle Chopin de la rue Daru (18 octobre) dans des mélodies de Pierre Petit. Puis ce sera la Belgique, la Hollande, l’Afrique du Nord, l’Angleterre et les Etats-Unis en 1950, prélude à une grande carrière internationale qui va se poursuivre durant plus de 40 années. Il révèle hors de France Fauré, dont il déclare lui-même " le parfum harmonique et musical unique dans la musique ", ainsi que Chausson et Duparc. Spécialisé dans la mélodie française et le lied allemand, il va être l’un des rares français à chanter dans la langue de Goethe, en 1959 à la Salle Gaveau, le cycle de lieder Der Winterreise de Schubert.
En 1951 au Festival d’Aix-en-Provence il avait fait ses débuts sur la scène dans Le Mariage secret de Cimarosa (le Comte Robinson). On le verra ensuite dans Orphée et Eurydice de Gluck, Orfeo de Monterverdi, Pelléas et Mélisande de Debussy (Golaud), Don Juan et Les Noces de Figaro (le Comte Almaviva) de Mozart, Tannhäuser de Wagner (Wolfram), La Damnation de Faust de Berlioz (Méphistophélès). Si on a parfois reproché à Gérard Souzay son manque de puissance dans la voix au théâtre, il n’en est pas moins vrai qu’il savait compenser ce défaut par un jeu d’acteur exceptionnel faisant de lui un véritable tragédien. Ses prestations au Met de New York, à Salzbourg, à l’Opéra de Vienne, à celui de Munich, au Festival de Glyndebourne, aux Indes, au Japon et partout en Europe lui vaudront toujours un réel succès.
Une fois retraité de la scène, Gérard Souzay se consacra jusqu’au milieu des années 1980 à l’enseignement, s’efforçant de transmettre à ses nombreux élèves du Mannes College de New York, des universités d’Indiana à Bloomington et du Texas à Austin, ainsi qu’à Paris, Londres, Madrid, Berlin, Vienne et Tokyo sa science de l’interprétation et des techniques vocales. Il a également publié plusieurs ouvrages, dont un livre de souvenirs paru en 2001 : " Gérard Souzay raconte " (Archimbaud éditeur), dans lequel il parle de ses rencontres avec Paul Valéry, Georges Braque, Francis Poulenc...
Sa discographie est impressionnante : entre 1944, date de son premier disque, et 1987, il a enregistré plusieurs centaines de disques pour de nombreux labels internationaux. La plupart de ses enregistrements sont des cycles de mélodies françaises (Fauré, Poulenc, Debussy, Ravel, Duparc, Hahn, Massenet, Roussel...) ou de lieder allemands (Schubert, Schumann, Wolf...) mais on lui doit également de s’être essayé à la musique ancienne et baroque, notamment des Cantates de Bach (BWV 56, 82), un air de cour d’Antoine Boësset (Me veux-tu voir mourir), la cantate de chambre Les Quatre saisons de Boismortier, la cantate Les Femmes de Campra, des airs extraits d’opéras d’Haendel et de Lully, la tragédie lyrique Castor et Pollux et des cantates profanes de Rameau. Bon nombre des enregistrements de Gérard Souzay est épuisé depuis longtemps mais ces dernières années, à l’occasion de ses 80 ans, nous avons vu paraître plusieurs rééditions. Soulignons parmi celles-ci le remarquable travail de la maison de disques Testament (distribuée par Abeille Musique), spécialisée dans la réédition des vieux 78 tours et microsillons, qui vient de ressortir des enregistrements anciens, notamment d’œuvres de Ravel, Debussy, Chausson et Duparc (SBT1312), Schubert (SBT1313), Schumann et Hugo Wolf (SBT1314) - avec au piano Jacqueline Bonneau ou son fidèle accompagnateur Dalton Baldwin - qui ont été salués par la presse spécialisée. En 1998, Testament avait ressorti l’un de ses meilleurs rôles à la scène : Golaud dans Pellèas et Mélisande, version de 1957 dirigée par André Cluytens, avec Jacques Jansen, Victoria de Los Angeles et Jeanine Collard (3 CD, SBT3051).
Officier de la Légion d’honneur, commandeur des Arts et Lettres, grand prix de l’ordre du Mérite allemand, Gérard Souzay a été inhumé le 21 août au cimetière des Semboules à Antibes.
D.H.M.
Prodigieux compositeur de musique de films, Elmer BERNSTEIN est mort le 18 août 2004 à son domicile californien d’Ojai. Agé de 82 ans, il avait longtemps collaboré avec les plus grands metteurs en scène hollywoodiens, de David Miller (Le Masque arraché, 1952) et Cecil B. DeMille (Les dix commandements, 1956) à Francis Ford Coppola (l’Idéaliste, 1997) et Martin Scorsese (A tombeau ouvert, 1999), en passant par John Sturges (Les sept mercenaires, 1960 et La grande évasion, 1963), Don Siegel (Le dernier des géants, 1976), David Zucker (Y-a-t-il un pilote dans l’avion ?, 1980) et Barry Sonnefld (Wild wild west, 1999). Nominé à 14 reprises aux Oscars du cinéma depuis 1955, dont la dernière fois en 2002 pour la musique de Loin du paradis de Todd Haynes (avec Julianne Moore et Dennis Quaid), il n’avait cependant remporté qu’une fois le prix en 1967 pour Millie de Georges Roy Hill avec Julies Andrews. La musique de film, parfois considérée à tort comme un genre mineur, réclame en réalité non seulement une grande maîtrise de l’écriture, mais également une imagination sans cesse renouvelée. Le musicien de film doit se sentir à l’aise dans toutes les formes musicales, vocales et instrumentales, du leitmotiv à la chanson, de la ballade à la symphonie, et dans tous les genres : classique, jazz, thème traditionnel, théâtre, romance, danse, arrangements... Le compositeur Max Steiner (1888-1971), illustrateur musical de nombreux chefs d’œuvre du 7ème art (Arsenic et vieilles dentelles, Ouragan sur le Caine, La prisonnière du désert, La charge de la brigade légère...) avait déclaré un jour que le rôle de cette musique était d’ " accroître l’émotion suscitée par l’image ".
|
Elmer Bernstein à la tête du Royal Philharmonic Orchestra au London's Royal Albert Hall, en 2002 à l'occasion de ses 80 ans ( photo Jean Delamare, © elmerbernstein.com avec l'aimable autorisation d'Amber Records )
|
Né le 4 avril 1922 à New York, d’un père autrichien et d’une mère ukrainienne émigrés aux Etats-Unis, Elmer Bernstein, attiré dès l’enfance par les arts, fréquenta la Walden School de New York tout en prenant des cours de piano avec Henriette Michelson, professeur à la Juilliard School of Music de New-York. Remarqué à l’âge de 12 ans par Aaron Copland qui venait juste d’achever sa Short Symphony, il était confié au pianiste Israel Citkowitz, un ancien élève de Copland et, tout comme celui-ci, de Nadia Boulanger à Paris. Il fréquenta également l’université de New York où il obtint une licence d’éducation musicale en 1942. C’est d’ailleurs au cinéma de cette université qu’il découvrait la musique de film avec la projection de The devil and Daniel Webster (Tous les biens de la terre) de William Dieterle. La bande son était de Bernard Herrmann, futur collaborateur d’Hitchcock (L’Homme qui en savait trop, Psychose, Les oiseaux...). Plus tard, il travaillera la composition avec Roger Sessions, un ancien élève d’Ernest Bloch qui avait également collaboré avec Copland à la fin des années vingt, et avec Stefan Wolpe, un ancien élève de la Hochschule für Musik de Berlin et de Werbern à Vienne, émigré aux Etats-Unis en 1938. Bernstein commença sa carrière musicale comme pianiste concertiste, principalement entre 1946 et 1950 à New York. Après avoir servi dans l’US Air Force durant la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle il eut l’occasion de collaborer avec Glenn Miller, c’est en 1950 qu’il débutait dans le cinéma avec sa première partition du film Saturday’s Hero de David Miller, suivie de celles de Boots Malone de William Dieterle (1951) et de Sudden fear de David Miller (1952). A cette époque il s’installait à Hollywood pour une longue collaboration de près d’un demi-siècle avec plus de 200 musiques de film, dont bon nombre de succès. Parmi ceux-ci, en plus de ceux déjà cités dans ces lignes, mentionnons encore : L’Homme au bras d’or d’Otto Preminger (1955), Le petit arpent du Bon Dieu d’Anthony Mann (1958), Le Prisonnier d’Alcatraz de John Frankenheimer (1962), Le pont de Remagen de John Guillermin (1969), S.O.S. Fantômes d’Ivan Reitman (1984)...
Elmer Bernstein a également composé des suites pour orchestre (Woodstock Fair 1946, Pennsylvania Overture 1958), un Concerto pour ondes Martenot et orchestre (1983), un Concerto pour guitare et orchestre (1999), de la musique de chambre, une comédie musicale : How Now Dow Jones (1968), des partitions pour la scène (Peter Pan, 1960) et des mélodies. Son Concerto pour guitare, créé en septembre 1999 par l’Orchestre symphonique d’Honolulu, a été enregistré l’année suivante par le guitariste Christopher Parkenning, lui-même dirigeant le London Symphony Orchestra (Angel Records). On peut aussi facilement trouver sur le marché des enregistrements de ses principales musiques de films, notamment Les 7 mercenaires, Loin du paradis, Wild wild west, Ghostbusters et surtout celle du film culte La grande évasion avec Steeve McQueen !
Elmer Bernstein a été président de la Composers and Lyricists Guild of America (1970-1982), ainsi que de la Young Musicians Foundation et du Film Music Museum. En outre, il enseignait à la Thornton School of Music de la Southern California University.
D.H.M.
Davantage de détails sur le site Internet d’Elmer Bernstein [http://www.elmerbernstein.com/]
La Belgique vient de tourner une grande page de son histoire musicale ce vendredi 3 septembre 2004 avec le décès d'André DUMORTIER.
|
André Dumortier, février 1996 ( Photo Jacky Legge/Archéologie Industrielle de Tournai )
|
Né à Comines le 1er octobre 1910 dans une famille de musiciens (son père était flûtiste, sa mère pianiste), André Dumortier s'installe avec sa famille à Tournai en 1918. Il entre à la chorale de la cathédrale à l'âge de neuf ans, tandis que dès douze ans il reçoit l'enseignement de Jules Detournay (lui-même formé par Arthur De Greef). En 1920, il donne un premier concert à Comines avec une Sonate de Mozart au programme. L'événement décisif dans sa vocation est la découverte de la Damnation de Faust. Il commence ses études au Conservatoire Royal de Bruxelles en 1927 dans la classe de José Sévenants. Ce dernier a été l'assistant d'Arthur De Greef qui, lui-même, s'est imprégné de l'enseignement de Franz Liszt. Prix de Virtuosité en 1931, il accompagne Arthur Grumiaux en 1935 dans la salle du Conservatoire de Paris. Entre-temps il enseigne et fait du piano d'accompagnement au cinéma " Palace ". En 1938, il est lauréat du Concours Eugène Ysaÿe, qui deviendra plus tard Concours Reine Elisabeth. A partir de cette époque, il mène une double carrière de pédagogue et de soliste. C'est ainsi qu'il sera professeur de piano au Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles (CRMB) de 1946 jusqu'à sa retraite en 1976 tout en assurant la direction du Conservatoire de Musique de Tournai de 1954 à 1976. Durant sa carrière, on a pu l'applaudir aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en France, en URSS, en Suisse, en Suède... Il collabore au Quatuor de Londres de 1945 à 1960. Sa fonction à Bruxelles ne l'empêchait pas de s'attacher à la vie culturelle de la "Cité des Cinq Clochers" (direction des "Amitiés artistiques" de Tournai de 1948 à 1958, master-classes dans les années 90...)
En 1952 il enregistre sous la baguette de Fernand Quinet le Concerto op. 30 de Jean Absil (l'imposé du concours en 1938), version encore inégalée à l'heure actuelle et qui a d'ailleurs été remastérisée sur CD par "Musique en Wallonie". En 1956 il réalise une gravure historique des Sonates de Franck et Lekeu avec Henri Koch au violon. En 1968, c'est pour enregistrer les deux Concertos de Weber qu'on le retrouve dans les studios. André Dumortier a aussi fait partie de nombreux jurys de concours internationaux.
Dans un article paru dans "Le Soir" au sujet de ses stages, il disait : " (...) Ce qui m'intéresse beaucoup, c'est d'amener les jeunes à se connaître, à "dénicher" pour ainsi dire les ressources qu'ils ont en eux afin de découvrir le geste juste qui favorise non seulement la beauté mais aussi la vérité. Il y a un geste qui leur convient : il est unique et c'est celui-là qu'il convient de trouver. C'est un travail très éprouvant mais au bout du compte tellement gratifiant (...) " En 1988, au cours d'une première série d'entretiens, il résumait en quelques mots les liens qui unissent la musique à la spiritualité : "La musique est, en somme, un langage lié à l'Universel et qui exprime la Beauté. C'est donc pour moi le reflet de ce qui est défini par les uns comme l'Eternel, par les autres comme l'Infini ou encore l'Absolu".
André Dumortier avait fait sienne cette devise de César Franck : "Humble devant Dieu, modeste devant les hommes, fier de ce qu'on fait". Il puisait dans ses stages qu'il animait encore à passé 90 ans un bonheur sans cesse renouvelé : "C'est l'occasion, confie-t-il, de pouvoir aborder des êtres supérieurs..." Comme on le voit, toute sa vie, André Dumortier s'est consacré à la recherche de cette quête de La Vérité. Combien de fois ses élèves auront entendu cette phrase : "Le geste juste, qui permet de répondre à une pensée juste". Avec lui, jouer du piano devenait alors une "sculpture du son dans l'espace-temps".
Les obsèques d'André Dumortier se sont déroulées le 8 septembre à l'église Saint-Quentin à Tournai.
Pour plus d'informations sur cet admirable pianiste, pédagogue humaniste, on se référera à l'excellent livre de Bruno Lestarquit : "Entretiens avec André Dumortier" publié par la Maison de la Culture de Tournai en 2001.
Thierry BOUILLET
Le 29 août 2004, dans sa maison d’Amsterdam s’est éteint le chef d’orchestre néerlandais Hans VONK. Directeur musical de l’Orchestre symphonique de Saint-Louis (Missouri, Etats-Unis), après avoir été chef associé du Royal Philharmonic Orchestra de Londres, premier chef de l’Opéra néerlandais, de l’Orchestre de la Résidence de La Haye, de l’Opéra de Dresde, de l’Orchestre symphonique de la radio de Cologne, sa renommée internationale l’avait également conduit à diriger, de par le monde entier, bon nombre d’orchestres prestigieux, notamment le Cleveland Orchestra, le Boston Symphony, le Los Angeles Philharmonic, le New York Philharmonic, les Orchestres symphoniques de Montréal et d’Atlanta, le NHK Symphony Orchestra de Tokyo, l’Orchestre philharmonique de Radio France... Atteint de la maladie de Charcot, il avait été contraint de se retirer en 2002.
Né à Amsterdam le 18 juin 1941, d’un père violoniste à l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam qu’il perdit à l’âge de 3 ans, Hans Vonk effectua parallèlement des études juridiques à l’Université d’Amsterdam et musicales au Conservatoire de cette ville. Il sortait de cet établissement en 1964, ses diplômes de piano, direction d’orchestre et composition en poche, puis se perfectionnait auprès d’Hermann Scherchen et de Franco Ferrara. De 1966 à 1969, il dirigeait l’Orchestre du Netherlands Ballet et devenait ensuite l’assistant de Bernard Haitink à l’Orchestre du Concertgebouw (1969-1973) avant de prendre la tête de l’Orchestre de la radio d’Hilversum (1973-1979). En 1974, il débutait aux U.S.A. avec l’Orchestre symphonique de San Francisco, et était nommé deux années plus tard directeur musical de l’Opéra néerlandais et chef associé du Royal Philharmonic Orchestra de Londres, où il collaborait avec Antal Dorati. En 1980, Hans Vonk devenait chef de l’Orchestre de la Résidence de La Haye, succédant à Ferdinand Leitner. Il poursuivait par ailleurs une carrière de chef invité qui le mènera à travers toute l’Europe, l’Amérique et le Japon, débutant à la Scala de Milan dans The Rake’s progress de Stravinsky. En 1985, il fut nommé directeur musical de la Staatskapelle de Dresde et de l’Opéra d’Etat de cette même ville, postes qu’il occupa jusqu’en 1991, puis dirigeait l’Orchestre symphonique de la radio de Cologne. Enfin, à partir de septembre 1996 il était placé à la tête de l’Orchestre de Saint-Louis (Missouri) jusqu’en avril 2002, moment où sa maladie l’obligea à résigner ses fonctions. Avec cette formation, lors d’une tournée en Europe en 1998, il s’était notamment produit auprès des publics parisien et toulousain.
L’importante discographie d’Hans Vonk comprend notamment les Concertos pour piano de Beethoven, avec la Staatskapelle de Dresde et Christian Zacharias (EMI), le Concerto pour clarinette K.622 et la Symphonie concertante K.297b de Mozart, également avec la Staatskapelle de Dresde et Sabine Meyer (EMI), l’opéra Orphée et Eurydice de Gluck, avec le Nederlands Kamerkoor, Huguette Tourangeau, Catherine Malfitano et Barbara Hendricks (Gala), les Symphonies de Schumann, à la tête de l’Orchestre de la radio de Cologne ( Double Forte), une anthologie des œuvres vocales (Hymne n° 2 " An die Nacht ", Die Nacht, Hymne " Wenige Wissen "...) et instrumentales (Ouverture Les Oiseaux, les Suites Electra et Marsyas...) du compositeur néerlandais Alphons Diepenbrock, avec l’Orchestre de la Résidence de La Haye (Chandos), l’Ouverture Manfred et le Concerto pour violon ainsi que celui pour violoncelle de Schumann avec Frank-Peter Zimmermann, Truls Otterbech Mork et la Staatskapelle de Dresde (EMI), la Symphonie n° 2 et l’Ouverture tragique de Brahms, avec l’Orchestre Symphonique de la Radio Néerlandaise, qui est l’un de ses derniers enregistrements (Penta Tone)...
D.H.M.
(et l’aimable participation de Jacques Bonnaure)
Le 24 septembre 2004, à la veille de ses 60 ans, est décédée la pianiste et pédagogue Geneviève DOYEN. Pianiste de grand talent, formée par son père Jean Doyen issu de la très exigeante école française de piano de Marguerite Long, dont on connaît la place importante accordée à la technique (doigté, gammes, position des doigts), elle aurait facilement pu choisir une carrière de concertiste. Mais, artiste passionnée par l'enseignement, elle préféra vouer sa vie à la formation des jeunes musiciens afin de leur transmettre à son tour le goût d'une interprétation précise dans la recherche du beau.
|
Geneviève Doyen ( photo aimablement communiquée par le Conservatoire Francis Poulenc, Paris XVIe )
|
Née le 5 octobre 1944 dans le dix-septième arrondissement parisien, Geneviève Doyen fut mise par son père devant un clavier à l'âge de 4 ans. Celui-ci, Jean Doyen (1907-1982), ancien élève de Louis Diémer et de Marguerite Long, 1er prix de piano en 1922, était alors titulaire de la classe de piano de Marguerite Long au Conservatoire de Paris, auquel il avait succédé en 1941. C'est ainsi qu'il donna à sa fille ses premières leçons avant qu'elle puisse rejoindre à son tour le Conservatoire, où elle décrocha à son tour un 1er prix de piano, puis devint l'assistante de son père dans sa classe de piano. Parallèlement, elle enseigna dans les conservatoires de Nevers (Nièvre), Vernon (Eure) et Beauvais (Oise) et à partir de 1970 dans les Conservatoires municipaux Frédéric Chopin et Francis Poulenc (Paris XVe et XVIe) où elle professait encore la veille de sa mort. Titularisée à la Ville de Paris en 1990, durant 34 ans passés dans ces deux derniers établissements elle n'eut de cesse de vouloir développer les aptitudes musicales des jeunes artistes en herbe, tout en les initiant à l'Art. Sa passion du beau et sa quête perpétuelle lui avaient fait révéler en elle des dispositions pour l'art picturale. Ainsi, depuis une quinzaine d'années elle s'était lancée dans la peinture et exposait ses oeuvres. Après la disparition de son père, Geneviève Doyen devint l'assistante de Ventsislas Yankoff dans sa classe de piano du CNSM de Paris jusqu'à ce qu'il quitte son poste dans les années 1990. Elle a ainsi participé dans cet établissement à la formation de plusieurs pianistes de grands talents, notamment Claire Désert, Laurent Cabasso et François Killian.
Ses fonctions pédagogiques ne lui laissaient que peu de temps pour ses activités d'interprète, donnant en outre des leçons particulières de musique dans son appartement du seizième arrondissement. Cependant, au cours des années soixante, elle s'était parfois produite en public avec son père dans des œuvres de piano à 4 mains. On se souvient notamment d'un concert donné le 8 janvier 1973 à la Salle Poirel de Nancy, au cours duquel ils interprétèrent la Sonate en fa majeur (K 497) de Mozart, la Fantaisie en fa mineur, op. 103, (D 940) de Schubert, les Reflets d'Allemagne, op. 28, de Florent Schmitt et Dolly, op. 56, de Fauré. A la même époque, ils enregistraient ensemble cette pièce de Fauré lorsque son père gravait pour Erato l'œuvre pour piano de ce compositeur (STU 70741 à 744).
Après la disparition de Geneviève Doyen, ses collègues du Conservatoire municipal Francis Poulenc ont écrit qu'ils avaient perdu "une artiste de talent, une amie extrêmement fidèle, un professeur exigent qui a participé au renom des conservatoires parisiens". Ses obsèques ont été célébrées dans l'intimité et elle a été inhumée dans le petit cimetière de Parigny-les-Vaux (Yonne). A son intention, une messe a été célébrée le 15 octobre 2004 en la basilique Sainte-Clotilde, Paris VIIe, où bon nombre de ses anciens élèves, amis et collègues sont venus lui rendre un ultime hommage.
D.H.M.
Chef d’orchestre, trompettiste, violoniste, directeur général de la musique à Brême, Wiesbaden puis Essen, Heinz WALLBERG est mort d’un cancer le 29 septembre 2004 dans un hôpital d’Essen (Allemagne), à l’âge de 81 ans. Spécialiste des opéras de Mozart et de Richard Strauss, il avait dirigé durant une trentaine d’années l’Orchestre de l’Opéra de Vienne (Autriche) et était considéré comme l’un des grands chefs d’orchestre allemands du XXe siècle.
Né en Allemagne à Herringen-Hamm (Westphalie) le 16 mars 1923, Heinz Wallberg étudia enfant le piano, le violon et la trompette, mais dut très tôt subvenir aux besoins de sa famille lorsque son père, malade, fut obliger de cesser tout travail. Après avoir servi au front durant la seconde guerre mondiale comme opérateur radio, à la fin des hostilités il put enfin débuter de sérieuses études musicales au Conservatoire de Dortmund et à la Hochschule für musik de Cologne. Il se lança ensuite dans une carrière musicale tout d’abord comme violoniste et trompettiste dans les orchestres de Cologne et de Darmstadt puis comme chef d’orchestre, notamment à Munster, Trier et Hagen. En 1954, sa carrière prit un réel essor avec sa nomination par la municipalité d’Augsburg de directeur de la musique. Il avait en charge non seulement l’orchestre local mais également toute la vie musicale de la cité. L’année suivante, la ville de Brême l’appelait dans des fonctions similaires ; en 1961 c’était la ville de Wiesbaden qui l’engageait et à partir de 1975, celle d’Essen où il restera jusqu’en 1986. Parallèlement à ces fonctions, Heinz Wallberg dirigeait le Niederösterreichisches Tonkünstlerorchester de Vienne (1964-1974), l’Orchestre de la Radio de Munich (1975-1982), l’Orchestre philharmonique d’Essen (1975-1991) tout en étant invité de par le monde par bon nombre d’orchestres : ceux de Boston, Washington, Atlanta, Detroit, de la NHK de Tokyo, le London New Philharmonia et le Covent Garden, les opéras de Sydney et Buenos Aires, les Festivals de Salzbourg, Barcelone, Prague, Stockholm et le Mai musical de Florence... Mais c’est surtout à Vienne, où il se produisait de 1959 à 1987, qu’il acquit une grande notoriété. A l’Opéra, après avoir débuté dans Salomé de Richard Strauss, il dirigea à de nombreuses reprises fois les Noces de Figaro et la Flûte enchantée de Mozart, le Chevalier à la rose et Ariane à Naxos de Richard Strauss, Carmen de Bizet, le Vaisseau fantôme et les Maîtres chanteurs de Nuremberg de Wagner, Fidelio de Beethoven, la Tosca de Puccini ; au Musikverein, il conduisit plus de 400 fois les orchestres viennois, notamment dans des œuvres de Brahms et de Bruckner. En 1959, Place Saint-Pierre à Rome, lors d’un concert donné en l’honneur du Pape, c’est lui qui était à la tête de l’Orchestre symphonique de Vienne auquel assistait Jean XXIII. Il ne négligeait pas pour autant le répertoire contemporain et donna notamment l’oratorio Le Mystère de la Nativité de Franck Martin avec le Philharmonic de Berlin au Festival de Salzbourg (1960), l’opéra Das Bergwerk zu Falun de Rudolf Wagner-Régeny (Salzbourg, 1961) et la cantate scénique Die Versuchung des Heiligen Antonius (La Tentation de Saint Antoine) de Werner Egk (1976). La musique était pour Heinz Wallberg toute sa vie, et le 10 mai 2004, alors âgé de 81 ans, il se produisait encore en concert !
La discographie d’Henri Wallberg est importante, puisqu’on lui doit plus d’une centaine d’enregistrements, ainsi d’ailleurs que de nombreuses émissions de télévision. Parmi ses disques, mentionnons les Concertos pour piano et orchestre de Beethoven avec Alfred Bendel, la Missa solemnis du même compositeur avec le Chœur et l’Orchestre de l’Opéra de Vienne (Festival), la 5e Symphonie de Bruckner avec l’Orchestre national de Vienne (Festival), Frédérique et la Veuve joyeuse de Franz Lehar avec le Chœur de la Radio Bavaroise et l’Orchestre de la Radio de Munich (Voix de son Maître), la Bohème de Léoncavallo avec les mêmes (Orfeo), les Valses de Johann Strauss avec l’Orchestre national de Vienne (Festival), l’Elixir d’amour de Donizetti avec Lucia Popp (RCA), Tannhäuser de Wagner avec le Chœur et l’Orchestre de la Fenice de Venise (Mondo musica), l’Enlèvement au sérail de Mozart (RCA), Hänsel et Gretel d’Engelbert Humperdinck avec l’Orchestre du Gürzenich de Cologne (EMI) et Peer Gynt de Werner Egk (Harmonia Mundi)...
D.H.M.
Entré dans les Chœurs de l’Opéra-Comique en 1950 à l’âge de 18 ans, avant d’y faire ses débuts comme soliste dans La Bohème de Puccini (rôle de Rodolphe) 4 ans plus tard, Roger GARDES est décédé le 30 septembre 2004, dans sa 83e année. Ténor léger, qui fit toute sa carrière dans ce théâtre lyrique ainsi qu’à l’Opéra, il avait été révélé lors d’un concours de chant organisé en mars 1954 par le Casino de Cannes. Parmi une soixantaine de candidats sélectionnés dans toutes les villes de France, il avait reçu un 1er prix et une bourse de 250.000 francs. Les 4 autres ténors lauréats portaient pour noms : Gustave Botiaux, Alain Vanzo, Tony Poncet et Guy Chauvet...
|
Roger Gardes, 1956 ( Le Guide du Concert, juin 1956 )
|
Né le 4 mars 1922 à Paris, Roger Gardes, qui se plaisait enfant à pousser la chanson dans le café que ses parents tenaient dans la capitale, intégra les Chœurs de l’Opéra-Comique et prit des cours de chant auprès de René Lapelletrie (1884-1956). Celui-ci, également professeur du baryton bordelais Guy Fontagnère, avait débuté à l’Opéra-Comique le 26 janvier 1919 dans Werther de Massenet et y avait créé le 19 mai 1920 le rôle du Duc de Lorenzaccio d’Ernest Moret. Une fois son prix obtenu en 1954 au concours de Cannes, Roger Gardes travailla à l’Opéra avec Maurice Faure, puis François Agostini (marié à la soprano Martha Angelici) le faisait débuter à l’Opéra-Comique le 14 août 1954 dans le rôle de Rodolphe de La Bohème, entouré de Monique de Pondeau, Agnès Léger, Pierre Germain, Michel Roux et Xavier Depraz. Le 12 novembre de la même année, c’est à l’Opéra qu’il se produisait pour la première fois dans Les Indes galantes de Rameau. Il l’interprétait encore en mars 1959, aux côtés de Christiane Castelli, Jacqueline Brumaire, Berthe Montmart, Martha Angelici, Georgette Spanellys, Denise Scharley, Jacqueline Broudeur, Paulette Chalanda, Jean Giraudeau, Paul Finel, Camille Rouquetty, Alain Vanzo, Pierre Froumenty, René Bianco, Jean-Pierre Laffage et Louis Noguera. Durant plus de trois lustres, jusqu’en 1971, sous les directions de Maurice Lehmann, Jacques Ibert, Georges Hirsch et Georges Auric, administrateurs successifs de la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux (RTLN), il chantera, avec beaucoup de talent, dans de nombreux opéras notamment à la Salle Favart : Lakmé de Delibes (octobre 1954), Eugène Onéguine (Lemski) de Tchaïkovski (octobre 1955), Le Barbier de Séville de Rossini(1956), Les Pécheurs de perles de Bizet, Mireille de Gounod, Mignon d’Ambroise Thomas, Béatrice et Benedict de Berlioz, au Palais Garnier : Othello (Cassio) et Rigoletto de Verdi, L’Enfant et les sortilèges de Ravel, ainsi que dans bon nombre de théâtres de province et sur plusieurs scènes européennes.
Dès 1956, Roger Gardes avait enregistré La Bohème (Pathé, DTX 177 et 178) sous la baguette de Georges Tzipine avec les Choeurs et l’Orchestre du Théâtre national de l’Opéra-comique, ainsi que Martha Angelici, Christiane Castelli, Jean Vieuille, Michel Roux, Xavier Depraz, Jacques Hivert, René Hérent et Serge Rallier. A la même époque, également sous la conduite de Georges Tzipine, cette fois à la tête des Choeurs et de l’Orchestre de l’ORTF, il gravait le ballet Le Chevalier errant de Jacques Ibert (Columbia FCX 435, réédité en 1985 par Bourg Records, BG 3003, puis en 2000 par L’Empreinte Digitale/Harmonia Mundi) aux côtés de Michel Roux et des récitants Jean Davy et Odile Mallet. Un extrait de l’enregistrement de 1956 de La Bohème a été réédité en 1993 dans la collection " Belle époque " (EMI) au sein d’un coffret de 2 CD. Ces deux enregistrements nous permettent ainsi de conserver le souvenir vivant de ce ténor à la voix fraîche, ample et bien nette dans les aigus.
Roger Gardes fut longtemps président de l’Association des retraités de l’Opéra-Comique, devenue plus tard Association des retraités et pensionnés de l’Opéra et de l’Opéra-Comique de Paris (ARPOOCP).
D.H.M.
Le chanteur Robert GEAY, ancienne basse de l'Opéra et de l'Opéra-Comique, est décédé le 16 octobre 2004 à Paris à l'âge de 72 ans. C'est en 1960 qu'il avait été engagé par la R.T.L.N. (Réunion des théâtres lyriques nationaux) qui regroupait à l'époque les Salles Garnier et Favart. L'un de ses meilleurs rôles fut celui de Méphistophélès dans le Faust de Gounod, qu'il chanta de nombreuses fois sur les scènes de l'Opéra, de théâtres de province, et de Belgique, Suisse et Luxembourg.
|
Robert Geay ( coll. Sophie Guillaume, avec son aimable autorisation )
|
Né à Oran (Algérie) le 23 mars 1932, Robert Geay débuta ses études musicales au Conservatoire d'Alger à l'époque où il était dirigé par Gontran Dessagnes. Pianiste et chef d'orchestre à Radio-Alger à la fin des années 1920, il avait par la suite prit la tête du conservatoire municipal d'Alger qu'il porta à un haut niveau, sachant s'entourer d'excellents professeurs, notamment ceux de déclamation lyrique et de diction : Albert Dagnant, Paule Granier et Mlle J. Lamberton. Robert Geay partit ensuite se perfectionner au Conservatoire de Paris et en 1955 fit ses premières armes sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées. Cinq années plus tard il débutait à l'Opéra-Comique et à l'Opéra où il chantait Zuniga dans Carmen. A partir de 1960 et durant une vingtaine d'années, il a interprété ainsi de nombreux rôles sur ces deux scènes parmi lesquels on peut retenir Le Comte dans Les Noces de Figaro (Mozart), Colline dans Les Pêcheurs de perles (Bizet), Lindorff dans Les Contes d'Hoffmann (Offenbach), Escamillo dans Carmen (Bizet), Don Alvar dans Les Indes Galantes (Rameau), Angelotti dans La Tosca (Puccini) aux côtés de La Callas, mais c'est assurément celui de Méphistophélès qui lui vaudra son plus grand succès. On le vit aussi se produire à l'étranger, notamment en Autriche à Innsbrück où il chantait Golaud dans Pelléas et Mélisande, (Debussy) ainsi qu'aux Etats-Unis dans Boris Godounov de Moussorgski. Il fut encore un interprète des opéras d'Henri Sauguet dès la fin des années cinquante : Claudio dans Les Caprices de Marianne (avec Geneviève Pontié, Louis Rialland et Nadia Gedda-Nova au piano) et Le Baron dans Le Plumet du colonel, aux côtés d'Yva Barthélémy, Agnès Disney, Bernard Demigny, Bernard Plantey et l'Orchestre lyrique de l'ORTF dirigé par Jean Doussard. C'est de cette époque que date sa rencontre avec la soprano Yva Barthélémy avec laquelle il fut marié un temps. Elle avait débuté en 1956 à la Scala de Milan dans L'Enfant et les sortilèges (Ravel), avant d'être engagée plus tard à l'Opéra de Paris.
En dehors des scènes de théâtre, Robert Geay se produisait également en concert dans des programmes variés, comme par exemple lors de cette soirée lyrique "de Mozart à Poulenc" avec Jean-Christophe Benoit, Monique Linval, Florence Raynal et le pianiste Maurice Blanchot, qui eut lieu le 25 avril 1978 au Centre culturel de Boulogne-Billancourt. A cette même époque il dirigeait le "Centre France lyrique" de l'Opéra-Comique, subventionné par les Ministères de la Culture et de l'Education. Consacrant une bonne partie de son temps aux établissements primaires, son but principal était de promouvoir l'art lyrique auprès des jeunes avec une formule attractive et conviviale : dans un premier temps, sensibilisation des enfants en milieu scolaire par des artistes animateurs, avec choix d'une œuvre analysée sur le plan musical et scénique, puis, dans un second temps interprétation de cette œuvre dans le cadre d'un partenariat avec la commune. Pour les saisons 1978 à 1980, le "Centre France lyrique" avait présenté et travaillé sur L'Enfant et les sortilèges (classe de C.E.2), Il Signore Bruschino de Rossini (classe de C.M.1) et Le Ventriloque de Marcel Landowski (classe de C.M.2). Parmi les autres activités musicales de ce Centre, signalons encore la programmation en 1973 des Contes d'Hoffmann au Théâtre Romain-Rolland de Villejeuif retransmis à la télévision, l'organisation et la coordination du programme du Théâtre musical contemporain qui avait été donné à l'Espace Pierre Cardin des 5 au 29 juin 1978, la création avec T.F.1 à l'Opéra du Nord de l'opéra en un acte Aliana de Pierre Ancelin (1981)...
Robert Geay a peu enregistré et ses quelques disques gravés sont épuisés depuis longtemps. Cependant quelques uns ont été réédités en CD, notamment Carmen, aux côtés de Joan Sutherland, Mario del Monaco, Regina Resnik, Yvonne Minton, Tom Krause, le Chœur du Grand Théâtre de Genève et l'Orchestre Suisse romande sous la direction de Thomas Schippers (enregistré en juin 1963 à Genève, Decca SET 256-258, 2CD Decca 443871), Les Contes d'Hoffmann (rôle de Crespel), avec Nicolaï Gedda, Gianna d'Angelo, Elisabeth Schwarkopf, les Chœurs René Duclos et l'Orchestre de la Société des concerts du conservatoire, sous la conduite d'André Cluytens (VSM AN 154-156, CD Emi Classic), et l'opéra André Chénier d'Umberto Giordano (rôle de Roucher) avec Alain Vanzo, Michèle Le Bris, Robert Massard, Corinne Petit, les Chœurs et l'Orchestre lyrique de l'ORTF dirigés par Georges Sebastian (1970, INA DPV 30.9012).
D.H.M.
Clarinettiste, chef d’orchestre et compositeur, Bernard YANNOTTA s’est éteint à Paris le 20 octobre 2004, à l’âge de 56 ans. Américain d’origine mais Français d’adoption depuis plusieurs décennies, il était co-directeur artistique, avec le pianiste Michel Dalberto, de l’Académie-Festival des Arcs (Savoie) et se livrait plus particulièrement ces dernières années au théâtre avec la Compagnie Ecuador, ainsi qu’à la tête de l’Orchestre des Pays de Savoie. " Artiste protéiforme ", comme on l’a écrit, il aimait avant tout mélanger les genres, combinant volontiers le classique, le moderne, le jazz et les musiques actuelles. Les quelques 140 stagiaires et 15 000 auditeurs qui fréquentent l’Académie et les concerts d’été aux Arcs connaissent bien sa passion pour le théâtre de spectacles vivants où l’académisme n’est pas de rigueur. De là, sans doute, son affection toute particulière pour la musique américaine : Gerschwin, Weill, Bernstein. L’une de ses dernières productions fut la comédie musicale Pour toi, Baby ! de Gerschiwn, dont il avait écrit l’orchestration pour un effectif proche du jazz band et en assurait la direction musicale, dans une mise en scène de Jean Lacornerie. Créée en octobre 2003 à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), cette comédie a été ensuite donnée à maintes reprises, notamment au Théâtre Silvia Monfort de Paris (mai 2004) où elle sera encore à l’affiche du 14 au 19 juin 2005.
|
Bernard Yannotta ( coll. Festival des Arcs, avec son aimable autorisation )
|
Né en 1948 dans le New Jersey, à Summit, Bernard Yannotta fréquente la Juilliard School de New York, après l’Université Carnegie Mellon, et étudie la clarinette qu’il va également travailler en France entre 1973 et 1979 avec Jacques Lancelot. Il joue aussi bien Mozart que Ligeti. et participe à la création du " Quintette à vent Nielsen " qui sera 1er prix du Concours international de Martigny (Suisse) en 1979 et la même année prix d’honneur du Concours international de Colmar, ainsi qu’au " New american music ensemble ". Il se lance parallèlement en 1977 dans des études de composition et de chant à l’Université de Yale, ainsi que de direction d’orchestre notamment auprès de Pierre Dervaux à Paris. En 1985, il est nommé à la tête de l’Orchestre du Mannes Collège de New York avec lequel il entreprend des tournées à travers les Etats-Unis et l’Europe. Plus spécialement tourné vers la musique de ses contemporains, il interprète volontiers Philip Glass, John Adams ou encore Steve Reich. Ayant découvert la France lors de ses études musicales à Paris, il va dès le début des années 1970 vivre à cheval sur les deux continents et plus tard enseigne au Festival des Arcs avant d’en devenir co-directeur en 1989. Fondé en 1973, cette Académie Festival accueillent dans la Tarantaise, aux Arcs et à Bourg-Saint-Maurice, bon nombre de stagiaires français et étrangers de niveau supérieur venus se perfectionner auprès de professeurs de grande renommée, et un public avide de découvrir des concerts ou spectacles de tous genres. Bernard Yannotta s’efforçait en effet de mélanger tous les styles, aimant tout particulièrement la mise en scène de théâtre de spectacles vivants. On pouvait à la fois entendre le Concerto pour 4 violons de Vivaldi et Happy End, une création musicale sur des poèmes de Brecht et des musiques de Weill, sous la direction de Yannotta. Il n’abandonna jamais pour autant son instrument de prédilection : le 3 août dernier à Chamonix, il se produisait encore dans des œuvres de Beethoven avec Michel Dalberto (piano) et Henri Demarquette (violoncelle). Comme soliste, il a joué avec bon nombre d’orchestres parmi lesquels on peut citer le New Jersey Symphony Orchesta, l’Orchestre de chambre de Montréal ou encore l’Orchestre de Radio-France et a participé à plusieurs festivals internationaux, du Printemps de Prague au Festival de musique contemporaine de Salzbourg et aux " Sonates d’Automne " de Touraine. Avec sa clarinette, on doit à Bernard Yannotta plusieurs enregistrements, dont le Concerto pour 2 pianos, vents et percussions de Paul Bowles (1 CD Kock 315742).
Depuis 1994, année où il s’est un peu plus tourné vers la scène, et a débuté sa collaboration avec Jean Lacornerie, auquel on doit notamment la fondation à Lyon (septembre 1992) de la Compagnie Ecuador, Bernard Yanotta avait monté plusieurs spectacles de théâtre musical : L’Histoire du soldat (Stravinsky), Le Retable de maître Pierre (Emmanuel de Falla), L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau (Olivier Sacks et Mychaël Nyman), Mahagonny songspiel (Bertold Brecht et Kurt Weill), Un petit oui pour un grand non (cabaret expressionniste allemand), Trouble in Tahiti (opéra en un acte de Léonard Bernstein qu’il arrange pour 7 instruments et 5 chanteurs)... Artiste aux multiples facettes, il composait aussi pour le cinéma muet, notamment pour le Festival CinéMémoire du Ministère de la Culture, le théâtre (Phèdre de Sénèque, La Fausse suivante de Marivaux, Luna Park de Claude Delarue), avait écrit récemment sa propre comédie musicale pour 17 chanteurs et trio de jazz Les enfants gâtés, sur un texte de Jean-Claude Penchenat, et avait même chanté (rôle de l’arbitre) dans le film La Belle verte de Coline Serreau (1996)! Le 29 janvier 2004 à l’Hippodrome scène nationale de Douai puis le 4 février à l’Opéra de Lille, il dirigeait l’Ensemble 2e2m pour la création de The Cradle will rock, l’opéra de Marc Blitzstein écrit au lendemain du crack boursier new-yorkais de 1929.
Les obsèques de Bernard Yannotta ont été célébrées le 3 novembre 2004 en l’église Saint-Eustache (Paris).
D.H.M.
Le baryton américain Robert MERRILL qui fit la gloire du Metropolitan Opera durant plus de 30ans, est mort le 23 octobre 2004 à New Rochelle, près de New York. Agé de 87 ans, il s’en est allé tranquillement à son domicile en regardant un match de base-ball à la télévision, ardent supporteur des Yankees sa vie durant au point de chanter leur hymne au Yankee Stadium. Entre 1945 et 1976, il s’était produit à près de 1000 reprises avec la troupe du Met à New York ou en tournée. Il fut notamment un excellent Germont dans La Triaviata de Verdi, un remarquable Figaro du Barbier de Séville de Rossini ou encore un Escamillo sans pareil dans Carmen de Bizet. Sa voix chaude et puissante, doublée d’une prestance physique incontestable lui ont permis de chanter tous les plus grands rôles de baryton des répertoires français et italien. Il fit également carrière à la radio, à la télévision et au cinéma, et se produisit dans des comédies musicales à succès, entre autres dans Un violon sur le toit (Fiddler on the Roof) de Jerry Bock qu’il enregistra en 1968 (Decca), avec le London Festival Orchestra & Chœurs placés sous la direction de Stanley Black.
|
Robert Merrill ( CD Decca 4753962 )
|
Né le 4 juin 1917 à Brooklyn (New York), Robert Merrill, de son vrai nom Moishe Miller, commença à étudier la musique et plus particulièrement le chant avec sa mère Lillian (Lotze) Balaban, dotée d’une belle voix de soprano. Ses parents, Abraham et Lotze Millstein, avaient quitté leur pays d’origine, la Pologne, pour émigrer aux Etats-Unis et pris le nom de Miller. Il alla ensuite se perfectionner auprès de Samuel Margolis, professeur de chant new-yorkais qui compte parmi ses élèves un autre pilier du Met avec la basse Jerome Hines disparue en 2003. Tout d’abord admirateur de Bing Crosby, il entendit un beau jour et par hasard au Met Lawrence Tibbet, dont la voix immense est légendaire, chanter Germont dans La Traviata. Dès cet instant il décida de devenir chanteur d’opéra et après avoir quelques années durant chanté des œuvres légères de variétés ou de music-halls dans des radios (notamment à la NBC, aux côtés de Franck Sinatra et Louis Amstrong) et salles de spectacles, il fit ses débuts en 1944 à Trenton (New Jersey) dans le rôle d’Amonasro de l’Aïda de Verdi. Dès l’année suivante, après avoir entre temps remporté le premier prix (la même année que le ténor Thomas Hayward) des Auditions of the Air du Metropolitan Opera de New York, il est engagé et le 15 décembre 1946 chante Germont. Quelques 26 années plus tard, le 5 mars 1973, Robert Merril fêtait sa 500e représentation sur les planches du Met et en 1976 il se retirait! On lui doit près de 30 rôles, parmi lesquels, en plus de ceux déjà cités, le rôle-titre de Rigoletto, Iago dans Otello, Don Carlo dans La Force du destin, Ford dans Falstaff, Renato dans Un bal masqué (Verdi), Scarpia dans Tosca, Marcel dans La Bohème (Puccini), Tonio dans Paillasse (Leoncavallo), Enrico Ashton dans Lucia di Lammermoor (Donizetti)... En 1961, il avait fait ses débuts en Europe dans son rôle fétiche de Germont à Venise et en 1967 chantait ce même rôle au Covent Garden de Londres. Tout au long de sa carrière, Robert Merrill a effectué de nombreux enregistrements. Il laisse ainsi une discographie importante qui permet de garder présent le souvenir d’un des plus grands barytons du Met, comme l’a écrit le Time Magazine. Parmi celle-ci, soulignons La Traviata avec Joan Sutherland (Decca) et l’Orchestre du Mai musical de Florence dirigé par John Pitchard (Decca), La Bohème avec Victoria de Los Angeles et Sir Thomas Beecham à la tête du RCA Victor Orchestra (EMI), Le Barbier de Séville avec les Chœurs et l’Orchestre du Met sous la direction d’Erich Leinsdorf (BMG France), Carmen avec Leontyne Price et l’Orchestre philharmonique de Vienne dirigé par Karajan (RCA), Aïda avec Leontyne Price, Rita Gorr, John Vickers, l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra de Rome, sous la conduite de Sir Georg Solti (Decca), Rigoletto avec Ann Moffo, Alfredo Kraus et le RCA Italiana Opera Orchestra & Chorus, sous la direction de Georg Solti (RCA). Signalons également la sortie récente (juin 2004) d’un récital de Robert Merrill consacré à des arias extraits de : Othello, Un Bal masqué, La Trouvère, La Force du destin, Paillasse, Don Carlos et Andréa Chénier, en compagnie du New symphony Orchestra de Londres dirigé par Edward Downes (Decca 4753962). On lui doit aussi 2 livres autobiographiques : Once more from the Beginning (New York, 1965) et Between Acts (New York 1976).
Robert Merrill avait épousé en 1952 la soprano américaine Roberta Peters qui avait débuté au Met un an auparavant dans le rôle de Zerline du Don Giovanni de Mozart. Mais cette union fut de courte durée et deux années plus tard il se remariait avec la pianiste Marion Machno qui l’accompagnait souvent dans ses récitals. Leur fils David Merrill a joué un temps (1979-1984) de la guitare basse au sein du groupe de rock new-yorkais " The Rattlers ".
D.H.M.
Polytechnicien (X 42), pianiste, professeur d’interprétation, Claude HELFFER est décédé le 27 octobre 2004 à Paris, dans sa quatre-vingt-troisième année. S’il jouait volontiers le repertoire traditionnel, notamment Mozart, Beethoven, Chopin et Schumann, il interprétait également Debussy, Ravel, Stravinsky et Bartok, et défendait ardemment la musique de ses contemporains : Boulez, Xénakis, Stockhausen, Boucourechliev, Barraqué... C’est lui, le premier, qui a enregistré en 1976 l’intégrale de l’œuvre pour piano de Schoenberg (Harmonia Mundi, HMU 752). Bon nombre de compositeurs modernes lui ont dédié des pièces pour piano qu’il a créées, notamment Gilbert Amy (Epigrammes, 1965), Betsy Jolas (Stances, 1978), Philippe Manoury (Chryptophonos, 1974, Rencontres de Metz), Iannis Xenakis (Erikhton, 1974), Luis de Pablo (Concerto n° 1, 1980). Dans ses cours d’interprétation, dispensés à travers le monde entier, il abordait un vaste répertoire des Sonates de Beethoven à l’Ecole de Vienne, tout en veillant à ne pas imposer ses idées, mais seulement donner à ses élèves des éléments d’appréciation permettant d’assimiler l’œuvre pour mieux la jouer.
|
Claude Helffer ( photo Magali Fabreguettes, avec l'aimable autorisation du Centre Acanthes )
|
Né à Paris le 18 juin 1922 dans une famille où la musique était vénérée, Claude Helffer effectua des études scientifiques tout en apprenant le piano, notamment auprès de Robert Casadesus, un ami de Maurice Ravel. La seconde guerre mondiale interrompit quelque temps ses projets. Après avoir rejoint la Résistance, il put reprendre ses études à la Libération et entrait à l’Ecole Polytechnique. Entre 1948 et 1952, il suivit l’enseignement de René Leibowitz que celui-ci dispensait dans son appartement de la rue de Condé puis du Quai Voltaire à Paris. Il lui fit ainsi travailler l’harmonie classique, le contrepoint modal et la fugue. Claude Helffer déclarera plus tard qu’ayant compris qu’il n’avait rien d’un compositeur, il avait effectué ses études de composition simplement pour essayer de mieux comprendre ce qu’il faisait. Avec René Leibowitz, qui lui dédia la troisième de ses Pièces pour piano (op. 19), il découvrit les "Viennois " (Schoenberg, Berg, Webern). C’est de cette période que date son goût prononcé pour les compositeurs issus d’un monde musical nouveau avec l’Ecole de Vienne et le Domaine Musical de Boulez qui révèle, à partir de 1955, tous les courants novateurs. Il va les jouer fréquemment afin de les faire découvrir au public, en tentant souvent d’expliquer leur démarche esthétique, qui, il est vrai, n’a pas été toujours facile à saisir. On le voyait ainsi, au cours d’un même concert, interpréter Beethoven, Bartok, Gilles Tremblay et Gilbert Amy. Créateur de nombreuses œuvres modernes, notamment les Sonates n° 1 et 3 de Boulez, Eclipses de Michel Tabachnik et Triple et trajectoires de René Koering - cette dernière, écrite pour piano et 2 orchestres, interprétée en 1965 au Festival de Salzbourg sous la direction de l’auteur et de Charles Bruck -, ainsi que de pièces de Luciano Berio, Franco Evangelisti, Kazimierz Sérocki, Paul Méfano, Frank Krawczyk (Kammerkonzert, créé au Festival d’Automne 1989) et bien d’autres encore, il joue également Ravel (Gaspard de la nuit, Jeux d’eau, Menuet sur le nom de Haydn...), Debussy (Préludes, Arabesques, Epigraphes antiques, Etudes pour piano...), Milhaud (Carnaval d’Aix) ainsi que Couperin (14e et 26e Ordres) et Rameau (Gavotte variée, L’Enharmonique). Sa vaste culture musicale va lui permettre d’écrire un ouvrage pédagogique dans lequel il prodigue quelques conseils pour l’approche de toute œuvre nouvelle : Quinze analyses musicales, de Bach à Manoury (Genève, Editions Contrechamps, décembre 2000), ainsi qu’un " Que sais-je " sur Le Piano, en collaboration avec Catherine Michaud-Pradeilles (n° 263, 2e édition, janvier 1997).
Auteur de très nombreux enregistrements effectués au cours de sa longue carrière, signalons plus particulièrement parmi les disques actuellement disponibles sur le marché : un coffret de 3 CD regroupant Schoenberg, Claude Debussy et Béla Bartok (Harmonia Mundi), un CD de pages pour piano de Maurice Ravel (Harmonia Mundi), un autre de Darius Milhaud (Erato/WEA), la Suite pour orchestre et piano Bacchus et Ariane d’Albert Roussel (Musidic), les 3 Sonates pour piano de Boulez (rééditées chez Montaigne) et un disque de musique contemporaine pour piano contenant des pièces de Betsy Jolas, Gilbert Amy et Philippe Manoury (Adda Records).
Grand prix de la SACEM en 1981 pour son interprétation de la musique contemporaine, Claude Helffer, Chevalier de la Légion d’honneur, Croix de guerre 1939-1945, était aussi vice-président de l’ACDA (Association pour la Création et la Diffusion Artistique) regroupant les Concours internationaux de la Ville de Paris et le Centre Acanthes. Ses obsèques ont eut lieu le 2 novembre en l’église Notre-Dame-d’Auteuil à Paris XVIe. Mireille Helffer, son épouse, est ethnomusicologue, directeur de recherches honoraire au CNRS, et l’auteur d’importants travaux sur le monde himalayen.
D.H.M.
|
Pierre Thibaud en 1996 ( coll. Mme Christiane Thibaud, avec son aimable autorisation )
|
Ancien trompette solo de l’Orchestre de l’Opéra de Paris et professeur au Conservatoire national supérieur de musique, Pierre THIBAUD est mort le 29 octobre 2004 à Paris, âgé de 75 ans. Bien que très attaché au répertoire traditionnel, il défendait également la musique contemporaine qu’il jouait très souvent en concert. Son vaste répertoire couvrait les œuvres de Bach, Haendel ou Loeillet jusqu’à celles de Varèse et Bério, en passant par Saint-Preux et le tango. Depuis 1978, il se produisait également en duo avec l’organiste Philippe Dubeau avec lequel il avait notamment enregistré en 1997 un disque d’Adagios célèbres (I.L.D. Disques, 642179) qui connut un certain succès.
Né le 22 juin 1929 à Proissans (Dordogne), petit village situé au cœur du Périgord, Pierre Thibaud fréquenta en premier lieu le Conservatoire de Bordeaux où il apprit le violon et la trompette, remportant un 1er prix dans chacune de ces disciplines. Il entra ensuite au CNSM de Paris où il suivit notamment la classe de trompette d’Eugène Foveau (1886-1957). Cet ancien élève de Merri Franquin avait obtenu en 1907 dans ce même établissement un 1er prix de trompette, puis avait succédé en 1925 à Alexandre Petit dans sa classe de cornet et en 1945 avait pris la direction d’une classe de trompette. Marcel Caëns, Robert Pichauneau et Roger Delmotte comptent également parmi ses nombreux élèves. Sorti avec un 1er Prix de cornet, Pierre Thibaud va dès lors entamer une longue carrière de trompettiste au sein de plusieurs orchestres, parmi lesquels l’Orchestre de chambre Fernand Oubradous, le Quintette de cuivres Ars Nova, les Orchestres Colonne et Lamoureux, l’Orchestre de la Garde Républicaine, l’Orchestre de la Société du Conservatoire, et surtout celui de l’Opéra de Paris où il sera trompette solo de 1966 à 1990. Jouant là le grand répertoire classique, il se lance parallèlement dans la découverte d’œuvres contemporaines et rejoint des ensembles spécialisés dans l’interprétation des musiques nouvelles et d’avant-garde : le " Domaine Musical " de Pierre Boulez (1954), l’ " Ensemble Musique vivante " de Diego Masson (1966), l’ " Ensemble Itinéraire " de Tristan Murail, Roger Tessier et Michaël Lévinas (1973), l’ " Ensemble Musique plus " d’Ivo Malec. Aux cotés de Pierre Boulez et de Jean Maheu, il participe également en 1976 à la création de l’ " Ensemble Intercontemporain ".
|
Pierre Thibaud ( coll. Mme Christiane Thibaud, avec son aimable autorisation )
|
En tant que pédagogue, Pierre Thibaud a enseigné au Conservatoire de Paris de 1975 à 1994, puis à celui de Tokyo. Il a ainsi formé de nombreux trompettistes actuels, dont beaucoup après sa disparition ont voulu lui rendre un hommage musical, lors d’un concert organisé le 20 novembre 2004 en l’église parisienne de Notre-Dame-de-Clignancourt. A l’intention de ses élèves et de tous les jeunes trompettistes désireux de progresser dans l’élude de leur instrument, il a écrit plusieurs ouvrages d’enseignement, publiés chez Billaudot ou Leduc : Cahier de gammes. Etudes pour trompette ; Douze Etudes de virtuosité dans le style d’Arban ; l’Abc du jeune trompettiste (2 volumes) ; Technique nouvelle de la trompette. En 2002 paraissaient encore aux Etats-Unis 3 nouveaux volumes pédagogiques : Exercices d'échauffement et vocalises pour trompettiste avancé [Daily routine and vocalises for the advanced trumpeter], Méthode pour trompettiste avancé [Method for the advanced trumpeter] et Exercices chromatiques et Etudes pour trompettiste avancé [Chromatic and technical Studies for the advanced trumpeter] (Balquhidder Music à Monrose, Californie). Sa discographie reflète son éclectisme musical, puisqu’au sein de son catalogue on relève des oeuvres de toutes les époques : la Cantate BWV 129 et le Concerto brandebourgeois n° 2 BWV 1047 de Bach, des Sonates d’Albinoni, Corelli, Loeillet, des Concertos d’Hummel, Telemann, la Sonnerie pour réveiller le roi des singes (pour 2 trompettes) d’Erik Satie, les Sept études caractéristiques de Jean-Baptiste Arban, l’opéra de chambre Trois contes de l’honorable fleur de Maurice Ohana, l’Aspen Sérénade pour 9 instruments de Darius Milhaud, des pages de Marius Constant, Olivier Messiaen, Iannis Xenakis, Luciano Berio..., ainsi qu’avec un orchestre qu’il avait fondé dans les années cinquante, plusieurs chansons dont Les Amours de jeunesse d’Henri Salvador. Ne sont actuellement disponibles sur le marché que ses deux enregistrements trompette et orgue avec Philippe Dubeau : " Adagios célèbres ", " Trompette et orgue " (I.L.D. Disques). Ses obsèques se sont déroulées le 3 novembre 2004 en l’église Saint-Ferdinand-des-Ternes (Paris), suivies de sa crémation au cimetière du Père-Lachaise. Au cours de cette ultime cérémonie a été diffusé, suivant sa volonté, l’Adagio d’Albinoni qu’il avait enregistré quelques années auparavant avec Philippe Dubeau.
D.H.M.
Le 4 décembre 2004 à Florence, est morte à l'âge de 61 ans la cantatrice grecque Elena SULIOTIS, installée en Italie depuis 1962, qui avait effectué dans les années 1960 une carrière fulgurante et que certains considéraient comme la nouvelle Callas. Elle avait débuté en 1964 au Théâtre San Carlo de Naples dans le rôle de Santuzza dans Cavalliera rusticana de Mascagni et fait sa dernière apparition sur scène en 1999 à Stuttgart (La Comtesse, dans La Dame de pique de Tchaïkovski). Soprano dramatique au timbre très riche, elle chanta trop jeune bon nombre de rôles les plus lourds du répertoire, notamment celui d'Abigail du Nabucco de Verdi, et dut interrompre sa carrière en 1974, la voix prématurément fragilisée. Elle réapparaîtra quelques années plus tard, cette fois dans des rôles de mezzo.
|
Elena Suliotis ( CD Decca 745 623-5, réédition récital de 1966, Donizetti, Verdi )
|
Née à Athènes le 28 mai 1943, d'une mère grecque et d'un père russe, Elena Suliotis à l'âge de 5 ans émigre avec sa famille en Argentine, à Buenos Aires. Elle étudie le chant très tôt, notamment auprès d'Alfredo Bonta et Jascha Galperin, professeurs renommés qui ont à leur actif la formation de plusieurs générations de chanteurs, parmi lesquels les ténors Carlos Guichandut, Luis Lima, Eduardo Ayas et la mezzo-soprano Barbara Garvan. En 1962, elle vient se perfectionner à Milan avec la soprano espagnole Mercedes Llopart qui forma également Montserrat Caballé, Renata Scotto, Anna Moffo, Renata Tebaldi et Alfredo Kraus. Deux ans plus tard, elle débute à Naples dans le rôle de Santuzza et à 21 ans se voit propulser dans le cercle très fermé des grandes cantatrices de ce monde. Les succès et les engagements vont dès lors se succéder, l'obligeant à enchaîner des rôles lourds pour une voix si jeune : 1965, Elena dans Mefistofele d'Arigo Boïto à l'Opéra lyrique de Chicago, Desdemona dans Otello de Verdi à l'Opéra de Lisbonne; 1966 : le rôle-titre de Luisa Miller de Verdi (à Trieste et au Mai musical de Florence), Leonora dans La Forza del destino de Verdi à Naples, Amélia dans Un bal masqué de Verdi à Madrid; 1967 : le rôle-titre de l'Aïda de Verdi à Mexico; le rôle-titre d'Anna Bolena de Donizetti au Carnegie Hall de New York, Nabucco à la Scala de Milan, le rôle-titre de La Norma de Bellini au Carnegie Hall, à Plaisance, à Athènes; 1968 : le rôle-titre de Loreley d'Alfredo Catalani à la Scala de Milan, Nabucco au Covent Garden de Londres; 1969 : Otello à Naples, Lady Macbeth dans Macbeth de Verdi au Covent Garden, Aïda à Rio de Janeiro, Mexico, Philadelphie et Dallas; 1970 : La Norma à Naples, Anna Bolena au Théâtre Colon de Buenos Ayres; 1971 : Alaïde dans La Straniera de Bellini et Francesca dans Francesca di Rimini de Zandonai à Catana (Sicile), le rôle-titre de Manon Lescaut de Puccini à Naples, le rôle-titre de La Tosca de Puccini à Madrid, La Norma au Japon; 1972 : Nabucco au Staatsoper de Vienne et au Théâtre des Champs Elysées de Paris; 1974 : Suzanna dans La Khovanstchina de Moussorgski à la RAI et Minnie dans La Faniciulla del West de Puccini à Rome… Ses rôles les plus marquants de cette période resteront pour tous ses admirateurs Abigail, Santuzza, Leonora et Lady Macbeth, auxquels il faut ajouter le rôle-titre de La Gioconda de Ponchielli. A la même époque elle enregistre pour Decca de nombreux rôles dramatiques qui exigent d'elle un travail incessant : Nabucco (1965), Cavalleria rusticana (1966), un récital avec des extraits d'Anna Bolena, Luisa Miller, Un bal masqué et Macbeth (la même année), La Norma (1967), Anna Bolena (1968-1969), Macbeth (1971). Mais toutes ces intenses activités ont pour effet de fragiliser sa voix qui s'altére sous l'effet du surmenage et en 1974, au moment de son mariage, dix ans après avoir effectué ses premiers débuts Elena Suliotis décide de se retirer de la scène. Après avoir donné naissance à une fille, Barbara, elle revient sur les planches avec des rôles plus légers, qui réclament moins de gymnastique vocale, sa voix ayant perdu un peu de souplesse. On la voit ainsi, à partir de 1979, entreprendre une seconde carrière comme mezzo dans le rôle de la Fée Morgane de L'Amour des trois oranges de Prokofiev (Chicago), dans le rôle de la Grand-mère du Joueur du même auteur (Florence), dans celui de la Princesse Zia de Suor Angelica de Puccini (Florence), dans celui de la Comtesse de La Dame de Pique de Tchaïkovski et également dans le rôle de Lucia de Cavalleria rusticana, beaucoup moins lourd que dans celui de Santuzza qui avait fait son succès en 1964. Certains de ses enregistrements chez Decca ont été réédités par la suite en CD, notamment le Nabucco avec Tito Gobbi et le Wiener Staatsopernorchester dirigés par Lamberto Gadelli, et le récital de 1966. On trouve également de disponibles sur le marché Loreley chez plusieurs éditeurs (Arkadia, Nuova Era, Opera d'Oro) et un enregistrement de La Khovanstchina chez Opera d'Oro. Grâce à la discographie d'Elena Suliotis on peut ainsi garder le souvenir de sa voix exceptionnelle, alliée à une rare puissance d'interprétation, qui, l'espace d'une décennie, fit croire à une nouvelle Callas.
D.H.M.
Le 15 décembre 2004 dans sa maison de Surrey, au sud de Londres, est décédée à l'âge de 105 ans la harpiste anglaise Sidonie GOOSSENS. Admirée par Pierre Boulez et Benjamin Britten, elle fut la première femme membre d'un orchestre londonien. Première harpe de l'Orchestre symphonique de la BBC durant un demi-siècle (1930 à 1980), tout comme Lily Laskine elle se produisait encore à un âge avancé, ne prenant sa retraite qu'à 81 ans. Elle avait joué de son instrument pour la dernière fois en septembre 1991, à l'âge de 92 ans, lors de la "Last Night of the Proms" de Londres. Accompagnant la soprano galloise Dame Gwyneth Jones, elle interprétait ce jour-là la célèbre mélodie The last rose of summer arrangée par ses soins.
|
Sidonie Goossens, première harpe du BBC Symphony Orchestra durant un demi-siècle ( coll. BBC SO, avec l'aimable autorisation de Neil Evans, publicist BBC Symphony Orchestra and BBC Proms )
|
Née le 19 octobre 1899 à Liscard, Cheshire, dans la presqu'île de Wirral située non loin de Liverpool, Sidonie Goossens est issue d'une famille de musiciens originaire de Belgique. Son grand-père, Eugène Goossens (1845-1906), après avoir étudié le violon au conservatoire de Bruges et la composition à celui de Bruxelles, s'était installé en Angleterre au début des années 1870 et avait fondé à Liverpool le "Goossens Male Voice Choir". Son fils, prénommé également Eugène (1867-1958), né à Bordeaux lors d'un séjour de ses parents en France, est longtemps premier chef de la Carl Rosa Company, puis dirige à la British National Opera Company. Ses quatre enfants issus de son mariage avec une chanteuse de la Carl Rosa Opera Company, effectueront aussi des carrières musicales importantes : Sir Eugène Goossens (1893-1962), compositeur et chef d'orchestre, dirige l'Orchestre philharmonique de Rochester (New York) en 1923, puis l'Orchestre symphonique de Cincinnati (1931) et enfin celui de Sydney (1947); Marie Goossens (1894-1991), harpiste comme sa sœur cadette, est notamment première harpe à l'Orchestre symphonique de Londres (1940); Léon Goossens (1897-1988), hautboïste, fait partie de l'Orchestre du Covent Garden et de l'Orchestre philharmonique de Londres; Sidonie étant la quatrième enfant. Elle accomplit ses études musicales au Royal College of Music de Londres où elle étudie la harpe auprès de Miriam Timothy, dédicataire en 1914 de la Suite pour flûte, violon et harpe, op. 6, d'Eugène Goossens père. C'est d'ailleurs lui qui avait voulu que sa fille apprenne cet instrument, bien qu'elle souhaita devenir chanteuse d'opéra, comme sa mère. A l'âge de 16 ans elle se joue pour la première fois en public et débute réellement en 1921 lors de son engagement aux Prom's de Londres. Deux années plus tard, elle rejoint le Wireless Quartet qui se produit à la BBC et en 1930 devient membre de l'Orchestre symphonique de la BBC dès sa formation. Elle participe ainsi au premier concert de cet orchestre, en octobre 1930, sous la direction de Sir Adrian Boult, et cinquante ans plus tard, elle est au même poste de première harpe lors de son jubile. Elle choisira cette même année pour prendre sa retraite à 81 ans! Sidonie Goossens a joué avec les plus grands chefs d'orchestre de l'époque : Toscanini, Beecham, Weingartner, Mengelberg, Walter, Furtwängler, Strauss… et plusieurs compositeurs ont écrit des partitions à son intention, notamment William Alwyn, Arnold Bax, Lord Berners, Cyryl Scott et son frère Eugène Goossens. Parallèlement à ses fonctions de première harpe au sein l'Orchestre symphonique de la BBC, elle enseigne durant 30 ans, à partir de 1960, à la Guildhall School of Music and Drama de Londres, mais, selon Michael Jefferies, harpiste anglais, ancien élève de Pierre Jamet à Paris et première harpe au Royal Philharmonic Orchestra, chaque concert ou répétition avec elle était déjà une leçon tant dans l'art de jouer au sein d'un orchestre, que dans la précision de son jeu. Elle jouait avec une harpe Erard.
Sidonie Goossens, au cours de ses quelques 74 années de carrière a participé à bon nombre d'enregistrements, notamment au tout premier disque de l'Orchestre symphonique de la BBC au début des années trente. Malheureusement ils sont épuisés depuis bien longtemps, mais on peut encore heureusement trouver sur le marché quelques enregistrements réédités en CD, notamment la Sérénade pour hautbois et 2 harpes de Michael Krein, avec son frère Léon et sa sœur Marie ("The Goossens family", Chandos), le célèbre Ave Maria (D.839) de Schubert, avec le violoniste William Primose ("William Primose, Haëndel, Mozart, Bach", Grammofono), le Londonderry air, air traditionnel irlandais, avec William Primose et Arturo Toscanini ("20 Gramophone all time Greats", vol. 4, ASV Living Era) et 9 chants d'Espagne avec Victoria de Los Angeles, au sein d'un coffret de 4 CD contenant 115 chants (EMI).
Sidonie Goossens fut mariée à 2 reprises : tout d'abord en 1924 avec le chef d'orchestre Hyam Greenbaum, mort en 1942, puis en 1945 avec Norman Miller, militaire écossais qui devint par la suite le secrétaire de Sir Thomas Beecham au Royal Philharmonic Orchestra (décédé en 1991). Elle était Officier de l'Ordre de l'Empire britannique depuis 1981.
D.H.M.
|
"The Great Renata Tebaldi" ( Decca, 2002 )
|
Le 19 décembre 2004 dans sa maison de San Marin s'est éteinte l'une des plus grandes divas du XXe siècle en la personne de Renata TEBALDI. Agée de 82 ans, elle avait été autrefois une soprano lyrique dotée d'une "voix palpitante, charnelle et cependant idéale, qui s'enfle jusqu'au cri, puis s'éteint aux frontières du silence", selon le critique musical Bernard Gavoty [Le Figaro, 21 juin 1951], qui ajoutait "…je ne sais rien de plus envoûtant et qui vous arrache plus irrésistiblement à la réalité." Elle a été l'un des piliers de la Scala à partir de 1946, du Met de New York dès 1951 et les médias se plaisaient à la présenter comme une rivale de Maria Callas. Il n'était pas rare de voir s'empoigner à la Scala les "Callassiens" et les "Tebaldistes"! En réalité, ces deux voix et personnalités différentes ne pouvaient être comparées : "La Tebaldi", avec la "voix d'un ange" (selon Toscanini lui-même), au timbre pur et homogène, apportait un grand soin à l'interprétation sonore avec un jeu scénique peu développé, alors que "La Calasse", à la voix très longue, était une tragédienne née, célèbre par ses "vocalises acrobatiques". En dehors du rôle de Violetta dans La Traviata, qui provoqua d'ailleurs des heurts entre leurs partisans respectifs, leur répertoire ne se croisèrent en vérité que très rarement, Renata Tebaldi brillant dans Verdi et Puccini et Maria Callas dans Donizetti et Bellini.
|
Renata Tebaldi dans Jeanne d'Arc de Verdi, Théâtre San Carlo de Naples, 1951 ( photo Tronconi, Naples, coll. C.P. Perna )
|
Renata Tebaldi est née le 1er février 1922 à Pesaro (Italie), cité balnéaire et ville natale de Rossini, d'un père violoncelliste et d'une mère infirmière. Atteinte de poliomyélite à l'âge de 3 ans, cela ne l'empêche pas d'étudier le piano et le chant. Elle débute à l'Ecole de musique "Arrigo Boito" de Parme avec Giuseppina Passani, professeur de piano qui compte également parmi ses élèves la pianiste Vittoria Caffa Righetti, puis travaille le chant à partir de 1937 avec Ettore Campogaliani au Conservatoire de Mantoue (futur professeur en 1960 de Luciano Pavarotti) et enfin se perfectionne à celui de Milan auprès de la soprano Carmen Mélis (1940-1943), créatrice (Minnie) en mai 1912 à l'Opéra de Paris, en compagnie de Caruso et de Titta Ruffo, de La Fille du Far-West de Puccini. En 1944 elle fait sa première apparition sur scène au Théâtre municipal de Rovigo dans le rôle d'Elena du Mefistofele d'Arrigo Boito, se produit à Parme puis à Trieste (Otello), et deux années plus tard, alors qu'elle chante Elsa (Lohengrin, Wagner) au Théâtre communal de Bologne, elle est remarquée par Toscanini et engagée à la Scala de Milan pour chanter le 11 mai 1946 à la soirée de réouverture de la Scala, dans le 3ème acte de Manon Lescaut de Puccini et dans le Te Deum de Verdi. Elle apparaît dans ce théâtre de 1949 à 1954, puis de 1958 à 1960 et rapidement devient l'une des premières sopranos mondiales. Elle se produit en 1949 à Lisbonne (Don Giovanni), en 1950 au Covent Garden de Londres (Desdémone, Otello) et à l'Opéra de San Francisco (Aïda), en 1951 à l'Opéra de Paris et à l'église de la Madeleine (Jeanne d'Arc de Verdi) et fait ses débuts au Met le 31 janvier 1955 dans le rôle de Desdémone, où elle se produira régulièrement jusqu'en 1973. A partir de 1956, elle chante également à l'Opéra de Chicago. A Paris, on la voit revenir en 1959 (Aïda) puis en 1960 (La Tosca) et une dernière fois en 1975 à l'Espace Cardin pour 2 récitals. Son répertoire est vaste, mais elle excelle plus particulièrement dans l'opéra italien : Desdémone (Otello), Violetta (La Traviata), La Tosca, Mimi (La Bohème), Madame Butterfly, Amelia (Un bal masqué), Liu (Turandot), Leonore (Le Trouvère), Elisabeth (Don Carlos)… Elle chante également Eva dans Les Maîtres chanteurs de Nuremberg (Wagner), Scindia dans Le roi de Lahore de Massenet, ou encore Cléopâtre dans Jules César de Haendel. Son immense succès auprès du public provient de sa voix exceptionnelle mais également de sa personnalité : femme modeste, sincère, cherchant toujours à faire mieux, elle sait exprimer ce qu'elle ressent réellement au fond de son cœur, "pour essayer de toucher le cœur de tous, des plus simples aux plus intellectuels", ce en quoi elle réussit pleinement. Elle déclare un jour, lors d'un entretien accordé le 6 juin 1986 pour Le Quotidien de Paris : "En scène, j'étais seulement sincère, je pleurais pour de vrai...", avouant n'avoir pu chanter Suor Angelica de Puccini de peur de ne pouvoir maîtriser la charge émotionnelle qui se dégage du rôle principal : Angelica a pris le voile, à la suite du scandale provoquée par la naissance d'un fils illégitime. Sept années plus tard elle apprend par sa tante que ce fils est mort et elle décide alors de se tuer en s'empoisonnant. Tandis qu'elle agonise, la Vierge lui apparaît tenant dans sa main son enfant bien aimé... Renata Tebaldi avait en horreur les "metteurs en scène modernes, venant du cinéma ou du théâtre, qui ne connaissent rien à l'opéra. Ils font semblant de le connaître et masquent leur ignorance sous le prétexte de revisiter les oeuvres"! En 1976, elle donne son dernier concert à la Scala, au bénéfice des victimes du Frioli, puis se retire définitivement de la scène dans le soucis de préserver sa santé et surtout d'éviter "la mortifiante saison du déclin". Elle écrit quelques années plus tard ses mémoires qui paraissent en 1986, présentées par le journaliste italien Carlmaria Casanova, sous le titre de Renata Tebaldi, la voix d'ange. (Chiron).
La discographie de Renata Tebaldi est vaste et nombre de ses enregistrements ont fait l'objet de multiple rééditions au fil des années, tant chez Decca où l'on trouve ses gravures officielles qu'auprès d'autres maisons de disques. Cependant 5 disques (Decca), datant de la période où l'artiste était à son zénith, restent incontournables : La Tosca et La Traviata dirigées par Francesco Molinari-Pradelli, La Bohème conduite par Alberto Erede à la tête de l'Académie Sainte-Cécile de Rome, Otello (Desdémone) avec Mario Del Monaco, Aldo Protti et l'Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Karajan, et Don Carlos (Elisabeth de Valois) avec Sir Georg Solti. Signalons également les compilations "The Great Renata Tebaldi" (Decca/Universal Music, coffret 2 CD) parue en 2002 et "The best of Tebaldi" (Decca) sorti en octobre 2004 qui permettent à ceux qui n'ont pas eu la chance de l'écouter de son vivant, de se faire une juste idée de la splendeur de sa voie en écoutant, "les yeux fermés, la lumière que son phrasé, comme à grands traits, nous verse..." selon l'heureux mot de Claude Nanquette.
D.H.M.
|
Denise Mégevand ( coll. Christian Schneider )
|
Le 27 décembre 2004 s'est éteinte à l'hôpital de Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie) la harpiste française d'origine suisse Denise MEGEVAND à l'âge de 87 ans. Bien connue des celtisants, elle s'est intéressée très tôt à la harpe celtique et a été à l'origine, dans les années cinquante, du renouveau de cet instrument, qu'elle a fait connaître auprès des jeunes. La première école du mouvement harpistique breton, de laquelle sortira notamment Alan Cochelou, plus connu sous son nom de scène Alan Stivell, Kristen Nogues et Lucie Gascon, sera placée sous sa direction artistique. Grâce à son action, elle a considérablement élargi le répertoire pour cet instrument, qui couvre à présent une période étendue, de la musique ancienne traditionnelle, irlandaise ou écossaise aux œuvres les plus contemporaines qu'elle suscitait auprès des compositeurs de son choix, parmi lesquels : Thérèse Brenet, Alain Weber, Piotr Moss, François Robert, Maurice Benhamou, Jean-Claude Risset, Pascale Criton… Dotée d'une personnalité très forte, indépendante, faisant toujours preuve d'une remarquable prestance, "elle exécutait ces œuvres avec une passion, une ferveur et une sincérité qui frappait, une violence de tigresse ignorant les ménagements […] et qui n'excluait pas le moins du monde, par moments, la délicatesse et la finesse, et pas davantage l'invention, la recherche de nouveaux effets, le goût des expériences, une étincelante virtuosité" [Thérèse Brenet].
Née à Genève (Suisse) le 27 mai 1917, Denise-Elisabeth-Françoise Mégevand était issue d'une famille de tradition artistique par sa mère, née Mauris. Celle-ci, ses parents et son grand-père tâtaient habilement de la peinture. Le trisaïeul de Denise, Godefroy Lunel (1814-1891), originaire d'Avignon, fut un zoologue réputé, directeur du Muséum d'histoire naturelle de Genève (1873). Ainsi ouverte à toute forme d'art, elle se prend très tôt de passion pour la musique et fréquente le conservatoire de Genève. A son adolescence, au début des années trente, elle vient habiter Paris avec ses parents et poursuit ses études musicales à l'Ecole supérieure de musique César-Franck qui vient tout nouvellement d'ouvrir ses portes (janvier 1935) boulevard Edgar-Quinet, sous la direction de Louis de Serres, Guy de Lioncourt et Marcel Labey. A la déclaration de la guerre, la famille Mégevand doit retourner en Suisse et durant la période des hostilités Denise joue notamment avec l'Orchestre de la Suisse Romande, alors dirigé par Ernest Ansermet. En 1945, elle revient à Paris où elle s'installe définitivement. Elle adoptera dans les années soixante la nationalité française. Elève en cours particuliers de Lily Laskine, "la grande dame de la harpe", elle hérite d'elle la "subtilité scintillante de son jeu, sa sensibilité raffinée", qui feront dire plus tard par Jean Gallois dans la revue Diapason, parlant de Denise Mégevand, que l'"on retrouve bien dans son jeu toujours sobre, la délicatesse, la fine sensibilité, mais aussi la discrétion d'une femme éprise de vraie musique." Elle abandonne rapidement la grande harpe à pédales pour la harpe dite celtique "plus acide, plus agressive, plus appropriée aussi aux audaces de la musique du XXe siècle", selon l'expression de son amie Thérèse Brenet Elle considère alors, ainsi qu'elle l'écrit plus tard en 1969 que "dans le concert multiforme des instruments d'aujourd'hui et de ceux qu'enfantera demain l'imagination bouillonnante de l'homme, la harpe, surgie des confins de la préhistoire, demeurera le plus noble et le plus élégant de ses moyens d'expressions musicales…" Ses études d'histoire de la musique, d'harmonie et d'analyse lui donnent les moyens de poursuivre son action en faveur d'un instrument où tout est à faire. C'est ainsi qu'elle participe activement à la fondation d'une école de harpe à Paris au début des années 1950, qu'elle constitue un important répertoire et qu'elle s'efforce de mieux faire connaître auprès du public cet instrument aux sonorités si variées et couleurs chatoyantes, tant au cours de nombreux récitals que par l'intermédiaire de la radio, France-Musique et France-Culture, où elle anime des émissions spécialisées. C'est elle qui, en 1959 à Paris, accompagne à la harpe le barde libertaire Glenmor dans son premier récital public. Elle fut également soliste à Radio-France, où elle avait été engagée par le compositeur et chef d'orchestre Yves Prin, responsable de programmes depuis 1980, qui lui dédiera en 1999 sa Parade de Balbuzard amoureux pour harpe celtique et électrique, tout en dirigeant la collection "La harpe" aux Editions Billaudot, et en écrivant des critiques musicales dans la revue "Diapason".
|
Denise Mégevand ( coll. Robert Giacobino )
|
Le répertoire de Denise Mégevand était vaste, il était constitué principalement de 4 éléments : des pièces des XIIe, XIIIe et XVIe siècles; de la musique des pays celtiques : Irlande, Ecosse, Iles Hébrides, Bretagne (berceuses, chansons d'amour, chants de travail, ballades, légendes…); des mélodies du poète et harpiste irlandais Carolan (1670-1738) desquelles elle s'inspira pour réaliser plusieurs Suites pour harpe seule, harpe et hautbois ou encore harpe et orchestre à cordes. Gérard Victory, directeur de la musique à la Radio-Télévision Irlandaise déclara un jour de 1982 que ses "arrangements ont quelque chose d'extraordinaire, un mélange de la souplesse et de la logique française et d'autre part, d'une fantaisie très personnelle et vraiment celtique." Enfin, le dernier élément, qui occupait une place importante, est la musique contemporaine : Denise Mégevand donnait en première audition à Radio-France bon nombre d'œuvres de son époque, dont une trentaine lui furent dédiées. Parmi les œuvres originales qui figurait à son répertoire mentionnons plus particulièrement : Accordance (1981), Suite fantasque, Cristaux (1982), Vibration (1983), Les chants du sommeil et de la mort (1984), Madrepose (1987), Le tambour des dunes, Le Fascinateur (1989), Aréthuse (1994), Ophiucus II, Tout l'azur pour émail II, Née du rire de l'éclair II, Caprice d'une chatte anglaise II, Des grains de sables d'or aux mains II (1997) de Thérèse Brenet, Cantus (1985) d'Alain Weber, Concerto "Rémanences" (1986) de Piotr Moss, Au dessus du vent (1986) de Nguyen Thien Dao, Concerto (1987) de François Fauber, Triptyque Flamenco (1987) de Christiane Le Borday, Nevel II (1987) de Maurice Benhamou, Lurai (1992) de Jean-Claude Risset, La harpe éclatée (1995) de Michel Aatz et Entre-deux, l'Eternité (1997) de Pascale Criton. Elle même s'adonnait avec bonheur à la composition. On lui doit en effet, entre autres œuvres majeures, une Suite irlandaise sur des thèmes de Corolan (1982) et une Rhapsodie Gaélique (1986) pour harpe celtique et orchestre à cordes, ainsi que La musique du barzaz breiz : chants populaires de la Bretagne pour flûte et harpe celtique (Billaudot, 2 volumes, 1986, 1990), Perspectives 1 et 2 pour harpe celtique (Billaudot, 1992), Harpeurs pour harpe celtique seule (Billaudot), 12 morceaux sur des thèmes du moyen-âge et des airs du folklore breton, pour harpe celtique avec et sans flûte à bec (Choudens, 1972), suivi de 12 morceaux…. (Choudens, 1973) et plusieurs pièces pour harpe celtique ou grande harpe éditées en 1973 et 1974 aux Editions musicales Intersong Tutti : Air varié, Berceuse, Danse du glaive (variations), Errance, La Tourterelle (variations) et la Mort de Pontcalek interprétée par Alan Stivell. Elle est également l'auteur d'un ouvrage didactique L'enseignement de la harpe irlandaise (Heugel, 1970), de la refonte et modernisation de la Méthode raisonnée pour servir à l'étude de la harpe de Naderman (Billaudot, 1975) et de plusieurs révisions : 50 Leçons progressives pour la harpe et 18 Etudes pour la harpe de Boscha (Billaudot 1976, 1980), Le petit rien de Cramer (Billaudot, 1976)...
Denise Mégevand prit l'initiative d'associer son instrument à d'autres, formant ainsi des groupes plus ou moins éphémères. Cependant un fut particulièrement durable : un trio d'instruments à cordes pincées avec le mandoliniste Christian Schneider et la guitariste Marie-Thérèse Ghirardi, deux musiciens excellents qui faisaient partie de l'Ensemble Intercontemporain. Sa discographie, peu abondante, reflète bien néanmoins les diverses aspects de ses recherches : Musique contemporaine pour harpe celtique (SEPP 1054), Musique celtique et musique contemporaine (Arion 38245), La harpe celtique des Iles Hébrides (Arion 33351), Harpe celtique et orchestre avec l'Orchestre de chambre national de Toulouse (Auvidis 4738), Musique contemporaine pour harpe celtique, mandoline et zarb, œuvres de Thérèse Brenet (Cristaux), Piotr Moss (Suite), Zbigniew Bargielski (Arc en ciel), Roman W. Zajaczek (Accenti) et Zbigniew Wiszniewski (Ballade), disque Provivia 141 (1987), Œuvres pour harpe de Charles Chaynes (REM 311194), d'Alain Weber (REM 311318), "Elementa" de Jean-Claude Risset (INA 275852).
Au début de l'année 2004, alors âgée de 86 ans, après avoir encore donné deux concerts à Limoges (1er janvier) et à Marseille (février), elle tomba gravement malade et dû renoncer à la harpe, mais tout en gardant l'espoir de pouvoir rejouer de son instrument de prédilection. Quelques jours avant sa mort elle pensait encore pouvoir assurer un concert prévu pour l'an prochain. Admise en juin dans une maison de retraite à Challex, petit village du Pays de Gex, région qu'elle aimait tant, elle dut être hospitalisée quelques mois plus tard et rendit l'âme au soir du 27 décembre. Tout à l'image de son maître Lily Laskine, Denise Mégevand a été assurément "la grande dame de la harpe celtique".
Dimanche 28 mai 2005 sera dite une messe de Requiem à sa mémoire en la basilique Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), en présence de sa famille, et d'Alan Stivell, Marielle Nordmann, Marie-Monique Popesco, Maïté Etchevery et Marie-Pierre Cochereau. Pierre Pincemaille tiendra les grandes orgues.
D.H.M.
(Remerciements pour leur documentation à Mme Thérèse Brenet et MM.Robert Giacobino et Christian Schneider)