TONY AUBIN Tony Aubin en 1957
Tony Aubin en 1957
( coll. Alain Bernaud ) DR

(1907-1981)

Depuis près d'un siècle, l'évolution de l'expression musicale pose en termes nouveaux le problème de l'enseignement de la composition. Devant la multiplicité des théories, la diversité des courants esthétiques et la richesse des matériaux sonores, cet enseignement exige désormais des compétences, une culture et une ouverture d'esprit rarement conciliables; en d'autres termes, une qualité humaine tout à fait exceptionnelle.

Pendant plus de vingt-cinq ans, Tony AUBIN a été ce pédagogue complet. Tous ses élèves ont été marqués par ce qu'il est convenu d'appeler une école, mais c'était seulement l'école de la rigueur et de la musicalité. Les différents courants que ces musiciens représentent dans la vie musicale de notre pays témoignent sans ambiguïté du don particulier qu'avait Tony AUBIN de révéler chaque créateur à lui-même.

Maurice FLEURET
Directeur de la Musique et de la Danse


La classe de Paul Dukas à Paris  en 1929
1929, classe de composition de Paul Dukas au Conservatoire de Paris. De gauche à droite, près du piano :
Pierre Maillard-Verger, Elsa Barraine, Yvonne Desportes, Tony Aubin, Pierre Revel, Georges Favre, Paul Dukas, René Duclos, Georges Hugon, Maurice Duruflé. À droite, assis : Claude Arrieu, Olivier Messiaen.

( Photo X...) DR

Né à Paris le 8 décembre 1907, fils de l'avocat Anthony Aubin et d'Eugénie Hosbilier, Tony (Louis Alexandre) Aubin fit ses études au Conservatoire de Paris entre 1925 et 1930 sous la direction de Samuel Rousseau en harmonie, Noël Gallon en contrepoint, Philippe Gaubert en direction d'orchestre et composition, et Paul Dukas en composition. Ce dernier marqua très profondément l'esprit du compositeur qui lui restera fidèle tout au long de sa vie.

Sélection pour le Prix de Rome 1929
Ouest-Eclair, 5 mai 1929
(coll. DHM)

Premier Grand Prix de Rome en 1930 avec la cantate Actéon, il entre à la Radiodiffusion française (R.T.F., à la station Paris Mondial) en 1938, où il exerça pendant plus de trente ans le métier de chef d'orchestre. Il fut nommé professeur de composition au Conservatoire en 1945, succédant à Roger-Ducasse dans la fonction qui fut aussi celle de son maître Dukas.

La classe de Tony Aubin au CNSM en 1955
Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, classe de Tony Aubin, 1955
( coll. René Maillard )

 

CNSMP, classe de composition 1965-1966 de Tony Aubin : debout, de gauche à droite : X..., X..., Olivier Greif, Michel Zbar, X..., X..., Alain Louvier. Assise : Marie-Luce Lucas-Chapellier (née en 1935, décédée le 23 juillet 2015, compositrice et pianiste, professeur de chant choral et de formation musicale au Conservatoire de Saint-Denis -93- de 1966 à 2002).
(coll. privée) DR.

 

CNSMP, classe de composition 1966-1967 de Tony Aubin :  debout, de droite à gauche : X..., Graciane Finzi, Olivier Greif, X..., X..., X..., Michel Zbar, Marie-Luce Lucas-Chapellier (voir supra).
(coll. privée) DR.

Tony Aubin est élu membre de l'Institut en 1969 et devient président de l'Académie des Beaux Arts en 1979. Il était commandeur de la Légion d'Honneur, commandeur de l'Ordre National du Mérite, commandeur de l'Ordre des Arts et Lettres.

Certains voient dans son œuvre des filiations avec César Franck et Paul Dukas, avec des colorations harmoniques apparentées à Gabriel Fauré et Maurice Ravel.

Voici comment Tony Aubin définissait l'enseignement de son maître, Paul Dukas : « Sévère devant les défauts de la forme, les excès de l'habileté et tout ce qui ressemblait à la vaine éloquence, il pouvait goûter et défendre nos travaux pour un accent unique, un seul enchaînement parfois, une courbe mélodique où il savait lire une nature personnelle. »

L'enseignement de Tony Aubin était également empreint de cet esprit de rigueur et de simplicité, soucieux d'éviter l'inutile, la longueur ou la difficulté technique facilement contournée.

L'œuvre de Tony Aubin présente elle aussi deux points communs avec celle de son maître Dukas : des titres certainement moins nombreux que chez bien d'autres, mais un ensemble d'une qualité remarquable.

Musique instrumentale

Sonate en si mineur pour piano (1930) éd. Leduc.
Quatuor à cordes (1930/1933), inédit.
Prélude, Récitatif et Finale pour piano, éd. Heugel. (1930/1933).
Symphonie n.1 "Romantique" (1934/1936) éd. Leduc.
Le sommeil d'Iskender (1936).
Cantilène variée, pour violoncelle et piano (1937, orchestrée en 1944).
La Chasse infernale (Le chevalier Pécopin), scherzo symphonique (1941/1942) éd. Leduc.
Suite danoise (1942/1945) éd. Leduc.
Symphonie n.2 (1944) éd. Leduc.
François Villon (1945) éd. Choudens.
Suite éolienne pour flûte, clarinette et orchestre (1956) éd. Leduc. Aussi version cl. et piano.
Concertinetto pour violon et piano (1964) éd. Leduc.
Concertinetto del amicizia, pour flûte et piano (1965) éd. Leduc.
Concertino della Brughiera pour basson et piano (1966/1975) éd. Leduc.
Divertimento del incertezza pour clarinette et piano ou orchestre à cordes (1967/1973) éd. Leduc.
Concertino delle scoiattolo pour hautbois, piano et cordes (1970).
Toccatrotta (1972).
Hidalgoyas, pour guitare (1975).

Musique vocale, scène, ballet

Six poèmes de Verlaine, chant et piano (inédits) (1932/1933)
Cressida, mélodrame pour récitant, soli, chœur et orchestre (1934) :
   1 - Prologue en forme de fanfare éd. Leduc.
   2 - Airs pour Cressida (inédit)
   3 - Ballet (inédit)
Jeanne d'Arc à Orléans, oratorio (1942, inédit)
Fourberies, d'après Rossini, ballet (1950/1952, inédit)
Variations, sur des motifs de Schubert, ballet (1953, inédit)
Grand pas, sur des motifs de Brahms, ballet (1953, inédit)
Périls, drame lyrique (1956/1958)
La Source (1960).
Hymne à d'espérance, pour choeur et orchestre (inédit) (1961)
Au fil de l'eau (1970).
La jeunesse de Goya, opéra (1968/1970, inédit)

Musiques de films

Musiques de scènes
Athalie (1943).

Musiques radiophoniques


Sources: Honegger. Merci à Michel Durand-Mabire pour sa collaboration.
M.B.

Interview de Tony AUBIN par Claude Chamfray (1954)

Du bureau directorial de Claude Delvincourt, je passai alors à la classe de Tony Aubin qui, on le sait, enseigne la composition au Conservatoire National.

Tony Aubin avait, il y a quelques semaines, présenté chez Colonne un « Aria » qui n'était autre que le second mouvement d'une « symphonie ».

Ma seconde, qui sera bientôt suivie d'une troisième...

Elle est longue — 43 minutes — et comprend cinq parties : allegro, aria, scherzo, pastorale et finale.

L'avez-vous composée depuis peu de temps ?

Je l'avais commencée il y a quatre ans et l'ai écrite par bribes. Elle est en quelque sorte sans âge... La forme en est franche ; le langage clair. Si on y voyait une suite, je ne serais pas déçu car il y a en elle un côté « plein air ». A son audition à Vichy, il est possible que je la juge trop longue, et que par la suite je forme une œuvre avec deux ou trois de ses parties, et une autre avec le reste. Ou que je fasse jouer séparément certains de ses mouvements... On faisait ainsi au temps de Beethoven. Pourquoi ne pas reprendre cette habitude aujourd'hui ?

La forme de cette symphonie est cyclique. On tourne autour de trois thèmes.

A-t-elle un caractère général ?

Elle est faite d'éléments de sensualité et de plein air. Je suis contre l'intellectualisme en musique.

Oui... vous êtes un classique de la musique moderne et je crois que vous n'êtes guère partisan du système dodécaphoniste ?

Tony Aubin a le langage franc. Il ne s'embarrasse pas de mots. La réponse jaillit :

Je suis opposé au dodécaphonisme et au sériel — notamment parce qu'on ne sent pas la différence entre la bonne et la mauvaise musique sérielle. On ne voit la qualité que dans l'adresse avec laquelle est établie la série. Non dans la musique elle-même. Or je ne conçois pas qu'on ne puisse être ordonné et recherche le don avant l'élément. Chez Bach, il n'y avait pas de code. Et s'il n'y avait que Bach pour nous enseigner la manière de faire une fugue, on ne serait pas capable (ici Tony Aubin emploie un autre mot) d'en écrire !

Il faut garder aux intervalles quelque chose de secret. Je crois que le charme de la mélodie est la raison d'être d'une musique. Pour moi, il n'y a que deux musiques : celle qui se chante et celle qui se danse.

[coll. DHM]


Francine Tremblot de la Croix
Bulletin mensuel de la Société académique d’agriculture, des sciences,
arts et belles-lettres du département de l’Aube (1974)

( Coll. DHM ) DR.

NDLR : Tony Aubin, fils d'Antony Aubin (1854-1937), originaire de Nantes (Loire-Atlantique), célèbre avocat à la Cour d'Appel de Paris qui obtint en 1909 l'acquittement de la « veuve tragique » dans la très médiatique affaire Steinheil, et d’Eugénie Hosbillier, avait épousé en premières noces, le 7 novembre 1929 à Paris, la violoniste, 1er Prix du Conservatoire de Paris, Denyse Bertrand, fille de Paul Bertrand, musicologue et fondé de pouvoir de la maison d'édition Heugel. Puis, en secondes noces, le 11 mai 1959 à Paris, Louise Clavius-Marius. Celle-ci, née le 2 août 1906 à Saint-Louis du Sénégal, était fille de René Clavius-Marius, originaire de Saint-Pierre de la Martinique, alors Conseiller à la Cour d'appel de l'Afrique Occidentale Française avant de terminer sa carrière comme Procureur Général et chef des services judiciaires de la Martinique, et de Léonie Alexis. Elle fit une brillante carrière de pianiste après avoir obtenu un 1er prix en 1927 au Conservatoire de Paris dans la classe de Lazare-Lévy. Après son décès, survenu le 15 juin 1975 à Paris, Tony Aubin se maria en troisièmes noces avec Francine Tremblot de la Croix, une ancienne élève de sa classe de composition au Conservatoire de Paris où elle avait décroché un 1er prix en 1959. Née le 6 février 1938 à Paris, décédée le 14 août 2016, elle aura été l'une des premières femmes directrices de conservatoire : tout d'abord à la tête de celui de Tourcoing, puis de celui du XIIème arrondissement parisien et enfin du CRR de Rueil-Malmaison. Egalement compositrice, elle fut encore une artiste peintre recherchée.

[DHM, août 2016]

Première mise en ligne: 8 février 2003.

 


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