Le Panthéon des musiciens
De janvier 2018 à décembre 2018
Pierre PINCEMAILLE - Henri-René POLLIN - Jean LEDIEU - Mary PRAT-MOLINIER - Lise ROLLAN - Alain PETITGIRARD - Blandine VERLET
Le
12 janvier 2018 à l'hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-Seine) s'est éteint
l'organiste Pierre PINCEMAILLE dans sa soixante-deuxième année. Son nom
est irrémédiablement lié avec le grand orgue Cavaillé-Coll de la cathédrale de
Saint-Denis, en région parisienne, dont il a largement contribué au renom et
qu'il touchait depuis son inauguration le 9 octobre 1987 après la restauration
de 1983 à 1987. A l'opposé d'un Michel Chapuis, apôtre d'une stricte
conservation de l'orgue ancien, il défendait une facture d'orgue nouvelle du
XXIe siècle faisant appel aux nouvelles technologies. Improvisateur de grande
classe dans la lignée d'un Pierre Cochereau, qu'il considérait d'ailleurs
« comme une sorte de père spirituel », il aurait voulu lui succéder
en 1985 à Notre-Dame, mais sa candidature ne fut pas retenue. Néanmoins, il lui
garda toujours une grande admiration, lui consacrant un bel article intitulé
« l'Improvisateur à Notre-Dame » dans l'ouvrage d'Yvette Carbou
(Zurfluh, 1999). Lauréat de nombreux concours, organiste liturgique et
concertiste, il fut aussi un pédagogue attentif et exigeant, très attaché à la
réussite de ses élèves, et, partageant avec eux, ces dernières années, sa
science de l’improvisation dans laquelle il excellait.
Né
le 8 décembre 1956 à Paris, Pierre-Marie-François Pincemaille, fils d'un
ingénieur polytechnicien musicien amateur, est mis au piano à l'âge de huit
ans ; il ne cessera de l'étudier durant une dizaine d'années, avant de
l'abandonner au profit de l'orgue. Entre temps, à 11 ans, à l'occasion de
vacances passées à La Baule (Loire-Atlantique), il a l'opportunité de découvrir
l'orgue auprès de son oncle, le Père Paul Pincemaille, Eudiste et ancien élève
d'orgue d'Augustin Pierson à Versailles. Celui-ci, précédemment en poste au
Collège Sainte-Marie de Caen (Calvados), alors économe au Collège Saint-Sauveur
de Redon (Ille-et-Vilaine), tient également l'orgue de la chapelle. C'est sur
cet orgue, un Louis Debierre de 1868 (2 claviers et pédalier) remanié et
agrandi en 1965 par Beuchet-Debierre (11 jeux portés à 20), qu'il s'y initie au
fil des vacances scolaires pour bientôt l'étudier plus sérieusement en
autodidacte. Entré au Conservatoire national supérieur de musique de Paris à
l'âge de 14 ans et demi (1971), il fréquente tout d'abord une classe de solfège
spécialisé, puis les classes de Henri Challan et Jean-Claude Raynaud
(harmonie), de Marcel Bitsch (contrepoint et fugue), disciplines dans
lesquelles il décroche les 1ers prix, ainsi que la classe de Jacques Castérède
et celle d'orgue de Rolande Falcinelli. Dans cette dernière, il est admis à la
rentrée scolaire 1975-76 dans la section « exécution », en même temps
que Sarah Soularue, Marie-Agnès Menet, Loïc Maillé et Patrice Caire, et à la
rentrée 1977-79 dans celle « improvisation ». Il en ressort en 1979
avec un 1er prix dans chaque section et s'ensuivent plusieurs récompenses à des
concours d'orgue : Premier prix du concours
international d'improvisation de Lyon (1978), Grand prix du concours européen
d'orgue de Beauvais (1987), Premier prix du concours international
d'improvisation de Strasbourg (1989), Grand prix du concours international
d'improvisation de Montbrison (la même année) et enfin, Grand prix
d'improvisation au Grand Prix de Chartres (1990).
Dès la fin des années soixante-dix, Pierre Pincemaille débute
une carrière d'organiste à l'orgue de l'église Notre-Dame de Toutes Grâces au
Perreux (Val-de-Marne). Le modeste instrument qu'il touche alors (jusqu'en
1984) a néanmoins une origine intéressante : cet orgue de 5 jeux sur 2 claviers
et pédalier est l'instrument autrefois construit et installé par le facteur
Gonzalez pour le célèbre coiffeur Antoni Cierplikowski (1884-1976), plus connu
sous le nom de « coiffeur Antoine », dans son immense appartement
situé près du Trocadéro. Il était entretenu par Jean-Marc Cicchero. Vers la
même époque, à partir de 1982, il est nommé titulaire du grand orgue
Merklin-Schütze, beaucoup plus important (3 claviers et pédalier, 33 jeux), de
Saint-Eugène-Sainte-Cécile à Paris. Il succède-là à Denise Launay et à son
départ en 1987 laisse les claviers à Hervé Morin. Mais, c'est avec sa
nomination à la cathédrale de Saint-Denis en octobre 1987, après la
restauration du grand orgue par Danion-Gonzalez, que sa renommée prend son
envol. Le Cavaillé-Coll de cette église (4 claviers et pédalier, 70 jeux),
construit en 1841 et d'une réelle valeur historique est en effet connu des
organistes du monde entier et Pierre Pincemaille va largement contribuer à sa
réputation en invitant, chaque dimanche, des confrères à donner un récital de
trois quarts d'heure. Lui-même, concourt à cette renommée, grâce à la parfaite
connaissance des possibilités de « son orgue » qu'il sait utiliser au
mieux. Ses connaissances approfondies de la registration lui permettent de se
« servir de son instrument comme d'un orchestre, en exploitant la richesse
sonore issue de la composition », comme il le déclare lui-même en 1989
dans d'un entretien avec la revue L'Orgue (n° 212). Ainsi, lors de l'un
de ses récitals dans le cadre du Festival de Saint-Denis en juin 2001, Renaud
Machart dans Le Monde souligne cette science de l'improvisation :
« [...]
il improvise sur le nom de Widor, selon le système anglo-saxon qui fait
correspondre une lettre à chaque note de la gamme, une série de variations éblouissantes
précédées d'une introduction majestueuse. Chacune des variations fait entendre
l'incroyable science de l'organiste, la finesse de ses idées, son invention
pourtant sertie dans des « figures obligées » comme la cantilène, le
scherzo, la « fileuse » avec, en prime, une variation harmonisée sur
les anches à la manière de la Renaissance façon « dancerie de Claude
Gervaise. »
Concertiste, il a l'occasion de se produire dans le monde entier, tant à
travers l'Europe, qu'aux USA, au Canada, en Afrique du Sud, en Russie, en Chine
et au Japon, prenant grand soin de présenter lui-même au public les oeuvres
jouées ; présentations toujours soignées dans lesquelles transparait sa
vaste culture tant générale que musicale.
Organiste liturgique, concertiste, Pierre Pincemaille a été
aussi un pédagogue. Il débuta sa carrière d'enseignant comme professeur
d'accompagnement au piano au Conservatoire de Poitiers (1980-1984), puis
d'improvisation à l'orgue au Conservatoire de Châtellerault (1984-2002) et au
CNR de Saint-Maur-des-Fossés (à partir de 2000), et d'écriture (harmonie et
contrepoint) au Conservatoire de Saint-Germain-en-Laye (depuis 2002). Il fut
également un temps professeur d'orgue au Conservatoire municipal du 17e
arrondissement parisien (1987-1998), et d'écriture et d'improvisation au
Conservatoire national supérieur de musique de Lyon (2003-2005), avant
d'enseigner le contrepoint au Conservatoire national supérieur de musique de
Paris à partir de 2005.
Pierre Pincemaille n'a que très peu composé, préférant
l'improvisation, car il estime que dans ce domaine l'émotion de l'instant qui
surgit est supérieure à la composition dans laquelle on passe son temps à se
corriger et se renier. On lui doit néanmoins la composition de Prologue et
Noël varié pour orgue (Delatour, 2007), En Louisiane, pour trombone
et piano (Delatour, 2004), un Ave Maria pour 4 voix mixtes a cappella
(Lyon, A Cœur joie, 2013) et deux transcriptions pour orgue de
Stravinsky : L'Oiseau de feu et Petrouchka. Par contre, sa
discographie est importante avec de nombreux enregistrements principalement d'œuvres
du répertoire français de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe
siècle. Parmi ceux-ci, citons les intégrales des œuvres pour orgue de Boëly,
César Franck, Alexis Chauvet et Maurice Duruflé, les dix Symphonies de
Charles-Marie Widor, ainsi que des pages de Vierne, Messiaen, Cochereau et
Jehan Alain. Mentionnons encore, avec orchestre, des œuvres de Berlioz (Te
Deum pour 3 chœurs et orgue) et Saint-Saëns (3ème Symphonie), ainsi
que des Symphonies d'Aaron Copland et Joseph Jongen. Mais ce sont ses
huit enregistrements d'improvisation, dont plusieurs réalisés à son orgue de
Saint-Denis, qui sont un précieux témoignage de son art, le faisant considérer
comme l'un des plus remarquables improvisateurs de sa génération. Le 5 novembre
2017, aux claviers de son Cavaillé-Coll de Saint-Denis, pour fêter ses 30 ans à
cet instrument il s'était produit une ultime fois dans un récital au cours
duquel il interprétait notamment la Messe de Vierne et la Pièce en
sol de Bach. Déjà à bout de force, rongé par un cancer des poumons, il nous
quittait deux mois plus tard. Ses obsèques religieuses ont été célébrées le 17
janvier en l'église Saint-Martin à Herblay (Val-d'Oise), et l'inhumation le lendemain
en Bretagne, au nouveau cimetière de Tréflez (Finistère). Chevalier de l'Ordre
des Arts et des Lettres, des Palmes académiques et de l'Ordre de
Saint-Grégoire-le-Grand, il laisse trois enfants, nés de son mariage avec Anne-France
Gaudillat, elle-même musicienne et l'une de ses anciennes élèves.
Denis Havard de la Montagne
NOTE : depuis la rédaction de ces lignes Anne-France Pincemaille
a fait paraître aux Editions A Cœur Joie 3 œuvres inédites de son défunt
mari : un Pater noster (2018) et un Ave verum corpus (2018), pour
chœur mixte à cappella (SATB), formant un triptyque avec l’Ave Maria de
2013 et « conçues selon une esthétique directement issue du langage de
Debussy, Ravel ou Duruflé », et en 2019 un recueil intitulé Enfantines.
Comportant 15 chansons (Gentil Coq’licot, Arlequin, Compère Guillemi, Trois
jeunes tambours, Savez-vous planter les choux, Cadet Rousselle, A la claire
fontaine, etc…), elles avaient été harmonisées pour ses trois enfants, Claire,
Marc et Eric, nés entre 1992 et 1996.
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Henri-René Pollin, à 90 ans
(photo X..., aimablement communiquée par Jean-Marie Paul/Vandoren-Paris) DR.
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Henri-René Pollin (à gauche) et Jacques Lancelot
(coll. Eric Lancelot, photo aimablement communiquée par Jean-Marie Paul/Vandoren-Paris) DR.
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Le
saxophoniste Henri-René POLLIN est décédé le 21 janvier 2018, au
Grand-Quevilly (Seine-Maritime), à l'âge de 96 ans. Né en 1921 à Troarn
(Calvados), il avait effectué ses premières études musicales au Conservatoire
de Caen, où il remportait un 1er prix de solfège en 1939 (classe de M.
Brousse), un 1er prix de clarinette en 1938 et un 1er prix de saxophone en 1940
dans les classes Fernand Brachet (ex clarinette solo de la Garde Républicaine)
qui enseignait ces deux disciplines. Plus tard, après avoir travaillé avec Gaston Hamelin, il obtenait en 1943 un 1er accessit de clarinette au Conservatoire national supérieur de musique de Paris et, après la guerre en 1949, dans ce même établissement un 1er prix de saxophone dans la classe de Marcel Mule, la même année que Jean Ledieu. Son
frère aîné, Yves Pollin, mort en 2010 à la veille de fêter son centenaire,
fréquentait également à cette époque le conservatoire de Caen : distingué
chef de la fanfare « Les Enfants de Troarn », il y avait remporté un
1er prix de cornet à piston (1938), suivi d'un 1er prix de trompette (1939).
Néanmoins, il ne fit pas carrière dans la musique, mais devint entrepreneur en
couverture et Maire adjoint de Troarn. Un autre frère cadet, Pierre Pollin, né
en 1925, fera quant à lui une carrière musicale importante : 1er prix de
cornet à piston et trompette en 1941 (classe de M. Bellis) et de solfège supérieur
en 1942 (classe de M. Brousse) au Conservatoire de Caen, puis lauréat de
trompette en 1954 du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, dans
la classe d'Eugène Foveau, il sera trompette solo de l'Orchestre National de
France durant 35 ans et professeur au CNSMP.
Si
Henri-René Pollin fera une carrière de saxophoniste, il n'en demeure pas moins
qu'au tout début de sa carrière il se produisait aussi à la clarinette. C'est
ainsi que le 21 août 1942, lors d'un concert de l'harmonie « la Fraternelle »,
place de la République à Caen, il se produisait en compagnie de Jacques
Genvrin, clarinettiste, prix d'honneur du Conservatoire de Caen et 1er prix de
celui de Paris, et Pierre Tillard, hautboïste, 1er prix du Conservatoire de
Caen, dans des œuvres de Beethoven. Mais, c'est au début de la décennie
suivante que commence véritablement sa carrière avec la fondation en 1953, aux
côtés de Daniel Deffayet (saxo soprano), Jean Ledieu (saxo baryton) et Jacques
Terry (saxo ténor) du « Quatuor de saxophones Deffayet », dont il est
le saxophone alto et avec lequel il effectue durant plus de trente ans de
nombreuses tournées tant en France qu’à travers les cinq continents, jusqu'à
sa dissolution en 1987. Il est aussi durant 15 ans saxophoniste à la Musique de
la Garde Républicaine. Parallèlement à ses activités de concertiste, il se
livre à l'enseignement de son instrument, tout d'abord comme assistant de
Daniel Deffayet au CNSMP, puis à partir de 1949, comme titulaire de la classe
de saxophone au Conservatoire de Rouen, poste qu'il occupe jusqu'à sa retraite.
Dans la capitale normande, il dirigera aussi un temps l'orchestre d'harmonie de
cette ville, réussissant à l'amener au célèbre et très disputé concours
international de Kerkrade (Pays-Bas), le World Music Contest qui se déroule
tous les 4 ans. Son implication dans les activités musicales de cette ville a
été des plus marquantes, puisqu'il est en outre saxophoniste à l'orchestre du
Théâtre des Arts de 1962 à 1989 et l'un des principaux instigateurs en 1991 de
l'Association de Gestion des Ecoles de Musique de Rouen, laquelle, encore de
nos jours, fait rayonner la musique. Parmi ses nombreuses activités, n'oublions
pas son élection, au Congrès extraordinaire de Nantes, de Président du Syndicat
National des Enseignants et Artistes (SNEA), reconduit à plusieurs reprises
jusqu'en 1983 avant d'en être nommé Président d'honneur, dans les années 1980
sa nomination comme administrateur de la Confédération Musicale de France (CMF)
et en 2010, son active participation à la création du « Concours
international de clarinette Jacques Lancelot » (membre du Conseil
d'administration).
Au
sein de sa discographie, notons le coffret de 3 CD EMI avec le Quatuor
Deffayet, Marcel Mule et Jean-Marie Londeix (œuvres de Pierné, Désenclos,
Rivier, Schmitt, Duboix, Français et Vellones, enregistrées en 1976 et 1979),
et chez Erato (MUS 19026) un disque vinyle enregistré en 1970 du Sextuor
mystique de Villa-Lobos, avec Maxence Larrieu (flûte), Lucien Debray
(hautbois), Turibio Santos (guitare), Lily Laskine (harpe) et François-Joël
Thiollier (célesta). Ses obsèques religieuses ont été célébrées le mardi 6
janvier à 14h30 en l'église Saint-Pierre du Grand-Quevilly. Il laisse deux
fils, qui, tout comme leur père, effectuent une carrière musicale de
talent : Jean-Pierre Pollin, clarinettiste, enseigne son instrument au
Conservatoire de Rouen, et Christian Pollin, trompettiste (1er prix en 1978 au
CNSMP dans la classe de Maurice André), est membre de l'Orchestre de Chambre de
Paris (depuis 1995) et professeur au CRR de Versailles.
Denis Havard de la
Montagne
Le
8 février 2018 à Nancy (Meurthe-et-Moselle) est décédé le saxophoniste Jean
LEDIEU dans sa quatre-vingt-neuvième année. Ancien du « Quatuor
Deffayet » avant de créer son propre « Quatuor Jean Ledieu », il
se produisait aussi fréquemment au sein de formations orchestrales, tant en
France qu'à l'étranger, mais également et parfois en duo avec son épouse, la
pianiste Odile Sordoillet. Parallèlement à ses activités d'interprète, il a
longtemps enseigné son instrument à Beauvais, Nancy et à Paris, tout en dispensant
des masters class hors de France, notamment au Japon.
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(Fragment cliché Vandoren, avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Paul/Vandoren-Paris) DR.
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Fils
de Raymond Ledieu (1902-1996), directeur d'école, instituteur et président
fondateur de la Société historique de Breteuil (1984), Jean Ledieu est né le 2
mai 1929 à Breteuil (Oise). Il rejoint la classe de saxophone de Marcel Mule au
Conservatoire national supérieur de musique de Paris et obtient un 1er prix en
1949, la même année qu'Henri-René Pollin, son futur collègue au sein du
« Quatuor de saxophones Deffayet », disparu lui-même voilà à peine un
mois. C'est en 1953 que Daniel Deffayet (soprano) fonde cette formation, en
compagnie de Ledieu (baryton), Pollin (alto) et Jacques Terry (ténor). Durant
plus de trente ans ce Quatuor effectue de nombreuses tournées tant en France
qu’à travers les cinq continents. A sa dissolution en 1987, Jean Ledieu crée
alors son propre « Quatuor Jean Ledieu », qui s’impose à son tour,
perpétuant l’Ecole française du saxophone, avec Fabrice Moretti (soprano),
Denis Bardot (alto) et Philippe Portejoie (ténor), puis en 2000 Yann Lemarié.
Jusqu'en 2005, année de sa dissolution, la haute qualité artistique de ce
Quatuor lui procure une audience internationale, se faisant ainsi entendre à
travers toute l'Europe et au Japon. Son vaste répertoire va du 1er Quatuor,
op. 53 (1857) de Jean-Baptiste Singelée aux compositeurs modernes dont il crée
bon nombre d'œuvres, entre autres, de Pierre Max Dubois, Claude Pascal, Alain
Margoni, Gérard Gasparian, Patrice Sciortino et Trygve Madsen, en passant par
des transcription d'oeuvres classiques. On doit plusieurs enregistrements au
« Quatuor Jean Ledieu », notamment en 1992 chez le label Opus Records
(91 2408-2) avec des pages de Singelée (1er Quatuor), Gabriel Pierné (Introduction
et Variations sur une ronde populaire), Claude Pascal (Quatuor de
saxophones) et Jean Absil (Suite sur des thèmes populaires roumains,
op. 90), et en 2002 chez Polymnie (POL 490 115), avec des œuvres de Roger
Boutry (Etincelles), Claude Pascal (Transcription de six fugues de
l'Art de la fugue, Quatuor de Saxophones, Scherzetto),
Jeanine Rueff (Concert en quatuor) et Robert Planel (Burlesque).
Auparavant, avec le « Quatuor de saxophones Deffayet » Jean Ledieu
avait déjà gravé d'autres œuvres originales, parmi lesquelles on peut citer en
1975 Alliages d'Antoine Tisné (CBS-Sony SOLN-2), en 1977 Gabriel
Pierné/Alfred Désenclos/Jean Rivier/Florent Schmitt (EMI-VSM 2 C 069-14187), en
1979 Jacasserie de René Challan, Cache-cache de Robert Clérisse, Rêves
d'enfants d'Edmond Gaujac, Pavane de Fernande Decruck, Valse
chromatique, Cavaliers andalous et Les Dauphins de Pierre
Vellones (EMI-VSM 2 C 069-16369). Pour le concours de soliste du « Quatuor
Deffayet », en février 1962 à la Radio Télévision Française, il avait au
programme Variations de Jean-Pierre Rivière, « oeuvre
géniale » qu'il mit ensuite dans ses programmes de concerts. De son côté,
en 1994 Noël Lancien le sollicitait pour créer son oeuvre écrite à la mémoire
de Robert Planel, intitulée Montes Gelboë, pour saxophone et piano. C'est avec son épouse Odile
Sordoillet qu'il la créa Salle Rossini à Paris. Au cours de cette même soirée
consacrée à la mémoire de Robert Planel, deux oeuvres de celui-ci furent
également jouées par le « Quatuor Jean Ledieu ».
Comme
musicien d'orchestre, Jean Ledieu aura l'occasion de jouer avec l'Orchestre de
l'Opéra de Paris, l'Orchestre National de France, l'Orchestre de Radio-France
et l'Orchestre Philharmonique. A l'étranger aussi il est invité par de nombreux
autres formations, tels les orchestres de Nuremberg, Berlin, Baden-Baden,
Teplice, La Haye. Au sein de toutes ces structures il côtoie ainsi de grands
chefs parmi lesquels figurent Igor Markevitch, Jean Martinon, Pierre Boulez,
Lorin Maazel, Rafael Kubelik, Hans Rosbaud, Ricardo Muti, Louis Fourestier ou
encore André Cluytens, Georges Prêtre et Jeffrey Tate. L'enseignement lui est
aussi familier, puisque, parallèlement à ses activités d'interprète, il
enseigne à l'Ecole Nationale de Musique de Beauvais, puis aux C.N.R de Nancy et
de Paris. Parmi ses nombreux élèves, il convient de citer les saxophonistes
Claude Bernard, Jean-Pierre Moncada, Jean-Luc Cocq, Claude Georgel, Jean-Noël
Auer, Davy Basquin, Fabrice Moretti, Fabien Chouraki et le Québécois Louis-Noël
Fontaine. Parmi ses autres activités de pédagogue rappelons qu'il avait
participé activement aux « Dossiers pédagogiques » de la Radio et de
la Télévision Scolaires (RTS), diffusés par l'Office Français des Techniques
Modernes d'Education (OFRATEME), série « Radiovision », 29 rue d'Ulm
à Paris V° : avec Jacqueline Carray-Planel pour la préparation des
émissions, c'est lui qui intervint dans les émissions destinées au cycle
élémentaire des 5 et 14 mars 1974, 24 février, 2 mars, 9 mars et 16 mars 1976
consacrées au saxophone, au cours desquelles il fit apprécier « la voix
chaude et cuivrée de son instrument » en faisant écouter aux jeunes
scolaires le Prélude de l'Arlésienne de Bizet, Le vieux château
de Moussorgski (extrait des Tableaux d'une exposition), un fragment d'Hary
Janos de Kodaly, des fragments du Concerto de Jacques Ibert ;
et avec le « Quatuor Deffayet » : La chanson de Grand'maman
de Pierné, Cache-cache de Robert Clérisse, La danse du petit nègre
de Debussy (extrait de La boîte à joujoux), le début du Menuet de
Boccherini et quatre extraits du Quatuor de Claude Pascal.
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Mary Prat-Molinier à l'orgue de la cathédrale Sainte-Cécile d'Albi
(photo X...) DR.
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On
doit encore à Jean Ledieu des éditions d'œuvres contemporaines aux Editions
Combre où il est directeur de publication. Dans les « Collections
d'oeuvres pour saxophones » : Burlesque de Robert Planel
(1998), Fantaisie de Gérard Gasparian (1996), Sonatina
« Parsax » de Ferrer Ferran (1997), Partita de Claude
Pascal (1999), Caractères de Jeanine Rueff (1999) ; dans la
collection « Arc en ciel » : En d'étranges souvenances de
Pierre-Yves Level (1997), Etincelles de Roger Boutry (2000), Perruques
blanches et Falbalas d'Henri Loche (1999), Jacasserie de René
Challan (1997) ; et dans la collection « Saxophone da camera» : Paronymes
de Roger Boutry (trio pour clarinette en si b., saxophone ténor et piano, 2006)
et 4 Chants vénitiens d'Alain Margoni (pour voix, saxophone ténor ou
basson ou clarinette basse en si b. ou cor en fa et piano, 2005).
Ses
obsèques se sont déroulées le jeudi 15 février 2018 à la salle omniculte du
crématorium de Nancy et un concert-hommage lui a été rendu le 18 juin 2018 à Chantraine
(Vosges) par la classe de saxophone du Conservatoire Gautier d'Epinal,
l'Ensemble de saxophones de Chantraine et le Quatuor de saxophones
Saxinfluences.
Denis Havard de la Montagne
Le mardi 28 août 2018
est décédée Mary PRAT-MOLINIER, âgée de 84 ans. Elle fut titulaire du
grand orgue Moucherel de la cathédrale Sainte-Cécile d'Albi entre 1968 et 2011
et tenait également l'instrument de la collégiale Saint-Salvi.
Née à Carmaux le 28 août
1934, elle y fut organiste durant dix ans à l'église Saint-Privat (orgue Puget)
avant de faire la carrière que l'on sait à Albi.
Après un 1er
prix de piano au Conservatoire de Toulouse obtenu à l’âge de 16 ans et un apprentissage
de l'orgue avec Henri Cabié, titulaire de l’orgue de la cathédrale d’Albi, elle
avait étudié à Paris auprès de Marcel Dupré, Gaston Litaize et Maurice Duruflé.
Elle obtint également le premier prix de virtuosité de l'Institut Jehan
Titelouze de Rouen.
Professeur à l'Ecole
Nationale de Musique et de Danse du Tarn, elle forma de nombreux élèves.
On lui connaît
plusieurs enregistrements, notamment sur l'orgue de la cathédrale d'Albi. On
songe, en particulier, aux Noëls de Daquin, mais également à des pièces
de Marin Marais, Bach, Corrette, Marchand ou à des œuvres romantiques,
enregistrées à Saint-Salvi.
Ses obsèques ont été
célébrées le jeudi 30 août à la chapelle Saint-Martin d'Albi.
Olivier Geoffroy
Lise ROLLAN (1923-2018)
Page spécifique
Pierre DOURY (1925-2018)
Page spécifique
Alain PETITGIRARD (Alain KREMSKI 1940-2018)
Article dans la section des Prix de Rome.
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Scarlatti, 15 Sonates pour le clavecin (1974, 33 tours vinyle, PHI 6504 119)
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Blandine VERLET (1942-2018)
« Fantasque »,
« sauvage » voici deux adjectifs que bien de ceux qui l'ont approchée
utilisaient pour parler de Blandine VERLET, claveciniste, née le 27
février 1942 à Paris, et décédée en cette ville le 31 décembre 2018.
Il
est vrai que sa personnalité et que sa manière d'être musicienne lui ont
permis, après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique de
Paris avec Marcelle de La Cour, d'y obtenir le premier prix de clavecin en
1963, et ensuite le prix spécial du Concours international de Munich. Cette
personnalité et cette façon d'être musicienne lui ont permis de fréquenter des
clavecinistes aussi différents qu'Huguette Dreyfus, Ruggiero Gerlin ou Ralph
Kirkpatrick tout en gardant, intouchable, cette adaptabilité de son art.
Que
ce soit dans Haendel, ou Rameau et Couperin (« le Grand » qu'elle
appelait « l'Affectueux ») et Rameau, qu'elle a d'ailleurs beaucoup
enregistrés, elle déploie un toucher très subtil, jamais brutal, toujours
original et qui pourtant, sonne vrai. Il n'y a pas cet aspect marmoréen de
musiciens comme Scott Ross, pas de « machine à coudre divine » dans le
Wohltemperierte Klavier de Bach, simplement, un art à la fois épuré, ductile,
concentré et tellement adapté à la partition. Si cela était permis, on
entendrait quelquefois, dans certaines de ses interprétations, le piano de
Walter Gieseking dans « son » Bach.
Comme
tous les très grands, elle a enseigné, si le verbe peut être utilisé. Mais un
certain Jean Rondeau qui a vécu son enseignement dès son très jeune âge, nous
rapporte que ses indications étaient souvent les mêmes : « sois toi-même
», « écoute-toi ».
L'écouter
donne la sensation rare d'être accompagné dans l'œuvre par une femme et
musicienne libre, au goût toujours sûr, sur des chemins de traverse mais par un
guide très concentré, dans une absolue liberté de conception et d'exécution.
Blandine Verlet, ou l'art des opposés.
Luc Paraire