Le Panthéon des musiciens

De janvier 2018 à décembre 2018

Pierre PINCEMAILLE - Henri-René POLLIN - Jean LEDIEU - Mary PRAT-MOLINIER - Lise ROLLAN - Alain PETITGIRARD - Blandine VERLET

 

Le 12 janvier 2018 à l'hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-Seine) s'est éteint l'organiste Pierre PINCEMAILLE dans sa soixante-deuxième année. Son nom est irrémédiablement lié avec le grand orgue Cavaillé-Coll de la cathédrale de Saint-Denis, en région parisienne, dont il a largement contribué au renom et qu'il touchait depuis son inauguration le 9 octobre 1987 après la restauration de 1983 à 1987. A l'opposé d'un Michel Chapuis, apôtre d'une stricte conservation de l'orgue ancien, il défendait une facture d'orgue nouvelle du XXIe siècle faisant appel aux nouvelles technologies. Improvisateur de grande classe dans la lignée d'un Pierre Cochereau, qu'il considérait d'ailleurs « comme une sorte de père spirituel », il aurait voulu lui succéder en 1985 à Notre-Dame, mais sa candidature ne fut pas retenue. Néanmoins, il lui garda toujours une grande admiration, lui consacrant un bel article intitulé « l'Improvisateur à Notre-Dame » dans l'ouvrage d'Yvette Carbou (Zurfluh, 1999). Lauréat de nombreux concours, organiste liturgique et concertiste, il fut aussi un pédagogue attentif et exigeant, très attaché à la réussite de ses élèves, et, partageant avec eux, ces dernières années, sa science de l’improvisation dans laquelle il excellait.

Printemps 2009, en concert à Rio de Janeiro
(coll. famille Pincemaille, www.pierrepincemaille.fr)

Né le 8 décembre 1956 à Paris, Pierre-Marie-François Pincemaille, fils d'un ingénieur polytechnicien musicien amateur, est mis au piano à l'âge de huit ans ; il ne cessera de l'étudier durant une dizaine d'années, avant de l'abandonner au profit de l'orgue. Entre temps, à 11 ans, à l'occasion de vacances passées à La Baule (Loire-Atlantique), il a l'opportunité de découvrir l'orgue auprès de son oncle, le Père Paul Pincemaille, Eudiste et ancien élève d'orgue d'Augustin Pierson à Versailles. Celui-ci, précédemment en poste au Collège Sainte-Marie de Caen (Calvados), alors économe au Collège Saint-Sauveur de Redon (Ille-et-Vilaine), tient également l'orgue de la chapelle. C'est sur cet orgue, un Louis Debierre de 1868 (2 claviers et pédalier) remanié et agrandi en 1965 par Beuchet-Debierre (11 jeux portés à 20), qu'il s'y initie au fil des vacances scolaires pour bientôt l'étudier plus sérieusement en autodidacte. Entré au Conservatoire national supérieur de musique de Paris à l'âge de 14 ans et demi (1971), il fréquente tout d'abord une classe de solfège spécialisé, puis les classes de Henri Challan et Jean-Claude Raynaud (harmonie), de Marcel Bitsch (contrepoint et fugue), disciplines dans lesquelles il décroche les 1ers prix, ainsi que la classe de Jacques Castérède et celle d'orgue de Rolande Falcinelli. Dans cette dernière, il est admis à la rentrée scolaire 1975-76 dans la section « exécution », en même temps que Sarah Soularue, Marie-Agnès Menet, Loïc Maillé et Patrice Caire, et à la rentrée 1977-79 dans celle « improvisation ». Il en ressort en 1979 avec un 1er prix dans chaque section et s'ensuivent plusieurs récompenses à des concours d'orgue : Premier prix du concours international d'improvisation de Lyon (1978), Grand prix du concours européen d'orgue de Beauvais (1987), Premier prix du concours international d'improvisation de Strasbourg (1989), Grand prix du concours international d'improvisation de Montbrison (la même année) et enfin, Grand prix d'improvisation au Grand Prix de Chartres (1990).

Dès la fin des années soixante-dix, Pierre Pincemaille débute une carrière d'organiste à l'orgue de l'église Notre-Dame de Toutes Grâces au Perreux (Val-de-Marne). Le modeste instrument qu'il touche alors (jusqu'en 1984) a néanmoins une origine intéressante : cet orgue de 5 jeux sur 2 claviers et pédalier est l'instrument autrefois construit et installé par le facteur Gonzalez pour le célèbre coiffeur Antoni Cierplikowski (1884-1976), plus connu sous le nom de « coiffeur Antoine », dans son immense appartement situé près du Trocadéro. Il était entretenu par Jean-Marc Cicchero. Vers la même époque, à partir de 1982, il est nommé titulaire du grand orgue Merklin-Schütze, beaucoup plus important (3 claviers et pédalier, 33 jeux), de Saint-Eugène-Sainte-Cécile à Paris. Il succède-là à Denise Launay et à son départ en 1987 laisse les claviers à Hervé Morin. Mais, c'est avec sa nomination à la cathédrale de Saint-Denis en octobre 1987, après la restauration du grand orgue par Danion-Gonzalez, que sa renommée prend son envol. Le Cavaillé-Coll de cette église (4 claviers et pédalier, 70 jeux), construit en 1841 et d'une réelle valeur historique est en effet connu des organistes du monde entier et Pierre Pincemaille va largement contribuer à sa réputation en invitant, chaque dimanche, des confrères à donner un récital de trois quarts d'heure. Lui-même, concourt à cette renommée, grâce à la parfaite connaissance des possibilités de « son orgue » qu'il sait utiliser au mieux. Ses connaissances approfondies de la registration lui permettent de se « servir de son instrument comme d'un orchestre, en exploitant la richesse sonore issue de la composition », comme il le déclare lui-même en 1989 dans d'un entretien avec la revue L'Orgue (n° 212). Ainsi, lors de l'un de ses récitals dans le cadre du Festival de Saint-Denis en juin 2001, Renaud Machart dans Le Monde souligne cette science de l'improvisation : « [...] il improvise sur le nom de Widor, selon le système anglo-saxon qui fait correspondre une lettre à chaque note de la gamme, une série de variations éblouissantes précédées d'une introduction majestueuse. Chacune des variations fait entendre l'incroyable science de l'organiste, la finesse de ses idées, son invention pourtant sertie dans des « figures obligées » comme la cantilène, le scherzo, la « fileuse » avec, en prime, une variation harmonisée sur les anches à la manière de la Renaissance façon « dancerie de Claude Gervaise. » Concertiste, il a l'occasion de se produire dans le monde entier, tant à travers l'Europe, qu'aux USA, au Canada, en Afrique du Sud, en Russie, en Chine et au Japon, prenant grand soin de présenter lui-même au public les oeuvres jouées ; présentations toujours soignées dans lesquelles transparait sa vaste culture tant générale que musicale.

Organiste liturgique, concertiste, Pierre Pincemaille a été aussi un pédagogue. Il débuta sa carrière d'enseignant comme professeur d'accompagnement au piano au Conservatoire de Poitiers (1980-1984), puis d'improvisation à l'orgue au Conservatoire de Châtellerault (1984-2002) et au CNR de Saint-Maur-des-Fossés (à partir de 2000), et d'écriture (harmonie et contrepoint) au Conservatoire de Saint-Germain-en-Laye (depuis 2002). Il fut également un temps professeur d'orgue au Conservatoire municipal du 17e arrondissement parisien (1987-1998), et d'écriture et d'improvisation au Conservatoire national supérieur de musique de Lyon (2003-2005), avant d'enseigner le contrepoint au Conservatoire national supérieur de musique de Paris à partir de 2005.

Pierre Pincemaille n'a que très peu composé, préférant l'improvisation, car il estime que dans ce domaine l'émotion de l'instant qui surgit est supérieure à la composition dans laquelle on passe son temps à se corriger et se renier. On lui doit néanmoins la composition de Prologue et Noël varié pour orgue (Delatour, 2007), En Louisiane, pour trombone et piano (Delatour, 2004), un Ave Maria pour 4 voix mixtes a cappella (Lyon, A Cœur joie, 2013) et deux transcriptions pour orgue de Stravinsky : L'Oiseau de feu et Petrouchka. Par contre, sa discographie est importante avec de nombreux enregistrements principalement d'œuvres du répertoire français de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. Parmi ceux-ci, citons les intégrales des œuvres pour orgue de Boëly, César Franck, Alexis Chauvet et Maurice Duruflé, les dix Symphonies de Charles-Marie Widor, ainsi que des pages de Vierne, Messiaen, Cochereau et Jehan Alain. Mentionnons encore, avec orchestre, des œuvres de Berlioz (Te Deum pour 3 chœurs et orgue) et Saint-Saëns (3ème Symphonie), ainsi que des Symphonies d'Aaron Copland et Joseph Jongen. Mais ce sont ses huit enregistrements d'improvisation, dont plusieurs réalisés à son orgue de Saint-Denis, qui sont un précieux témoignage de son art, le faisant considérer comme l'un des plus remarquables improvisateurs de sa génération. Le 5 novembre 2017, aux claviers de son Cavaillé-Coll de Saint-Denis, pour fêter ses 30 ans à cet instrument il s'était produit une ultime fois dans un récital au cours duquel il interprétait notamment la Messe de Vierne et la Pièce en sol de Bach. Déjà à bout de force, rongé par un cancer des poumons, il nous quittait deux mois plus tard. Ses obsèques religieuses ont été célébrées le 17 janvier en l'église Saint-Martin à Herblay (Val-d'Oise), et l'inhumation le lendemain en Bretagne, au nouveau cimetière de Tréflez (Finistère). Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres, des Palmes académiques et de l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, il laisse trois enfants, nés de son mariage avec Anne-France Gaudillat, elle-même musicienne et l'une de ses anciennes élèves.

Denis Havard de la Montagne


NOTE : depuis la rédaction de ces lignes Anne-France Pincemaille a fait paraître aux Editions A Cœur Joie 3 œuvres inédites de son défunt mari : un Pater noster (2018) et un Ave verum corpus (2018), pour chœur mixte à cappella (SATB), formant un triptyque avec l’Ave Maria de 2013 et « conçues selon une esthétique directement issue du langage de Debussy, Ravel ou Duruflé », et en 2019 un recueil intitulé Enfantines. Comportant 15 chansons (Gentil Coq’licot, Arlequin, Compère Guillemi, Trois jeunes tambours, Savez-vous planter les choux, Cadet Rousselle, A la claire fontaine, etc…), elles avaient été harmonisées pour ses trois enfants, Claire, Marc et Eric, nés entre 1992 et 1996.


Henri-René Pollin
Henri-René Pollin, à 90 ans
(photo X..., aimablement communiquée par Jean-Marie Paul/Vandoren-Paris) DR.
Henri-René Pollin et Jacques Lancelot
Henri-René Pollin (à gauche) et Jacques Lancelot
(coll. Eric Lancelot, photo aimablement communiquée par Jean-Marie Paul/Vandoren-Paris) DR.

Le saxophoniste Henri-René POLLIN est décédé le 21 janvier 2018, au Grand-Quevilly (Seine-Maritime), à l'âge de 96 ans. Né en 1921 à Troarn (Calvados), il avait effectué ses premières études musicales au Conservatoire de Caen, où il remportait un 1er prix de solfège en 1939 (classe de M. Brousse), un 1er prix de clarinette en 1938 et un 1er prix de saxophone en 1940 dans les classes Fernand Brachet (ex clarinette solo de la Garde Républicaine) qui enseignait ces deux disciplines. Plus tard, après avoir travaillé avec Gaston Hamelin, il obtenait en 1943 un 1er accessit de clarinette au Conservatoire national supérieur de musique de Paris et, après la guerre en 1949, dans ce même établissement un 1er prix de saxophone dans la classe de Marcel Mule, la même année que Jean Ledieu. Son frère aîné, Yves Pollin, mort en 2010 à la veille de fêter son centenaire, fréquentait également à cette époque le conservatoire de Caen : distingué chef de la fanfare « Les Enfants de Troarn », il y avait remporté un 1er prix de cornet à piston (1938), suivi d'un 1er prix de trompette (1939). Néanmoins, il ne fit pas carrière dans la musique, mais devint entrepreneur en couverture et Maire adjoint de Troarn. Un autre frère cadet, Pierre Pollin, né en 1925, fera quant à lui une carrière musicale importante : 1er prix de cornet à piston et trompette en 1941 (classe de M. Bellis) et de solfège supérieur en 1942 (classe de M. Brousse) au Conservatoire de Caen, puis lauréat de trompette en 1954 du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, dans la classe d'Eugène Foveau, il sera trompette solo de l'Orchestre National de France durant 35 ans et professeur au CNSMP.

Si Henri-René Pollin fera une carrière de saxophoniste, il n'en demeure pas moins qu'au tout début de sa carrière il se produisait aussi à la clarinette. C'est ainsi que le 21 août 1942, lors d'un concert de l'harmonie « la Fraternelle », place de la République à Caen, il se produisait en compagnie de Jacques Genvrin, clarinettiste, prix d'honneur du Conservatoire de Caen et 1er prix de celui de Paris, et Pierre Tillard, hautboïste, 1er prix du Conservatoire de Caen, dans des œuvres de Beethoven. Mais, c'est au début de la décennie suivante que commence véritablement sa carrière avec la fondation en 1953, aux côtés de Daniel Deffayet (saxo soprano), Jean Ledieu (saxo baryton) et Jacques Terry (saxo ténor) du « Quatuor de saxophones Deffayet », dont il est le saxophone alto et avec lequel il effectue durant plus de trente ans de nombreuses tournées tant en France qu’à  travers les cinq continents, jusqu'à sa dissolution en 1987. Il est aussi durant 15 ans saxophoniste à la Musique de la Garde Républicaine. Parallèlement à ses activités de concertiste, il se livre à l'enseignement de son instrument, tout d'abord comme assistant de Daniel Deffayet au CNSMP, puis à partir de 1949, comme titulaire de la classe de saxophone au Conservatoire de Rouen, poste qu'il occupe jusqu'à sa retraite. Dans la capitale normande, il dirigera aussi un temps l'orchestre d'harmonie de cette ville, réussissant à l'amener au célèbre et très disputé concours international de Kerkrade (Pays-Bas), le World Music Contest qui se déroule tous les 4 ans. Son implication dans les activités musicales de cette ville a été des plus marquantes, puisqu'il est en outre saxophoniste à l'orchestre du Théâtre des Arts de 1962 à 1989 et l'un des principaux instigateurs en 1991 de l'Association de Gestion des Ecoles de Musique de Rouen, laquelle, encore de nos jours, fait rayonner la musique. Parmi ses nombreuses activités, n'oublions pas son élection, au Congrès extraordinaire de Nantes, de Président du Syndicat National des Enseignants et Artistes (SNEA), reconduit à plusieurs reprises jusqu'en 1983 avant d'en être nommé Président d'honneur, dans les années 1980 sa nomination comme administrateur de la Confédération Musicale de France (CMF) et en 2010, son active participation à la création du « Concours international de clarinette Jacques Lancelot » (membre du Conseil d'administration).

Au sein de sa discographie, notons le coffret de 3 CD EMI avec le Quatuor Deffayet, Marcel Mule et Jean-Marie Londeix (œuvres de Pierné, Désenclos, Rivier, Schmitt, Duboix, Français et Vellones, enregistrées en 1976 et 1979), et chez Erato (MUS 19026) un disque vinyle enregistré en 1970 du Sextuor mystique de Villa-Lobos, avec Maxence Larrieu (flûte), Lucien Debray (hautbois), Turibio Santos (guitare), Lily Laskine (harpe) et François-Joël Thiollier (célesta). Ses obsèques religieuses ont été célébrées le mardi 6 janvier à 14h30 en l'église Saint-Pierre du Grand-Quevilly. Il laisse deux fils, qui, tout comme leur père, effectuent une carrière musicale de talent : Jean-Pierre Pollin, clarinettiste, enseigne son instrument au Conservatoire de Rouen, et Christian Pollin, trompettiste (1er prix en 1978 au CNSMP dans la classe de Maurice André), est membre de l'Orchestre de Chambre de Paris (depuis 1995) et professeur au CRR de Versailles.

Denis Havard de la Montagne


Le 8 février 2018 à Nancy (Meurthe-et-Moselle) est décédé le saxophoniste Jean LEDIEU dans sa quatre-vingt-neuvième année. Ancien du « Quatuor Deffayet » avant de créer son propre « Quatuor Jean Ledieu », il se produisait aussi fréquemment au sein de formations orchestrales, tant en France qu'à l'étranger, mais également et parfois en duo avec son épouse, la pianiste Odile Sordoillet. Parallèlement à ses activités d'interprète, il a longtemps enseigné son instrument à Beauvais, Nancy et à Paris, tout en dispensant des masters class hors de France, notamment au Japon.

Jean Ledieu, fragment cliché Vandoren
(Fragment cliché Vandoren, avec l'aimable autorisation
de M. Jean-Marie Paul/Vandoren-Paris) DR.

Fils de Raymond Ledieu (1902-1996), directeur d'école, instituteur et président fondateur de la Société historique de Breteuil (1984), Jean Ledieu est né le 2 mai 1929 à Breteuil (Oise). Il rejoint la classe de saxophone de Marcel Mule au Conservatoire national supérieur de musique de Paris et obtient un 1er prix en 1949, la même année qu'Henri-René Pollin, son futur collègue au sein du « Quatuor de saxophones Deffayet », disparu lui-même voilà à peine un mois. C'est en 1953 que Daniel Deffayet (soprano) fonde cette formation, en compagnie de Ledieu (baryton), Pollin (alto) et Jacques Terry (ténor). Durant plus de trente ans ce Quatuor effectue de nombreuses tournées tant en France qu’à travers les cinq continents. A sa dissolution en 1987, Jean Ledieu crée alors son propre « Quatuor Jean Ledieu », qui s’impose à son tour, perpétuant l’Ecole française du saxophone, avec Fabrice Moretti (soprano), Denis Bardot (alto) et Philippe Portejoie (ténor), puis en 2000 Yann Lemarié. Jusqu'en 2005, année de sa dissolution, la haute qualité artistique de ce Quatuor lui procure une audience internationale, se faisant ainsi entendre à travers toute l'Europe et au Japon. Son vaste répertoire va du 1er Quatuor, op. 53 (1857) de Jean-Baptiste Singelée aux compositeurs modernes dont il crée bon nombre d'œuvres, entre autres, de Pierre Max Dubois, Claude Pascal, Alain Margoni, Gérard Gasparian, Patrice Sciortino et Trygve Madsen, en passant par des transcription d'oeuvres classiques. On doit plusieurs enregistrements au « Quatuor Jean Ledieu », notamment en 1992 chez le label Opus Records (91 2408-2) avec des pages de Singelée (1er Quatuor), Gabriel Pierné (Introduction et Variations sur une ronde populaire), Claude Pascal (Quatuor de saxophones) et Jean Absil (Suite sur des thèmes populaires roumains, op. 90), et en 2002 chez Polymnie (POL 490 115), avec des œuvres de Roger Boutry (Etincelles), Claude Pascal (Transcription de six fugues de l'Art de la fugue, Quatuor de Saxophones, Scherzetto), Jeanine Rueff (Concert en quatuor) et Robert Planel (Burlesque). Auparavant, avec le « Quatuor de saxophones Deffayet » Jean Ledieu avait déjà gravé d'autres œuvres originales, parmi lesquelles on peut citer en 1975 Alliages d'Antoine Tisné (CBS-Sony SOLN-2), en 1977 Gabriel Pierné/Alfred Désenclos/Jean Rivier/Florent Schmitt (EMI-VSM 2 C 069-14187), en 1979 Jacasserie de René Challan, Cache-cache de Robert Clérisse, Rêves d'enfants d'Edmond Gaujac, Pavane de Fernande Decruck, Valse chromatique, Cavaliers andalous et Les Dauphins de Pierre Vellones (EMI-VSM 2 C 069-16369). Pour le concours de soliste du « Quatuor Deffayet », en février 1962 à la Radio Télévision Française, il avait au programme Variations de Jean-Pierre Rivière, « oeuvre géniale » qu'il mit ensuite dans ses programmes de concerts. De son côté, en 1994 Noël Lancien le sollicitait pour créer son oeuvre écrite à la mémoire de Robert Planel, intitulée Montes Gelboë, pour saxophone et piano. C'est avec son épouse Odile Sordoillet qu'il la créa Salle Rossini à Paris. Au cours de cette même soirée consacrée à la mémoire de Robert Planel, deux oeuvres de celui-ci furent également jouées par le « Quatuor Jean Ledieu ».

Comme musicien d'orchestre, Jean Ledieu aura l'occasion de jouer avec l'Orchestre de l'Opéra de Paris, l'Orchestre National de France, l'Orchestre de Radio-France et l'Orchestre Philharmonique. A l'étranger aussi il est invité par de nombreux autres formations, tels les orchestres de Nuremberg, Berlin, Baden-Baden, Teplice, La Haye. Au sein de toutes ces structures il côtoie ainsi de grands chefs parmi lesquels figurent Igor Markevitch, Jean Martinon, Pierre Boulez, Lorin Maazel, Rafael Kubelik, Hans Rosbaud, Ricardo Muti, Louis Fourestier ou encore André Cluytens, Georges Prêtre et Jeffrey Tate. L'enseignement lui est aussi familier, puisque, parallèlement à ses activités d'interprète, il enseigne à l'Ecole Nationale de Musique de Beauvais, puis aux C.N.R de Nancy et de Paris. Parmi ses nombreux élèves, il convient de citer les saxophonistes Claude Bernard, Jean-Pierre Moncada, Jean-Luc Cocq, Claude Georgel, Jean-Noël Auer, Davy Basquin, Fabrice Moretti, Fabien Chouraki et le Québécois Louis-Noël Fontaine. Parmi ses autres activités de pédagogue rappelons qu'il avait participé activement aux « Dossiers pédagogiques » de la Radio et de la Télévision Scolaires (RTS), diffusés par l'Office Français des Techniques Modernes d'Education (OFRATEME), série « Radiovision », 29 rue d'Ulm à Paris V° : avec Jacqueline Carray-Planel pour la préparation des émissions, c'est lui qui intervint dans les émissions destinées au cycle élémentaire des 5 et 14 mars 1974, 24 février, 2 mars, 9 mars et 16 mars 1976 consacrées au saxophone, au cours desquelles il fit apprécier « la voix chaude et cuivrée de son instrument » en faisant écouter aux jeunes scolaires le Prélude de l'Arlésienne de Bizet, Le vieux château de Moussorgski (extrait des Tableaux d'une exposition), un fragment d'Hary Janos de Kodaly, des fragments du Concerto de Jacques Ibert ; et avec le « Quatuor Deffayet » : La chanson de Grand'maman de Pierné, Cache-cache de Robert Clérisse, La danse du petit nègre de Debussy (extrait de La boîte à joujoux), le début du Menuet de Boccherini et quatre extraits du Quatuor de Claude Pascal.

Mary Prat-Molinier à l'orgue de la cathédrale Sainte-Cécile d'Albi
(photo X...) DR.

On doit encore à Jean Ledieu des éditions d'œuvres contemporaines aux Editions Combre où il est directeur de publication. Dans les « Collections d'oeuvres pour saxophones » : Burlesque de Robert Planel (1998), Fantaisie de Gérard Gasparian (1996), Sonatina « Parsax » de Ferrer Ferran (1997), Partita de Claude Pascal (1999), Caractères de Jeanine Rueff (1999) ; dans la collection « Arc en ciel » : En d'étranges souvenances de Pierre-Yves Level (1997), Etincelles de Roger Boutry (2000), Perruques blanches et Falbalas d'Henri Loche (1999), Jacasserie de René Challan (1997) ; et dans la collection « Saxophone da camera» : Paronymes de Roger Boutry (trio pour clarinette en si b., saxophone ténor et piano, 2006) et 4 Chants vénitiens d'Alain Margoni (pour voix, saxophone ténor ou basson ou clarinette basse en si b. ou cor en fa et piano, 2005).

Ses obsèques se sont déroulées le jeudi 15 février 2018 à la salle omniculte du crématorium de Nancy et un concert-hommage lui a été rendu le 18 juin 2018 à Chantraine (Vosges) par la classe de saxophone du Conservatoire Gautier d'Epinal, l'Ensemble de saxophones de Chantraine et le Quatuor de saxophones Saxinfluences.

Denis Havard de la Montagne


Le mardi 28 août 2018 est décédée Mary PRAT-MOLINIER, âgée de 84 ans. Elle fut titulaire du grand orgue Moucherel de la cathédrale Sainte-Cécile d'Albi entre 1968 et 2011 et tenait également l'instrument de la collégiale Saint-Salvi.

 

Née à Carmaux le 28 août 1934, elle y fut organiste durant dix ans à l'église Saint-Privat (orgue Puget) avant de faire la carrière que l'on sait à Albi.

 

Après un 1er prix de piano au Conservatoire de Toulouse obtenu à l’âge de 16 ans et un apprentissage de l'orgue avec Henri Cabié, titulaire de l’orgue de la cathédrale d’Albi, elle avait étudié à Paris auprès de Marcel Dupré, Gaston Litaize et Maurice Duruflé. Elle obtint également le premier prix de virtuosité de l'Institut Jehan Titelouze de Rouen.

 

Professeur à l'Ecole Nationale de Musique et de Danse du Tarn, elle forma de nombreux élèves.

On lui connaît plusieurs enregistrements, notamment sur l'orgue de la cathédrale d'Albi. On songe, en particulier, aux Noëls de Daquin, mais également à des pièces de Marin Marais, Bach, Corrette, Marchand ou à des œuvres romantiques, enregistrées à Saint-Salvi.

 

Ses obsèques ont été célébrées le jeudi 30 août à la chapelle Saint-Martin d'Albi.

Olivier Geoffroy

Lise ROLLAN (1923-2018)
Page spécifique

Pierre DOURY (1925-2018)
Page spécifique

Alain PETITGIRARD (Alain KREMSKI 1940-2018)
Article dans la section des Prix de Rome.

Scarlatti, 15 Sonates pour le clavecin
(1974, 33 tours vinyle, PHI 6504 119)

Blandine VERLET (1942-2018)

« Fantasque », « sauvage » voici deux adjectifs que bien de ceux qui l'ont approchée utilisaient pour parler de Blandine VERLET, claveciniste, née le 27 février 1942 à Paris, et décédée en cette ville le 31 décembre 2018.

 

Il est vrai que sa personnalité et que sa manière d'être musicienne lui ont permis, après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris avec Marcelle de La Cour, d'y obtenir le premier prix de clavecin en 1963, et ensuite le prix spécial du Concours international de Munich. Cette personnalité et cette façon d'être musicienne lui ont permis de fréquenter des clavecinistes aussi différents qu'Huguette Dreyfus, Ruggiero Gerlin ou Ralph Kirkpatrick tout en gardant, intouchable, cette adaptabilité de son art.

 

Que ce soit dans Haendel, ou Rameau et Couperin (« le Grand » qu'elle appelait « l'Affectueux ») et Rameau, qu'elle a d'ailleurs beaucoup enregistrés, elle déploie un toucher très subtil, jamais brutal, toujours original et qui pourtant, sonne vrai. Il n'y a pas cet aspect marmoréen de musiciens comme Scott Ross, pas de « machine à coudre divine » dans le Wohltemperierte Klavier de Bach, simplement, un art à la fois épuré, ductile, concentré et tellement adapté à la partition. Si cela était permis, on entendrait quelquefois, dans certaines de ses interprétations, le piano de Walter Gieseking dans « son » Bach.

 

Comme tous les très grands, elle a enseigné, si le verbe peut être utilisé. Mais un certain Jean Rondeau qui a vécu son enseignement dès son très jeune âge, nous rapporte que ses indications étaient souvent les mêmes : « sois toi-même », « écoute-toi ».

 

L'écouter donne la sensation rare d'être accompagné dans l'œuvre par une femme et musicienne libre, au goût toujours sûr, sur des chemins de traverse mais par un guide très concentré, dans une absolue liberté de conception et d'exécution. Blandine Verlet, ou l'art des opposés.

Luc Paraire


 


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