Professeur de chant au Conservatoire de Paris, compositeur d’œuvres théâtrales et religieuses, Auguste Panseron est surtout connu pour ses quelque 200 romances très en vogue sous la Restauration, et pour ses ouvrages pédagogiques de solfège et de chant, restés longtemps au programme officiel des conservatoires et autres écoles de musique de France, Allemagne, Italie, Belgique, Espagne… Certains sont même encore utilisés de nos jours, bien que les premières éditions datent de plus de 160 ans! C’est le cas de l’A B C musical ou solfège des enfants, écrit en 1840, édité actuellement chez Durand et chez Combre, et du Solfège d’artiste, écrit en 1842, publié aujourd’hui chez Durand. Il faut souligner que les membres de la Section musique de l’Académie des Beaux-Arts (Chérubini, Auber, Halévy, Carafa et Berton), en personne, avaient largement approuvé et recommandé lesdits ouvrages. dans ses séances des 12 novembre 1840 et 3 décembre 1842.
" Musicien de cœur, dont la carrière est tout un exemple de courage, de persévérance et de noble labeur ", homme d’esprit apprécié de ses élèves et de tout son entourage, Auguste-Mathieu Panseron est né à Paris le 7 floréal an III (26 avril 1795). Son père, Pierre-Louis Panseron, organiste et habile professeur de musique enseignant le chant et l’harmonie, était un ami de Grétry, qui lui confia l’orchestration d’une vingtaine de ses dernières partitions. Panseron père s’était lié à Honfleur avec l’auteur de l’opéra Richard cœur de lion, à l’époque où il tenait les orgues de l’église Sainte-Catherine (1773 à 1780). Grétry, à la santé défaillante, était venu se reposer quelque temps dans cette ville. C’est lui d’ailleurs qui convainquit Pierre-Louis Panseron de s’installer à Paris, où il occupa par la suite les postes d’organiste de l’église Notre-Dame de Lorette et de plusieurs autres églises, tout en donnant des leçons de musique.
Après avoir été initié à la musique par son père, Auguste Panseron, alors âgé de 10 ans, entrait au Conservatoire de Paris en décembre 1805. Dès avril 1806, il reçut un 1er prix de solfège et fut admis ensuite dans la classe de piano de Jadin, ainsi que dans celle de violoncelle de Levasseur. Au début de l’année 1808, il rejoignait celle d’harmonie de Berton, où il remportait un second prix l’année suivante, puis enfin, suivait les cours de composition de Gossec. En 1811 et 1812, il décrochait le second prix de violoncelle et le 1er de fugue, et l’année suivante achevait brillamment ses études musicales avec un Premier Grand Prix de Rome pour sa cantate Herminie. Le 24 octobre 1813, il arrivait à la Villa Médicis, où il travaillait assidûment durant trois années. Au cours de son séjour en Italie, il se rendit notamment à Bologne afin d’y suivre les cours de contrepoint fugué de Mattei. Sa première Messe fut exécutée en 1814 dans l’église française de Rome. En 1816 et 1817 il parcourait l’Allemagne, l’Autriche, où il recevait les conseils de Salieri à Vienne, et la Russie. Au cours de cette période, il écrivit un Requiem et un de Profundis, tous deux à 4 voix, qui furent exécutés en 1817 à l’église française de Vienne, pour l’anniversaire de la mort de Louis XVI, et, se trouvant à Eisenstadt, il occupait durant quelques mois le poste de maître de chapelle à la cour du prince Esterhazy, pour lequel il composait notamment une Messe solennelle. Cette même place avait été tenue, une dizaine d’années auparavant, par Joseph Haydn.
En 1816 à la Villa Médicis, Ingres, qui avait obtenu le Grand Prix de Rome de peinture en 1806 et prolongeait son séjour dans la ville éternelle, réalisa le portrait d’Auguste Panseron tenant un violon ou un alto dans la main. Ce dessin à la mine de plomb (20,3 x 15,2), portant l’inscription : " Ingres à son ami Panseron, Rome 1816 ", a été offert en 1926 au Musée Carnavalet par Mme et Mlle Batbedat, en souvenir du Lieutenant-colonel Batbedat, petit-fils du compositeur, où il est encore conservé de nos jours sous le numéro d’inventaire D.5859.
De retour à Paris au cours de l’été 1818, Panseron se livrait à l’enseignement du chant, tout en remplissant les fonctions d’accompagnateur à l’Opéra-Comique, avant de succéder en 1829 à Halévy à un poste similaire au Théâtre-Italien, qu’il abandonnera d’ailleurs un peu plus tard pour se consacrer exclusivement à l’enseignement au Conservatoire de Paris. Professeur adjoint de solfège (janvier 1826), puis professeur de vocalisation (septembre 1831), et enfin de chant, à partir de janvier 1836, il comptait également parmi les tous premiers membres fondateurs (4 mars 1828) de la Société des Concerts du Conservatoire, en tant que ténor, et en compagnie de Beauvarlet-Charpentier, Fontaine, Gebauer et Vidal fit partie des 5 membres premiers de la section musique de la " Société libre des beaux-arts ", fondée le 18 octobre 1830 à l’Hôtel de Ville de Paris. Il fut également l’un des musiciens attaché à la Chapelle royale de Louis XVIII, de Charles X puis de Louis-Philippe.
Ses occupations au Conservatoire et à l’Opéra-Comique ne l’empêchèrent pas cependant de se livrer à la composition : en 1820 au Théâtre Feydeau fut donné son opéra comique la Grille du parc (un acte), l’année suivante, dans le même théâtre, c’était un autre opéra comique, les Deux cousines (un acte) que l’ont jouait. Un troisième ouvrage en un acte, Le mariage difficile, fut représenté le 19 février 1826 à l’Opéra-Comique et le 4 novembre 1927, un autre opéra-comique en un acte, écrit en collaboration avec Pierre Roll (paroles de Rochefort-Luçay, Hippolyte Lassagne et Gustave Vulpian), l’Ecole de Rome, avait été créée à l’Odéon. A la mort de son professeur Gossec (16 février 1829), on lui réclama un Pie Jesu. Cette page admirable, d’une grande pureté, fut par la suite chantée à plusieurs reprises lors de solennités identiques, notamment aux obsèques de Catel (décembre 1830) et de Louis Nourrit (1831).
Panseron conserva toute sa vie une certaine prédilection pour la musique religieuse, qu’il avait eu l’occasion d’entendre dès sa plus tendre enfance, auprès de son père organiste. On lui doit d’ailleurs dans ce domaine, en plus des compositions déjà mentionnées précédemment, plusieurs autres ouvrages : 7 Messes, des motets divers, des morceaux religieux à 2 voix (Kyrie, Sanctus, O Salutaris, Agnus Dei), un Benedictus, un Magnificat pour mezzo soprano, un Mois de Marie contenant 25 chants religieux latins et français, pour toutes les voix en solos, duos et trios… Pierre Fallouard, l’un des successeurs de Pierre-Louis Panseron à l’orgue de Ste-Catherine de Honfleur, raconte dans " L’Univers musical " du 16 août 1859, qu’un beau jour de septembre 1834 Auguste Panseron lui rendit visite et " ce fut pour lui comme un devoir de piété filiale et de reconnaissance d’élève, de passer ses doigts sur le clavier que son père et son maître [Grétry] avait jadis touché. Il y improvisa quelques-unes de ces délicieuses mélodies que l’âme trouve et que le talent n’invente pas, animé qu’il était par l’image de son père et de Grétry… "
Mais, curieusement, la réputation d’Auguste Panseron sera due en grande partie à ses nombreuses romances, barcarolles et chansonnettes : plus de 200 vont être composées entre 1825 et 1840 et plusieurs imprimées à l’étranger : Londres, Italie, Allemagne. Parmi celles qui ont rencontré un grand succès citons plus particulièrement : Ramons vers le rivage, l’Anglaise à Paris, le Songe de Tartini, Malvina, la Nouvelle Nina, Valsons encore, Louise, Petit blanc, Demain on vous marie, la Fête de la Madone, Au revoir, Appelez-moi, je reviendrai… Ecrites sur des paroles d’Emile Barateau, Ambroise Bétourné, Paul de Kock, le chevalier L. Lacour, H.T. Poirson, Casimir Delavigne, Frédéric de Courcy, elles sont principalement publiées à Paris, chez Schonenberger (10, bd Poissonnière), Troupenas (23, rue St-Marc Feydeau), Meissonnier (22, rue Dauphine) ou Schlesinger (97, rue de Richelieu)… Ce genre musical, très en vogue sous la Restauration, ravissait le public. Les compositeurs de cette époque, Charles Plantade, Antoine Romagnesi, Amédée de Beauplan, Edouard Bruguière, Pauline Duchambge, Félix Blangini, excellaient dans la production. Des périodiques musicaux destinés au grand public fleurissaient du jour au lendemain : " L’Abeille musicale ", journal de chant composé de 24 romances ou nocturnes par an (Romagnesi), " La Mélodie ", journal de chant (Schlesinger), " Le Troubadour des salons ", journal de chant avec accompagnement de piano ou harpe (Meissonnier)… A la fin de la Restauration et au début de la Monarchie de Juillet, on ne pouvait se rendre dans une salle de concerts ou dans un salon parisien sans y entendre une œuvre de Panseron ; tel jour au Théâtre du Gymnase-dramatique du boulevard Bonne-Nouvelle, Bord, premier hautbois de l’Académie royale de musique, accompagnait Champein dans deux romances de Panseron. Un peu plus tard dans cette même salle de spectacle Cambon chantait la Petite sœur et se produisait également à l’Athénée Musical de l’Hôtel de Ville (salle St-Jean), au Théâtre de la Porte St-Martin et à la " Société libre des beaux-arts " avec d’autres romances de Panseron (Emma, Philomèle, Hélas! le verras-tu jamais?). Tel autre jour au Théâtre des Nouveautés, situé près de la Bourse, au coin de la rue des Filles de Saint-Thomas, ainsi qu’au Théâtre du Vaudeville implanté à l’angle des rues de Chartres et de St-Thomas du Louvre on applaudissait Thénard, de l’Opéra-Comique, qui interprétait le Rossignol et J’entends au loin sa chansonnette. Au Théâtre des Variétés du boulevard Montmartre, on donnait une cantate de Panseron, Le Chien du Louvre, écrite sur des paroles de Casimir Delavigne (27 août 1831). A la même époque Dabadie chantait le Soldat polonais au Cirque Olympique du boulevard du Temple et à la Salle Taitbout, on pouvait entendre des Variations de notre compositeur exécutées au basson par Preumayer. Auguste Panseron, associé à Joseph Guillou, écrivait aussi des Fantaisies et autres Nocturnes sur des thèmes de Rossini (Schlesinger), pour flûte et piano, qui rencontrèrent également un réel succès. Il se produisait même en public, notamment aux concerts de la " Société académique des enfants d’Apollon ", aux Salons Petzold , Erard, de Pape, au Grand Salon d’Apollon, où il chantait ses propres romances !
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A B C musical, dédié aux Mères de Famille, ou solfège avec accompagnement de Piano, composé expressément pour sa petite fille, par A. Panseron, professeur de Chant au Conservatoire. Paris, 4ème édition, vers 1850 ( coll. B.H.M. )
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A B C musical ou solfège par A. Panseron. Nouvelle édition revue et augmentée par Laurent de Rillé. Paris, chez E. Gallet, rue Vivienne, 1905 ( coll. B.H.M. )
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Auguste Panseron se consacra ensuite à la rédaction de plusieurs traités de solfège, de chant, d’harmonie et de composition musicale qui lui valurent, là encore, un solide succès à travers toute l’Europe. Ses ouvrages étaient estimés, non seulement par ses pairs et ses élèves, mais également par l’Institut de France, par le ministre de l’Instruction publique qui les recommandait " pour les classes primaires, normales, secondaires et les grands Collèges " et par Monseigneur l’archevêque " pour les Séminaires et les Couvents ". Auber, alors directeur du Conservatoire de Paris, l’appelait " l’habile théoricien " (10 novembre 1854), Chérubini, membre de l’Institut, écrivait à Panseron à propos de son A B C musical : " C’est, Monsieur, un nouveau service dont l’art vous est redevable " (10 août 1840) et Fétis, alors maître de chapelle du roi de Belgique et directeur du Conservatoire royal de musique de Bruxelles : " Je vous félicite, Monsieur, sur ce travail, dont le succès me paraît certain, et qui est un nouveau service rendu par vous à l’art " (12 septembre 1840). Meyerbeer en 1839, parlant de sa Méthode de vocalisation, lui déclarait " L’approbation des grands maîtres, exprimée d’une manière si éclatante par eux à la tête de votre ouvrage, vous rend tout autre suffrage superflu ; mais puisque vous voulez bien aussi désirer le mien, je vous assure qu’il vous est entièrement acquis ". Le 5 février 1844, Rossini adressait à Auguste Panseron cette lettre d’approbation en ces termes : " Mon cher ami, ainsi que je l’ai promis à mon dernier voyage à Paris, j’ai fait adopter vos excellents ouvrages de chant au Conservatoire de Bologne, ouvrages que je regarde comme devant être d’une grande utilité aux élèves de la carrière théâtrale ; je fais en cela que rendre justice à votre mérite qui sera toujours apprécié par votre affectionné. "
Le catalogue des œuvres didactiques de Panseron est vaste, néanmoins voici la liste des principaux ouvrages ayant obtenu un succès mérité, édités et disponibles chez tous les marchands de musique et chez l’auteur :
Méthode de vocalisation pour soprano et ténor (en deux parties), dédiée à son ami Ponchard ; pour mezzo soprano, dédiée à son ami Rossini ; pour basse-taille, baryton et contralto (en deux parties), dédiée à son ami Levasseur. Editées en plusieurs volumes à partir de 1839, " A Paris, chez l’Auteur, 21, rue Hauteville, et chez tous les Marchands de Musique de la France et de l’Etranger ".
Solfège en quatre volumes : N°1 – A B C musical, avec accompagnement de piano, " à l’usage des Commençants et surtout des Enfants, dédié aux Mères de Famille, composé expressément pour sa petite-fille ". N°2 – Suite de l’A B C musical, avec accompagnement de piano. " Ce solfège est plus difficile que le précédent, et monte jusqu’au fa, une tierce au-dessus ". N°3 – Solfège à deux voix, avec accompagnement de piano, " qui peut être également chanté par deux voix de femmes ou deux voix d’hommes ". N° 4 – Solfège d’artiste, ou complément de l’art de la lecture musicale, en deux parties, contenant une série de leçons progressives pour chaque clef. Ces volumes ont été édités à partir de 1840, " A Paris, chez l’Auteur, 21, rue Hauteville, et chez tous les Marchands de Musique de la France et de l’Etranger ", ainsi que chez Boosey (Londres), Nacher (Bruxelles), en Espagne et au Portugal. L’ A B C musical et sa Suite, constamment réédités, notamment par N. Clifford (nouvelle édition anglaise, 1908) et Laurent de Rillé qui en a effectué une nouvelle édition revue et augmentée (Paris, 1905, chez E. Gallet, successeur de Colombier) et plus récemment par Combre (C05171 et P00497) et Durand, sont de nos jours encore utilisés par de jeunes élèves. Il en est de même pour le Solfège d’artiste (Durand) !
Solfège complet pour voix de basse-taille et baryton, dédié à S.A.R. Monseigneur le Duc de Nemours. " cet ouvrage est non seulement indispensable aux élèves chanteurs qui possèdent une voix grave, mais encore très utile aux artistes qui s’occupent du piano, de l’orgue, du violoncelle, de la contre-basse, du trombone, du basson. : car on ne peut rien exécuter sur tous ces instruments sans savoir parfaitement la clef de fa 4e ligne. " Edité " A Paris, chez l’Auteur, 21, rue Hauteville, et chez tous les Marchands de Musique de la France et de l’Etranger ".
Solfège concertant à 2, 3 et 4 voix, en trois parties, " A l’usage des orphéonistes, des classes d’ensemble et des pensions ".
Solfège du pianiste (1845), approuvé par Zimmerman et Kalkbrenner.
Solfège du violoniste (1845), approuvé par Habeneck et Charles de Bériot.
Traité de l’harmonie pratique et des modulations à l’usage des pianistes, en trois parties : Traité d’Harmonie, L’Art de moduler, Devoirs à faire par les élèves (Paris, Brandus, 1855).
25 Vocalises faciles et progressives pour mezzo soprano, précédées de 25 Exercices (1845).
25 Vocalises et 25 Exercices progressifs pour basse-taille, baryton et contralto.
12 Etudes spéciales, précédées de 12 Exercices pour soprano ou ténor.
12 Etudes spéciales, précédées de 12 Exercices pour basse-taille, baryton et contralto.
La carrière artistique de Panseron et surtout sa grande réputation acquise par la qualité de ses ouvrages didactiques, traduits dans toutes les langues et adoptés dans tous les conservatoires de France, lui valurent les honneurs officiels de plusieurs nations, notamment la France qui lui décerna la Légion d’honneur, les Pays-Bas l’Ordre de la Couronne de chêne de S.M. le Roi et la Prusse l’Ordre de l’Aigle-Rouge de S.M. le Roi.
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Signature autographe d'Auguste Panseron
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Le 29 juillet 1859 à Paris, après quinze jours de souffrance que rien ne pouvait calmer, la mort " emportait sous sa faux inflexible " Auguste Panseron. Il était atteint par le muguet (mycose buccale causée par des levures), formant " une excroissance dont il n’est pas possible d’arrêter les progrès, qui prend racine à la gorge et finit par fermer toute issue à la respiration " (La France musicale, 7 août 1859). Le dimanche 31 juillet, suivies par une foule d’amis voulant rendre hommage au " musicien tant aimé et tant regretté ", étaient célébrées ses obsèques en l’église Saint-Eugène, dont la construction par l’architecte Lusson venait tout juste de s’achever. Renaud de Vilbac, également lauréat du Prix de Rome de composition musicale (1844) était l’organiste titulaire du grand orgue Merklin-Schütze(1855). Au cours de la cérémonie religieuse, on chanta un de Profundis , un Pie Jesu du défunt, et un Angus Dei de Stradella. " Les coins du poêle ont été tenus successivement par MM. Auber, Halévy, Ambroise Thomas, Edouard Monnais, Javel et le baron Taylor. Un grand nombre de célébrités littéraires et artistiques suivaient le convoi ". L’inhumation eut lieu au cimetière du Père-Lachaise, après que le baron Taylor, président du Comité des Artistes Musiciens, Edouard Monnais, commissaire près les théâtres royaux et lyriques au ministère d’Etat (au nom du gouvernement) et Antoine Elwart, professeur d’harmonie au Conservatoire de Paris (au nom du Conservatoire) eurent prononcé " de touchantes paroles d’adieu ". Le premier termina son discours en ces termes : " Que l’éclatant témoignage de nos sympathies et de notre vive amitié soit une consolation pour la famille de Panseron. Sa mémoire sera éternellement vénérée parmi nous ; son souvenir vivra partout où les arts ont une confraternité, où les beaux-arts ont un culte. "
Denis HAVARD DE LA MONTAGNE
1814
Pierre ROLL (1788-1851)
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Signature de Gaspard Joseph Roll apposée le 5 octobre 1787 sur l'acte de baptême de son fils Pierre, né le même jour. ( Saint-Maixent, paroisse Saint-Saturnin ) DR
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Né à Saint-Maixent (aujourd'hui Saint-Maixent-l'Ecole, département des Deux-Sèvres) le 5 octobre 1787, Pierre-Gaspard Roll est issu d'une famille originaire de Suisse. Ses grands-parents, Jean-Baltazar Roll et Marie-Magdelaine Michel, tous deux nés vers 1720 et décédés avant 1786, habitaient à Glaris, chef-lieu du canton du même nom. Dominé par la vallée de la Linth, ce canton montagneux, où l'allemand est la langue officielle, a pour saint patron Saint Fridolin (mort en 540), représenté en pèlerin sur le blason dudit canton. C'est probablement au cours des années 1770 que le père de Pierre, Gaspard-Joseph Roll "Maître pâtissier et traiteur", en compagnie de ses cousins germains Frédéric Roll, traiteur et Jean-Baptiste Roll, marchand bijoutier, émigre en France pour s'installer dans la région du Poitou : Frédéric (vers 1742-1812) à Saint-Maixent, où il épouse en 1792 Radegonde Brisson qui lui donne au moins 2 enfants (Charles-Frédéric et André) ; Jean (vers 1744-1802) à Poitiers où avant la Révolution il est marchand bijoutier, "suisse de Mr le Marquis de la Bourdonnaye comte de Blossac, intendant de la paroisse Notre-Dame de la Chandelière" et plus tard receveur des octrois, qui se marie en 1782 à Magdeleine Duvivier des Marais, d'où 8 enfants parmi lesquels Joseph Roll (1790-1863), capitaine de cavalerie, chevalier de la Légion d'honneur et médaillé de Sainte-Helène. Quant à Gaspard, il se fixe également à Saint-Maixent, mais va chercher femme à L'Isle-Jourdain (Vienne) où il épouse le 20 novembre 1786 Marie-Anne Duchesne, née vers 1762 dans cette commune, fille du maître d'école Antoine Duchesne et de Suzanne La Forge : ce sont les parents de Pierre et de son frère Joseph, né vers 1793, "employé des impôts indirects" à Poitiers, qui épouse dans cette ville en 1815 Catherine Girault.
C'est en 1801, à l’âge de 12 ans, que Pierre Roll entre au Conservatoire de Paris. Il y étudie notamment la contrebasse et fréquente les classes de composition de Berton et de Reicha qui l’amènent à l’obtention d’un premier second Grand Prix de Rome en 1813 avec la cantate Herminie (paroles de Vieillard). L'année suivante, il concourt à nouveau et remporte cette fois le Premier Grand Prix avec la cantate à grand orchestre Atala (paroles de Vieillard également). Après son séjour de 5 années à Rome et à Naples (janvier 1815 à décembre 1819), il retourne à Paris où il arrive au début de 1820 et écrit un grand opéra : Ogier le Danois. Mais, bien que destiné à l’Académie royale de musique cet opéra ne sera jamais joué! Il ne parvient seulement à faire représenter qu'une autre de ses oeuvres : L'Ecole de Rome (opéra-comique en 1 acte, écrit en collaboration avec Auguste Panseron, sur des paroles de Rochefort-Luçay, Hippolyte Lassagne et Gustave Vulpian) au Théâtre de l'Odéon le 4 novembre 1826, qui n'eut d'ailleurs guère de succès!
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Maison de la rue de Saint-Cloud à Ville-d'Avray, propriété de Pierre Roll de 1835 à 1851, actuellement occupée par la municipalité ( photo X... ) DR
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Successeur de Gide comme contrebasse à la Société des Concerts du Conservatoire à partir du 6 février 1829, il doit cependant résigner ses fonctions le 17 novembre 1844 pour des raisons de santé et se retire dans sa maison de Ville-d’Avray, près Paris. Située rue de Saint-Cloud, cette propriété avait été construite en 1812 par l'homme de lettres François Ducray-Duminil (1761-1819), auteur de romans populaires très en vogue à l'époque : L’Enfant de la forêt (1796), Coelina ou l’Enfant du mystère (1798), Jean et Jeannette ou les Aventuriers parisiens (1816)...) et son épouse Catherine Lair. A la mort de son mari, celle-ci convolait en secondes noces (1821) avec Pierre Roll, mais une quinzaine d'années plus tard (1835) elle rendait l'âme à son tour, après avoir légué sa maison à son second mari.
Le 20 février 1844 à Ville d'Avray, Pierre Roll épouse en secondes noces une jeune-femme de 24 ans, Henriette Trousseau. Née le 23 mai 1820 à Poitiers, fille de Joseph-Pierre Trousseau, ancien militaire, et d'Elisabeth Duchesne, elle hérite de la propriété de Ville d'Avray à la mort de son époux arrivée sept années plus tard, mais la met bientôt en vente et part s'installer à Blois. En 1855, la municipalité achète cette maison pour y installer ses locaux qu'elle occupe encore de nos jours.
Pierre Roll est mort le jeudi 20 février 1851 à deux heures et demie du matin, en son domicile parisien de la rue de Trévise (n° 47), dépité de n’avoir jamais pu donner l’œuvre de sa vie, Ogier le Danois. La déclaration en mairie est effectuée par Bernard Seurre (1795-1867), "statuaire", âgé de 55 ans, domicilié 13 rue de l'Est à Paris, Prix de Rome de sculpture en 1818, auteur notamment du bas-relief "La bataille d'Aboukir" sculptée sur l'Arc de Triomphe et de la statue de Molière érigée devant l'Opéra de Paris, et par Joseph Henri du Bois de Péan, propriétaire, âgé de 31 ans, domicilié 15 rue de Vintimille à Paris, "cousin du défunt".
Signalons ici que François Roll, né le 17 septembre 1838 à Cernay (Haut-Rhin), qui fréquente à Paris, au début des années 1870, l'Ecole de musique classique et religieuse de Niedermeyer et que l'on retrouve dès 1875 professeur de musique au Collège d'Ecouis (Eure), puis en 1898 épicier aux Andelys (Eure), n'a pas de parenté avec Pierre Roll. Sa famille est originaire de la ville de Cernay en Alsace.
Denis Havard de la Montagne 1
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1) Nos remerciements à Mme Dominique Claudius-Petit, Présidente de la "Société des Amis du Musée de Ville-d'Avray" pour ses recherches concernant la date de décès de Pierre Roll et l'historique de la maison de la rue de Saint-Cloud.
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1815
François BENOIST (1794-1878)
Article et catalogue sur une page spécifique.
1816
Pas de premier prix
1817
Désiré-Alexandre BATTON (1798-1855)
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Désiré-Alexandre Batton en 1850. Mine de plomb de Ternu, graveur, 4 mars 1871, d'après un médaillon de Francisque-Joseph Duret de 1850. ( B.N.F. )
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Désiré-Alexandre Batton (Paris, 1798 - Versailles, 1855), élève de Chérubini au Conservatoire de Paris, remporta le Premier second Grand Prix de Rome en 1816 avec la cantate La mort du Tasse (paroles d'Etienne de Jouy) - pas de Premier Grand Prix décerné cette année-là -, puis, l'année suivante le Premier Grand Prix avec la cantate La Mort d'Adonis (paroles de Jean-Antoine Vinaty). Ses opéras Le Prisonnier d'État et Le Camp du drap d'or, donnés au théâtre Feydeau et La Marquise de Brinvilliers, représenté à l'Opéra-Comique le 31 octobre 1831, remportèrent peu de succès. Il abandonna alors la composition pour se consacrer à l'enseignement. Nommé inspecteur des écoles de musique de France en 1842, il fut chargé ensuite (1849) de la classe d'ensemble vocal du Conservatoire de Paris. On lui connaît également d'autres opéras : Velleda (1820), Ethelvina (1827) et Le Remplaçant (1837) qui furent boudés par le public parisien. Parallèlement à ses activités musicales, Batton dirigea durant longtemps la fabrique de fleurs artificielles fondée par son père.D.H.M. (notes provisoires)
Désiré-Alexandre Batton, devoir de Fugue à 4 voix pour le concours de Rome 1816 (coll. BnF/Gallica).
La partition en format PDF.
Fichier audio par Max Méreaux (version pour quatuor à cordes) DR.
1818
Pas de premier prix
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Signature de Fromental Halévy
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1819
Fromental HALÉVY
Page spécifique
Jean MASSIN dit TURINA (1793 - app. 1865 )
Page spécifique
Toussaint POISSON (1797-1861)
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Toussaint Poisson en 1837
(dessin de Cals, lithographie de Lemercier, Bernard et Cie, coll. BNF/Gallica)
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Signature autographe de Toussaint Poisson, 1846
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Voici encore un lauréat
du Prix de Rome sur lequel on sait peu de choses étant
totalement oublié des dictionnaires de musique, en dehors de
Pougin, qui, en 1872 dans le supplément à la Biographie
universelle des musiciens de Fétis lui accorde tout juste
quelques lignes. Néanmoins de récentes recherches nous
ont permis d'en savoir davantage.
Né à Paris
le 20 prairial an V (8 juin 1797), fils de René Poisson et de
Louise-Angélique Deloyen, Toussaint-René Poisson a
effectué ses études musicales au Conservatoire de
Paris, notamment dans la classe de composition de Berton, où
il remporte un second prix en 1819, derrière Halévy.
Cette même année, il décroche un premier Second
Grand Prix de Rome pour sa cantate Herminie, à nouveau
derrière Halévy, et Massin. A cette époque, il
est domicilié 18 rue des Cinq diamants à Paris, dans
l'actuel 13e arrondissent, avec ses soeurs Angélique (Mme
Alexis Duriez en 1822) et Augustine (Mme Simon Salandrin en 1826). Le
29 mars 1838, à l'église Saint-Thomas-d'Aquin il épouse
Louise-Virginie Delarsille. A cette époque, années
1820-1830, un certain « Poisson », dont le
prénom n'est pas connu, est contrebasse à l'orchestre
du l'Opéra Italien de la rue de Louvois (cité dès
1817), avant d'y être nommé surnuméraire après
Michu le 1er janvier 1826, puis à l'orchestre de l'Opéra
où il remplace Hoffmayer retraité le 1er juillet 1830.
Ce Poisson occupe toujours ce pupitre 1848. Peut-être faut-il y
voir ici notre Toussaint Poisson ?
Parallèlement à
une carrière d'enseignant, Toussaint Poisson s’est
principalement consacré à la musique religieuse avec
des messes, motets et cantiques. En 1835, un journal musical
écrivait : « On sait que M. Poisson est un des
compositeurs qui comprennent le mieux la musique d'Eglise et que ses
productions sacrées jouissent depuis longtemps d'une grande
estime dans le monde musical » et l'année suivante
ce même journal disait : « Les
compositions religieuses de M. Poisson font accroître de
jour en jour une célébrité qu'accrédite
le haut rang que ce compositeur occupe dans ce genre. » On
lui connaît en effet une collection en plusieurs livraisons de
Chants sacrés ou Nouveaux Airs de Cantiques à une ou
plusieurs voix (ad libitum) à l'usage des Paroisses, des
Maisons religieuses, des Institutions et des Ecoles de musique
(Paris, 1833, chez l'auteur, rue
des Cinq Diamants, n° 18, et chez Lemoine, marchand de musique,
rue de l'Echelle, n° 9), un Magnificat pour trio et
choeur (id., 1834), un
Ave verum à 3 voix égales (id.,
1834), une Messe solennelle à trois voix
égales ou inégales (ad libitum) avec accompagnement de
piano ou d'orgue (id.,
s.d.) qui devait être exécutée le
dimanche 7 juin 1835 à Saint-Eustache, mais ne le fut point
car « le curé de cette paroisse ayant refusé
la participation des voix de femmes aux chants sacrés du
compositeur. Un grand nombre de fidèles et de dilettanti ont
été vivement désappointés, grâce à
cette petite intolérance religieuse » [Le
Ménestrel, 14 juin 1835], un Ecce Panis à 3
voix égales (id., 1835), un Regina coeli « très
remarquable » publié pour les Fêtes de Pâques
1836 (id.), un Salve Regina pour choeur à 3
voix égales ou inégales (ad libitum) et soli,
avec accompagnement de piano ou d'orgue, paru la même année
(id.) et dont la presse mentionnait plus particulièrement
« cette musique riche d'harmonie et de mélodie »,
Trois chants sacrés : 1. Ode à la
solitude, 2. Psaume 67, Exurgat Deus, 3. Psaume 136,
Super flumina Babylonis (id.),
un Pater noster à
3 voix égales, avec accompagnement de piano ou d'orgue (id.),
un motet Inviolata,
avec accompagnement de piano ou orgue (id.),
et un Tantum ergo,
motet au Saint-Sacrement à une voix, avec accompagnement de
piano ou d'orgue (id.).
Plus tard, en 1846 paraissaient chez l'auteur, alors domicilié
36 barrière du Roule, et en même temps chez l'éditeur
parisien Mme Canaux, rue Sainte-Appoline, un Mois de Marie,
8 morceaux en choeur à 3 voix égales ou inégales
(ad libitum) avec
accompagnement de piano ou d'orgue, et trois motets : Stabat
Mater, à grand choeur
avec soli et accompagnement de piano ou orgue, Veni creator
(solennel), pour choeur à 3 voix et soli, avec accompagnement
de piano ou d'orgue, Quemadmodum desiderat,
motet au Saint-Sacrement tiré du Psaume 41, pour choeur à
3 voix égales ou inégales (ad libitum),
et à la même époque, chez l'éditeur
Lemoine, un Te Deum,
choeur à 3 voix égales ou inégales, avec
accompagnement de piano ou d'orgue, ainsi qu'un Salut
solennel pour choeur à 3
voix égales ou inégales, avec accompagnement de piano
ou orgue.
Ses Chants sacrés
ou Nouveaux Airs de Cantiques furent appréciés et
recommandés par les autorités religieuses, puisque
L'Ami de la religion, journal ecclésiastique, politique et
littéraire, dans
son édition du samedi 2 mars 1833, publiait cette nouvelle :
On
lui connaît également quelques romances pour chant et
piano, genre musical très en vogue sous l'Empire et la
Restauration : L'Etranger,
paroles de A. Betourné (Paris, I. Pleyel, s.d.), L'Impatience,
paroles du même (id.), La Paix du coeur,
paroles du même (Paris, Lemoine, s.d.), Les Ruines de
Coucy, paroles de V. Cholet
(Paris, Pleyel, s.d.), et, avec la collaboration pour la musique de
A. Roque (chef d'orchestre du Théâtre-Français),
une opérette en 1 acte, avec trois divertissements, Fra
Diavolino, sur un livret de
Amédée de Jallais et Charles Bridault, donnée à
Paris, au Théâtre des Folies-Nouvelles (actuel Théâtre
Déjazet), le 4 décembre 1858.
Mais, Toussaint Poisson
s'est principalement consacré à l'enseignement.
Professant le piano, le chant et la composition en leçons
privées, le 19 décembre 1837 il ouvre des cours
d'harmonie au 14 de la rue des Saints-Pères, qu'il dispense
suivant sa méthode ; le prix du cours est alors de 25 francs
par mois ou 120 francs pour la durée d'un cours de six mois.
L'année suivante, Le Ménestrel du 8 juillet 1838
nous apprend que « les résultats obtenus cette
année dans les cours d'harmonie de M. Poisson sont des plus
remarquables. Ce savant professeur, grâce à son
ingénieuse méthode, a fait des élèves de
première force dans l'espace de six mois. Un magnifique local,
passage Sainte-Marie, 2, ou rue du Bac, 58, est disposé pour
la réouverture de ces cours, qui se feront à l'époque
de la Toussaint. » Devant le succès rencontré
dans ses cours il publie en 1839 un Traité d'Harmonie
intitulé précisément L'Harmonie dans ses
plus grands développements, présentée sous un
jour entièrement nouveau, ou Théorie de Composition
musicale tellement simple que les plus jeunes Elèves peuvent
en très peu de tems (sic)
devenir habiles harmonistes (Paris,
chez l'Auteur, rue des Cinq Diamants,18, ou Rue St Martin, 29, 133
pages). L'Avant-propos
de cet ouvrage nous renseigne sur la méthode de son auteur :
« Les
difficultés qu'à présentées jusqu'à
nos jours l'étude de l'Harmonie étaient bien faites il
faut le dire avec raison pour dégoûter les personnes les
plus désireuses de se livrer à la connaissance de cet
art. Frappé de cette vérité, et persuadé
que des moyens devaient exister pour rendre ce travail court et
facile, je me suis mis à l’oeuvre sans autre intention
d'abord que de satisfaire mon goût pour ces recherches
importantes, et d'aider autant qu'il serait en mon pouvoir aux Elèves
qui ont bien voulu se confier à moi pour que je leur
transmisse ces connaissances. Mais plus tard ces mêmes élèves
et un grand nombre d'artistes distingués m'ayant sollicité
de mettre cet ouvrage au jour, en me persuadant qu'il serait d'une
grande utilité pour les amateurs, je me suis déterminé
à le faire paraître non avec cette conviction, mais bien
pour répondre à leurs instances amicales, et pour payer
à cet art auquel je me suis voué, le tribut de mes
veilles et de mes observations .
« J'ai donné
à cet ouvrage le titre d'harmonie dans ses plus grands
développements, présentée sous un jour
entièrement nouveau, parce qu'en effet tout y est traité
depuis la plus petite chose jusqu'à la plus importante,
d'après un système qui n'a rien de commun avec ceux
connus jusqu'ici : ce système est contenu tout entier dans
trois accords : la tonique, la dominante, et la
sous-dominante ; tout se réduit là en Harmonie,
car il est certain qu'on peut accompagner toute espèce de
morceaux de musique, depuis la première note jusqu'à la
cadence finale, rien qu'avec ces trois Accords. C'est cette donnée
simple par elle même qui m'a fourni la pensée de faire
rapporter tout à ce point central, et c'est le développement
de ce même principe qui forme la base de ce traité.
« Je me suis
attaché dans le cours de cet ouvrage, non seulement pour
l'ordre de mon travail, mais encore pour aider à
l'intelligence des élèves, à présenter
d'abord l'Harmonie simple et naturelle, puis progressivement
l'Harmonie la plus recherchée .
« De même
que dans tous les traités de Composition, j'ai fait usage des
chiffres ; seulement, je ne leur ai pas donné à
beaucoup près l'importance qu'on leur à attribuée
jusqu' à présent, si bien, que je ne m'en serais même
pas servi, si je n'eusse pensé devoir le faire pour me mettre
en rapport avec les personnes qui en auraient rencontré, ou
qui en rencontreraient ailleurs, afin qu'elles n'y soient pas
étrangères . Hors le très faible avantage qu'on
trouve dans les chiffres, de pouvoir se rendre compte numériquement
de se qu'on à fait, leur inutilité est évidente
maintenant qu'ils sont arrivés à être
insuffisants pour remplacer les accompagnements devenus presque des
symphonies à eux seuls ; en effet, s'il fallait accompagner
tous nos opéras modernes seulement avec la basse chiffrée
en remplacement de l'orchestre, où en serait-on? Par suite du
peu d'utilité que je reconnais à ces chiffres, les
élèves d'après cette Méthode n'auront
plus besoin d'en apprendre la nomenclature longue et ennuyeuse, outre
cela, ils ne perdront plus un temps infini à écrire de
l'Harmonie sur des basses chiffrées, travail entièrement
inutile, car la difficulté n'est pas de mettre de l'Harmonie
sur une basse où tout ce qu'il faut faire est indiqué
par des chiffres, mais bien d'établir soi même le choix
des Accords.
« On pourra
trouver cet ouvrage un peu volumineux pour une théorie que je
présente comme très simple, il est vrai que j'aurais pu
le réduire de beaucoup en me bornant à ne donner que
des règles générales, mais j'ai tenu à
entrer dans une foule de détails pour que mon ouvrage fut
complet jusque dans ses moindres parties ; j'aurais pu aussi le
diminuer en élaguant quantité d'exemples dont
pourraient peut être se passer les personnes qui indépendamment
de ce traité, auraient encore un maître pour les
diriger, mais qui deviennent très utiles à celles qui
veulent se livrer seules a l'étude de cet art. »
|
Traité d’harmonie, 1839
(BNF/Gallica)
|
Quelques années plus
tard (1844), T. R. Poisson publiait une suite à son Traité
d'Harmonie intitulée : De la Basse sous le chant, ou
l'Art d'accompagner la Mélodie et du Contrepoint et de la
Fugue, Suite et complément à l'Harmonie dans ses plus
grands développements, présentée sous un jour
entièrement nouveau (Paris, chez Mme Veuve Canaux, Editeur
de musique, rue Ste Appoline 15, et chez l'Auteur, barrière du
Roule, 36, 164 pages), avec cet Avant-propos titré « Quelques
lignes pour servir à l'intelligence de la Basse sous le
chant » :
« En mettant
au jour LA BASSE SOUS LE CHANT
OU L'ART D'ACCOMPAGNER LA MELODIE, je ne fais que remplir un
engagement que j'ai contracté envers le public, lors de
l'apparition de mon Traité d'Harmonie sous le titre de
l'HARMONIE DANS SES PLUS GRANDS DEVELOPPEMENTS, PRÉSENTÉE
SOUS UN JOUR ENTIÈREMENT NOUVEAU, seulement aurais-je dû
le lui livrer plutôt, si je n'avais pas été
arrêté dans mon travail par des difficultés sans
nombre dont j'étais loin de prévoir l'existence.
« Il n'est pas
nécessaire de dire que cet ouvrage qui fait suite à ce
Traité d'Harmonie est aussi une création entièrement
nouvelle et que jusqu'à nos jours, malgré son extrême
nécessité personne n'avait essayé ou pensé
entreprendre ; si j'ai conçu l'idée et si je l'ai mis a
exécution, je l'avouerai, c'est par le souvenir du plaisir que
j'aurais eu moi-même lors de mes études musicales, et je
crois que les amateurs doivent ressentir aussi, de rencontrer un
ouvrage comme celui-ci, c'est-à-dire un ouvrage qui traitât
spécialement de l'art de mettre la Basse sons le chant.
« Il me
suffira de dire que pour bien comprendre cette suite ou seconde
Partie, il est important d'en connaître la première,
sans quoi, il faudrait entrer dans une foule d'explications qui ne
seraient que des répétitions de ce qui a déjà
été dit; ainsi on va entrer ici en matière
sachant qu'il n'y a que TROIS ACCORDS dans tout le système
harmonique, l'ACCORD PARFAIT dit TONIQUE, l'accord de DOMINANTE, et
celui de SOUS-DOMINANTE, que l'ACCORD PARFAIT dit TONIQUE se pose le
plus souvent sur la Tonique ou première note du ton et se
compose d'une TIERCE et d'une QUINTE, que l'accord de DOMINANTE qui
se pose sur la cinquième note du ton se compose d'une TIERCE
et d'une QUINTE, qu'on peut ajouter à cet accord une SEPTIÈME,
et qu'on appelle alors SEPTIÈME DE DOMINANTE, que l'accord de
SOUS-DOMINANTE se pose sur la quatrième note de la gamme en
montant, se compose d'une TIERCE d'une QUINTE et d'une SIXTE […]
Qu'il y a deux modes, l'un Majeur et l'autre Mineur, que dans le mode
majeur la première tierce de chaque accord est majeure [...] ;
et que dans le mode mineur la première tierce de chaque accord
est mineure, excepté la Dominante ou 7ème de Dominante
qui demande la tierce majeure...
« […]
Comme il est bien clair que les trois grands moteurs de l'Harmonie
sont la TONIQUE, la DOMINANTE et la SOUS-DOMINANTE, il est tout
simple aussi de supposer qu'avec les trois notes fondamentales de ces
accords on peut mettre la basse à toute espèce de
mélodie, c'est ce qui est en effet, et c'est ce qui va être
d'abord démontré dans cet ouvrage.
« Quoique les
trois notes fondamentales des trois accords soient la basse la plus
naturelle, étant prise à sa source, néanmoins
comparativement aux basses produites par le renversement de ces trois
accords, ces notes fondamentales sont presqu'en minorité dans
le courant de l'harmonie, c'est donc le mélange des trois
notes fondamentales des trois accords et les basses que produisent
leurs renversements adroitement combinés qui forment une basse
non seulement juste, mais encore riche, enfin une basse liée
étroitement avec le sens de la mélodie.
« De même
que dans la première Partie de cet ouvrage on a été
du simple au composée, de même aussi dans celui-ci on va
commencer par les basses les plus simples puis progressivement
jusqu'aux plus recherchées .
« Cette
Seconde Partie s'étendra jusqu'à la FUGUE en y
comprenant bien entendu les IMITATIONS, les CANONS et le
CONTRE-POINT, parties intégrantes de la fugue . Ce n'est
pas que hors les IMITATIONS, les CANONS et le CONTRE-POINT soient
nécessaires pour apprendre à mettre une basse sous un
chant, et encore moins la FUGUE puisqu'elle n'est imaginée que
pour régler la conduite d'un morceau de Musique, à
tirer toutes les conséquences d'une phrase musicale, en un
mot, à en développer jusqu'à sa plus petite
partie, mais c'est pour réunir dans cet ouvrage toutes les
connaissances nécessaires à l'art de la composition
musicale. »
Plusieurs grands journaux
quotidiens de l'époque, notamment Le Constitutionnel du
mercredi 15 mai 1844, et La Presse du lundi 20 mai 1844
annonçaient cette parution en ces termes :
|
|
|
De la basse sous le chant..., 1846
(BNF/Gallica)
|
Ces deux ouvrages
rencontrèrent à l'époque un certain succès
dans le monde musical, tant à Paris qu'en province, en est
pour preuve le journal lyonnais L'Argus et le Vert-Vert réunis,
qui dans son édition du dimanche 22 juin 1851, écrit :
« On lit dans
les journaux de Paris : Jusque dans les moindres réunions
musicales il n'est question que du nouveau traité d'harmonie
dont M. Poisson, lauréat de l'Institut de France, est l'auteur
; traité qui met cette science à la portée de
toutes les intelligences. En effet, la méthode de M. Poisson,
par sa simplicité et la manière toute nouvelle de
présenter l'étude de l'harmonie, nous paraît
justifier au plus haut degré
l'attention que tous les amateurs semblent lui apporter. Déjà
on parle d'introduire cette méthode dans quelques
conservatoires de musique. N'oublions pas de dire qu'on s'accorde
aussi à louer, du même auteur, son magnifique ouvrage,
sous le titre de La Basse sous le chant, ou l'Art d'accompagner la
mélodie, ouvrage qui manquait entièrement dans
l'enseignement de la composition musicale, et qui est appelé à
rendre de grands services aux élèves et aux
professeurs. On trouve ces ouvrages à Paris, chez Mme Canaux,
rue Sainte-Appoline, 17. » Et, dix années après
leur publication, ils étaient toujours disponibles à la
vente, ainsi que l'atteste cette annonce parue dans Le Ménestrel
du 23 novembre 1856 :
|
Toussaint Poisson est
mort le 13 septembre 1861 à l'âge de 64 ans, « à
la suite d'une longue et cruelle maladie. »
Denis Havard de la
Montagne
(2003, mise à
jour : mars 2017)
Benoît DEFRANCE (1795–1869)
|
Benoît Defrance, Adélia, grande valse suivie d’un galop pour piano (couverture et partition complète), dédiée “à Mme Adèle Birkett”, Paris, 1843, chez l’auteur, 14 boulevard Montmartre et chez les Editeurs de Musique
( BNF/Gallica
)
Fichier audio par Max Méreaux (DR.) |
Personnage totalement inconnu des
musicologues et des biographes, Benoît-Emmanuel Defrance n’a
laissé que peu de traces dans les archives musicales.
Néanmoins de récentes
recherches nous ont permis de découvrir quelques éléments
biographiques inédits.
Né
en 1795 à Paris, Benoît Defrance,
fils de François Defrance et d'Anna Sara,
entrait en 1808 au Conservatoire de Paris, alors dirigé par
Bernard Sarrette considéré comme le fondateur de cette
institution en 1795. Tout d'abord élève de solfège
dans la classe de Claude Péchignier, il rejoignit en 1810 la
classe de flûte d'Antoine Bisetky, puis acheva ses études
musicales dans celle de composition (contrepoint et fugue) d'Antoine
Reicha. Au concours du Prix de Rome 1819, il obtenait une « mention
honorable et une médaille d'argent » avec la
cantate Herminie,
sur des paroles de J.A. Vinaty, derrière Fromental Halévy,
Pierre-Jean Massin dit Turina et Toussaint Poisson.
A cette époque, le sujet du
concours du Grand Prix de composition musicale, conformément
aux règlements de l'Académie royale des Beaux-arts, se
décomposait ainsi :
1° - Un contrepoint à la
douzième, à deux et à quatre parties.
2° - Un contrepoint quadruple à
l'octave.
3° - Une fugue à trois
sujets et à quatre voix.
4°
-
Une cantate composée d'un récitatif obligé,
d'un Cantabile,
d'un récitatif simple, et terminé par un air de
mouvement.
On
manque de précisions sur la carrière qu'il mena par la
suite. Néanmoins, l'on sait qu'elle se déroula dans le
monde musical parisien, puisque lors de son décès
arrivé dans la capitale un demi-siècle après son
prix de Rome, sa profession mentionnée était :
« artiste musicien ». En outre, les quelques
partitions qui nous sont parvenues nous prouvent qu'il s'adonnait
aussi à la composition. On lui connaît en effet les
pages suivantes, toutes éditées à Paris :
3 Duos pour violon et
guitare, op. 1
(Blève), une Polonaise
précédée d'une introduction pour guitare, flûte
et cor (Richault),
une Sérénade
pour guitare et flûte ou violon,
op. 6 (Godfroy), un 2ème Recueil
de contredanses pour piano
(J. Pleyel), une romance intitulée Mathilde et Malek-Adhel
avec pour incipit « Non loin du tumulte des armes »,
sur des paroles de F. A. Boieldieu (Meysenberg) et une Grande valse
suivie d'un Galop pour piano : Adelia.
Cette dernière composition, dédiée « à
Mme Adèle Birkett », publiée en 1843 d'après
le mention manuscrite de dépôt légal, se trouve
« à Paris, chez l'auteur : Boulevard de
Montmartre, 14 et chez les Editeurs de musique. » Sans
doute est-ce bien lui également l'auteur de l'accompagnement
de guitare de la mélodie Adieux
aux amours, paroles
et musique d'Auguste Olivier, dont la partition ne mentionne que le
nom « Defrance », sans le prénom (Paris,
F. Gauvin, éditeur, 1861).
Le journal de musique Le Ménestrel,
dans son édition du 26 avril 1863, nous apprend que récemment
le violoniste [et peintre] Achille Dien avait donné un
concert, salle Erard à Paris, au cours de laquelle on put
entendre « deux compositions inédites de Reber,
le Chant de Mignon et une Sérénade pour
piano, violon et violoncelle, morceau en quatre parties, dont un
andante avec sourdine que l’auditoire a redemandé. »
A cette soirée, prêtaient leur concours la soprano
Andréa Favel (future Mme Louis Lacombe), le violoncelliste
Alexandre Batta, Camille Saint-Saëns, Faure (sans doute le
chanteur, baryton à l'Opéra, Jean-Baptiste Faure) et
Defrance. Bien qu'une fois encore le prénom est omis, il est
probable que ce soit notre lauréat du Prix de Rome qui
participait ce jour-là à ce concert.
Benoît Defrance, mort le 14 juin
1869 en son domicile parisien du 14 boulevard de Montmartre, avait eu
d'une union avec Marie-Eugènie Benoît, coloriste, un
fils prénommé Adelbert-Joseph, né le 11 juin
1845 à Paris. Celui-ci exerça le curieux métier
de « peintre de fleurs » dans la capitale, où
il résidait 82 rue de la Chapelle. Il est le père de
deux enfants : Marie-Eugène Defrance, née en 1865
et Charles Defrance, né en 1868.
D.H.M.
(2003,
mise à jour février 2017)