Gaston CARRAUD - Alfred BACHELET - Henri LUTZ - Charles SILVER - Alix FOURNIER - Camille ANDRÈS - André BLOCH - Henri BÜSSER - Jules BOUVAL - Henri RABAUD - Omer LETOREY - Jules MOUQUET - RICHARD D'IVRY - Fernand HALPHEN - Max D'OLLONE - Bernard CROCÉ-SPINELLI - Charles LEVADÉ - Edmond MALHERBE - Léon MOREAU - Louis BRISSET
1890
Né le 20 juillet 1864 à Le-Méé-sur-Seine (Seine-et-Marne), décédé le 15 juin 1920 à Paris, Gaston Carraud a débuté ses études musicales à la célèbre Ecole Monge1 du boulevard Malesherbes (actuellement Lycée Carnot). C'est sur les bancs de cette école qu'il connut Albéric Magnard et Charles Koechlin. Jacques Pillois, André Caplet et Gabriel Bender la fréquenteront à leur tour quelques années plus tard. Parmi les professeurs figurait, entre autres, le violoniste d’origine hongroise Dezso Lederer qui fut longtemps 1er violon chez Lamoureux. Il n’était pas rare dans cette école, où la méthode de notation par chiffres Galin-Paris-Chevé2 était enseignée, de voir se produire en concert des célébrités musicales de l’époque, tel Charles de Bériot vers 1880. Il alla ensuite se perfectionner auprès de Jules Massenet au Conservatoire national de musique de Paris et en 1890 reçut le Premier Grand Prix de Rome avec sa scène lyrique Cléopâtre, sur des paroles de Fernand Beisser. Lors de la 1ère audition de cette œuvre, dédiée par l’auteur " à mon maître J. Massenet ", les trois personnages furent interprétés par Mmes Baréty et Fiérens (Cléopatre), M. Cossira (Antoine) et le célèbre Taskin dans le rôle du Spectre de César.
Gaston Carraud, novembre 1903
( Musica, 1904, coll. DHM )
Après avoir donné notamment un poème symphonique intitulé La Chevauchée de la chimère, une autre pièce Les Nuits, sur des poèmes d’Alfred de Musset et l’ouverture Buona Pasqua qui fut bien accueillie par la presse, Gaston Carraud abandonna la composition pour se consacrer principalement à la critique musicale à partir de 1905. On lui doit également un excellent ouvrage : La vie, l’œuvre et la mort d’Albéric Magnard (Paris, 1912) qu’il avait connu sur les bancs de l’Ecole Monge. Rattaché à aucune école, son indépendance dans ses écrits et son jugement sûr étaient très appréciés par ses confrères.
Denis HAVARD DE LA MONTAGNE
____________1) Cette école d'enseignement secondaire avait été fondée en 1869 par Aimé Godard et d'anciens élèves de l'Ecole polytechnique qui souhaitaient mettre au point un nouveau plan d'études. Tout d'abord située rue Chaptal, elle fut transférée en 1874, au numéro 145 du boulevard Malesherbes. L'enseignement de la musique avait une place non négligeable. En 1894, l'Ecole Monge est devenue le Lycée Carnot pour garçons. [ Retour ]
2) Cette méthode simplifiée pour l'enseignement des éléments de musique a été inventée par Pierre Galin (1786-1821), alors qu'il enseignait les mathématiques au Lycée de Bordeaux : se servant en partie de la notation chiffrée proposée par Jean-Jacques Rousseau, cette méthode appelée méloplaste consistait à utiliser les chiffres, au lieu des notes, et a démontrer les courbes mélodiques à l'aide d'une baguette que l'on promenait sur un tableau pourvu de portées vides. Afin de faire progresser plus rapidement l'élève, le professeur chantait également une mélodie connue en remplaçant le texte par le nom des notes... Le traité de Pierre Galin Exposition d'une nouvelle méthode pour l'enseignement de la musique (1818) remporta un certain succès et fut repris par Emile Chevé (1804-1864), un médecin de grand renom, son épouse, Nanine Paris et le frère de celle-ci, Aimé Paris; Ils publièrent ensemble une Méthode élémentaire de musique vocale (1864), une Méthode élémentaire d'harmonie (1846) et des Exercices élémentaires de lecture musicale à l'usage des écoles primaires (1860). Ils n'hésitèrent pas à s'attaquer aux méthodes d'enseignement du Conservatoire et à dénoncer l'immobiliste des professeurs! Une polémique s'en suivait et donnait lieu à la publication de nombreux pamphlets et autres écrits. Mme Chevé est également l'auteur d'une Nouvelle théorie des accords, servant de base à l'harmonie. Cet enseignement de la musique avait certainement du bon, car Charles Koechlin lui même, parlant de son séjour à l'Ecole Monge, déclara un jour : On y débutait par l'usage de la méthode Galin-Paris-Chevé, notation par chiffres, qui avait le grand avantage de faire comprendre à l'élève le rôle des divers degrés de la gamme. Puis on abordait la lecture des notes sur la portée, mais toujours d'une façon musicale et intelligente. [Le Guide du Concert, 27 février 1948, p. 227] [ Retour ]
Gaston Carraud, Nuit d'été, mélodie pour chant et piano, poésie de Victor Hugo, dédicacée "à Madame Fierens-Peeters" (Paris, G. Hartmann, 1890/BNF-Gallica) DR.
Fichier audio par Max Méreaux avec transcription de la partie chant pour clarinette (DR.)
Partition au format PDF.
Gaston CARRAUD
La musique vient de perdre un de ses défenseurs les plus précieux, les plus ardents et les plus désintéressés... Gaston Carraud a été enlevé en quelques jours à l'affection de ses amis, à l'estime de tous ses confrères par une de ces maladies mystérieuses et traîtresses devant lesquelles la science reste encore désarmée. La semaine précédente, à la veille de la répétition générale de la Légende de Saint Christophe à l'Opéra, il m'appelait auprès de lui par un bref billet, dont l'écriture tremblée était, hélas ! de bien mauvais augure, pour me donner un témoignage de confiance qui, en semblable circonstance, m'allait au cœur. Déjà comme terrassé par la torpeur qui l'envahissait, il trouvait cependant le moyen de prendre part aux soucis personnels d'autrui, et de me dire son « désespoir » de ne pouvoir assister à la représentation de la belle œuvre de M. d'Indy, à laquelle il eût tant désiré apporter le soutien de son admiration éclairée. C'est que pour une âme de cette qualité, — aussi étrangère à tout sentiment inférieur qu'à tout calcul mesquin, — la critique musicale n'était pas un simple métier, un prétexte à publicité, un moyen de parvenir ou de satisfaire des rancunes personnelles. Ce musicien né aimait profondément la musique, et — chose peu répandue par le temps qui court — la musique des autres. Il lui avait délibérément sacrifié la sienne, malgré toutes les promesses qu'apportaient ses premiers ouvrages, — estimant qu'ils ne répondaient que trop imparfaitement à ce qu'il eût rêvé de faire. Et pourtant quand on connaît la noblesse de sentiment, la sincérité d'expression que manifestaient déjà, sous la diversité des apparences, sa cantate Cléopâtre, qui lui valut en 1890 le prix de Rome avec Alfred Bachelet, resté depuis l'un de ses intimes, ses poèmes lyriques des Nuits et de l'Épée d'Agantyr, son ouverture de Buona Pasqua, ses mélodies, parmi lesquelles Soror Dolorosa est d'une poésie particulièrement émouvante, sa Chevauchée de la Chimère, heureusement évocatrice, entendue dans les grands concerts, sans parler même de certaine esquisse postérieure de Symphonie qui reste dans ses cartons, on ne peut s'empêcher de regretter une décision que tout semblait rendre désormais irrévocable, alors que tant de compositeurs, qui ont si peu à dire, encombrent théâtres et concerts du flot incessant de leurs productions.
Quelles furent en réalité l'importance du rôle de Gaston Carraud et la gratitude que doivent aujourd'hui à sa mémoire tant de musiciens français, depuis ceux qui sont parvenus au faîte de leur carrière jusqu'aux plus modestes débutants, l'imposante série des articles qu’il écrivait au moins chaque semaine depuis plus de vingt ans dans la Liberté est là pour en témoigner. Il faut souhaiter que quelque pieuse initiative la réunisse en volumes, qui seraient indispensables à consulter pour écrire l'histoire musicale de ce temps. Toutes les grandes œuvres modernes de théâtre et de concert trouvèrent auprès de Carraud dès la première heure soit un accueil enthousiaste ou toujours empreint de sympathie, soit une absolue honnêteté de jugement, qui ne craignait pas de revenir plus tard sur des impressions qu'il estimait à la réflexion inexacte. Mais son esprit ouvert, son intelligent éclectisme ne l'empêchait pas de conserver une fermeté de doctrine qui le rendait impitoyable aux fausses renommées ou aux industriels de la musique. Et si la nature de son tempérament et de son goût le portaient davantage vers des œuvres où le sentiment moderne s'appuie sur une forte discipline traditionnelle, — s'il les défendait avec passion contre leurs détracteurs, — les musiques de tendance toute différente signées des noms les plus jeunes ne le rebutaient jamais a priori, et il était toujours heureux quand il pouvait les aimer et y reconnaître des mérites. Au lieu de se renfermer dans la pratique commode d'idées toutes faites, et de juger les compositeurs, comme il advient presque toujours, non d'après ce qu'ils font mais d'après l'école à laquelle on les rattache ou les admirations qu'on leur prête, Carraud cherchait toujours à distinguer dans une œuvre nouvelle, bien plus que ses procédés techniques, la qualité véritable de son sentiment poétique, qui seule importe au fond, aux véritables artistes. Par-là, — avant tout, et sur ce terrain supérieur, dont se soucient si peu le public et tant de critiques qui ne voient dans une œuvre que son aspect extérieur, — son influence aura été féconde.
Capable de monographies dignes d'un musicographe éprouvé, comme celle sur Schubert qu'il achevait de mettre au point pour l'excellente collection des « Maîtres de la Musique » de l'éditeur Alcan, — ou celle sur Albéric Magnard, que va publier bientôt la maison Rouart, et où il disait à loisir sa profonde admiration pour l'auteur de Guercoeur, Gaston Carraud excellait aussi à mettre en évidence en de vigoureux raccourcis l'évolution de l'école française et l'esprit de l'œuvre des maîtres de la musique française contemporaine. Je n'en veux pour preuve que maints articles publiés dans les revues spéciales et, hier encore, les remarquables pages qu'il écrivit sur MM. d'Indy, Magnard, Ropartz, à l'intention des Concerts-Pasdeloup, publiées ici même... Mieux que de longs commentaires, elles prouvent comment la critique musicale, ainsi envisagée, peut avoir une portée et une utilité réelles... Et si la disparition prématurée de Gaston Carraud suscite des regrets unanimes parmi les amis de la musique, seuls apprécieront entièrement le vide douloureux qu'elle laisse ceux auxquels il fut donné de connaître de plus près dans la vie l'extrême délicatesse de son cœur, la loyauté de son caractère, son absolu désintéressement personnel, — en un mot ces qualités, de plus en plus rares, hélas! de sûreté, de culture et d'éducation qui faisaient de son commerce un profit et de son amitié un bienfait.
Gustave Samazeuilh
Le Ménestrel, 25 juin 1920
Tournoi international Musica en1903. Délibération en novembre
du jury de la catégorie "Suite pour piano" (Prix Pleyel).
Image grand format et légende détaillée.
(in Musica n° 16, coll. DHM) DR.
Alfred BACHELET (1864-1944)
Alfred Bachelet (1864-1944)
( Photo Benque, in L'Illustration, 55e année, numéro-programme des Concerts Lamoureux, saison 1896-1897 )
Alfred Bachelet, deuxième Premier Grand Prix de Rome en 1890 pour sa cantate Cléopâtre, chef d'orchestre à l'Opéra durant la première guerre puis directeur du Conservatoire de Nancy à partir de 1919. Elu à l'Académie des Beaux-arts en 1929 au fauteuil de Messager, il est l'auteur de drames lyriques : Scemo, Quand la cloche sonnera et Un Jardin sur l'Oronte; d'un ballet : Fantaisie nocturne; d'un poème lyrique : Sûryâ et de quelques autres pièces instrumentales ou vocales.
Notes provisoires. D.H.M.
Alfred Bachelet, Barcarolle nocturne, composée en 1889, première des Deux pièces pour piano (Paris, Durand, 1923), fichier audio par Max Méreaux (DR.)
Henri Lutz
( Le Journal, 100 rue de Richelieu, Paris - BNF )
Né le 29 mars 1864 à Biarritz, du mariage d'Edouard Lutz et Philippine Eclanché, Charles-Gustave-Henri Lutz a été élève à l'Ecole de musique classique et religieuse de Niedermeyer, notamment d'Eugène Gigout et de Clément Loret entre 1880 et 1885. Ses condisciples avaient pour noms : Jean Albrecht, Camille Andrès, Henri Letocart et Claude Terrasse. Il entre ensuite au Conservatoire Supérieur de Musique de Paris, dans la classe de Guiraud et obtient un Second Grand Prix de Rome en 1890 avec la cantate Cléopâtre sur des paroles de Fernand Beissier…. On lui doit de nombreuses œuvres, parmi lesquelles une Fantaisie japonaise pour piano, violon, violoncelle et flûte ; une symphonie pour orchestre Lumen ; une ode symphonique Emeraude ; une Rapsodie havanaise ; des Rêveries pour violoncelle et orchestre ; de la musique de chambre : Quintette à cordes avec piano ; des pages pour piano : Aragonaise, Bal, Etude en la bémol, Les Sirènes, Libellulia, Pavane, Chanson de l'eau, le Bois sacré ; des mélodies pour voix et piano : Barcarolle, Berceuse d'amour, Chanson d'Automne, Fille de bandit, L'Orgue, La Ribaude, Les Heures, Paysage, Printemps, Rondel, Rose et Muguet… et pour le théâtre : Inès de las Sierras, Rolande, Vlasta et la Bonne Etoile. Son poème symphonique L'Ile engloutie fut créé le 5 avril 1914 à Paris, chez Colonne. Prix Trémont de l'Institut, membre de la Société des compositeurs, Henri Lutz, qui pratiquait également l'orgue pour lequel il a composé une Pièce pour orgue en ré bémol majeur (Joubert, vol. 4, 1914) et une Salutation angélique pour voix et orgue (Durand), est parfois confondu à tort avec Michel Lutz, né le 20 mai 1857 à Munwiller (Haut-Rhin), aussi ancien élève de l'Ecole de musique de Niedermeyer (1875 à 1878), qui fit une carrière de professeur de musique à Aubusson (Creuse), tout en touchant l'orgue Ducroquet (1855) de l'église de cette ville durant plusieurs années.
Longtemps directeur des études musicales de l'Ecole Niedermeyer où il avait été élève autrefois, Henri Lutz, est mort le 9 septembre 1919 à son domicile parisien de la rue Dulong et ses obsèques se sont déroulées à Biarritz, son pays natal.
Henri Letocart, (1866-1945), directeur des "Amis des cathédrales", membre du Conseil d'administration de la Société Française de Musicologie, maître de chapelle de Saint-Pierre de Neuilly et aussi ancien élève de l'Ecole Niedermeyer, livrait en 1939 ces quelques souvenirs sur son ancien condisciple [in la revue L'Orgue, n° 38] :
"Admirablement doué, il manifestait son indépendance par son irrégularité à suivre les cours. Cette nonchalance, qui lui attirait de vertes semonces de la part de Gigout, homme précis par excellence, n'en était pas une. H. Lutz était un rêveur... La composition le hantait. Sa nature sensible le faisait vagabonder dans l'irréel. A sa sortie de l'Ecole, il suivit au Conservatoire la classe d'Ernest Guiraud. Le concours de Rome lui causa une grosse déception. Désigné pour le Premier Grand Prix, celui-ci ne lui fut pas décerné. "Vous étiez l'élu du jour" lui avait dit Saint-Saëns. Peintres et sculpteurs en avaient jugé autrement, car ils annulèrent le vote de la section de musique. Lutz n'obtint que le second Prix. Cet épisode de sa vie fut sans effet sur sa carrière. De bonne heure les grands concerts symphoniques lui avaient ouvert leurs portes. Aux concerts Lamoureux, en 1895, ce fut Le cœur de Hialmar, d'après un poème de Leconte de l'Isle ; en 1897, Stella, poème de Victor Hugo ; en 1898, Midi, fragment d'une symphonie intitulée Lumen. En 1902, Poème pour orchestre et violon principal qui fut joué au récital de Joseph Debroux avec le concours de ce même orchestre Lamoureux. Ces œuvres ont été également entendues aux Concerts Colonne. — L'œuvre de Lutz est très importante : de nombreuses pièces de piano, des pièces symphoniques, de la musique de scène et de la musique de chambre. Musicien délicat, se plaisant dans les sonorités discrètes et voilées, Lutz avait reçu de l'Institut le prix Trémont."
D.H.M.
Henri Lutz, Printemps, mélodie sur un poème de Stéphan Bordèse, "Morceau pour voix de mezzo-soprano, d'une sentimentalité délicate" (in Musica, n° 44, mai 1906, supplément). Fichier audio, avec transcription de la partie vocale pour clarinette, par Max Méreaux (DR.)
Henri Lutz, Chanson de l'eau pour piano (fragment), Paris, A. Durand & Fils, Éditeurs, 1895
( coll. DHM )
1891
Charles SILVER (1868-1949)
Charles Silver
( coll. Christian Bouvier, neveu du compositeur )
Mme Bréjean-Silver, interprète de Massenet
( cliché Benque, vers 1900 )
Charles Silver (à gauche), en compagnie de Baer et de Raymond Pech, juin 1911
( Musica, n° 107 )
Charles Silver, Danse des fleurs, extrait du ballet La Belle au bois dormant, féerie lyrique en quatre actes et neuf tableaux dont un prologue, poème de Michel Carré et Paul Collin
(Paris, Choudens, 1901) DR.
Partition au format PDF et fichier audio par Max Méreaux (DR.)Même si ses opéras Le clos, donné à 6 reprises en 1907 à l’Opéra-Comique et La Mégère apprivoisée, comédie lyrique en 4 actes, représentée à l’Opéra pour la première fois le 30 janvier 1922, ainsi que sa Rapsodie sicilienne en deux parties, créée à Paris par Lamoureux en 1899 connurent à l’époque un certain succès, Charles Silver est un compositeur oublié.
Né le 16 avril 1868 à Paris au domicile de ses parents, rue Saint-Martin, Charles Silver, fils d’Isidore Silver (originaire de Varsovie, sculpteur puis voyageur de commerce) et de Sara Mayer, fréquenta très tôt le Conservatoire de Paris, notamment les classes de Théodore Dubois et de Jules Massenet. En 1890 il se présentait au Concours de Rome avec sa cantate Cléopâtre et obtenait un deuxième Second Grand Prix. L’année suivante c’est le premier Grand Prix qui couronnait son drame lyrique L’Interdit. Après le traditionnel séjour passé à la Villa Médicis de janvier 1892 à décembre 1895, il regagnait la capitale et se lançait dans la composition avec des mélodies et autres chants, dont ce chant patriotique En avant !, écrit sur un texte de Paul Déroulède et ces Chants Slaves, une trentaine de mélodies pour chant et piano (Heugel) ; de nombreuses œuvres symphoniques éditées chez Choudens et Heugel, comme ce Poème carnavalesque (symphonie pittoresque en 4 parties) donné en première audition à Monaco le 1er mars 1906 sous la direction de Léon Jehin, dont la presse souligna un manque d’originalité tout en reconnaissant certaines qualités mélodiques , l’Ouverture Bérénice, la Suite en 4 parties Le Ballet de la Reine, le mystère en 4 épisodes Tobie ; et des opéras. Parmi ceux-ci, notons La Belle au bois dormant, conte lyrique (opéra féerie en 5 actes) écrit à Rome en 1895 et créé à Marseille en 1902 et donné au Théâtre royal de la Monnaie à Bruxelles, Neigilde, opéra ballet en 2 actes et 5 tableaux (Opéra de Monte-Carlo), Le Clos, pièce lyrique en 4 actes (Opéra-Comique), Myriane (drame lyrique, Nice, 1913), la Grand-Mère (1930) et Quatre-Vingt-Treize épopée lyrique en 3 actes et 5 tableaux (Paris, 1936) et plusieurs autres musiques de scènes d'oeuvres de Martin-Laya, Jean Lorrain et Romain Coolus.
Assurément son plus grand succès fut sa comédie lyrique en 4 actes La Mégère apprivoisée (Au Ménestrel, Heugel), d’après Taming of the Shrew de Shakespeare, adaptée par Paul Delair, avec des paroles de Henri Cain et Edouard Adenis, qui a figuré quelque temps au répertoire de l’Opéra. Cette pièce raconte l’histoire d’une mégère, Catharina, qui a voué aux hommes une haine implacable. Petruccio, un gentilhomme de Vérone, réussit cependant à la séduire, au point qu’elle devient finalement une épouse tendre et fidèle. Il ne faut pas oublier également un ballet mêlé de chant Néigilde (Choudens), dont la première eut lieu à Monte-Carlo le 13 avril 1909 et un oratorio Tobia, donné à Marseille en 1902. A partir de 1919, il s’est voué aussi à l’enseignement de l’harmonie au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où il eut notamment pour élève Amédée Borsari, l’un des quatre compositeurs du Groupe Eurythmie. Entre temps, en août 1914 il avait été mobilisé au 72e Régiment d'Infanterie à Amiens, avant d'être versé au Service auxiliaire en avril 1915 et durant cette période (1915 à 1919) il se dévoua à l'oeuvre de la « Fraternelle des Artistes » destinée à soulager les familles des mobilisés du monde des arts et dont il fut élu secrétaire de la section musique.
Charles Silver avait épousé le 3 septembre 1900 à Paris la cantatrice Bréjean-Gravière, de son vrai nom Georgette Sixsout. Née à Paris le 22 septembre 1870, du légitime mariage de François Sixsout et d'Emilie Bregeon, élève du Conservatoire de Paris, cette soprano débuta en 1890 à l'Opéra de Bordeaux dont elle épousa le directeur François Gravière, décédé le 24 août 1899, avant de devenir plus tard Mme Silver. En septembre 1893 à l'Opéra-Comique de Paris, elle chanta dans Manon de Massenet et participa sur cette même scène à la création, le 24 mai 1899, d’une autre œuvre majeure de ce compositeur : Cendrillon, dans laquelle elle tenait le rôle de la Fée. Elle a interprété avec succès de nombreux autres rôles, notamment Rosine dans le Barbier de Séville (Rossini), Philine dans Mignon (Ambroise Thomas), Eurydice dans Orphée (Monterverdi), Leila dans Les Pêcheurs de perles (Bizet) et Rosenn dans Le Roi d’Ys (Lalo)... Elle est morte en août 1951 à la maison de retraite des artistes de Neuilly-sur-Seine, où elle s'était retirée.
Officier d'Académie (1896), chevalier de la Légion d'honneur (1926), Charles Silver s’est éteint le 10 octobre 1949 à Paris, laissant un fils unique, Marcel, qui décédera dans les années soixante, sans laisser de postérité.
Denis HAVARD DE LA MONTAGNE
1935, Opéra de Nice : Première représentation de Quatre-vingt-treize
d'après le roman de Victor Hugo
adaptation de Henri Cain, musique de Charles Silver
C'est une importante création que vient de donner l'Opéra de Nice en montant Quatre-vingt-treize, le drame lyrique de M. Henri Cain, pour le Livret, de M. Silver, pour la musique. Sur cette scène placée en sentinelle avancée sur les frontières territoriale et lyrique de notre pays, M. Ancel, l'actif directeur, ne s'en tient pas à la reprise de nouveautés écloses sous d'autres centres que les siens. Il risque. Et il joue son risque sur la carte de la décentralisation. Initiative d'autant plus méritoire que nos compositeurs dont le moral est aussi bas que leur prospérité financière, attendent qu'une aide efficace leur laisse un peu l'illusion que les étoiles ne se sont pas complètement éteintes pour eux.
Nos théâtres lyriques de France qui sont à la peine, à la dure peine, à qui les exigences, les appétits fiscaux n'accordent pas même un sentiment fugitif d'euphorie, pourraient cependant, sous certaines conditions, atténuer une intolérable impression d'angoisse chez ceux qui œuvrent et créent, et enrayer, partiellement un chômage lyrique qui ne s'inscrit à aucune liste de secours. De ces chômages, il en est, hélas ! de désespérés.
Il serait à la fois élégant et utile, que plus d'une de nos municipalités comprît les détresses hautaines et silencieuses de nos compositeurs, en accordant une subvention spéciale à un ouvrage lyrique inédit créé sur les théâtres qui relèvent de leur juridiction. C'est ce que vient de faire la municipalité niçoise pour Quatre-vingt-treize. Il faut savoir gré à ce Conseil qui a à sa tête un maire humaniste et humain, M. Médecin, d'avoir alloué un crédit spécial dont la partition de M. Silver a bénéficié. Ses scrupules pouvaient être d'autant plus aisément apaisés qu'avec un directeur de la musique comme AlbertWolff, les problèmes de travail et de mise au point artistiques restent assurés d'un rendement maximum.
En choisissant comme thème lyrique le roman de Victor Hugo, M. Silver s'interdisait l'avantage certain que peut apporter la présence d'une intrigue amoureuse. Par contre, il allait opposer, heurter, dans une atmosphère d'épopée et de guerre civile, des personnages prêts à sacrifier leur vie pour leurs convictions politiques ou la conception qu'ils se font de la vertu. Il en reste bien quelque raideur d'âme chez des personnages comme le royaliste Lantenac, le conventionnel Cimourdin, le commandant Gauvain. Raideur que tempère une noblesse d'accent, commune à des héros pourtant bien différents. Le chef chouan, L'Imanus lui, apporte une note franchement âpre, sauvage, cependant que la présence de trois enfants de la Flécharde détendra une action où l'existence humaine a peu de valeur.
M. Henri Cain a découpé adroitement son livret dans le roman hugolien. Les actes, alertes, brefs, comportent des dénouements qui laissant l'action rebondir et tiennent le spectateur en haleine. Dans sa transposition scénique, il garde au poème sa couleur violente. Et s'il permet à ses héros d'exposer leurs ambitions ou leurs chimères, c'est dans la mesure où elles justifient et expliquent la marche du drame.
Cet austère sujet, éloigné des habituelles préoccupations du drame lyrique, détaché de toute passion amoureuse, n'a pas attiédi le zèle du compositeur. La musique de M. Silver se tient, à part quelques chants rythmés, martiaux des soldats de la République, dans le cadre austère du sujet. Au premier plan, une déclamation chantée au relief expressif et vigoureux. L'accent pathétique, juste, n'est absorbé par aucune polyphonie ambitieuse de régner. L'ensemble laisse une impression de musique aérée, claire, suivant un drame qui n'admet ni attente ni retard.
Les professions de foi politiques donnent lieu à de véhémentes apostrophes lyriques entre Cimourdin et Gauvain, puis entre Lantenac et Gauvail. La scène de la cour martiale où Gauvain, après avoir favorisé l'évasion de Lantenac, est lui-même jugé par Cimourdin, son initiateur révolutionnaire, et finalement condamné, est d'une intensité dramatique qui porte beaucoup. C'est l'un des actes les plus troublants avec celui de l'incendie du Château de la Tourgue. Il est d'une sobriété impeccable. Emouvantes aussi, les scènes où La Flécharde traduit la douleur d'une mère à qui ses enfants ont été ravis.
L'écriture de M. Silver, claire, soignée, classique de tour et de ton, est soutenue par un orchestre, sonore sans excès, s'effaçant devant les voix du plateau. Je mentionnerai les deux interludes, les seuls développements symphoniques de la partition, — d'une trame solide et serrée.
La distribution des rôles avait été judicieusement repartie. Dans le rôle de la Flécharde, Mme Ninon Vallin eut des accents déchirants. Ses prières, ses imprécations, sa douleur et aussi sa résignation passagère sont celles d'une grande artiste qui, aux dons vocaux, ajoute ceux de la tragédienne. Mme Pocidalo, elle, apporte bonne humeur, entrain, mouvement, au rôle de la Cantinière qu'elle campe avec une décision qui se communique aux Bleus dont elle est l'ange gardien révolutionnaire.
M. de Trévi eut des apostrophes d'une tragique émotion dans le rôle de Gauvain. M. Beckmans soutient bien le personnage de Lantenac. La voix, la prestance, la distinction y sont. Mêmes mérites chez M. Bernasconi, un délégué aux armées qui a conscience de sa dignité et de la noblesse de son rôle ; par ailleurs, possédant une voix généreusement timbrée. L'Imanus, le chef chouan, est rendu avec une âpreté saisissante et farouche par M. Deguil. Dans le rôle du sergent Radoub, M. Clavère évoque bien le type du poilu révolutionnaire au coeur bien placé.
Des rôles plus modestes étaient tenus par MM. Hebreard, Ricard, Bertossa. M. Guichard avait assuré une mise en scène où s'expriment son sens et son goût du mouvement, son aisance à animer les groupements scéniques. Ajoutons que les décors, de M. Bosio, sont bien compris. Celui notamment de l'incendie du château auquel avaient collaboré MM. Blanchi et Roux a produit une forte impression.
Au pupitre, Albert Wolff, qui avait préparé avec un soin diligent, avec sa coutumière autorité, une interprétation musicale vivante et puissante. Il communiqua un saisissant mouvement à la scène, et l'orchestre, sous sa baguette énergique et souple, contribua à renforcer l'expression lyrique de la pièce.
Paul LE FLEM
(Comoedia, 18 mars 1935)
Même s’il a obtenu en 1890 le Prix Cressent pour son opéra en un acte Stratonice,1 Alix Fournier est un compositeur méconnu et totalement oublié de nos jours ! Né à Paris le 11 octobre 1864, Emile-Eugène-Alix Fournier débutait ses études musicales à l’Ecole de musique classique et religieuse de Niedermeyer, à l’époque où Henri Lutz, Camille Andrès, Alfred Marichelle, Henri Letocart et Claude Terrasse la fréquentaient également. Il rejoignait ensuite le Conservatoire de Paris, notamment César Franck dans sa classe d’orgue (1885), ainsi que Léo Delibes et Théodore Dubois dans leur classe de composition et d’harmonie. Il se présentait à plusieurs reprises au Concours de Rome, entre autres en 1889 et en 1891. La première année lui valut un deuxième Second Grand Prix. Même s’il fut le seul récompensé, il ne se satisfit pas de cette place et concourut vainement l’année suivante. En 1891 Alix Fournier se présentait à nouveau et remportait cette fois-ci le premier Second Grand Prix avec la cantate L’Interdit. Dépité de ne pouvoir décrocher le premier Grand Prix, il abandonna le Conservatoire et se consacra à la composition, en écrivant notamment de nombreuses mélodies. Mais la mort le surprit quelques années plus tard, le 12 septembre 1897 à Joinville-le-Pont, non loin de Paris, sans lui laisser le temps de donner sa pleine mesure ; il n’avait pas encore atteint sa 33ème année ! Sa comédie lyrique Stratonice, poème de Louis Gallet, eut cependant quelque succès, après que l’Académie des Beaux-Arts l’eut récompensé au septième concours Cressent2. Elle fut jouée le 9 décembre 1892 à l’Académie nationale de musique.
D.H.M.
____________1) En grec Stratonikê, cette princesse macédonienne (morte en 254 av. J.C.) était la fille de Démétrios Poliorcète. Mariée à Séleucos Ier Nicator, roi de Syrie, le fils de ce dernier, Antiochos Ier, en tomba amoureux. Séleucos lui céda alors son épouse par amour paternel ! Ce sujet a inspiré plusieurs compositeurs, notamment Langlé, qui composa un ballet héroïque (Versailles, 30 décembre 1786), Méhul qui en fit une comédie-héroïque en un acte et en vers (Paris, Comédiens-Italiens, 3 mai 1792) et Edmond Diet avec un opéra-comique (Paris, Menus-Plaisirs , 19 novembre 1887). [ Retour ]
2) Destiné à récompenser une œuvre pour l'opéra composée par un jeune compositeur, le concours Cressent a été fondé en 1875 par Anatole Cressent (Argenteuil, 1824 - Paris, 1870) qui avait laissé à l'Académie des Beaux-Arts une somme de 100.000 francs à laquelle ses héritiers ajoutèrent 20.000 francs. Parmi les nombreux compositeurs récompensés citons Samuel Rousseau (1879) pour son opéra Dianora, Georges Hüe (1881) pour Les Pantins, Philippe Bellenot (1884) pour Naristhé, Edmond Missa (1886) pour Juge et Partie et plus tard Eugène Cools, Marc Delmas et Charles Koechlin... [ Retour ]
Souvenance, mélodie d'Alix Fournier sur une poésie d'Édouard Marsand, dédiée "A mon ami Vaguet de l'Opéra" [Albert Vaguet, 1865-1943, premier Faust à l'Opéra en 1890], avec une illustration de de P. Borie. Paris, A Quinzard et Cie, éditeurs, supplément au journal "Le Monde Artiste illustré" du 5 novembre 1893. - couverture et première page
( coll. DHM )
Partition au format PDF
Fichier audio: Max Méreaux avec transcription de la partie vocale pour clarinette (DR.)
Le Ménestrel, 19 septembre 1897 (DR.)
Camille ANDRÈS (1864-1904)
Camille Andrès (à droite) en compagnie d'Alexandre Guilmant (assis au premier plan), Pierre de Bréville (derrière) et Eugène Gigout (à gauche), novembre 1903
( Musica, 1904, coll. DHM )
"Musicien remarquable", on a écrit de lui à sa mort que c'était "un artiste modeste d'un parfait savoir et d'une inspiration charmante. Les nécessités de la vie qui le firent se vouer de bonne heure au professorat du piano, de l'harmonie et du contrepoint, où il excellait, ne lui ont pas permis une notoriété à laquelle sa probité et son talent lui donnaient droit."
Né vers 1864 en Alsace, à Ingersheim (Haut-Rhin), Camille Andrès débutait ses études à l’Ecole de Musique Classique et Religieuse de Niedermeyer à l’époque où elle était dirigée par Gustave Lefèvre, gendre du fondateur de cet établissement et ancien élève lui-même de Pierre Maleden3. Ses camarades d’école se nommaient alors Claude Terrasse, futur auteur d’opérettes à succès et ami d’Alfred Jarry ; Henri Letocart, qui après avoir été élève de Franck au CNSM sera longtemps maître de chapelle et organiste de St-Pierre de Neuilly-sur-Seine ; Emile Fournier, futur Grand Prix de Rome et Prix Cressent, et Charles Nussy-Verdier4. Eugène Gigout y enseignait l’orgue, le contrepoint, la fugue, le solfège et le plain-chant ; Clément Loret, l’orgue et l’improvisation, et Gustave Lefèvre, la composition musicale et l’harmonie5.
Après avoir obtenu ses diplômes d’organiste, il rejoignait le Conservatoire national supérieur de musique de Paris où il bénéficiait de l’enseignement de Delibes et de Dubois. Ses études étaient couronnées par un second prix de contrepoint et fugue obtenu en 1890 et l'année suivante une mention honorable au concours de composition musicale. Emile Fournier, l’un de ses condisciples à l’Ecole Niedermeyer, obtenait cette année le premier Second Grand Prix et Charles Silver, le premier Premier Grand Prix.
A la mort d’Emile Bernard, arrivée le 11 septembre 1902, il fut choisi pour lui succéder aux claviers des grandes orgues de l’église Notre-Dame-des-Champs. Construite par Ginain en 1867, dans un style pseudo-roman et achevée en 1875, cette église située dans le sixième arrondissement parisien, bénéficiait d’un grand orgue A. Cavaillé-Coll. Il comportait alors 26 jeux, répartis sur deux claviers et un pédalier. C’est Charles-Marie Widor qui l’avait inauguré le 20 mars 1877. Camille Andrès ne resta que peu de temps à cette tribune, la mort l'ayant surpris deux années après sa nomination. C'est René Vierne6, le frère de Louis Vierne, qui lui succédera.
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Elèves de l'Ecole Niedermeyer
rassemblés autour du directeur, Gustave Lefèvre, vers 1880. C'est à cette époque que Camille Andrès
rejoignit cet établissement situé 10 passage de l'Elysée des Beaux-Arts, près de la place Pigalle
(aujourd'hui rue André-Antoine). Photo parue dans le catalogue de l'exposition "Ecole Niedermeyer"
à l'Ecole nationale de musique d'Issy-les-Moulineaux, printemps 1990. |
Compositeur, ses œuvres n’ont pas laissé de traces impérissables dans l’histoire de la musique. Mais ceci provient peut être du fait qu’il est mort assez jeune en 1904 à l'âge de quarante ans. Il n’a pas eu le temps de produire suffisamment et de donner le meilleur de lui-même! On lui connaît cependant une quinzaine de mélodies habilement écrites et un chœur : Les Ruisseaux, qui à l'époque fut fort apprécié dans le monde musical.
Denis HAVARD DE LA MONTAGNE
Camille Andrès, Les Pauvres morts (Amants parés d’or et de soie…), pour chant et piano, dédicacé “A Madame Charlotte Wyns”, mezzo-soprano l’Opéra-Comique (Paris, E. Demets, 1903).
Transcription pour clarinette et piano et fichier audio pour max Méreaux (DR.)
____________3) Pierre Maleden, né vers 1800 à Limoges, enseigna en premier la théorie et la composition à un autre grand musicien : Camille Saint-Saëns. [ Retour ]
4) Futur professeur de musique à Narbonne, d'où il était originaire, Charles Nussy-Verdier était fils de Marcel Nussy-Verdier, né en 1831 et originaire de Rome, maître de chapelle à Narbonne. Ses deux frères, Jean et Marcellin, furent également musiciens : le premier chef d'orchestre à Béziers et organiste de Ste-Aphrodise, et le second organiste de St-Just et de la collégiale St-Paul-St-Serge de Narbonne. Le père et ses trois fils fréquentèrent tous l'Ecole Niedemeyer. [ Retour ]
5) Saint-Saëns, dans son Ecole buissonnière (1913), nous apprend qu'un système d'enseignement du solfège, inventé par Gottfried Weber (1779-1839), ramené d'Allemagne par Pierre Maleden, était enseigné à l'Ecole Niedermeyer : Dans ce système, les accords ne sont pas seulement considérés en eux-mêmes -accords de quinte, de sixte, de septième- mais d'après le degré de la gamme sur laquelle ils sont placés ; on apprend que, suivant la place qu'ils occupent, ils acquièrent des propriétés différentes et on explique ainsi des cas jugés inexplicables. [ Retour ]
6) Né le 11 mars 1878 à Lille, élève de son frère et de Guilmant au CNSM, il débuta à l'orgue de la chapelle des Dominicains (Paris VIIIe) en 1897, avant de rejoindre Notre-Dame-des-Champs. Il est l'auteur de pièces d'orgue et d'une méthode d'harmonium. René Vierne a été tué par un obus autrichien lors de la première guerre mondiale. [ Retour ]
1892Pas de premier prix
1893Cet ancien élève de Massenet, dont les œuvres ne sont plus jouées de nos jours, a pourtant écrit une musique élégante, parmi laquelle on relève des poèmes symphoniques orchestrées avec soin : Au Béguinage (1931), joué notamment le 15 janvier 1956 au Théâtre des Champs-Elysées par Josef Krips à la tête de l’orchestre des Concerts du Conservatoire ; Kaa, donné en première audition aux Concerts Colonne le 2 avril 1933, qui, inspiré d’un épisode du " Livre de la Jungle " de Rudyard Kipling raconte l’histoire du jeune Mowgli, prisonnier du Peuple Singe et délivré par la puissance de fascination de Kaa, le gigantesque serpent python; L’Isle nostalgique, (1945, Fougères), et une fort belle Suite palestinienne pour violoncelle et orchestre (1948), rhapsodie thématique en 4 épisodes qui démontre l’habilité de son auteur. C’est sans doute d’ailleurs son succès le plus important dans ce domaine. René Dumesnil dans son histoire de " la musique contemporaine en France " (A. Collin, 1949) ajoute que le troisième épisode : Eli, Eli, " élève une plainte de l’instrument solo sur le seul soutien des contrebasses et de la batterie et est une page admirable. "
André Bloch
( photo Desgranges, vers 1909 )
Né à Wissembourg (Alsace) le 14 janvier 1873, du légitime mariage de Jacob (Jacques) Bloch, rabbin à Wissembourg puis à Paris, et de Berthe Manheimer, André Bloch a rejoint très tôt le Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où il a fait ses études auprès d’Ernest Guiraud et de Jules Massenet. 2ème médaille de solfège en 1883, à l’âge de 10 ans, il obtenait l’année suivante la 1ère, puis un 1er prix de piano en 1889, un 1er prix d’harmonie en 1890. En 1892 il se présentait au Concours de Rome et était récompensé par un deuxième Second Prix avec la cantate Amadis, derrière Henri Büsser. Cependant, cette année-là l’Académie des Beaux-Arts n’avait pas crû devoir attribuer de Grand Prix. L’année suivante, il décrochait l’ultime récompense avec la cantate Antigone (Heugel), sur un texte de Fernand Beissier.
Dès son retour de Rome au tout début de l’année 1898, André Bloch se livra à l’enseignement de l’harmonie au C.N.S.M. où il resta durant de nombreuses années jusqu'à ce qu'il soit écarté de son poste en décembre 1940 (c'est Olivier Messiaen qui prendra sa succession en mars 1941). Là, il eut notamment pour élève Jehan Alain. Il professa également à l’Ecole des hautes études musicales, plus connue sous le nom de Conservatoire américain de Fontainebleau. Celle-ci, rappelons-le, était installée depuis 1921 dans l’aile Louis XV du château. Dirigée durant plusieurs décennies par des personnalités musicales reconnues : Francis Casadesus, Charles Widor, Maurice Ravel, Marcel Dupré, Robert Casadesus et Nadia Boulanger (1949), cette école est rapidement devenue un haut lieu de rencontres artistiques entre la France et les Etats-Unis. De nombreux autres élèves, parmi lesquels Fernand Oubradous, purent bénéficier de cours privés que donnait également André Bloch. Son nom était aussi connu des jeunes écoliers, qui avant-guerre recevaient leurs premières notions de musique à l’aide de ses Cent leçons à l’usage des écoles primaires (Gras, 1934).
En dehors des œuvres déjà citées, on doit à André Bloch des opéras : Maïda (1909, Enoch), Une nuit de Noël (1922), un " conte bleu " Brocéliande (Opéra, 1925, Heugel), Guignol, opéra-bouffe de cape et de trique en trois actes, quatre tableaux et un prologue, paroles de Justin Godard et Henri Fabert (Heugel, 1939), donné à l’Opéra-Comique en 1949, un ballet Feminaland (1904), un Concerto-ballet pour piano et orchestre (Fougères, 1947), Les Maisons de l’éternité, croquis d’orient pour violoncelle et orchestre (Gras, 1950), une Petite suite dominicale pour petit orchestre (Fougères), des pièces pour piano : Air à danser (Enoch), Thème varié, Andantino (Fougères), pour piano et flûte : Dans la palmeraie (Fougères), piano et clarinette : Denneriana (Gras, 1940), piano et basson : Fantaisie variée (Leduc, 1946), Goguenardises, et des mélodies et duos : Révélation pour deux voix a cappella (Ricordi), Mon père m’a donné un mari pour chant et piano (Fougères), Dans les bois pour chant et piano (id.)... Son Concerto-ballet pour piano et orchestre, en même temps que le Concerto de Massenet ont été enregistrés autrefois sur disque 33 tours (MGM E3178) par Sondra Bianca et le Philharmonisches Staatsorchester de Hamburg, sous la direction de Hans-Jurgen Walther.
André Bloch est mort le 7 août 1960 à Viry-Chatillon, en région parisienne. Il ne doit pas être confondu avec son contemporain, le compositeur suisse naturalisé américain Ernest Bloch (1880-1959), auteur notamment d’une Symphonie n°2 " Israël " pour 5 voix solistes et orchestre (1912-1916), écrite bien avant la Suite palestinienne d’André Bloch (1948)...
Ajoutons enfin que notre lauréat du Prix de Rome dirigea également la chorale de la synagogue de la rue des Tournelles à Paris jusqu'en 1913, puis celle de la rue Notre-Dame de Nazareth à partir de 1913 (où il est toujours en poste en 1935), qu'il fut Inspecteur des Beaux-Arts pour la musique et qu'il avait conçu, pendant la Grande Guerre, un ancêtre du Sonar.1
Marié à Suzanne Loewy, leur fille Yvonne Bloch fera aussi une carrière musicale. Née le 31 mai 1905 à Paris, décédée à l’âge de 99 ans le 2 août 2004 à Vernon (Eure), elle étudia au Conservatoire de Paris, notamment dans les classes de piano de Marguerite Long (1er prix), de contrepoint et fugue de Georges Caussade, et de composition de Henri Büsser. Elle enseigna le déchiffrage au Conservatoire de Paris de 1952 à 1974 et se livra à la composition, parmi lesquelles sa Fantaisie romantique, écrite pour piano, clarinette et quatuor à cordes, était remarquée lors de sa création à Paris en 1937, et sa Danse du mendiant pour piano (Combre, 1982), toujours au catalogue de cet éditeur. Notons aussi, comme pédagogue 144 Dictées harmoniques et mélodiques à deux, trois et quatre voix (Paris, H. Lemoine, 1958) et, en collaboration avec son père André Bloch : Solfège des écoles, 100 leçons à l’usage des écoles primaires (Paris, C. Gras, 1934). Elle avait épousé à Paris en juillet 1933 Jacques Drappier, un jeune brillant ingénieur de l’E.S.M.E, mais un an plus tard, celui-ci disparaissait à l’âge de 24 ans, le 17 juillet 1934. Restée seule à 29 ans, elle ne se remaria jamais pendant son veuvage qui dura 70 ans et par fidélité ne se fera plus connaître que sous le nom d’Yvonne Drappier.
Denis HAVARD DE LA MONTAGNE
1) Renseignements aimablement communiqués le 29 janvier 2014 par M. Avraham Malthête, épigraphiste et paléographe en charge des manuscrits hébreux de la bibliothèque de l'Alliance Israélite Universelle (Paris), collaborateur du Dictionnaire biographique des rabbins et autres ministres du culte israélite... (Paris, Berg international éditeur, 2007). [ Retour ]
CNSMP, 1930-1931, classe d'harmonie d'André Bloch - de gauche à droite, assis : Suzanne Sohet (1908-1995, future Mme Michel Boulnois), André Bloch (professeur d'harmonie de 1927 à 1940), Jacqueline Boyer (1904-1983), Denise Billard (1911-1988) - debout : Jehan Alain (1911-1940), Marcel Stern (1909-1989), Lucien Duchemin (1909-1993), (Henri)? Sarrazin, Aline Pelliot (1908-1997, future Mme Edmund Pendleton), Lola Bluhm (1911_1992, future Mme Léon Souberbielle)
(Archives de la famille Alain) DR.
Henri Büsser en 1910
( Musica, n° 98 )
Son patronyme est d'origine suisse. Son père, Fritz Büsser (1846-1879), ancien élève de Batiste à Paris, était organiste suppléant d'Ignace Leybach à la cathédrale de Toulouse au moment de la naissance d'Henri, le 16 janvier 1872 à Toulouse. Tout d'abord élève d'Aloys Kunc à la maîtrise de la cathédrale de Toulouse (1879 à 1884), il entra il rentra ensuite à l'Ecole Niedermeyer, où il eut pour professeurs Alexandre Georges et Clément Loret, avant d'être admis au CNSM de Paris. Là il suivit notamment la classe d'orgue de César Franck et de Widor, et celle de composition d'Ernest Guiraud et de Gounod. Premier Grand Prix de Rome en 1893, chef d'orchestre à l'Opéra-Comique, puis à l'Opéra, et directeur de l'Opéra-Comique, il fut aussi professeur de contrepoint, puis de composition au CNSM entre 1930 et 1948. Élu à l'Institut en 1938, au fauteuil de Gounod et de Gabriel Pierné, il était également président de l'Académie des Beaux-Arts.
Henri Büsser
(cliché Viollet) DR.
Comme organiste Henri Büsser a exercé à l'église Sainte-Marie des Batignolles (Paris), puis à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) à partir de 1892, succédant là à Charles Gounod et a suppléé quelque temps Louis Vierne à Notre-Dame de Paris de 1916 à 1918. En 1937, succédant à Widor, il fut élu président de l'Union des Maîtres de Chapelle et Organistes. Il avait épousé en 1958, à l'âge de 84 ans, la cantatrice et professeur au CNSM Yvonne Gall (1885-1972). Par sa mère, Cécile Dardignac, il était allié à la famille de musiciens Devries, celle-ci s'étant remariée en secondes noces à Marcel Devries.
Il défendra un style académique inspiré par les leçons de ses maitres. On lui doit une Messe de Noël pour 4 voix mixtes, harpe et orgue, une Messe de Saint-Etienne (messe de l'Armée) pour 4 voix, orgue, trompettes, trombones, tambours et harpe, une Messe de Saint Bertrand de Comminges pour 4 voix et orgue ou orchestre, une autre Messe de Domrémy pour 4 voix a capella et 4 trompettes, à la gloire de Sainte Jeanne d'Arc, ainsi qu'une trentaine de motets dont un O Sacrum convivium pour ténor et choeur; des oeuvres pour la scène (Daphnis et Chloé, Colomba, Les Noces corinthiennes, Le Carrosse du Saint-Sacrement, Le Vert Galant...), de la musique pour orchestre (Le Sommeil pour l'Enfant Jésus pour violon et orchestre, Minerve, ouverture de concert op. 7, Suite funambulesque pour petit orchestre op. 26, Concertino pour contrebasse (ou basson) et orchestre; Rhapsodie arménienne pour alto et orchestre, En Languedoc variations op. 53 pour trompette et orchestre à cordes...) de la musique vocale (Hymne à la France pour ténor et orchestre, Deus Abraham oratorio...); de la musique de chambre et instrumentale (Ballade op. 65 pour harpe, Divertissement, op.119 pour quatuor à cordes...) et plusieurs préludes et fugues pour orgue sur des thèmes de Gounod, Massenet, A. Thomas...
Henri Büsser
dans son habit de
membre de l'Institut
(Studio France-Presse, 1935,
Biblioth. Nationale)
Parmi ses ouvrages didactiques, Vingt-cinq leçons d'harmonie, un Précis de composition et un Traité d'instrumentation ce dernier écrit en collaboration avec Ernest Guiraud.
Signature d'Henri Büsser, septembre 1963.
( coll. DHM )
Denis Havard de la Montagne_______________Merci à Pierre Faraggi pour sa contribution.
Lire également sur le site de Musica et Memoria Henri Büsser et l'orgue, par Joachim Havard de la Montagne, qui a consacré un chapitre à Henri Büsser dans ses mémoires éditées récemment à Paris.
La Bibliothèque nationale du Québec propose en ligne un enregistrement ancien du Notre Père qui êtes au cieux, d'Henri Büsser : http://www4.bnquebec.ca/musique_78trs/mc54.htm
Jules Bouval (à gauche), Albert Périlhou (derrière), Samuel Rousseau (au fond) et Gustave Lefèvre entourant Vincent d'Indy au piano, novembre 1903
( Musica, 1904, coll. DHM )
Originaire de Toulouse, où il est né le 9 juin 1867, Jules-Henri Bouval est entré au Conservatoire national supérieur de musique de Paris à l’époque où Ambroise Thomas en assurait la direction. Théodore Dubois y enseignait alors l’harmonie, Léo Delibes et Jules Massenet, la composition, Marmontel, le piano et César Franck, l’orgue. Elève de ce dernier à partir de 1889, il partagea avec Louis Vierne un deuxième accessit en 1891, alors que Charles Tournemire remportait le premier Prix. Deux années auparavant (1889), il avait remporté un 1er prix d'harmonie. En 1893 une mention au concours du Prix de Rome lui était décernée pour sa cantate Antigone.
Il effectua une carrière d’organiste à Paris et fut notamment titulaire, au début du XXe siècle, de l’instrument de Saint-Pierre de Chaillot, situé dans le seizième arrondissement où Léo Delibes l’avait précédé de quelques décennies. Omer Letorey, Grand Prix de Rome en 1895, en était le maître de chapelle.
Vierne, qu’il avait connu sur les bancs de la classe d’orgue de Franck, lui dédicacera sa Marche funèbre dans ses 24 pièces en style libre, pour orgue ou harmonium (livre II, n° 17) écrites en 1913 et publiées l’année suivante chez Durand.
Si les compositions de Jules Bouval n’ont pas traversé les ans, ses deux chansons Fleur messagère et Les nuages, écrites respectivement sur des paroles d’Henri Passerieu et d’Alexandre Dumas, sont toujours connues des spécialistes de nos jours. Néanmoins, l'on sait qu'il a également composé plusieurs ballets, un drame lyrique Bath-Seba, un opéra-comique La Chambre bleue (en collaboration avec Edouard Noël), une pantomime, Chant d'habits, qui remporta un certain succès à l'époque, et de nombreuses mélodies, parmi lesquelles un recueil intitulé Chants d'amour "qui attira spécialement l'attention des musiciens et des amateurs."
Compositeur, organiste, Jules Bouval professait également l’harmonie. Georges Migot (1891-1976), Prix Lily Boulanger, Prix Lépaulle, Prix Halphen et Prix de la fondation Blumenthal, qui échoua à deux reprises (1919 et 1920) au Prix de Rome, avait été l’un de ses élèves avant de rejoindre le Conservatoire.
Jules Bouval est décédé le dimanche 26 février 1911 à l'âge de 43 ans.
D.H.M.
Jules Bouval, Tristesse de la lune, pour chant et piano, poésie de Charles Baudelaire, oeuvre dédicacée "à Monsieur E. Engel, de l'Opéra" (Paris, A. Leduc, 1898),
fichier audio par Max Méreaux avec transcription pour clarinette et piano (DR.)
1894
Henri Rabaud, Solo de concours, op. 10, pour clarinette en si bémol avec accompagnement de piano, dédicacé « à Monsieur Charles Turban » [1845-1905, professeur de clarinette au Conservatoire de Paris de 1900 à 1904], (Paris, Evette & Schaeffer, 1901). Fichier audio par Max Méreaux (DR.)
Henri Rabaud (1873-1949), Grand Prix de Rome 1894,
dirigeant aux Arènes de Béziers, le 30 août 1908,
son drame lyrique en trois actes
(sur un poème de Lucien Népoty).
Chef d'orchestre, membre de l'Institut,
il succéda en 1920 à Fauré à la tête du Conservatoire de Paris.
( Dessin de Gir )
Affiche concert du 27 novembre 1942, église de la Madeleine (Paris) : Messe du couronnement de Mozart, sous la direction de Henri Rabaud.
( Coll. D.H.M. )
1895
Première page du motet Maria mater gratiae composé par Omer Letorey et publié dans le numéro 9, mai-juin 1949, de la revue Musique et Liturgie
( Coll. D.H.M. )
Si Omer Letorey a connu un certain succès pour sa musique de scène et ses mélodies, il n’est pas surprenant qu’il effectuait parallèlement une carrière de musicien d’église. C’était en effet un ancien élève de l’Ecole de musique classique et religieuse, plus couramment appelée Ecole Niedermeyer.
Né le 4 mai 1873 à Châlon-sur-Saône, du légitime mariage de Victor Letorey, comptable aux usines Schneider au Creusot, et de Claudine Roisot, sa jeunesse se déroula au pied de la cathédrale St-Vincent de cette ville, où Charles Rochas, un ancien de l’Ecole Niedermeyer, touchait les claviers des grandes orgues. C’est sans doute lui qui décida les parents Letorey à envoyer leur fils à Paris. Un beau jour d’octobre 1887, du haut de ses 14 printemps, Omer Letorey débarqua dans la cour de l’Ecole Niedermeyer spécialisée dans l’enseignement de la musique religieuse. Il ne faut pas oublier que Gabriel Fauré, André Messager et Eugène Gigout ont débuté leurs études musicales dans cet établissement ! Gustave Lefèvre en assurait alors la direction, assisté d’éminents professeurs tels Clément Loret (orgue), Alexandre Georges (harmonie), Charles de Bériot (piano) ou encore Paul Viardot (accompagnement et violon). Aimé Steck y enseignera plus tard l’harmonie. Henri Büsser, Louis Frade, Joseph Collin, Jean Nussi-Verdié, Léon Delgay, Jules Caffot, Léon Froment et bien d’autres encore étaient ses compagnons de classe.
Quelques années plus tard, en 1891, il rejoignait le Conservatoire national supérieur de musique de Paris tout en occupant la place d’organiste de Ste-Elisabeth. Il ne restera d’ailleurs que peu de temps dans cette église, trop pris par ses études supérieures de musique. Dans cet établissement, il est notamment élève de composition de Théodore Dubois (1er prix de fugue en 1894), son maître principal. C’est ainsi qu’il l'amena en 1895 à la plus haute marche du Grand Prix de Rome avec la scène lyrique Clarisse Harlowe, paroles d'Edouard Noël, devant Max d’Ollone. L'année précédente, déjà candidat à ce concours, un second Grand Prix lui avait été décerné pour la cantate Daphné, paroles de Charles Raffali, derrière Henri Rabaud, et en 1893, lors de sa première tentative, la cantate Antigone, paroles de Fernand Beissier, ne lui avait rapporté aucune récompense, concourant cette année aux côtés de Jules Bouval, Charles Levadé, Henri Büsser, André Bloch et Bergé.
Exécutée en public à l'Institut de France le dimanche 20 octobre 1895, la cantate de Letorey emporta la conviction de ses pairs, ainsi que le relate le quotidien Le XIXe siècle (édition du 21 octobre) :
« La séance publique annuelle de l’Académie des beaux-arts a eu lieu hier, sous la présidence de M. Ambroise Thomas, assisté de M. Bonnat, vice-président, et de M. le comte Henri de Laborde, secrétaire perpétuel. Après la distribution des prix, Mlle Marcy, de l'Opéra, M. Warmbroat, de l'Opéra, et M. Nivette, de l'Opéra-Comique, accompagnés par l’orchestre du Conservatoire, dirigé par M. Tafanel, ont exécuté la cantate à trois voix Clarisse Harlowe, qui a remporté le grand premier prix de Rome. Grand succès pour les exécutants, pour l’auteur, M. Edouard Noël et pour le musicien, M. Orner Letorey. »
En décembre 1895, il partit à Rome, à la Villa Médicis, afin d'y effectuer le traditionnel séjour réservé aux vainqueurs du Grand Prix de Rome. Au cours des 3 années de pensionnaire, il envoyait à l'Institut plusieurs oeuvres qu'il était tenu de composer : Six Mélodies pour chant avec accompagnement d'orchestre, un choeur : L'Eté, écrit sous la forme d'une scène lyrique à 3 voix avec choeur, poésie de V. Hugo, édité en 1927 chez Lemoine, pour 7 voix mixtes, SAATTBB, copie d'un Credo à 8 parties de Magliardi du XVIe siècle, 4 solistes et partie instrumentale piano ou orchestre, notamment exécuté à Alger, le samedi 18 juin 1932, salle du Capitole, rue Denfert-Rochereau, lors d'un concert organisé par la Société chorale mixte « L'Accord parfait », sous la direction du chef d'orchestre Camille Kunc, avec Mlle Viguier (soprano, 1er prix du Conservatoire d'Alger), Mme Pernot (contralto), Cappiello (ténor) et G. Vaillant (basse), puis par les mêmes le jeudi 22 juin 1933 à 21h à la radio (Alger-P.T.T.), un Quatuor à cordes, 2 Etudes symphoniques, dont une Etude symphonique sur un choral exécutée au Conservatoire de Paris le 21 décembre 1899 sous la direction de Paul Taffanel, un motet pour soli, choeur et orchestre Deus Abraham et une Messe de Requiem pour solo, choeurs, orchestre et orgue, en 7 parties (Requiem, Kyrie, Domine Jesu Christe, Sanctus, Benedictus, Agnus dei, In paradisum), notamment exécutée en juin 1903 à Paris par la « Société chorale d'Amateurs » de Guillot de Sainbris et qui plus tard, en 1937, fera l'objet d'une réduction pour chant et piano (manuscrit autographe conservé à la BnF).
Messe de Requiem, Envoi de Rome, 4e année, 1899, premières mesures du manuscrit autographe de la partition pour orchestre,
( BnF/Gallica, Ms. 10.997 )
Fichier audio par Max Méreaux (DR.)
Lors de la première audition publique de certains de ses envois de Rome, le jeudi 19 décembre 1901 au Conservatoire de Paris, le librettiste et auteur dramatique Paul Milliet (1855-1924) auquel on doit notamment les livrets des opéras Hérodiade, Werther et Adriana Lecouvreur, écrivait dans Le Monde artiste du 22 décembre :
« Omer Letorey, qui a obtenu le Grand Prix de Rome en 1893, a connu cette semaine les délicieuses angoisses de la première audition publique et solennelle de ses premières œuvres.
J'ai connu M. Letorey à Rome, il y a cinq ans. Tel je l’ai vu alors, tel je l'ai revu jeudi au Conservatoire. De moyenne taille, la figure ronde, les yeux aimables. Un blond bon enfant, heureux d’avoir passé sous les fourches caudines de la critique parisienne, heureux d’avoir entendu ses grandes compositions, heureux d’avoir été applaudi. Oh ! les premiers applaudissements ! Comme ils sont doux au coeur de l’artiste ! Comme ils paraissent la promesse des longs succès, l’aurore de la notoriété et la sécurité de l’avenir ! De quels rêves ils sont accompagnés ! Et comme je me garderai d’insister sur les tristesses dont ils peuvent être suivis ! A quoi bon assombrir ces joies exquises et confiantes du « début » ?
Letorey est de cette forte école musicale que l’on ignore ou que l’on méconnaît au delà des frontières de notre France. Il sait de son métier tout ce que l’on en peut savoir. Il manie la fugue et le contrepoint arec une rare sûreté, et il sait orchestrer avec une réelle habileté. C’est bien quelque chose, tout cela. Attendons-le à des œuvres pensées et écrites librement ; et inscrivons-le sur le grand livre de la jeunesse avec un large crédit.
Son programme comportait des Etudes symphoniques ; le chœur de l’Eté, sur la poésie de Victor Hugo ; et un Requiem. Le public a voulu entendre deux fois le Sanctus de ce Requiem. Un effet de sonorité obtenu avec des moyens très simples, et qui n’est point dépourvu de grandeur, La péroraison de ce Requiem est brodée sur la phrase de plain-chant de la liturgie ordinaire. Des dessins d’orchestre accentuent et ornent cette phrase que M. Letorey a respectée un peu trop à mon gré et qu’il aurait pu développer symphoniquement.
Le morceau vraiment important de l’Envoi de M. Letorey est sa deuxième Suite symphonique. Cela a de la tenue ; et aussi de la science, de la jeunesse et de la clarté. Le maître poète, Théophile Gautier, qui se déclarait toujours fort embarrassé quand il avait à rendre compte d’une symphonie, eût reconnu tout de suite ces mérites à M. Letorey.
Je me rappelle un feuilleton de Gautier affirmant que ce n’est qu’à la longue « qu’on peut s'acclimater à une symphonie » ; et comparant ce genre d'oeuvre à un labyrinthe où fatalement in s'égare : « Il faut beaucoup de temps, disait-il, pour que l’on y discerne quoi que ce soit, pour que les brouillards écartent leurs voiles de gaze rose, pour que les fleurs entr’ouvrent leurs yeux d’azur et que le soleil saupoudre d’or le vert tissu des forêts. » Il n’y a point de brouillards, même roses, dans la Suite orchestrale de M. Letorey et point de ténèbres intérieures à dissiper. Et c’est ce qui a plu à l'auditoire, et c’est ce qui a valu au jeune Prix de Rome les chaleureux encouragements qu’il a reçus.
Paul Vidal dirigeait l’orchestre, et il s’est distingué. D’un geste souple et ferme à la fois, il a mis en relief les qualités musicales de l’Envoi, il en a marqué toutes les nuances avec beaucoup besoin et beaucoup de précision.
En somme, une bonne journée pour notre Conservatoire national. »
A son retour de Rome (1899) Omer Letorey mena de front une double carrière de musicien de théâtre et de musicien d’église : nommé en juillet 1905 second chef d'orchestre à la Comédie-Française, à la suite de la démission de Paul Fauchey, puis chef en titre au décès (1913) du titulaire Laurent Léon (le successeur d'Offenbach à ce poste) et directeur de la musique jusqu'en 1922, puis directeur-adjoint des choeurs de l'Opéra de Paris (1930), il fut successivement organiste de Saint-Thomas-d’Aquin à partir de 1900, où il succédait à un autre Grand Prix de Rome Edmond Missa, maître de chapelle de Saint-Pierre-de-Chaillot en 1903, où il avait déjà exercé cette même fonction dans les années 1892-1895 avant son départ à la Villa Médicis, et enfin maître de chapelle de Saint-Honoré à compter de 1923 à 1928. A cette époque, ainsi qu'au cours des années trente, il enseignait l'harmonie à l'Ecole Niedermeyer, Henri Büsser en était alors le directeur des études et bien que sans tribune attitrée depuis 1928, il quelques remplacements dans certaines églises parisiennes, entre autres, à Noël 1936, où le 24 décembre à Saint-Martin-des-Champs il tient l'orgue dans des vieux Noëls français et l'intégrale de l'Oratorio de Noël (soli, choeur, orchestre et orgue) de Saint-Saëns, avec pour solistes Mmes Barbantane, Lassale et Huchez, MM. Desnauroy Leuiller, Mlle Durupt (Harpe), sous la direction de Paul de Saunières, maître de chapelle de la paroisse.
En dehors des oeuvres déjà citées, son catalogue contient :
1) des pages pour orchestre : les 2 Etudes symphoniques déjà mentionnées et un poème symphonique sur le drame d'Ibsen : Brand, joué le 3 octobre 1897 au Concert du Jardin d’Acclimatation, sous la direction de J. Lafitte, puis aux Concert Lamoureux le dimanche 15 janvier 1899 au Cirque d'Hiver, sous la direction de Camille Chevillard. Le compositeur et chef d'orchestre à l'Opéra Alfred Bruneau, lui-même aussi lauréat du Prix de Rome écrivait le lendemain dans Le Figaro du lundi 16 janvier 1899 :
« La pièce principale du programme de M. Chevillard était un poème musical sur « Brand », le drame d’Ibsen, par M. Omer Letorey, très jeune compositeur, prix de Rome, je crois, dont les débuts sont aussi brillants que ceux de M. Henri Rabaud, il y a huit jours. Un lent choral, en l’austérité des cuivres, prêche d’abord l’abnégation, le sacrifice et, en la douceur des cordes, glorifié la tendresse, la bonté. Les bois, joyeusement, férocement, ironiquement chromatiques, y répondent, chantant les vilenies, les misères humaines. Et une fugue se développe, s’anime ; son thème élargi s’élève bientôt au-dessus de ses agitations, grandit, monte, envahit l’orchestre, préparant la rentrée du choral qui, en effet, éclate et proclame le triomphe de l’idéal. Le plan de ce poème est des plus simples, ses différents motifs sont des plus nets, des plus expressifs, son instrumentation est des plus claires, des plus fermes, son éloquence est des plus hautes. Avec celui de M. Rabaud, il marque un mouvement de réaction contre l’art prétentieux et compliqué que quelques personnes ont voulu nous imposer et qui, n’étant point dans notre tempérament, ne pouvait plaire qu’à certains snobs, déjà las de ses manifestations toujours pareilles. Le succès de M. Letorey, franc, significatif, m’a ravi. Omer Letorey est, on le voit, un musicien de valeur, compositeur de race, dont les œuvres sont d’une inspiration élevée et d’une belle richesse orchestrale. »
2) de la musique de chambre : Scherzo, Petite Marche, enregistrés en 1934 par le Quintette des Solistes de la Garde Républicaine, alors composé de Georges Delangle (flûte) Myrtil Morel (hautbois), Pierre Lefebvre (clarinette), Christian Dhérin (basson) et Jean Devémy (cor), disque 78 tours Pathé PG35 ; Faunes... et Nymphes..., pour quatuor de saxophones (Paris, Margueritat, 1966) ; Suite pour flûte exécutée le 9 juin 1922 au Salon de la Nationale, ainsi commentée par A. Sylvain dans la Revue moderne des arts et de la vie (n° 16 du 30 août 1922) : « [elle] a plu infiniment et a obtenu un vif succès. On connaît la belle inspiration de ce musicien, qui écrit dans un style très pur et dont les oeuvres sont émouvantes, d'une haute tenue, d'un art rempli de charme et de vigueur, prouvant un intéressant et personnel tempérament d'artiste. D'une écriture solide, sa musique, soutenue par des harmonies très modernes, est d'une grande puissance expressive. »
3) des pièces pour piano : Valse arabesque (J. Hamelle, 1912), 3 petits airs de Lully, recueillis et arrangés par O. Letorey pour piano à 4 mains (id., 1912), Pantomime des 4 médecins, fantaisie dans le style de Lully pour piano à 4 mains (E. Demets, 1921), Sicilienne pour piano, extraite de son opéra-comique Le Sicilien (Au Ménestrel, 1930, puis Heugel, 1933), Fleurs sans neige, La Vénitienne...
4) de la musique de scène d'une trentaine de pièces, parmi lesquelles :
* La Fleur merveilleuse, pièce en 4 actes et en vers de Michel Zamacoïs, représentée le 23 mai 1910 à la Comédie-Française,
* Riquet à la Houppe, comédie féérique en 4 actes de Théodore de Banville, représentée le 28 avril 1913 à la Comédie-Française,
*Sophonisbe, tragédie en 4 actes et en vers d'Alfred Poizat, Comédie-Française, 7 octobre 1913
* Méléagre et Atalante, pièce mythologique en 1 acte et en vers, d'Alfred Pouzat, donnée le samedi 25 avril 1914 à la Comédie-Française lors de la représentation de retraite de Prud’hon, sociétaire, après 49 ans de service.
*Macbeth de Shakespeare, 5 actes et 12 tableaux, version française inédite, prose et vers de Jean Richepin, première à la Comédie-Française le 30 mai 1914, avec Mounet-Sully (rôle de Duncan) et Paul Mounet (Macbeth) et « une exquise et discrète musique de scène de M. Letorey » (Le Radical, 31 mai 1914).
*Les Perses, pièce en vers d'après Eschylle, livret d'Eugène Silvain et Jaubert, représentée pour la première fois au Théâtre antique d'Arles, puis à la Comédie-Française le 17 mai 1919,
* L'Hérodienne, comédie tragique en 3 actes d'Albert du Bois, créée le 13 novembre 1919 à la Comédie-Française,
* Juliette et Roméo, tragi-comédie en 5 actes et 6 tableaux, en vers, d'après Shakespeare et Luigi da Porto, livret d'André Rivoire, créée à la Comédie-Française le 1er juin 1920 (24 représentations en 1920 et 1921),
* La Mort enchaînée, pièce dramatique en 3 actes et en vers de Maurice Magre, créée, le 8 Septembre 1920 à la Comédie-Française,
* Cléopâtre, drame en 5 actes et en vers d'André-Ferdinand Hérold, d’après Plutarque et Shakespeare, créé le 22 mai 1921 à la Comédie-Française avec Pierre Fresnay parmi les acteurs,
* Circé, comédie en 2 actes et 3 tableaux, en vers, d'Alfred Poizat, créée le 27 juillet 1921 à la Comédie-Française,
* Les Fâcheux (Molière) dont la musique est souvent attribuée à tort à Lully ou à Beauchamps, représenté en 1921 à la Comédie-Française,
*Mangeront-ils ?, drame en 2 actes et en vers de V. Hugo, représenté en 1922 à la Comédie-Française,
* Le Malade imaginaire (Molière) avec une partition dans le style de l'époque,
* Don Juan (Molière),* L'Amour médecin (Molière) avec reconstitution de la musique de Lully et composition en entier de deux numéros,
* Barberine, comédie en 3 actes d'A. de Musset.
Concernant la musique de scène d'Omer Letorey, un critique autorisé avait écrit à l'époque :
« Letorey possède le sens du drame ; il a l’intuition de l’état d’âme des personnages dans les diverses situations, et, si vous me permettez cette expression un peu hardie, je dirai qu’il ''meuble les silences'' du texte, en soulignant, en agrémentant, en enrichissant le jeu du comédien, au moyen d’un chant, d’un concert d’instruments. » (in Revue moderne des arts et de la vie, 30 août 1922)
5) des opéras-comiques :
* Cléopâtre (1918),
* Le Sicilien ou l’Amour peintre, comédie lyrique en 2 actes et 3 tableaux, d'après Molière, paroles d'André Dumas (Au Ménestrel/Heugel, 1929), créée à l’Opéra-Comique le 19 mars 1930 (en même temps que Georges Dandin de Max d’Ollone) sous la conduite de Louis Fourestier, avec le 28 mars 1936 une 50e représentation (avec Elie Cohen, chef d'orchestre) et une reprise (60e représentation) le 13 janvier 1939 avec Roger Desormière au pupitre. Lors de la création un journaliste du Radical (édition du dimanche 6 avril 1930) écrivait : « M. Omer Letorey avait composé la plus grande partie de la partition du temps qu'ill était directeur de la musique à la Comédie-Française. Il a judicieusement complété ce travail, fort remarquablement par la reconstitution exacte, spirituelle et expressive de l'art de l'époque, pour le transporter dans le cadre de l'Opéra-Comique, où son audition est d'une vive séduction. » Germaine Cernay (1900-1943), considérée comme l’une des plus belles voix de sa génération, participa à la création (rôle de Léonor), aux côtés notamment de Félix Vieuville (don Pedro) et Victor Pujol (Adraste).
* L’Œillet blanc, comédie lyrique en 2 actes sur un poème d'Alphonse Daudet (1930, Ed. Noël et Lucien Pathé), dont la composition avait débuté en 1898 à la Villa Médicis.
6) de la musique religieuse dans laquelle on relève les motets au Saint Sacrement, Benedictus pour choeur et orgue (A. Durand et fils, 1909), Maria mater gratiae, pour ténor solo et choeur à 4 voix mixtes et orgue (édition de la Schola cantorum, 1949), Tu es Petrus, pour choeur a cappella (Schola cantorum), O Salutaris, pour choeur a cappella (id.).
Les Nénuphars, couverture
(J. Hamelle, 1911, BnF/Gallica)
La Fontaine de Caraouet, premières mesures
La Bibliothèque nationale du Québec propose en ligne
un enregistrement ancien de La fontaine de Caraouet,
d'Omer Letorey.
(J. Hamelle, 1912, BnF/Gallica)
7) plusieurs mélodies et choeurs, dont :
* Hymne à la Trinité, pour choeur, sur un texte de Racine, exécuté en février 1904 à Paris par la « Société chorale d'Amateurs » de Guillot de Sainbris,
* Psyché, poésie de Corneille (Au Ménestrel, 1905),
* Chanson pour 4 voix, pour choeur (SATB) ou soli, poésie d'Auguste Dorchain (Enoch, 1905),
* Le Chant des moissons, choeur pour 2 voix égales ou 4 voix mixtes et piano, poésie de Mme Villarson, notamment chanté en mars 1906 à Paris par la « Société chorale d'Amateurs » de Guillot de Sainbris (J. Hamelle, 1923),
* Les Nénuphars, voix et piano, poésie de Barbey d'Aurevilly (J. Hamelle, 1911),
* La Fontaine de Caraouet, voix et piano, et version pour SATB, poésie d'Edmond Rostand (id., 1912), encore chantée parfois de nos jours, enregistrée en 1947 par Georges Thill, accompagné au piano par Henri Defosse (disque 78 tours Columbia LF250, réédition en 1977 au sein d'un coffret disques 33 tours pour les 80 ans de G. Thill, VSM 2C 153-1611 à 1614, et en 1992 : 2 CD Emi classics PM518). Au Canada en 2005, une nouvelle réédition d'un enregistrement des années 1950 de cette mélodie par le Trio lyrique a été réalisée par la maison de disques XXI-21 de Montréal (collection QIM, CD EXP108).
* Allez au pays de Chine, voix et piano, poésie de Louis Bouilhet (id., 1913),
* Pastorale, poésie de Molière (scène III du 3e Intermède de la Princesse d'Elide) pour chant et piano (J. Hamelle, 1914), pour choeur à 4 voix, (id. 1929),
* Vere novo, Printemps nouveau, poésie de Victor Hugo (id., 1916),
* Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie, poésie de Victor Hugo (id., 1918), chanté lors de plusieurs solennités en hommage aux soldats morts durant la Grande Guerre, notamment interprété par Dupré, de l'Opéra-Comique, le 11 septembre 1924 à la Comédie-Française pour commémorer la bataille de la Marne. Le compositeur et musicologue Henri Collet (1885-1951) écrivait dans le journal Comoedia du 19 mars 1920) : « M. Omer Letorey nous avait précisément demandé de lui fournir un poème qui aurait le ''mouvement'' de l'hymne de Victor Hugo. Nous avions tardé à le lui envoyer de sorte que l'artiste s'est décidé à mettre en musique le poème de Hugo lui-même. Cela vaut beaucoup mieux. La musique de M. Letorey s'est parfaitement adaptée aux paroles célèbres. Elle est sobre et funèbre à souhait, avec, nous ne savons pourquoi, un rappel involontaire de la ''Carmen'' de Bizet (duo de Micaëla et de Don José) sur les mots ''Et comme ferait une mère''. » Enregistré la fin des années vingt (disque 78 tours) par le chanteur (basse) Marcel Journet (1868-1933),
* Hymne aux aviateurs, poésie de J.-B. Cavaillès (id., 1922), enregistré au sein d'un coffret 3 disques 33 tours « La Grande Guerre 1914-1918, évoqué par le texte, l'image et la musique » par Jean-Claude Laburthe (Guilde Internationale du Disque, M2344),
* Chanson sous bois, chant et piano, poésie de Mme de Villarson (id., 1923),
* La Fileuse, mélodie populaire esthonienne, adaptation française de George Kenavao, harmonisation de O. Letorey, pour chant et piano (id., 1926),
* Chanson de Noël, solo ou choeur pour voix moyennes avec accompagnement d'orgue ou harmonium (id., 1927),
* Canzonetta (id.,?),
* Sur une poésie de Corneille (id.,?),
* Villanelle rustique (id.,?),
* A Saint-Blaize (id.,?),
* Le Mai d'amour, chanson pour voix moyennes et piano, poésie de R.P. Groffe (Ricordi, 1929),
* Le Sais-tu, pour chant et piano, poésie de Lélian (Ricordi, 1929),
* Cantilène d'Isidore, extraite de son opéra La Sicilienne, chant (Au Ménestrel, 1930), chantée par Mlle Gauley,
* Chanson d’Hali, extraite de son opéra La Sicilienne, chant (Au Ménestrel, 1930), chantée par M. Hérent,
* Sérénade de « Ma sœur Anne », pour chant et piano, paroles d'André Dumas (Heugel, 1935).
On lui doit également une Etude sur le contrepoint chromatique (Lemoine) et en 1905, au tout début de la création (en 1903) de la Société phonographique Odéon, deux enregistrements sur disque. Il grave en effet à l'orgue la Marche funèbre de Chopin et la Marche Einzug der Gäste du Tannhaüser de Wagner (Odéon X36498), la Marche triomphale de Lemmens et Improvisation de l’interprète (Odéon X36508).
signature autographe (1931) DR.
Omer Letorey était membre du Jury du Conservatoire de Paris, du Comité des Salons des Musiciens français, de l'Union des Maîtres de Chapelle et Organistes, de la Société des compositeurs de musique et Président de l'Association des Anciens Élèves de l'Ecole de musique Niedermeyer. Il reçut la Légion d’honneur, au grade de chevalier (décret du 30 juillet1935) qui lui avait été remise le 27 janvier 1936 par André Dumas, homme de lettres, président de la Société des poètes français et parolier de plusieurs de ses œuvres. Longtemps domicilié dans le quinzième arrondissement parisien 3 square Théodore-Juydlin, il est mort le 21 mars 1938 à Issy-les-Moulineaux, 22 Villa Marguerite où il s'était installé quelques années auparavant. Sa veuve, Julienne Salus, originaire de l’Aisne, lui a survécu plus de 40 ans et s’est éteinte à l'âge de 96 ans le 6 mars 1982 à l’hôpital Emile-Roux de Limeil-Brévannes en banlieue parisienne. Sans héritier connu, la succession Letorey fut déclarée en déshérence et acquise par les Domaines. Néanmoins, l'on sait que la fratrie d'Omer Letorey comprenait plusieurs enfants dont Victor Letorey (1864- ?), ingénieur des Ponts et Chaussées, marié et domicilié à Girolles (Yonne) en 1931, René Letorey (1875-1950), administrateur des Colonies à Majunga (Madagascar), marié et retraité à Paris, Angèle Letorey (1869-c.1900), mariée au docteur Maurice Lagoutte (1867-1942), chirurgien à l'Hôtel-Dieu du Creusot (Saône-et-Loire) qui lui donna une fille, Marie-Gisèle (mariée en 1924 au Dr Louis Depouilly (1884-1975), ophtalmologiste à Dijon) et qui, devenu veuf au bout de 2 ou 3 années de mariage, épousa en secondes noces (1901) sa belle-soeur Marie-Berthe Letorey (1879-1956), avec laquelle il eut une seconde fille, Marie-Madeleine Lagoutte (née en 1902 au Creusot).
Sous le pseudonyme de « Claude Salus » (patronyme de son épouse) Omer Letorey s'est aussi essayé à la musique légère qui, durant la période de l'entre-deux-guerres, connaissait un vif succès dans les salons et à la radio, avec, entre autres oeuvres, le boston Rédiviva, valse lente chantée (Paris, La Parisienne, édition musicale G. Lorette, 1923) et la valse andalouse Macarena (vers 1924).
Denis Havard de la Montagne
(2004, révision en 2017)
Claude Salus (pseudonyme d'Omer Letorey), Rédiviva, valse lente chantée
(La Parisienne, 1923, Bnf/Gallica)
1896
Jules Mouquet, vers 1912
( coll. D.H.M. ) DR
Homme "simple et modeste ", Jules Mouquet, bien qu’auteur d’une œuvre abondante, n’est plus guère connu de nos jours, si ce n’est que de quelques flûtistes ayant à leur répertoire sa sonate Flûte de Pan pour flûte et piano, op. 15, en 3 mouvements : Pan et les bergers, Pan et les oiseaux, Pan et les nymphes. Cette œuvre, publiée en 1906, est en effet l’une des rares restées au catalogue ! James Galway l'a notamment enregistrée et l’éditeur Lemoine la présente toujours dans son catalogue.
Jules-Ernest-Georges Mouquet, né le 10 juillet 1867 à Paris 1er, au domicile de ses parents : 34 rue de Richelieu, est issu d'une famille d'artisans et commerçants. Son grand-père paternel, Fidel, est horloger en banlieue parisienne, à Arpajon, son père, prénommé également Jules, et son oncle paternel Ernest se livrent au commerce de la viande, ainsi que sa mère, née Félicie Platret et son second mari, Louis Verrier. Cependant, très tôt attiré par la musique, il entre au Conservatoire de Paris où il fréquente notamment les classes d’harmonie de Xavier Leroux et de composition de Théodore Dubois. Un deuxième prix de contrepoint et fugue lui est décerné en 1893. Cette même année, il se présente au Concours de Rome aux côtés de 12 autres candidats : Roux, Andrès, Bloch, Levadé, Letorey, Halphen, d'Ivry, Bouval, Caffot, Büsser, Maurel et Bergé, mais échoue à l’épreuve préparatoire de fugue. En 1894, il remporte cette fois une mention honorable avec la cantate Daphné (paroles de Charles Raffali), mais l'année suivante, à nouveau candidat, sa cantate Clarisse Harlowe (paroles d’Edouard Noël) n'est pas primée. Enfin, en 1896 il décroche le 1er Grand Prix avec la scène lyrique à trois voix Mélusine, sur un texte de Fernand Beissier, qui est exécutée en public le 31 octobre de cette même année au Palais Mazarin lors de la séance annuelle de l’Académie des Beaux-Arts. Cette année-là, Florent Schmidt et Max d'Olonne figurent parmi les candidats malchanceux!
Durant le traditionnel séjour à la Villa Médicis et voyages en Italie, Autriche et Allemagne, il se plie au règlement qui impose l'envoi à la fin de la première année d'un quatuor à cordes et six mélodies ; à la fin de la deuxième année, d'un poème symphonique ; à la fin de la troisième d'un poème avec chœurs et à la fin de la quatrième d'une œuvre dramatique. C'est ainsi que le jeudi 18 décembre 1902, au cours de la séance d'audition des envois de Rome au Conservatoire national de musique et de déclamation, sous la direction de Paul Taffanel on peut entendre plusieurs œuvres de Jules Mouquet : Andromède, poème symphonique en 5 parties : 1. Tempête, 2. Andromède enchaînée, 3. Persée délivrée, 4. Scène d'amour, 5. Apothéose, un chœur pour voix de femmes (en modes dorien et hypodorien) : Les Captives (poésie de Jean Racine, solo : Mme Pennequin), l'Adagio et le Scherzo du Quatuor à cordes en ut mineur, deux mélodies chantées par le ténor Georges Dantu : L'Eglise du village (poésie d'A. Deschamps, avec accompagnement d'orgue Celesta) et Le Sacrifice d'Isaac (poème biblique de Paul Collin), et un tableau symphonique et vocal pour orchestre, orgue, baryton solo et double chœur : Le Jugement dernier, sur une poésie de J.-B. Rousseau, en 3 parties : 1. Prologue prophétique, 2. Interlude (orchestre seul), 3. les Trompettes du Jugement dernier, les Damnés, les Elus (baryton solo: M. J. Barlet). La première exécution d'Androméde, dont la composition avait été achevée à Vienne en 1899 (déposée à la Société des auteurs le 13 février 1902), avait eu lieu à la Villa Médicis en présence de la Reine d'Italie. L'esquisse symphonique Au village fut exécutée quant à elle aux Concerts Lefort puis au début de l'année 1903 à Angers lors du 9ème "Concert populaire", en même temps qu'Andromède, ainsi que le Concerto grosso de Haendel et les Variations symphoniques Istar de d'Indy.
Jules Mouquet réintègre Paris en 1901 et va désormais se livrer à la composition et à l'enseignement. En 1905, l'Académie des Beaux-Arts lui attribue le Prix Trémont de composition musicale, d'un montant de 1000 francs, décerné à un jeune musicien à titre d'encouragement, qu'il partage avec Louis Brisset co-primé. Deux années plus tard, ses œuvres de musique de chambre lui valent le Prix Chartier (500 francs) délivré par cette même Académie. En effet, à 30 ans, il a déjà un catalogue bien rempli, principalement édité chez Lemoine, comprenant, en plus des envois de Rome, des pièces pour orchestre (Aubade, Nocturne, Marche antique), des œuvres de musique de chambre (Danse grecque pour flûte ou violon, piano ou harpe, une Sonate pour violon et piano, une autre Sonate pour violoncelle et piano), des pages pour un instrument seul (Suite symphonique et une Sonate pour orgue, 3 Sonatines pour piano), un poème biblique Le Sacrifice d'Isaac (paroles de Paul Collin), des mélodies, dont Le Rat des villes et le rat des champs pour voix et piano… Membre des jurys du Conservatoire, il débute néanmoins l'enseignement par des leçons particulières ou dans des Institutions privées. Entre autres, il est membre, aux côtés de Jules Morpain et Ricardo-Vinès, du Conseil supérieur de l'Ecole supérieure de musique et de déclamation, sise 11 rue Ambroise Paré dans le dixième arrondissement parisien. Cet établissement, fondé en 1901 et dirigé par le violoniste Georges Cuvelard (né en 1872), se voulait être le deuxième conservatoire de Paris : près de 200 élèves y recevaient un enseignement de qualité dispensé par une quarantaine de professeurs, similaire à celui donné au Conservatoire national ; Widor en assurait la présidence avec Charles René pour vice-président. En 1913, au départ à la retraite de Taudou, il est nommé titulaire de sa classe d'harmonie du Conservatoire national supérieur de musique. Il y enseigne durant 14 ans, jusqu'en 1927, année où à son tour il prend sa retraite, nommé professeur honoraire par arrêté du 22 septembre ; c'est Paul Fauchet qui lui succède. Parmi les nombreux élèves qu'il forme, citons Edouard Souberbielle, René Malherbe, Henri Le Cunff, Jules Collery, Jean Villatte ainsi que les pianistes canadien et américain Léo-Pol Morin et Beveridge Webster venus en France pour parfaire leurs études musicales. Avec la collaboration d'Edouard Mignan et d'Edouard Souberbielle, il écrit deux ouvrages pédagogiques : un Cours élémentaire d'harmonie (Paris, 1928, 1941, Editions de l'Ecole Universelle par correspondance, 2 volumes, 197 et 279 p.) et un Cours supérieur d'harmonie en 3 volumes : Accords consonants, Accords dissonants, Notes étrangères aux accords (Paris, 1925, 1926, 1941, Editions de l'Ecole Universelle par correspondance, 275, 266 et 266 p.)
Parallèlement à ses activités d'enseignant, Jules Mouquet s'adonnera toujours à la composition et militera pour la défense des compositeurs français. Dès 1901, il est membre de la "Société des compositeurs de musique", avant d'en être bientôt élu membre du Conseil (1903), puis trésorier et membre de la Commission des concerts (1904), puis l'un des vice-présidents (1908). Fondée en 1862, cette Société avait pour but de "former un centre permanent de réunion pour établir et entretenir entre les compositeurs de musique des relations sympathiques et suivies, sauvegarder par une entente cordiale les intérêts artistiques des sociétaires, donner enfin une impulsion puissante et féconde à l’art musical". 100 à 150 membres selon les années en faisaient partie ; ils se réunissaient dans les salons de la maison Pleyel. Organisant conférences et concerts mensuels réservés aux abonnés, elle créera plus tard (1873) son propre concours de composition et semble avoir été active jusque dans les années 1920. Parmi ses nombreux membres au fil des décennies, citons Gounod, Guilmant, Gastinel, Letocart, Samuel-Rousseau, Bellenot, Büsser, Dallier, Gedalge, Alexandre Georges, Pierre Kunc, Quef, Vierne, Tournemire, Planchet, Pougin, Ermend-Bonnal, Caussade, Florent Schmitt, Pougin, Maurice Emmanuel, Fauré, Gigout… Dans ce même esprit, il est également membre du "Salon des Musiciens Français". C'est d'ailleurs lors du banquet annuel de mai 1914 de "cette vaillante et si utile Société", que M. Valentino, Sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts, lui remet les Palmes académiques.
A sa mort, survenue le 25 octobre 1946 dans son domicile parisien du sixième arrondissement (obsèques célébrées le 28 à Notre-Dame-des-Champs), Jules Mouquet laisse un catalogue important. En plus des œuvres déjà citées supra, mentionnons un poème symphonique Diane et Endymion, une fantaisie pour orchestre d'harmonie ou fanfare Roxane, une scène lyrique avec danse Irénis, sur des paroles de S. Loen, notamment donnée en juillet 1911 à la Maison de retraite des vieux comédiens (fondée en 1903 par l'Association des artistes dramatiques) de Pont-aux-Dames (Seine-et-Marne), plusieurs pages pour piano (Au Berceau, Canzone, Chanson angoumoise, Etudes sans titre, Sarabande, Scherzo en ut) et pour orgue (2 Pièces pour orgue : Cortège en la mineur, mode éolien et Deuxième rapsodie en sol mineur, mode éolien et mode phrygien, composées en 1914 et 1916, registrées plus tard en 1953 par Maurice Duruflé), des morceaux de musique de chambre (Ballade pour basson et piano, Berceuse pour flûte et piano ou pour 5 cordes, Divertissements grecs pour flûte et harpe, Bucolique pour hautbois et piano, 3 Esquisses pour violon et piano, et pour violon, violoncelle et piano, Impromptu pour cornet et piano, Légende héroïque pour trompette ou cornet et piano, 2ème Quatuor à cordes, Rhapsodie pour saxophone alto et piano, 3 Suites pour septuor à vent : flûte, hautbois, cor 2 clarinettes et 2 bassons), des chœurs a cappella (Hymne à la jeunesse, L'Alouette, Les Nymphes), des mélodies (Poèmes de l'enfance, Ronde de nuit).
Jules Mouquet s'était marié sur le tard, en novembre 1920 à Paris avec Marie-Augustine Boisson.
Denis Havard de la Montagne
Notes manuscrites (1899) de Jules Massenet sur les 3 envois de Rome de Jules Mouquet au cours de sa seconde année (1898) à la Villa Médicis : Le Christ, poème symphonique en deux parties (Au Désert et Au Mont des oliviers), Les Captives, choeur de femmes avec mezzo-soprano solo et accompagnement d'orchestre, et copie de la Missa ad usum Cappellea pontificae (1721) d'Alessandro Scarlatti
(coll. Bnf-Gallica)
Jules Mouquet, Solo de concours pour clarinette en si bémol avec accompagnement de piano, 1902
(Paris, Evette et Schaeffer, éditeurs) DR.
Fichier audio par Max Méreaux (DR.)
Article sur une page spécifique.
Article sur une page spécifique, avec d'autres illustrations.
Fernand Halphen,
Grand Prix de Rome 1896
(après Jules Mouquet et Richard d'Ivry),
auteur notamment de l'opéra Le Cor Fleuri,
monté en mai 1904 à l'Opéra-Comique
par Albert Carré.
( Photo Cl. Otto, 1904 )
1897
Max d'Ollone (1875-1959),
Grand Prix de Rome 1897,
professeur de musique de chambre
au Conservatoire de Paris,
Inspecteur de l'enseignement musical,
directeur de l'Opéra-Comique, compositeur
( Musica, n° 98 )
Bernard CROCÉ-SPINELLI (1871-1932)
Bernard Crocé-Spinelli,
Grand Prix de Rome 1897
(après Max d'Ollone),
directeur du Conservatoire de Toulouse
à partir de 1902,
puis de celui de Bordeaux
de 1914 à 1932.
( photo Cl. Fac, Toulouse, 1904 )
Bien que parisien de naissance, c’est en province que Bernard Crocé-Spinelli fit carrière et obtint des succès non négligeables comme chef d’orchestre, directeur de conservatoires et compositeur. En 1904, deux années seulement après avoir fondé la Société des Concerts du Conservatoire de Toulouse dans le but de donner des concerts publics, Pierre Kunc soulignait dans la revue Musica que "l’orchestre de M. Crocé-Spinelli est d’une tenue superbe ; il a, en une année, franchi tous les degrés pour rapidement arriver presque à la perfection. Sonorité ample et noble, souplesse, sûreté, puissance, légèreté et douceur, rien ne lui manque de ce qui fait les orchestres de premier ordre." Il en fera de même plus tard avec l’orchestre des Concerts Classiques de Bordeaux. Travailleur acharné et pédagogue dévoué, c’est en grande partie grâce à son action que les conservatoires de ces deux villes purent se hisser au rang des meilleurs au cours du premier tiers du XIXe siècle.
Bernard- Louis Crocé-Spinelli est né le 18 février 1871 à Paris, du légitime mariage de Hector Crocé-Spinelli, bijoutier et de Mathilde Bernard-Laviolette. C’est à cette époque qu’un sien cousin, l’aéronaute Joseph Crocé-Spinelli, né le 10 juillet 1843 à Monbazillac (Dordogne), qui tentait d’explorer la haute atmosphère, perdit la vie le 15 avril 1875 : il périt asphyxié à 8800 mètres d’altitude à bord du ballon Zénith (une rue de Paris, dans le quatorzième arrondissement, lui a donné son nom). Un autre membre de la famille, René Crocé-Spinelli, né le 4 mars 1895 à Paris, fils d’Henri (architecte et frère de Bernard), est mort également dans les airs : pilote d’avion au cours de la guerre de la Première Guerre mondiale, tout juste âgé de 22 ans il fut abattu au dessus de Verdun le 20 août 1917... Bernard Crocé-Spinelli reçoit ses premières leçons de musique de la part de sa mère. Née à Paris le 15 octobre 1846, fille de Pierre Bernard-Laviolette (libraire tenant boutique sous les arcades du quartier de l'Odéon et républicain convaincu qui eut quelques démêlés politiques sous le Second Empire), Mathilde Bernard-Laviolette était une excellente pianiste : élève de Félix Le Couppey, elle avait remporté un deuxième prix de piano au Conservatoire de Paris en 1864 avec le 1er solo du 2e Concerto en la bémol de Field.
En 1884, à l’âge de 13 ans, il entre au Conservatoire de musique et de déclamation de Paris où il effectue l’intégralité de ses études musicales. Elève pour la composition de Massenet et de André Gedalge, puis de Lenepveu, il obtient en 1897 un premier Second Grand Prix de Rome avec la cantate Frédégonde, sur des paroles de Charles Morel. L’année suivante, il se présente à nouveau à ce concours, mais sa cantate Radegonde (paroles de Paul Collin) n’est pas primée. A cette époque, Crocé-Spinelli s’adonne déjà à la composition. On lui connaît en effet un Chant élégiaque pour violon et piano, publié chez Maquet en 1892, et une mélodie Le Pendu joyeux pour baryton et piano (paroles de Jean Richepin), publiée en 1898 chez Sicard. La même année, le 13 mars 1898, au Cirque des Champs-Elysées à Paris, les Concerts Lamoureux, sous la direction de Camille Chevillard, donnent en 1ère audition ses trois Poèmes chantés (par le baryton Jean Bartet) et l’année suivante Sicard publie une nouvelle mélodie, Sur un nuage, pour soprano et piano (paroles de Rachel Ulmo-Laurier). C’est l’époque également où André Caplet, son condisciple au Conservatoire, met en musique l’une de ses poésies sous le titre de Pâques citadines, pour chœur mixte à 4 voix et orchestre ou piano (1900).
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L'orchestre du Conservatoire
municipal de Toulouse, dirigé par Bernard Crocé-Spinelli ( cliché A. Provost, Toulouse ) DR |
Bernard Crocé-Spinelli, Six pièces brèves pour piano,
dédicacées "à ma mère".
(Paris, Enoch & Cie, éditeurs, 1904/coll. BnF-Gallica) DR.
Partition au format PDF
Fichier audio par Max Méreaux (DR.)Après avoir tenté vainement une ultime fois le Concours de Rome en 1901, année où il publie une nouvelle mélodie intitulée Terrienne, sur des paroles de Jean Richepin (Durand), le 10 février 1902 Bernard Crocé-Spinelli est appelé à la direction du Conservatoire municipal de Toulouse, érigé depuis 1840 en "succursale du Conservatoire national de musique et de déclamation", pour succéder à Louis Deffès. A son arrivée, Déodat de Séverac écrit dans La Renaissance Latine du 15 octobre 1902 : "… et voici que M. Crocé-Spinelli, le nouveau directeur du Conservatoire, vient de fonder une Société des Concerts du Conservatoire. On sent le progrès que le goût musical a fait à Paris, à Lyon, à Nancy, grâce à l’initiative de Lamoureux, Colonne, Savard, Guy Ropartz, nous ne doutons pas que le jeune et intelligent directeur du Conservatoire de Toulouse ne suive leur trace. M. Crocé-Spinelli a tout ce qu’il faut pour réussir brillamment et, à coup sûr, il réussira." Assurément, il réussira pleinement à la fois dans la direction de la Société des Concerts et dans celle de cet établissement qui comptait 320 élèves et 40 professeurs, et qui connut alors une "hausse très sensible du niveau des études". Georges Gros, dans son article sur "Le Conservatoire de Toulouse", nous livre de précieuses informations sur cette période :
"Les classes de solfège, qui de tout temps furent remarquables, sont maintenant hors de pair : on y fait des dictées musicales à deux et à trois parties - merveilleux entraînement pour l'entière compréhension de la polyphonie moderne. A noter également les dictées "à la volée", innovation qui, le cas échéant, permettrait à nos futurs compositeurs de noter un chant entendu pour la première fois, sans être obligés de le faire redire par périodes. Dans les classes de chant, l'étude des grands classiques (Gluck, Mozart, Haendel, etc…) est venue fort heureusement modifier le goût trop italien des jeunes gens nés sur les bords de la Garonne. Enfin, les oeuvres de Bach (inventions à deux et trois parties) ont pénétré dans les classes élémentaires de piano, et il n'est pas jusqu'aux classes d'instruments à vent qui n'aient profité de ce mouvement ascendant, en voyant une littérature musicale surannée remplacée par l'admirable collection des oeuvres modernes écrites spécialement pour des instruments qui, jusqu’alors, avaient dû emprunter aux "airs d'opéras leur pâture quotidienne."
En ce début du XXe siècle les programmes des œuvres données au cours des séances de la Société des Concerts, sous la direction de Crocé-Spinelli, attestent de leur haute tenue et montrent un vaste répertoire. On y trouve en effet des symphonies et ouvertures de Haydn, Mozart, Beethoven, Mendelssohn, Schubert, Schumann, Weber, Wagner, Brahms, César Franck, Saint-Saëns, Massenet, Théodore Dubois… et des œuvres de la jeune école française d’alors : Debussy, Charpentier, Pierné, Lutz, Halphen, Malherbe, Rabaud, Mouquet, Florent Schmitt. Au hasard des programmes, citons : en 1903-1904, les Préludes de Liszt, la Suite en si mineur pour flûte de J.-S. Bach, Antar de Rimsky-Korsakow, Espana de Chabrier, Peer Gynt de Grieg, La Nuit Persane et Le Rouet d’Omphale de Saint-Saëns, les préludes de L’Ouragan de Bruneau, le prélude du 1er acte de Fervaal de d’Indy, des fragments de Caligula de G. Fauré, des œuvres de A. Moussorgsky, Glazounow ; en 1910, la Symphonie en si bémol de Schumann, les Musiques de plein air de Florent Schmitt (1ère audition à Toulouse), les 3 Tableaux symphoniques de Saint-Saëns (1ère audition), le Concerto en sol mineur de Max Bruch (Léon Zighéra, violon), la Chaconne de J.-S. Bach. En 1913, la revue Musica relate l'un des concerts en ces termes : "La sixième et dernière audition musicale de la saison a été donnée par la Société des concerts au Conservatoire, le samedi 12 avril [1913], avec, au programme, la Symphonie avec orgue de Saint-Saëns, le Concerto pour violon et orchestre de Weber, une Havanaise pour violon de Saint-Saëns et une Ballade symphonique de P. Lacombe. Mme Magne, du théâtre du Capitole, qui a chanté l'Air du Freyschütz en cantatrice impeccable, a obtenu un très gros succès. M. Bastide, violoniste de grand talent, a supérieurement joué le Concerto de Mendelssohn, et la Havanaise de Saint-Saëns ; longuement acclamé, le virtuose a dû encore jouer la célèbre Gavotte pour violon seul de Bach. L'orchestre, sous l'habile et vigilante direction de M. Crocé-Spinelli, s'est montré tour à tour plein de chaleur et de vaillance ou de calme et de douceur, et a admirablement rendu la partie d'orchestre de ce dernier concert. La Société nous a fait entendre cette année Mme Roger-Miclos-Bataille, pianiste, Mlle Renée Labatut, harpiste, MM. Geloso, violoniste, Marcel Hambourg et Henri Schidenhelm, pianistes, Philipp Abbas, violoncelliste, Mme Magne, forte chanteuse, et M. Bastide, violoniste." Les compositeurs toulousains tiennent aussi une place de choix dans les programmes de la Société des concerts avec des oeuvres de Louis Deffès, Gaston Salvayre, Paul Vidal, Henri Büsser, Aymé et Pierre Kunc, Georges Guiraud, Dominique-Charles Planchet, Domerg, Jules Bouval.
Au cours des ces années d'avant-guerre Bernard Crocé-Spinelli est également invité à diriger d’autres phalanges de la région du sud-ouest, notamment l’orchestre du Palais d’Hiver de Pau, où, en avril 1912, il fait entendre pour la première fois dans cette ville le Concerto en fa majeur n° 2 de Bach, la Fantaisie pour piano et orchestre d’Aymé Kunc avec l’auteur au piano, le Prélude symphonique de P. Mauffret, le prélude de la Habanera de Raoul Laparra, le Printemps de Glazounow, le Chant de la Destinée de Gabriel Dupont, le prélude de Monna Vanna de Henry Février, la Fantaisie en ré majeur de Guy Ropartz et la suite d’orchestre En Orient d’Edouard Brunel.
Bernard Crocé-Spinelli à son piano, à Bordeaux, années 1920
( photo Berton, Bordeaux, coll. Mme Claude Clerc )
Durant sa période toulousaine, Bernard Crocé-Spinelli poursuit son œuvre musicale avec des œuvres pour piano : 3 Pièces pour piano (Durand, 1903), 6 Pièces brèves pour piano (Enoch, 1903), Feuillet d’album (Lemoine, 1904), 7 Rêves de fillette (Leduc, 1908) ; de la musique de chambre : Pour Bilitis, Pour Chlotis, Pour Kysé (3 pièces pour violon et piano, Costallat, 1904), Novelette pour violoncelle ou violon avec accompagnement de piano (Rouart-Lerolle, 1909) et une page vocale Les Fileuses pour contralto et chœur de femmes (Costallat, 1904), ainsi qu'un Solo de concours pour trombone et piano (Evette, 1903, puis Leduc) écrit pour le Conservatoire national de musique de Paris.
En 1914, Bernard Crocé-Spinelli laisse la direction du Conservatoire de Toulouse à Aymé Kunc pour prendre celle du Conservatoire de Bordeaux, rendue vacante par la disparition de Jules Pennequin. A cette époque cette école de musique, fondée par la Société Sainte-Cécile en 1852 et transformée en conservatoire en 1885, bien que privée est déjà considérée comme la plus riche de France, après le conservatoire de Paris, au point de vue de la qualité et du nombre des matières enseignées. C'est en 1920 qu’elle devient Conservatoire Municipal, étant alors passée sous la coupe de la municipalité, tout en restant dans les mêmes locaux du 124 rue de la Trésorerie (devenue rue du Docteur Albert Barraud en 1946). Crocé-Spinelli en est le 1er directeur, poste qu’il va occuper jusqu’à son décès ; c’est Gaston Poulet qui lui succède en 1932. Parmi les enseignants avec lesquels il eut à travailler, notons plus particulièrement Paule Carrère Dencausse, pianiste et épouse de Georges Carrère (le futur directeur du Conservatoire de Bordeaux à partir de 1948), Aristide Martz (contrepoint et fugue), André Guitraud (solfège), Charles Arthur et Maurice Mesnard (violon), Julien Vaubourgouin (direction d’orchestre, harmonie, histoire de la musique, composition), Louis Rosoor (violoncelle), Joseph Thibaud (pianiste, frère du violoniste Jacques Thibaud), Marie-Cécile Meynard (chant, qui plus tard aura dans sa classe Marcel Merkès et Paulette Merval), Anna Tariol-Baugé (chant, mère du ténor André Baugé, et qui compte parmi ses élèves Gérard Boireau, futur directeur du Grand-Théâtre de Bordeaux en 1970).
A Bordeaux, Bernard Crocé-Spinelli dirige également l’orchestre de l’Association des Concerts Classiques, émanation de la Société Sainte-Cécile, qui, par ailleurs, fait appel aux chefs les plus réputés tels que Wladimir Golschmann, Louis Fourestier, Paul Paray, Rhené Baton, Albert Wolf, Gaston Poulet, Armand Ferté, Henri Büsser, Henri Rabaud, Walther Staram, à des virtuoses reconnus : José Iturbi, Maurice Maréchal, Fernand Pollain, Marcelle Meyer, Paul Loyonnet, Claude Lévy, René Benedetti, Henri Merckel, Marcel Ciampi, Zino Francescatti, Marlyle Breslauer, Madeleine de Valmalète et à des cantatrices telles que Madeleine Grey, Marcelle Bunlet, Simone Bériau, Lina Falk…, attirant ainsi un nombreux public.
Durant sa période bordelaise, Crocé-Spinelli ne cesse de composer, notamment des musiques de scène pour Le Cid et Eucharis. Cette pièce en 4 actes et en vers, écrite par E. Lagarde et Maurice Russel, fut donnée en janvier 1928 au Grand-Théâtre, le compositeur dirigeant lui-même l’orchestre. Le journal musical Le Ménestrel du 28 février 1928 nous fournit quelques précisions sur cette partition : "Ces pages, d’une très belle inspiration, ne sont pas un simple commentaire orchestral. Elles s’enlacent au poème dont elles épousent harmonieusement le lyrisme. Le travail instrumental témoigne de l’érudition et de l’impeccable technique du compositeur qui, aux timbres de l’orchestre, a joint celui des voix humaines. On a fort apprécié cette œuvre d’une rare distinction de pensées et de forme et l’on a longuement applaudi M. Crocé-Spinelli qui la dirigea."
En dehors des œuvres déjà mentionnées Bernard Crocé Spinelli a également composé une Marche assyrienne pour orchestre et une Suite héraldique (1900), ainsi qu’une autre pièce pour orchestre intitulée Poussière d’Orient. Georges Enesco l'a rendu dédicataire de sa 1ère Rhapsodie roumaine (en la majeur), composée en 1901, créée par l'auteur à Bucarest en 1903 puis à Paris, Salle Gaveau le 7 juillet 1908 et éditée chez Enoch en 1904.
Décédé à l’âge de 61 ans le 1er juin 1932 à Bordeaux, en son logement du Conservatoire de la rue de la Trésorerie, Bernard Crocé-Spinelli laisse une veuve, Germaine Maurette, une de ses anciennes élèves qu'il avait épousée et de laquelle il n’eut point d’enfant. Un sien petit-neveu, Daniel Crocé-Spinelli, a épousé la fille de Philippe Parès (1901-1979), compositeur de musiques de films, producteur de disques et éditeur de musique, lui-même fils de Gabriel Parès (1860-1934), élève du Conservatoire de Paris (1er prix de cornet en 1879), chef de la Musique des Equipages de la Flotte de Toulon (1883) puis longtemps chef d'orchestre de la Garde Républicaine (1893), fondateur (1907) de la Revue Orphéonique et petit-fils d'autre Gabriel Parès (1830-1887), chef de musique militaire et clarinette solo à la Musique de la Garde Républicaine alors dirigée par Paulus.
Denis Havard de la Montagne
1898Pas de premier prix.
1899
Charles Levadé en 1905
( photo X... )
Musicien de théâtre et compositeur de mélodies, Charles Levadé, tout comme son maître Massenet, écrit une musique habile, souple, limpide où toute sa sensibilité se fait jour. Ses partitions sont souvent d’une inspiration heureuse, caractéristique que l’on retrouve également dans sa musique symphonique et sa musique de chambre.
Fils de Louis Levadé, agent de change, puis publiciste, et d’Hyppolite Mabboux, Charles-Gaston Levadé vint au monde le 3 janvier 1869 à Paris. En 1882, à l’âge de 13 ans, il entrait au Conservatoire de musique et de déclamation de la rue Bergère, dans les classes de solfège d’Albert Lavignac, et de piano de Charles de Bériot. Par la suite il fréquenta les cours de Georges Mathias (piano), Auguste Bazille (accompagnement), Théodore Dubois (harmonie) et André Gedalge (contrepoint et fugue). Il croisa à cette époque, chez Lavignac et Mathias, Erik Satie qui le rendit dédicataire de sa deuxième Ogives (1889, Alfred Satie, Imprimerie Dupré) et de sa troisième Gymnopédie (1888, id.). Mais c’est surtout dans la classe de composition de Massenet que Levadé trouva sa véritable personnalité musicale. Il faut dire que l’auteur de Manon, Werther et Thaïs, héritier de Gounod, était un maître du théâtre, doté d’une grande connaissance de la voix humaine et de l’instrumentation. La liste des élèves de ce professeur de composition, qui les couvait avec tendresse, est impressionnante. Près d’une vingtaine ont obtenu le Prix de Rome, parmi lesquels Alfred Bruneau, Gabriel Pierné, Gustave Charpentier, Max d’Ollone et Florent Schmitt. Il y avait aussi dans cette classe de composition, parmi les camarades de Levadé, un certain Reynaldo Hahn. Celui-ci composa d’ailleurs à cette époque, vers 1892, des Variations sur un thème de Levadé pour piano à 4 mains (inédites). Plus tard, Levadé évoquant avec émotion son professeur, écrivait dans Les Annales politiques et littéraires du 17 décembre 1911: " Un des grands talent du maître, talent inoubliable!, c’était de faire comprendre, aimer, approfondir, lui-même chantant, exécutant au piano, les œuvres des maîtres. Il nous jouait souvent Schubert et Schumann, comparant leurs différents génies jusque dans les plus petites nuances. Il nous a commenté aussi la symphonie. Je me souviens d’un cours intéressant où il nous expliqua avec clarté la hardiesse des développements de la symphonie en sol mineur du grand Mozart..."
Charles Levadé lors de son séjour à la Villa Médicis.
( photo X..., Musica, janvier 1903 )
Charles Levadé dut interrompre quelque temps ses études pour satisfaire aux obligations militaires. C’est ainsi que durant 2 ans (1890 et 1891), il effectua son service à Châlons-sur-Marne, au 166ème Régiment d’Infanterie. Il réintégra le Conservatoire dès son retour dans la capitale, et, après la démission de Massenet en 1896 suivit alors la classe de Charles Lenepveu. Celui-ci le mena en 1899 à l’obtention du Grand Prix de Rome avec la cantate Callirhoé, écrite sur un texte d’Eugène Adénis. En 1893, Levadé avait déjà obtenu un premier Second Prix avec Antigone, mais par la suite les concours de 1895 (Clarisse Harlowe) et 1896 (Mélusine) ne lui avaient pas été favorables. Dès cette époque, il faisait ses débuts publics en 1895 avec une pantomime japonaise Cœur de Magots jouée au Théâtre de la Bodinière. Cette salle, fondée en 1887 par Bodinier, alors secrétaire général de la Comédie-Française, située 18 rue Saint-Lazare, donnait alors des spectacles fort recherchés. En 1897, il écrivait la musique de Hortense, couche-toi !, une saynète mêlée de chœurs, créée au Grand-Guignol le 15 mars 1897 (Librairie Stock, Dalamain et Boutelleau, 1953). Puis ce fut ensuite un opéra de salon, l’amour d’Héliodora, représenté à Paris en 1903, mais la notoriété ne vint qu’un peu plus tard.
Scène des Hérétiques, opéra de Charles Lévadé, donné en août 1905 aux Arènes de Béziers. Cette maquette artistique en plâtre réalisée par J. Magrou représente la scène capitale de l'opéra : Roger, comte de Béziers, vient de succomber, frappé par Simon de Montfort. Bellissende, femme de Roger, se poignarde sur le corps de son époux, pendant que les croisés du Nord commencent le pillage de la ville de Béziers.
( Musica, septembre 1905 )
Après le traditionnel séjour de 4 années passé à la Villa Médicis (1900 à 1904), il fut nommé à son retour en 1905 chef du chant à l’Opéra. Cette même année, Charles Levadé remportait un succès honorable avec son opéra en 3 actes, les Hérétiques (Enoch). Ecrit sur un poème de Ferdinand Hérold, l’action de cette œuvre se passe à Béziers en 1209. Elle met en scène l’abbesse Amélys, sœur de Béllissende épouse de Roger, comte de Béziers, Simon de Montfort, et la merveilleuse Daphné dont va s’éprendre Roger de Béziers. Ce dernier, blessé d’un coup d’épée par Simon de Montfort, finit par succomber, cependant que Bellisende se poignarde sur le corps de son défunt époux. Donné en premières représentations les 27 et 29 août 1905 au théâtre des Arènes de Béziers, sous la direction de Jean Nussy-Verdié, cet opéra fut acclamé par le public. R. Brévannes écrivait dans la revue Musica : " Cette tragédie nette, véhémente, gonflée d’amour et de beaux enthousiasmes, et qui a une réelle valeur classique, seyait plus qu’aucune autre à une adaptation musicale. Celle de M. Charles Levadé est une des œuvres les mieux venues de la jeune école française. Elle a produit une intense impression, et remporté un grand succès..." Peu de temps après, il composait la musique de scène de La Courtisane de Corinthe de Michel Carré et Paul Bilhaud, montée en 1908 par Sarah Bernhardt (Cléonice) dans son Théâtre parisien. Puis ce sera en 1919, au retour de la guerre durant laquelle il avait été mobilisé, la musique de la scène alsacienne de Jean-Marc d’Anthoine : Les Fiançailles de l’ami Fritz (Paris, Editions de la Jeune Académie, 1934), La Rôtisserie de la reine Pédauque (Enoch), comédie lyrique en 4 actes et 5 tableaux, d’après le roman d’Anatole France adapté par Georges Docquois (Opéra-Comique, 12 janvier 1920), Caroles de Noël, un divertissement de Mme Chasles (1923), Sophie (Enoch), opéra-comique en 3 actes d’après l’œuvre de Louis Tiercelin, Georges Ducquois et Alfred Aubert (1923), représenté au casino de Nice en 1924, La peau de chagrin (Heugel), comédie lyrique en 4 actes d’après Balzac, poème de Pierre Decourcelle et Michel Carré (Opéra-Comique, 24 avril 1929) et enfin Le Capitaine Fracasse, sur la comédie d’Emile Bergerat et Michel Carré, tirée du roman de Théophile Gautier.
Charles Lévadé a également excellé dans un autre genre musical : les mélodies et chansons. Il en a écrit en effet une centaine, éditées chez Heugel, Enoch, Rouart, et Deiss, qui remportèrent d’ailleurs un certain succès à l’époque, telles : J’ai cueilli le lys (enregistrée en 1912 par Joseph Saucier, disque EDI 4M-27142), Les Vieilles de chez nous (enregistrée en 1958 par le baryton Michel Dens, sous la direction de Georges Tzipine, disque Plaisir Musical - I.M.E. Pathé Marconi PLM 30.159, et la même année par le baryton Marcel Merkès, disque CBS 62.386), Enlévement (enregistrée par Georges Thill et parue en 1972 chez la Voix de son Maître, VSM2 C 161-11660/61 M)... Il s’est aussi livré à la composition de musique symphonique, notamment un Prélude religieux pour orchestre à cordes (Salabert), des Danses alsaciennes et des Feuilles d’album pour grand orchestre (Enoch) ; de pièces de piano et de musique de chambre : Arrichino pour piano (Enoch), Berceuse pour piano et violon (Enoch) et d’œuvres de musique religieuse : Prélude religieux pour orgue (Rouart et Lerolle), Agnus Dei pour chœur (id.)... N’oublions pas également de mentionner son admirable Psaume CXIII pour soli, chœur et orchestre.
Mélodie (couverture et premières mesures) Les Vieilles de chez nous, de Charles Levadé, écrite sur une poésie de Jules Lafforgue, dédiée "A Mademoiselle Cora Laparcerie" du Théâtre de l'Odéon. Paris, Enoch, 1900. Edition populaire pour chant avec accompagnement de guitare arangée par Marius Faraill (existe également avec accompagnement d'orchestre, et en 2 tons pour chant avec accompagnement de piano)
( coll. D.H.M. )
Membre du Comité d’examen du Conservatoire (1921) et du jury des concours, membre de la Commission de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, chevalier de la Légion d’honneur, Charles Levadé, excellent pianiste et chanteur de talent, en outre enseigna longtemps la musique, ce qui lui valut d’être nommé officier d’Académie et officier de l’Instruction publique (1905).
Charles Levadé résida toute sa vie durant à Paris, tout d’abord rue Capron, dans le 18e arrondissement, puis rue Herran, dans le XVIe. En secondes noces, il épousa le 4 août 1919 à Paris XVIe Anne-Marie Faivre (1888-1970), fille unique de Maxime Faivre. Artiste peintre, celui-ci était élève et filleul du peintre Léon Gérôme (Vesoul, 1824 - Paris, 1904), membre de l’Académie des Beaux-Arts (1865), auteur de scènes de genre, religieuses ou grecques. Mort le 27 octobre 1948 dans la villa familiale " Médicis " à Cabourg (Calvados), édifiée par le Docteur Faivre en 1870, et inhumé au cimetière Montparnasse à Paris, Charles Levadé laissait un fils unique : Jean-Philippe Levadé (1924-1978), médecin-anesthésiste, qui à son tour aura trois enfants : Catherine, Christian, puis Philippe issu d'un deuxième lit. Christian, passionné de jazz classique, est pianiste au sein de plusieurs formations et trésorier du Jazz Club de Normandie. La ville de Cabourg afin d’honorer la mémoire du compositeur a donné le nom de Charles Levadé à l’une de ses rues...
Denis HAVARD DE LA MONTAGNE
___________La Bibliothèque nationale du Québec propose un enregsitrement ancien des Vieilles de chez nous, de Charles Levadé : http://www4.bnquebec.ca/musique_78trs/mc236.htm
Texte de Charles Levadé sur la page À la Villa Médicis.
( coll. Musica et Memoria) DR.
Charles Levadé, mélodie J'ai cueilli le lys sur un poème de Maurice Boukay
[pseudonyme de l'homme politique, ministre, poète et chansonnier
Maurice Couyba (1866-1931)]
(in Album Musica, n° 6, mars 1903/coll. BnF-Gallica) DR.
Partition au format PDF
Fichier audio par Max Méreaux
avec transcription pour clarinette de la partie vocale (DR.)
Edmond-Paul-Henri MALHERBE, né le 21 août 1870 à Paris, décédé le 7 mars 1963 à Corbeil-Essonnes (91). Entre au CNSM en 1884 : 1ère médaille de solfège 1886, 1er prix d’harmonie 1891, 2ème prix contrepoint et fugue 1895. Elève de composition de Massenet et de Fauré. En 1897, ce dernier note à propos de son élève : " A composé récemment un remarquable sextuor pour instruments à vent d’une forme excellente. " 1er Second Grand Prix de Rome en 1898 (pas de Grand Prix décerné cette année), 2ème Premier Grand Prix de Rome en 1899 (derrière Charles Levadé). Prix Trémont de l’Académie des Beaux-Arts à trois reprises (1907, 1913 et 1921), Grand Prix musical de la Ville de Paris en 1950. Compositeur prolifique, il est l’auteur de symphonies, d’une dizaine d’opéras (Radegonde, Madame Pierre, L’Avare, L’Emeute, Cléanthis ou la Veuve sans l’être, Anna Karénine, Le Mariage forcé, Néron, L’Amour et Psyché…), d’une pantomime (Monsieur de Pourceaugnac), de chœurs, de mélodies (Amour et parfum, Complainte, Fleurs et Papillons...), de pièces pour piano (Air de ballet, Caprice, Danses anciennes en forme de menuet, Gavotte dans le style ancien, Pièces enfantines, Scherzo, Valses...) et de musique de chambre, notamment 2 Quatuors à cordes (2 violons, alto, cello), un Sextuor à vent (remarqué par Fauré), un Nonette pour cordes et piano, une Sonate pour violon… On lui doit également deux ouvrages didactiques : Système musical et clavier à tiers de tons, avec notice et plan (1891) et L’harmonie du système musical actuel à demi-tons (1920).
Denis HAVARD DE LA MONTAGNE
Monsieur Kenichi Fujimaki, traducteur de la version en japonais du Traîté de la Fugue de Gedalge, a publié des échantillons audio des exemples musicaux inclus dans cet ouvrage (et autres fugues)
sur la chaîne YouTube des éditions Glycine, avec suivi automatique de la partition.
Cette chaîne propose des fugues de MM. Revel, Messiaen, Rivier, Enesco, Schmitt, Morpain, Malherbe, Boulay, Depecker, Koechlin, Van Doren, Vidal.
Léon Moreau (1870-1946),
Grand Prix de Rome 1899,
professeur de piano et
d'écriture musicale à Brest,
compositeur
( photo Ruck, 1910 )
Château de Compiègne, 5 au 11 mai 1900, les 11 candidats au concours d’essai du Prix de Rome. De g. à dr. : Roger-Ducasse (assis sur le garde-corps), César-Abel Estyle (derrière), Edouard Trémisot, Léon Moreau, Maurice Ravel, Gabriel Dupont, Angelin Biancheri, Albert Bertelin, Florent Schmitt (lit le journal), Aymé Kunc (assis sur la 2e marche) et Louis Brisset (assis sur le garde-corps)
(Musica, 1913, coll. DHM) DR.
Léon Moreau, Bohémienne. "Cette pièce de piano, d'exécution relativement facile, est à la fois délicate et pittoresque.
(in Album Musica, janvier 1911, coll. M. Méreaux) DR.
Partition complète au format PDF
Fichier audio par Max Méreaux (DR.)
Louis BRISSET (1872-1939)
Louis Brisset, mention au Grand Prix de Rome en 1899.
( photo musica, 1900. )
Ami d’Alfred Cortot et de Paul Ladmirault, directeur un certain temps des Petits Chanteurs à la Croix de Bois, de la succursale de la Schola Cantorum à Pau, c’est surtout lorsqu’il prit la direction du Conservatoire de Nantes que Louis Brisset acquit une certaine notoriété. Son action des plus remarquables, en donnant notamment une sérieuse impulsion à cet établissement lui valut la reconnaissance de ses compatriotes qui donnèrent bientôt son nom à une rue de Nantes.
Né le 25 août 1872 à Constantine (Algérie), où sa famille d’origine Corse s’était fixée quelque temps, il s’installa très jeune à Nantes lorsque son père, officier, y fut nommé. Elève au Conservatoire de cette ville, il intégra ensuite celui de Paris. Là, il fréquenta notamment la classe d’orgue de Widor, de contrepoint et fugue de Lenepveu, ainsi que de composition tenue par le même maître. En 1898 il obtenait un 1er accessit de contrepoint et fugue, et l’année suivante se présentait au Concours de Rome avec la cantate Callirhoé, une scène lyrique à 3 voix qui lui valut de la part l’Académie des Beaux-Arts une mention honorable. Il concourut à nouveau l’année suivante, mais le sujet imposé, Sémiramis, ne lui porta guère chance cette fois-ci et aucune récompense ne lui fut accordée ! Il ne quittera jamais tout à fait son cher CNSM, où il reviendra régulièrement en tant que membre du jury du Comité des examens.
Louis Brisset fréquenta la Schola Cantorum de Charles Bordes, Vincent d’Indy et Alexandre Guilmant dès sa fondation en 1894. C’est à cette même époque qu’il se lia d’amitié avec Alfred Cortot et Paul Ladmirault, le premier futur fondateur de l’Ecole Normale de Musique, et le second, chantre de la Bretagne et futur directeur du Conservatoire de Nantes. Directeur des Petits Chanteurs à la Croix de Bois durant une année, qui rappelons-le ont été fondés en 1907, il succédait en décembre 1916 à Paul Maufret à la tête de la Schola Cantorum de Pau, où il se trouvait encore à la fin de la guerre. Lorsqu’il apprit plus tard la vacance du poste de directeur du Conservatoire de Nantes à la suite du décès d’Henri Weingartner, il posa sa candidature et fut nommé en 1922. Il fit venir dans cet établissement son ami Ladmirault et lui offrit une classe de contrepoint et de fugue. Ils fondèrent ensemble une chorale et développèrent la classe d’orchestre, ce qui leur permirent de présenter au public l’audition de grandes œuvres classiques.
Louis Brisset se retira en 1937, mais deux ans plus tard, le 26 avril 1939, il mourrait à Nantes, laissant une veuve, Marguerite Le Bihan-Pennanroz, professeur au Conservatoire de Nantes et co-fondatrice du Cercle Celtique de Nantes, qu’il avait épousée en deuxièmes noces l’année précédente.
On connaît de ce compositeur délicat une page de musique religieuse : Salutation angélique, pour chant et piano (Salabert) donnée par les Concerts Lamoureux en 1906, Deux poèmes, poésies de Villiers de l’Isle-Adam, interprétés par les Concerts Colonne en 1908, et de nombreuses autres mélodies écrites sur des paroles de Théophile Gautier (Noël, Les Matelots), Théodore de Banville (L’Air), Maurice Maeterlinck (Désirs d’Hiver), Paul Bourget (Sérénade Italienne) ou encore E. Berteaux (Dix Poèmes d’Armor)... éditées chez Hachette, Demets ou Joanin, ainsi qu’un Allegretto scherzando pour piano et violon (Demets), un opéra inédit : Altaïr, écrit sur un livret d’E. Berteaux, et 2 livres de pièces pour piano. On lui doit également des harmonisations de chants béarnais et bretons. Le 28 octobre 1951, la ville de Nantes lui rendait un ultime hommage en organisant un concert consacré à ses œuvres.
Michel Villedieu