Michel Baron - Cours de contrepoint rigoureux

Règles communes aux cinq espèces

 

Modes

On travaille le contrepoint dans les modes majeur, mineur et grégoriens. Chaque exercice doit rester dans un même mode et une même tonalité: les textes donnés (C.F.) sont généralement courts et même si on peut admettre une seule modulation passagère à un ton voisin, par exercice, c'est un jeu dangereux (voir Bitsch § 60). En mineur, on recommande d'éviter la très facile juxtaposition au relatif majeur en y entrant par le IIIe degré.

Difficultés particulières du mode mineur

Les trois types de modes mineurs peuvent se présenter dans un même exercice (Bitsch, § 33 et suivants), mais il y a toujours un risque à les rapprocher de manière trop brutale. L'oreille est juge, mais on peut adopter les lignes de conduite prudentes suivantes:

Modes grégoriens

Dans les modes grégoriens on ne travaille que deux espèces: les rondes et le fleuri. Dans ces modes, on évite tout enchaînement rappelant le majeur, et on essaye de mettre en évidence, dans les enchaînements harmoniques ou les mouvements mélodiques, les degrés particuliers qui donnent à chacun de ces modes sa couleur particulière.

- Mode de ré : la tierce mineure et la sixte majeure.
- Mode de mi : la seconde et la tierce mineures.
- Mode de fa : la quarte augmentée.
- Mode de sol : la tierce majeure et la septième mineure.

L'étude des modes est à recommander pour leur intérêt musical, mais aussi à titre de "rafraîchissement", en particulier lorsqu'on travaille le fleuri à trois voix, qui est une des écritures les plus souples qui soient.

 

Règles mélodiques

Tessitures des voix

Les notes noires ne doivent être utilisées qu'exceptionnellement. Références: Gallon - Bitsch § 11, qui ne permet pas le si bémol du ténor. Koechlin, p. 14, est un peu plus permissif, surtout dans le registre supérieur de la basse.

Intervalles mélodiques

Bien qu'il faille rechercher la plupart du temps le mouvement conjoint, on peut utiliser les intervalles suivants:

Secondes majeure et mineure
Tierces majeure et mineure
Quarte juste
Quinte juste
Sixte mineure seulement
Octave juste
Saut d'octave: il est rarement adroit sur la sensible. Il doit toujours être précédé et suivi de mouvements mélodiques qui lui sont contraires. En d'autres mots, le saut d'octave se dirige dans la région dont provient la mélodie, et on le quitte en retournant dans cette même région. Cette règle est impérative, avec pour seule tolérance une broderie de même sens, dans les cas difficiles.

Saut de sixte: la règle précédente, absolue pour l'octave, est à conserver en mémoire pour la sixte. On peut la formuler selon le règlement plus "militaire" des septièmes et neuvièmes en 3 notes:

Septièmes et neuvièmes en 3 notes: les septièmes et neuvièmes en trois notes sont interdites sauf dans les cas difficiles où l'un des deux intervalles peut être un mouvement conjoint, de préférence en valeurs longues (blanches, rondes).

Triton: on ne doit pas écrire un triton à découvert, que ce soit sous forme de quatre sons conjoints ou même en trois notes. Il doit être précédé ou suivi d'un mouvement conjoint de même sens, pour des raisons d'attraction naturelle. Comme toujours, il peut se présenter diverses exceptions musicales à cette règle (voir Koechlin, pages 8 et 9). Telle que formulée ici (Bitsch, § 28A) elle a l'avantage d'être aussi simple que bénéfique.

Quinte augmentée: la quinte augmentée en 2 sauts de tierce tient de l'arpège et ne devrait pas être employée. Pour des raisons d'attraction naturelle également la quinte augmentée parcourue en quatre notes doit se poursuivre par un mouvement conjoint de même sens (Bitsch, § 28B).

Mouvement disjoint à la barre de mesure: il doit rigoureusement être évité, surtout en noires. On l'admet s'il est précédé d'un mouvement de direction contraire (Bitsch, § 26). Le plus mauvais mouvement disjoint au moment de la barre de mesure est le saut de tierce, peu dynamique, mou et d'un effet presque toujours fade.

Dernière mesure

Dans tous les genres d'exercices, la dernière mesure ne fait entendre que des rondes, quel que soit le nombre de voix.

Eléments hors-style

Intervalles interdits: tous les intervalles chromatiques, augmentés ou diminués, sont absolument proscrits, sans aucune exception.

Répétition de notes: jusqu'à quatre voix on ne doit pas répéter de note, dans aucune espèce, et sous aucun prétexte. L'habitude d'une telle licence n'ajoute rien à l'intérêt mélodique et amoindrit la recherche, objet de l'étude du contrepoint. On attendra le fleuri à cinq voix pour répéter une ronde, une fois seulement par voix, dans les cas difficiles seulement.

 

Règles harmoniques

Une harmonie par mesure

On doit employer une seule harmonie par mesure. Au premier temps de chaque mesure on doit entendre l'accord parfait majeur ou mineur ou son premier renversement, ou encore le premier renversement de l'accord diminué.

Dans le reste de la mesure, il peut arriver qu'une autre harmonie soit suggérée par le jeu des notes étrangères, mais à cette seule condition.

Il n'est pas interdit de faire se succéder dans deux mesures une harmonie et son renversement.

La première et la dernière mesure ne doivent être harmonisées que par l'accord du Ier degré, en position fondamentale.

L'avant-dernière mesure doit être harmonisée par:

- l'accord du Ve degré (état fondamental ou sixte)
- l'accord du VIIe  degré en renversement de sixte.
- le IIe  degré, si on peut faire entendre la sensible en note de passage (Bitsch. Dupré n'en parle pas).
Il faut bien convenir que ce qui précède constitue une règle quelque peu arbitraire. On peut parfois réussir de très bons "coups" en dehors d'elle. En tout état de cause, il est admis de s'affranchir de cette tyrannie, au besoin, dans les contrepoints modaux.

Notes étrangères

La seule note étrangère possible sur le premier temps est le retard supérieur, qui fait partie de l'espèce syncopes. Sur les autres temps, les seules notes étrangères permises sont les notes de passage et les broderies (inférieures ou supérieures).

Octaves, quintes et unissons directs

En principe, il faut éviter le mouvement direct aussi souvent que possible (Bitsch, § 39).

Parties extrêmes: entre les parties extrêmes, les octaves et quintes directes sont toujours interdites, sauf l'octave directe dans la dernière mesure à partir de trois voix, si la partie supérieure progresse par mouvement conjoint.

Parties quelconques: entre des parties quelconques (toute autre combinaison de parties excepté les extrêmes ensemble) les règles sont les mêmes qu'en harmonie: l'une des deux voix doit être conjointe, à défaut de quoi la note de l'octave (ou l'une des notes de la quinte) doit être entendue dans l'harmonie précédente.

Si c'est la voix supérieure qui est disjointe, il faut éviter la quinte directe arrivant sur les degrés secondaires, II, III, VI, et l'octave directe descendante sur n'importe quel degré (Bitsch, § 45, note 2).

NOTE : certains traités sont beaucoup plus tolérants. Ainsi Koechlin les accepte entre les extrêmes si la partie supérieure est conjointe, et ailleurs si l'une des deux parties est conjointe (Précis des règles du contrepoint, page 3) comme on le propose souvent aujourd'hui dans les études d'harmonie. Les Tableaux synoptiques des règles de contrepoint d'Alain Weber détaillent les autres variantes possibles de ces règles. D'un point de vue purement pratique, la nécessité de rigueur tout au long de l'études du contrepoint invite à recommander d'adopter immédiatement les principes en vigueur dans le conservatoire ou l'établissement où on souhaiterait poursuivre des études avancées.

L'arrivée sur l'unisson direct n'est jamais permise. La plupart du temps, ce sont surtout ces arrivées par mouvement direct qui risquent d'être tentantes et qu'il faut absolument éviter. En revanche, bien que la plupart des traités n'interdisent pas de quitter l'unisson par mouvement direct, il est certain que c'est une circonstance à surveiller parce qu'elle risque d'être gauche. Mais ces éventualités de quitter l'unisson par mouvement direct sont plutôt rares.

Autres intervalles directs

On ne doit pas arriver sur une seconde mineure par mouvement direct. On peut arriver par mouvement direct sur une seconde majeure si l'une des notes de la seconde a été entendue immédiatement avant.

Les septièmes et neuvièmes directes sont préférables dans le cas des septièmes mineures, ou des neuvièmes majeures (pour éviter les dissonances apparentées au demi-ton).

Unissons

L'unisson est tout à fait permis (et souvent nécessaire ou inévitable) au début et à la fin d'un exercice. En cours de texte, il ne doit pas se présenter sur un premier temps, sauf à 5 voix. Bitsch le tolère même à 4 voix, sur temps fort, mais entre basse et ténor seulement (Bitsch, § 53).

L'unisson par mouvement oblique conjoint doit être évité. Il peut être toléré par seconde majeure, jamais par seconde mineure (Bitsch, § 53 B).

Intervalles consécutifs ou parallèles

Secondes, septièmes et neuvièmes consécutives sont admissibles seulement si la deuxième seconde ou neuvième est majeure, ou si la deuxième septième est mineure (en d'autres termes, si la dissonance produite n'est pas apparentée au demi-ton, mais plutôt apparentée au ton).

Les tierces, quartes et sixtes sont limitées à trois. Cependant on peut faire exception à cette règle dans l'espèce en syncopes (Bitsch, § 40, notes page 24).

Par contre Bitsch interdit d'écrire (dans trois parties) plus de deux accords de sixte en rondes parallèles (même §).

Octaves et quintes consécutives doivent être séparées par 4 temps, autrement dit ne pas se présenter sur le même temps à la mesure suivante, mais un temps plus tard.

Mais on les admet plus rapprochées à condition que la seconde ne soit pas frappée:

- par mouvement contraire, même dans le cas de deux quintes réelles,

- par mouvement contraire ou même direct, si l'un des deux intervalles résulte d'une note purement mélodique ou même si le deuxième intervalle est causé par une note réelle ayant l'apparence d'une note de passage (Bitsch, § 43, 2o, note 2).

À partir de 5 voix, il suffit que les quintes ou octaves soient séparées par une blanche ou deux noires.

Note: ces règles sont très différentes de celles d'un cours d'harmonie élémentaire. Consulter à fond, et souvent, dans le traité de Bitsch, le § 43 page 25, abondamment illustré.

Croisements

Ils sont permis, à trois voix et plus, pour des durées brèves et pour développer l'intérêt mélodique. Les points d'intersection doivent être exempts de bavures et d'ambiguïtés.

Les croisements avec la basse ne sont pas impossibles, mais plus rares. Ils doivent être particulièrement adroits et bien justifiés harmoniquement.

La première et la dernière mesure ne doivent pas comporter de croisement, jusqu'à 4 voix. À partir de 5 voix, on admet les croisements à la dernière mesure.


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